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M. est une enfant calme. Elle observe beaucoup et s’exprime peu en classe. Elle semble timide mais elle arrive tout de même à donner son opinion lorsqu’elle est avec ses ami(e)s.

Au moment de l'évaluation préliminaire connaît le nom des nombres et elle peut identifier la position des chiffres. Lorsqu’il s’agit d'identifier la valeur des chiffres relativement aux positions occupées, elle confond valeur et position. Par exemple, si je lui demande combien il y a de dizaines dans 432, elle ne désignera que la position de la dizaine. De plus, elle dira de 20 qu'il est équivalent à deux dizaines mais de 200 qu'il est équivalent à 12. Lorsqu’il s'agit d'enlever 20 au nombre 234, elle sera incapable d'arriver à un résultat et ce, malgré l’utilisation d’un matériel de son choix. Elle organise difficilement le matériel en regroupements (groupements de groupements équivalent à la centaine). Les différents critères de l'abstraction logico-mathématique n’étant pas satisfaits, je l'interroge sur les critères de la composante procédurale logico-mathématique.

Elle sait illustrer le nombre 234 à l’aide des enveloppes et des jetons mais cette illustration demeure strictement instrumentale au sens de Skemp (1976) car, elle ne saura pas regrouper les dizaines en centaines. Elle sait que dix unités sont équivalentes à une dizaine mais elle croit que dix dizaines sont plus petites que dix unités. De même, elle croit que dix dizaines sont plus petites qu'une centaine. Elle ne sera pas portée à organiser le matériel de façon à trouver des solutions. Elle ne satisfait donc pas les critères de la composante procédure logico-mathématique.

Je poursuis l'investigation à partir des critères du niveau de l'abstraction logico- physique. Elle reconnaît qu'il y a la même quantité entre un nombre d'objets déposés en vrac sur la table et le même nombre d’objets organisés en groupements de dix et de cent. Lorsque je décide de défaire le nombre organisé en dizaines et en centaines, elle hésite avant de

reconnaître l'équivalence. Des apprentissages auraient donc été enregistrés à ce niveau mais la réversibilité n'est pas encore en place.

Je vérifie ensuite la conservation du nombre en lui demandant lequel, de trois bonhommes, est le plus riche: le premier a trente jetons, le deuxième a trois dizaines de jetons et le dernier a deux dizaines de jetons et dix jetons. Elle affirme que celui qui a trois paquets de jetons est le plus riche. Elle n'a donc pas une conservation des grands nombres d’après leur disposition.

Par la suite, je lui pose le problème suivant. Je lui dis qu'un quatrième bonhomme a "tout ça" d'enveloppes (en posant une dizaines d’enveloppes devant elle). Je lui demande d'aider ce bonhomme à compter ce qu’il a. Elle me dira qu'on peut compter par dix mais ne saura pas s’organiser avec des centaines (grouper les groupements).

M ne satisfait donc pas les critères de conservation et de réversibilité nécessaires à une abstraction fut-elle logico-physique. Elle reconnaît dans un premier temps que la quantité n'est pas modifié par la structure (126 en vrac est la même chose que 126 en centaine, dizaines et unités) mais elle hésite avant de reconnaître que la structure ne modifie pas cette même quantité (hésitation à reconnaître 126 quand je veux défaire l'organisation). Elle reconnaît qu’un paquet de dix est équivalent à une dizaine mais cette équivalence ne lui apparaît pas évidente lorsqu'il y a trois dizaines. Elle semble ici présenter ce que Wilson (1989) appelle T’inconsistent thought".

Elle me semble posséder davantage de critères décrits au niveau procédural logico- physique. Elle nomme les groupements et regroupements lorsqu’ils sont déjà faits. Mais elle ne sait pas qu'on estime mieux une quantité lorsqu'on regroupe par paquets. Elle sait compter

bonds. Elle compte les paquets en disant dix, vingt... ou un, deux...

Elle dépasse de peu la compréhension intuitive qui a tout de même été évaluée. Elle sait que plus il y a de chiffres, plus le nombre est grand. Elle possède les habiletés de comptage de Fuson (1988). Compte tenu de ses réponses antérieures je peux déduire que la notation positionnelle est perçue comme juxtaposition chronologique plutôt que de manière conventionnelle.

M. se retrouve donc au niveau intuitif logico-physique. Elle satisfait certains critères de la compréhension procédurale logico-physique. Elle nomme les groupements et peut les

compter (compte par bonds). Les quelques critères issus des autres composantes me semblent relever davantage de la mémorisation, ou "de règles sans raison", comme le disait Skemp, que d’une réelle compréhension. M. a encore besoin de manipuler. J’ai d'ailleurs remarqué qu'elle se parle en travaillant

Dans la classe, le professeur note une facilité à illustrer un nombre, à lire et écrire des nombres en ordre croissant et décroissant mais une difficulté à ordonner, à comparer, à poursuivre une suite de nombre et à décomposer. Ainsi, dans le bulletin émis par l'école, la note globale de M. en ce qui a trait aux nombres naturels est B, pour ce qui touche à sa capacité à organiser sa démarche dans une situation de résolution de problème, C.

L'approche que je privilégierai pour M. sera celle de l'imagerie mentale. En effet, M. est une enfant calme, capable de s'arrêter et de se concentrer. Je crois qu'elle tirera profit d'une approche qui lui permet d’aller au-dedans d'elle-même. De plus, M. utilise sa mémoire efficacement. Je pourrai donc faire resurgir des souvenirs qui seront les images reproductrices nécessaires à un travail sur les images mentales. Actuellement, les images reproduites semblent statiques et ne semblent pas accepter de transformations, ce qui permettrait de s'adapter à de nouveaux problèmes. Par exemple, ayant reconnu trois dizaines dans le nombre 234, elle demeure incapable d'enlever vingt à ce nombre.