• Aucun résultat trouvé

souvent associé aux projets de réaménagement des fronts de mer, le paysagiste participe à définir des stratégies de gestion du littoral. Mais ces projets s’inscrivent trop souvent dans une logique (méthodologie) urbaine, fixiste et parfois dépourvue voire contraire à toute stratégie d’adaptation ou de gestion d’une évolution génératrice de nouveaux paysages. c’est parce qu’il s’agit de distinguer l’adaptation et la capacité à s’adapter. celle-ci pose de vraies questions d’aménagement, de paysage et de politique publique dans laquelle le paysagiste, interventionniste et créateur d’espace, doit (s’) être intégré. le paysagiste peut, et se doit de, contribuer au débat public et à la recherche sur l’adaptation en soulignant différents obstacles :

- celui de l’idéologie technicienne et aménagiste héritée du 19e siècle, elle-même héritée de Descartes qui considérait que l’homme était «comme maître et possesseur de la nature». On sort peu à peu de ce schéma de pensée, comme l’atteste le nouvel intérêt porté aux «méthodes douces» de défense du littoral. On ne lutte plus contre les éléments naturels, on compose avec. les évènements climatiques récents ont forcé les politiques publiques à progresser en ce sens. il en sera d’ailleurs question dans le chapitre 2 en évoquant le Grenelle de la mer puis la tempête Xynthia. - celui de considérer les espaces menacés par les changements climatiques comme des entités éternelles, soudainement menacées par la hausse eustatique. Les zones côtières sont par nature des espaces mouvants, muables et c’est à partir de cela qu’il faut raisonner. D’où la pertinence d’une approche en termes de géographie des territoires.

- celui de réduire le problème sociétal du niveau marin aux coûts économiques. Certains acteurs prétendent qu’il faut protéger les zones importantes en terme d’activités humaines et économiques et qu’il faut envisager d’être plus souple pour les autres. Mais le problème est que l’on raisonne à l’aune de nos conceptions économiques contemporaines, et que ce qui n’a pas de valeur aujourd’hui peut en avoir demain ; écueil auquel se heurtent économistes et sociologues qui tentent de modéliser les impacts des changements climatiques sur la croissance économique (picon, 2005).

le littoral doit donc être pensé en terme de réversibilité, leitmotiv alimentant toute démarche relative à l’adaptation. il conviendra ainsi de comprendre et de faire le lien entre projet d’adaptation et projet de paysage et de percevoir les leviers d’actions aboutissant à de nouvelles stratégies littorales.

iii. les outils d’appréhension, de compréhension et de

projection : entre rétrospective et prospective

1. etudes et retours d’expériences professionnelles

parallèlement à l’écriture de la thèse et à nos recherches sur la camargue, nous avons mené des études dans le cadre professionnel (cf. chapitre liminaire) qui ont nourri la réflexion et l’approche méthodologique (notamment sur la construction de scénarios prospectifs). les études sur le quartier de la bouillie à blois et des prairies st-Martin à rennes nous ont permis de nous confronter à la question du risque d’inondation et de concevoir des projets en lien avec celui-ci, suite à une stratégie de repli stratégique des enjeux bâtis. ces expériences ont été de véritables laboratoires à partir desquels nous avons pu proposer des stratégies d’adaptation (spatiale et paysagère) au risque d’inondation fluviale, théoriser notre démarche en nous rapprochant de la communauté scientifique et approfondir les notions de résilience, de vulnérabilité et de mitigation (atténuation) des risques en appliquant à la notion de projet de paysage.

2. travail de terrain et recherches bibliographiques

outre le nécessaire arpentage du site camarguais utile à l’émergence des ressentis (approche sensible) et à la lecture paysagère, le travail de terrain mené en camargue (deux fois 10 jours) nous a permis de rencontrer les principaux acteurs locaux (gestionnaires, scientifiques, politiques, habitants, touristes) et de les interroger sur leur vision du littoral et sur son avenir confronté à la hausse eustatique.

Les recherches bibliographiques ont été utiles pour vérifier, affiner et compléter nos observations de terrain et pour analyser rétrospectivement la trajectoire paysagère du delta du Rhône, fluctuant entre fixisme et mobilisme au cours de son histoire et caractériser une éventuelle mémoire du risque d’inondation et de submersion. D’autres recherches bibliographiques ont été menées afin de nourrir la réflexion prospective construite dans la troisième partie.

3. analyse systémique et prospective

une analyse systémique a permis d’étudier le territoire camarguais, de comprendre les interactions à l’œuvre et d’évaluer les mutations en cours et à venir. cette analyse s’apparente à une approche basée sur l’analyse de l’anthroposystème* (lévêque et al., 2003). Cette analyse est souvent utilisée par le paysagiste afin d’isoler les dynamiques paysagères en cours et d’identifier les agents sur lesquels agir dans le cadre du projet de paysage. les temporalités étudiées peuvent concerner une période très étendue, de l’étude des évolutions passées (analyse rétrospective) à celle du fonctionnement présent et à l’analyse des développements futurs possibles (prospective).

c’est ainsi que nous avons cherché à caractériser la démarche de prospective appliquée au risque et à la recherche de stratégies d’adaptation. nous avons trouvé dans

75

la prospective (souvent intéressée à la démographie, à l’économie, à l’emploi… mais très rarement au socio-culturel et au paysage) une démarche méthodologique similaire à celle du projet de paysage et nous avons jugé pertinent d’explorer les principes d’une prospective paysagère et de tester son application à la camargue, territoire expérimental depuis longtemps de toutes formes de gestion. la problématique du changement climatique et de la hausse eustatique convoquent à une attitude pré-active (se préparer à un changement anticipé), voire même pro-active (provoquer un changement souhaitable), ce qui exige de bâtir de la connaissance pour l’action (le projet) et de préfigurer différentes options afin d’offrir différents choix stratégiques. nous avons ainsi exploré de nombreux scénarios imaginés par les acteurs locaux puis construit nos propres visions à très long terme : des futurs paysages possibles, des “ futuribles* paysagers* “.

l

’ouverture de certaines disciplines ou milieux académiques et la nécessité d’engager la pratique dans des approches réflexives et prospectives (notamment liées au changement climatique et à la hausse eustatique) offrent aujourd’hui de nouvelles opportunités et appellent au développement de la recherche en paysage. celle-ci est ici conduite selon une vision paysagiste sans cesse animée par et pour le projet (de paysage), en s’appuyant sur ses propres outils (communs à d’autres disciplines) ou en s’associant à d’autre à l’instar de la prospective.

77

cHapitre

inadaptation des stratégies et