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sur de nombreuses portions du littoral français, les tendances historiques de l’évolution (notamment régressive) du trait de côte et les causes de cette évolution ont été décrites, analysées et expliquées par les géographes et les géomorphologues (costa et al., 2003 ; Sabatier et Suanez, 2003 ; Sabatier et al., 2009). Le non renouvellement du stock sédimentaire depuis la remontée postglaciaire et l’élévation contemporaine du niveau de la mer (+ 15 cm depuis 1880) expliquent cette tendance au recul du rivage (paskoff, 2004). par ailleurs, les travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’evolution du climat(Giec, 2001 ; MeeDDat, onerc, 2008) ont analysé et précisé les effets du changement climatique sur les territoires littoraux. selon les scénarios du Giec, l’élévation du niveau de la mer estimée d’ici à 2100 varie entre + 9 cm et + 85 cm (Giec, 2001), soit une élévation moyenne d’environ 47 cm, trois fois supérieure à celle du siècle précédent. De nombreux facteurs anthropiques ont contribué à la dynamique de recul (Miossec, 1998, 2004 ; paskoff, 1993, 1998). selon les résultats du programme de recherche européen eurosion sur la mesure de l’érosion des côtes européennes (commission européenne, 2004), le quart des côtes françaises métropolitaines est concerné par l’érosion du littoral (iFen, 2006, 2007).

la confrontation entre le recul du trait de côte (parfois associé à des submersions marines) et la concentration croissante d’enjeux humains et économiques dans la frange côtière des communes littorales, déterminent la construction d’un espace de danger potentiel ou un territoire à risques (Meur-Férec, 2002, 2006 ; Meur-Férec et al., 2008 ; Meur-Férec et Morel, 2004). en raison de la mobilité intrinsèque des systèmes naturels côtiers et des formes littorales, le choc entre ces deux dynamiques (Deboudt, 2010) s’est manifesté à partir du milieu du 19e siècle par la sédentarisation de populations, d’habitations ou d’équipements en bord de mer (balnéarisation). Depuis, trois facteurs ont compliqué la gestion de ces interactions (paskoff, 1998) :

- à la gestion de l’évolution du trait de côte maîtrisée par la construction d’ouvrages de défense côtière s’est ajoutée, dans les années 1990, la gestion de la pénurie sédimentaire sur les plages ;

- dans les années 1990, l’état a changé de stratégie dans la gestion des risques naturels, en privilégiant la prévention au détriment de la maîtrise de l’aléa ;

- les conséquences du changement climatique sur l’élévation potentielle du niveau de la mer accroît la pression d’exposition aux aléas d’érosion et de submersion exercée sur les territoires côtiers (Vinchon et al., 2009).

l’approche techniciste s’est illustrée par la construction de lourds ouvrages souvent coûteux réduisant le littoral au « trait de côte » et figeant peu à peu les paysages. Les tempêtes de la fin du 20e siècle ont montré les limites de cette approche dans laquelle l’action des ouvrages modifie les dynamiques de fonctionnement du milieu et aggrave l’érosion côtière. Depuis les années 1990, une approche ”environnementale” propose de gérer non plus les effets mais les causes de l’érosion. elle s’accompagne de nouveaux modes d’intervention, comme le rechargement ou le drainage de plage, l’accompagnement de la mobilité des dunes… bien qu’ ”environnementale” sous sa forme plus douce et peu impactante sur le paysage, cette approche (se superposant le plus souvent aux ouvrages) tente de corriger ou de limiter les dynamiques par rééquilibrage des stocks sédimentaires. par ses effets avérés sur le ralentissement de l’érosion, elle reste une déclinaison héritière du fixisme et ne s’inscrit pas dans une quelconque durabilité spatio-temporelle (comme l’illustre l’exemple du cordon de galets à cayeux-sur-Mer).

une troisième démarche est apparue, la gestion intégrée des zones côtières (GiZc). complémentaire à la précédente, elle considère que :

« les politiques en faveur de la protection du littoral doivent répondre

tout autant aux enjeux de protection des espaces urbains ou industriels, des ports et des lieux touristiques, qu’à ceux des espaces à haute valeur patrimoniale, en intégrant leur évolution et les probables impacts du changement climatique. La prise en compte globale des paramètres

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humains, économiques, urbanistiques et environnementaux devient ainsi un gage de réussite des politiques publiques en faveur du littoral»1.

avec cette nouvelle approche apparaît une nouvelle échelle, celle du littoral, espace vivant et évolutif. l’approche systémique requise par la GiZc prend en compte la complexité du littoral, tant sur le plan physique (interface terre-mer) que sur le plan de la gestion et de la gouvernance.Ces principes généraux, définis pour l’élaboration d’une nouvelle politique d’aménagement des territoires littoraux en France, ont des conséquences sur la politique de gestion des risques naturels littoraux. Dans le respect des principes généraux énoncés en 2002 pour la politique de l’état en matière de gestion des risques naturels, l’émergence de stratégies régionales de gestion des risques naturels littoraux est contemporaine de l’élaboration des projets de GiZc.

en 2004, l’union européenne a aussi formulé dans le programme eurosion (commission européenne, 2004 ; Ferreira, 2006) des propositions sur l’élaboration de stratégies de gestion des risques naturels côtiers dans la perspective de l’élévation du niveau de la mer : d’après ce programme, il s’agirait de renforcer la résistance côtière en restaurant le bilan sédimentaire tout en prenant en compte le coût de l’érosion côtière dans les décisions d’aménagement et d’investissement, ceci afin de limiter la responsabilité publique en cas d’évènements et de dommages et en anticipant l’érosion côtière en planifiant des solutions pour y remédier à long terme et non plus au coup par coup. pour cela il est apparu nécessaire de consolider la base des connaissances en matière de gestion et de planification de l’érosion côtière.

l’élévation attendue du niveau des océans, quelle que soit sa valeur, a des implications sociales considérables, nonobstant les mutations écologiques et paysagères qu’elle entraînera. Des solutions d’ordre technique et politique existent et l’on doit considérer que les deux aspects sont étroitement mêlés. on dispose et des moyens techniques pour « lutter » contre le recul des littoraux et d’une expérience séculaire, amendée par les erreurs du passé. ils autorisent les trois stratégies de réponse qui sont la résistance sur place, le recul planifié et même la contre-attaque, en gagnant de l’espace au détriment de la mer. tout est affaire de choix, qui dépend de l’acceptation par les sociétés littorales de la solution envisagée et du coût financier des opérations. Cela ne dispense pas de mettre en place des politiques et des stratégies spécifiques d’adaptation.

ainsi, des programmes de recherche2 (exploratoire) sont menés plus particulièrement sur l’avenir des territoires littoraux :

- le projet straricc (recul stratégique de la ligne du rivage face au changement climatique) lancé en 2008 dont l’objectif était d’estimer la position future du rivage (en particulier en Méditerranée), d’analyser et d’évaluer la cohérence des outils

1 Ministère de l’écologie, de l’énergie, du Développement durable et de la Mer, en charge des technologies vertes

et des négociations sur le climat, 2010, La gestion du trait de côte, ed. quae, 352p.

réglementaires pour les adapter par intégration du risque de submersion.

- le projet theseus1 (coordonné par l’université de Bologne) qui s’achèvera fin 2013, dont l’objectif est d’établir des propositions réalistes d’adaptation des littoraux face au changement climatique afin de réduire les risques d’inondation et d’atténuer les impacts de l’érosion côtière. les travaux portent sur tous les aspects, depuis l’évaluation des conditions climatiques et hydrologiques actuelles et l’identification des enjeux du territoire jusqu’à la proposition de solutions techniques de protection mais aussi sur l’évacuation des populations. ce programme s’applique sur huit sites pilotes en europe, dont l’estuaire de la Gironde, et aboutiront à un logiciel expert d’aide à la décision pour l’aménagement et la protection des littoraux.

par ailleurs, les recherches en climatologie et en modélisation permettent aujourd’hui des représentations climatiques futures affinées à l’échelle régionale (identification de la nature des impacts mais peu de leur ampleur). toutefois, l’intégration des modèles dans l’élaboration de politiques d’adaptation n’est pas totalement satisfaisante (Dessai et al., 2009), notamment parce qu’elle ne prend pas suffisamment en compte les connaissances produites à d’autres échelles, par différentes disciplines et selon d’autres méthodologies (Koch et al., 2007). ces lacunes ont favorisé l’émergence d’une approche fondée sur la vulnérabilité du territoire face aux changements climatiques (Füssel, 2007), à l’instar de la camargue, alors que d’autres approches sont possibles (voire souhaitables).