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a synthèse des avis recueillis lors des différents comités a conduit à approfondir et à croiser les scénarios « Nourrir la ville » et « Fédérer par l’eau ». L’activité agricole, le maintien du paysage ligérien et de la biodiversité associée sont les éléments fondamentaux qui ont conduit le comité de pilotage à retenir ces deux visions. ainsi, un ultime scenario de

parc agricole urbain fut développé dans le cadre d’un plan-guide détaillé, dernière étape

de l’étude prospective.

nous nous pencherons d’abord sur les concepts et processus de recomposition choisie du territoire et des réponses proposées en terme de programmation conduisant au renouvellement paysager du val blésois. puis, nous nous interrogerons sur l’émergence d’une nouvelle culture du risque relative à la réappropriation du territoire et aux spécificités du parc agricole urbain. Enfin, l’évolution de certains outils de prévention du risque d’inondation participe-t-elle de cette nouvelle culture du risque ? parmi les outils existants, dans quel cadre réglementaire inscrire le plan-guide du scénario développé à la suite de l’étude ? une harmonisation des outils paraît-elle pertinente ?

i. lecture et analyse du projet retenu : coévolution d’une dynamique

naturelle et d’une production de paysage

On se propose d’effectuer ici une lecture du scénario final selon le concept de trame verte et bleue (tVB) désigné comme un des grands projets nationaux français issus du Grenelle de l’environnement (2007) inscrit dans la stratégie nationale pour la biodiversité (2011-2020) et décliné dans certains agendas 211.

Dans son glossaire, cette stratégie décrit la tVb comme « démarche structurante

qui consiste à inscrire la préservation et la restauration des continuités écologiques dans les décisions d’aménagement du territoire. elle inclut une composante verte qui fait référence aux milieux naturels et semi-naturels terrestres et une composante bleue qui fait référence au réseau aquatique et humide (fleuves, rivières, zones humides...) »2.

l’enjeu de la constitution d’une trame verte et bleue s’inscrit bien au-delà de la simple préservation d’espaces naturels isolés et de la protection d’espèces en danger. il s’agit d’une part de (re)constituer un réseau écologique cohérent qui permette aux espèces de circuler et d’interagir, d’autre part de contribuer à la protection, à la gestion et à l’aménagement des paysages (habitats des structures paysagères) afin qu’ils continuent à rendre à l’homme leurs multiples services (cf. convention européenne du paysage).

1 en cours d’élaboration en loir-et-cher.

1.1 la trame bleue ou le chemin de l’eau, l’expression de la vulnérabilité résiliençaire

La vision finale (figure 24) de l’étude illustre un projet dans lequel l’eau reconquiert, de manière plus ou moins étendue1 (figure 25) et selon une palette de motifs paysagers variés et restaurés, le val entre loire et cosson en s’appuyant sur les traces du passé : ancien canal de blois, nouveau réseau de fossés et de mares, gravière... les usages - terrains de sport, aire de grand passage, parc exposition, jardins familiaux, maraîchage - se structurent autour de ce chemin où l’eau organise un parcellaire évoquant l’histoire construite du lieu et suggérant d’autres potentialités d’usages (loisirs notamment). Dans les prairies, le chemin de l’eau prend une forme plus souple, moins structurée et s’y décline sous forme de noues, de mares et d’affleurements de nappe.

1 il a été proposé deux schémas dans lesquels les surfaces en eau varient en fonction de la saisonnalité du

pay-sage..

1. trames verte et bleue, une superposition de l’hydrosystème et du

sociosystème

Figure 24 : schéma de renouvellement du val ligérien blésois et du quartier de la Bouillie.

source atelier de l'Île, 2010. réalisation Morisseau

Figure 25 : chemin de l’eau entre loire et cosson. extrait du plan guide. source atelier de l'Île,

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par ailleurs, rappelons que l’un des objectifs du projet est bien celui de montrer le risque par une présence marquée du chemin de l’eau. ainsi, la trame bleue, caractérisée par la réactivation du canal de blois et la réintroduction de l’eau (via des annexes hydrauliques), devient la nouvelle expression de la vulnérabilité du territoire mais vulnérabilité résiliençaire puisqu’évocatrice du risque d’une part et productrice (et fédératrice) d’espaces et d’usages d’autre part (figure 26).

1.2 la trame verte, des fonctions de production

aux abords du chemin de l’eau, la trame verte se décline selon des motifs paysagers, prairies naturelles, prairies de pâture (agropastoralisme), jardins familiaux et maraîchage.

l’agriculture maraîchère est répartie en trois entités selon le contexte géographique et les potentialités paysagères du site. elle se distingue par la création de « quartiers maraîchers » en lieu et place des anciens secteurs habités, quartiers du Glacis (5 ha), de la Fouleraie (11 ha) et des parcs (20 ha). le maraîchage s’y décline en une typologie de circuits courts identifiés avec les partenaires locaux (jardins de Cocagne, lycée horticole, Val bio centre1, chambre d’agriculture 41) et pour lesquels la communauté d’agglomération mettrait à disposition des baux (fixation d’une contrepartie financière et (ou) d’une demande de prestations de gestion ou d’aménagement selon un cahier des charges) : l’après-couveuse d’entreprise (ou « crèche d’entreprise »), les Jardins de Cocagne, des

1 association loi 1901, Val bio centre regroupe des adhérents maraîchers et arboriculteurs biologiques de la région

centre.

Figure 26 : schéma d’implantation des usages du val ligérien blésois proposée dans le cadre de l’étude prospective du quartier de la Bouillie. source atelier de l'Île, 2010. réalisation Morisseau

exploitants indépendants et autonomes, des jardins partagés, un verger public ou encore une self-cueillette1 maraîchère. ainsi déclinée, la trame verte devient multi-productive : paysages, biodiversité, biomasse, économie et emplois.

2. un nouvel anthroposystème

Dans ce contexte, le couple trame verte et trame bleue voit émerger un nouveau sociosystème (lapierre, 1992) superposé et fédéré à son écosystème. cette superposition de l’écosystème et du sociosystème nous amène à considérer la régénération du géosystème et plus exactement le renouvellement de l’anthroposystème2. Du géosystème, cette notion reprend l’idée de l’occupation, de l’usage et de la transformation de l’espace naturel par les sociétés. Cependant, elle s’en distingue notamment par sa définition qui met en perspective l’évolution temporelle du système et qui insiste sur l’aspect coévolutif des systèmes naturels et sociaux associés sur un territoire soumis à des transformations d’origine interne et externe (lévêque et al, 2003). elle met donc l’accent sur l’aspect sociétal dans une dimension de projet de territoire. ainsi, les systèmes sociaux d’un anthroposystème, occupant un espace donné, exploitent les ressources naturelles et utilisent les écosystèmes qui s’inscrivent dans ce territoire. ils restructurent ces systèmes naturels et les transforment en productions sociales dont les dynamiques s’affranchissent des seules lois bio-physico-chimiques, et dont le paysage en est la traduction et l’expression la plus littérale.

autrement dit, le projet proposé illustre la coévolution d’une dynamique naturelle et d’une production de paysage instaurant le renouvellement paysager. ainsi, il ne s’agit pas d’un seul continuum écologique mais également d’un continuum social inscrit au sein d’un système d’intelligence de projets : l’anthroposystème ; lesquels nous amènent à appréhender le nouveau territoire sous l’angle de la réappropriation sociétale.

ii. Réappropriation du territoire et émergence d’un « parc

spécialisé » : vers une nouvelle culture sociétale du risque

1. Reconversion spatiale et reconquête territoriale

au cours des années 1990, l’avènement de la notion de développement durable a fortement influencé les relations homme-nature, généralisant la prise en compte de la dimension environnementale dans la plupart des politiques d’aménagement du territoire. cette évolution se traduit par un élargissement de la notion d’environnement qui intègre

1 concept né en angleterre dans les années 1970.

2 « L’anthroposystème peut être défini comme une entité structurelle et fonctionnelle prenant en compte les

inte-ractions sociétés-milieux, et intégrant sur un même espace un ou des sous-systèmes naturels et un ou des sous-systèmes sociaux, l’ensemble co-évoluant dans la longue durée. Selon l’objet de recherche choisi et les problématiques définies de manière interdisciplinaire, l’anthroposystème peut se décliner à différents niveaux d’organisation spatio-temporels, allant du local, au régional et au global et du passé (analyse rétrospective), au présent (étude et modélisation du fonctionnement actuel) ou encore au futur (scénarios prospectifs des évolutions possibles) ». (léVêque cH., MuXart t., abbaDie l.,

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dans l’approche écologique des préoccupations économiques et sociales. Dans cette perspective, on assiste par exemple à une évolution du parc urbain traditionnel auquel on cherche aujourd’hui à confier de nouvelles fonctions en le (re)qualifiant de « parc naturel

urbain » (PNU). Ainsi, nombreuses sont les villes à développer des projets de PNU. Pour

n’en citer que quelques-unes : strasbourg et les quartiers de Koenigshoffen, toulouse, pau, rueil-Malmaison, agen, nancy, brive, Montpellier, nîmes… ou rennes et les prairies st Martin.

ces projets révèlent le dépassement des fonctions traditionnelles (promenade, isolement de la ville et de son agitation, loisirs, sports, repos…) du parc urbain en considérant la nature comme une infrastructure de la ville (au service de la ville) et non plus comme un seul “cadre“ ou un “décorum“. ces nouveaux équipements urbains, d’échelle généralement plus grande que les parcs classiques, s’appuient au départ et pour la plupart sur la reconversion d’un espace inondable préconisée par un ppri. puis, la cohérence recherchée dans les projets induit une reconquête plus globale du champ d’expansion des crues accompagnée d’objectifs ou d’opportunités urbaines et paysagères (couture urbaine, maillage viaire, continuités des trames, traitement des franges…) ; on passe ainsi d’une reconversion spatiale (nouveaux espaces) à une reconquête territoriale (nouveaux lieux).

si ces nouveaux parcs naturels urbains conservent des fonctions classiques du parc urbain, ils en intègrent d’autres (observation de la faune et de la flore notamment) illustrant la transformation de l’écologisation des pratiques aménagistes. celle-ci se caractérise par la reconstitution ou recomposition de milieux naturels en lien direct avec la dynamique alluviale (champ de l’écologie du paysage) et par la valorisation des compensations paysagères (propositions de nouveaux usages) relatives à l’inondabilité.

cette évolution implique elle-même une transformation des processus de gestion de l’espace et traduit le plus souvent la recherche d’une gestion intégrée. ainsi, par exemple, outre l’aménagement de sentiers piétonniers, d’aires de jeux, d’espaces ouverts aux manifestations sportives et culturelles dans le champ d’expansion des crues de l’ille reconquis, le projet du futur parc naturel urbain des prairies st Martin à rennes, intégrera une gestion agropastorale (troupeaux de vaches, chevaux, ânes) renvoyant vers des déterminismes ruraux. De nouvelles coalitions territoriales multiscalaires semblent ainsi s’inventer à la charnière de deux mondes ; des hybrides territoriaux émergent autour de politiques publiques inter-territoriales capables de combiner plusieurs objectifs du développement durable et de répondre à des besoins collectifs jusqu’ici indépendants afin de permettre une nouvelle réappropriation de ces territoires reconquis.

cependant, cette hybridité, de plus en plus répandue, n’est-elle pas dans ces nouveaux parcs naturels urbains un spectre par lequel l’évènementiel prévaut pour divertir l’urbain ? ou encore la mise en exposition d’une connotation rurale où la gestion territoriale souhaitée ne serait pas si intégrée (car ne correspondant pas à la réalité économique locale), relativisant de fait le principe de réappropriation sociétale ? un autre type de parc

urbain hybride, le parc agricole urbain, propose une meilleure appropriation sociétale. il s’agit d’un parc naturel urbain qui aurait d’abord caractérisé et rendu spécifique son mode de gestion afin de mieux l’intégrer dans un nouvel espace socio-économique.

2. Vers un parc agricole urbain à Blois

si le projet de parc agricole urbain de blois développé dans l’étude prospective entend proposer les fonctions d’un parc naturel urbain, d’autres fonctions de réappropriation sociétale lui sont attribuées. l’exemple le plus démonstratif de cette réappropriation serait les espaces consacrés à une activité de self-cueillette. Dans ce commerce de plein air, la brouette se substitue au caddy et le visiteur cueilleur devient autonome et actif dans son mode de consommation. l’espace de production s’appuie sur l’organisation du lieu (canaux, fossés, allées plantées, bosquets...) associant à l’aspect commercial le caractère ludique d’une (re)découverte du paysage périurbain. ce concept traduit parfaitement les opportunités de loisirs d’un parc agricole urbain auxquelles s’ajouteraient des « agriloisirs », des «écoloisirs» et des « extra-quatiques » (loisirs complémentaires du centre aquatique). en tout cela, la self-cueillette semble répondre à la question de l’appropriation de l’espace public par l’ensemble de la collectivité. le plan guide fait référence aux jardins de Gally (50 ha) situés en région parisienne (planche photographique 7).

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3. la pluralité des démarches du parc agricole urbain

l’exemple du quartier périurbain de la bouillie montre un ensemble de potentialités admises par le développement de ce parc spécialisé. l’agriculture maraîchère de proximité intègre des démarches de divers ordres :

- une démarche ressourciste, le parc nourricier ;

- une démarche agraire progressive : l’agriculture support d’une activité économique, créatrice d’emplois ;

- une démarche agraire sensible : l’espace agricole (re)donne au citadin le sens du territoire et du temps rural. il propose un cadre de vie, un espace de loisir et de sociabilité permettant à chacun de se recréer ou de recréer (prost, 1994 ; bacchialoni, 2001) ;

- une démarche écologiste : l’agriculture comme espace de nature qui préserve la biodiversité et qui en tire partie (échanges biologiques) ;

- une démarche agro-urbaine : l’agriculture comme une infrastructure urbaine (Fleury et Donadieu, 1997) au service de la ville ;

- une démarche paysagère : l’agriculture gestionnaire de l’espace périurbain (Morisseau, 2011) ;

- une démarche résiliençaire : l’agriculture, une réponse à l’intégration des risques par le renouvellement paysager (Morisseau, op. cit.).

ainsi, pour répondre à l’une des questions initiales de ce chapitre, ce projet de parc agricole urbain pourrait se définir1 comme un projet de mitigation paysagère dans la mesure où il participe à la réduction de la vulnérabilité paysagère (conséquente à la ZaD) tout en maintenant un faible niveau de vulnérabilité face au risque d’inondation. il tire aussi partie de l’intégration du risque par de nouvelles formes de productions paysagères. plus qu’une reconversion spatiale, il s’agit d’une reconquête du territoire périurbain (figure 26 page suivante) où le renouvellement paysager s’accompagne d’une réappropriation sociétale.

par ces nouveaux paysages du risque, ce projet traduit l’émergence d’une nouvelle culture sociétale du risque d’inondation ; culture d’une société qui aurait rendu le risque visible et plus acceptable parce que producteur de nouveaux paysages, de nouveaux espaces et de nouveaux usages.

Enfin, il semble que cette nouvelle culture du risque s’illustre par une évolution du cadre réglementaire relatif au risque d’inondation.

1 Du point de vue de la programmation, si cette étude prospective a prédéfini un projet compatible (en terme

d’oc-cupation du sol) avec le risque et en lien avec les potentialités locales, elle n’est que le point de départ d’une réflexion à appro-fondir en termes d’objectifs techniques et productivistes. au-delà des images séduisantes issues de cette première étape, il conviendrait de vérifier, d’une part, la faisabilité technique des propositions liées au chemin de l’eau (annexes hydrauliques, surfaces et hauteurs d’eau...), d’autre part, d’un point de vue de la programmation, de mesurer précisément et peut-être plus prudemment la réalité économique des circuits courts locaux du maraîchage biologique.

Ainsi, on s’interrogera pour savoir si les signaux perçus comme « faibles » par les acteurs locaux ne sont pas parfois des si-gnaux forts (car médiatiquement amplifiés) auxquels ne correspondent pas de réelles tendances ; en opposition notamment avec la récente tendance au hard discount (prix concurrentiels) mise en évidence dans les études du credoc et dont les parts de marché sont bien supérieures à celles des Amap. Ainsi, dans l’objectif de « nourrir la ville », le statut et l’échelle même des entreprises maraîchères devraient faire l’objet d’une analyse fine pour déterminer les objectifs de clientèles, de productivité et de distribution comparés à leur bilan environnemental afin de ne pas réaliser, au final et au-delà des potentialités spatiales et paysagères, un projet en contradiction avec les ambitions initiales d’un parc agricole urbain.

Figure 27 : Vue axonométrique du projet de parc agricole urbain de la Bouillie. source atelier

de l'Île, 2010. réalisation Morisseau

Photo 12 : Vue oblique du quartier et du déversoir de la Bouillie. source agglopolys, lavallart

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iii. Vers une nouvelle culture réglementaire des territoires