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la gestion du risque par la Déclaration d’utilité Publique : entre déconstruction et valorisation

B. le recul stratégique des enjeux et émergence d’un cycle adaptatif

2. la gestion du risque par la Déclaration d’utilité Publique : entre déconstruction et valorisation

Sur la base du premier schéma directeur (Atelier Ruelle Paysage, 2001) (figure 15), la ville engagea en 2006 une procédure de Déclaration d’Utilité Publique afin de maîtriser le foncier et de réaliser les opérations préconisées par l’étude paysagère, notamment en matière de gestion des inondations.

2.1 une prise en compte limitée et localisée du risque d’inondation

le premier objectif du projet présenté dans le dossier soumis à enquête publique est l’aménagement du champ d’expansion des crues afin d’atténuer le risque d’inondation des quartiers situés aux abords de l’ille. ces orientations consistent à réduire la vulnérabilité du site en supprimant la zone d’habitat spontané du secteur Raoul Anthony (remplacé par une végétalisation type prairie) et à accroître la capacité de stockage de la crue par la restauration du lit majeur de la rivière (par le creusement de l’ancienne zone industrielle du trublet1, fortement remblayée, et par la suppression des obstacles potentiels). Des mesures structurelles complètent ces aménagements par la réalisation d’ouvrages de protection2 du quartier nord (Motte-brûlon) contre les crues. l’ensemble de ces mesures vise à compenser les remblaiements envisagés pour la construction de la Zone d’aménagement concertée (Zac) armorique3 (au nord de la ZI du Trublet), pour laquelle des pistes de réflexion relatives à la récupération et à la gestion des eaux pluviales ont été proposées.

1 soit près de 60 000 m3 de terre à évacuer, correspondant à un décaissement de surface de 1,20 m.

2 protection par palplanches.

3 550 logements, 1 700 m2 de bureaux, 1 500 m2 de commerces, équipements publics…

le deuxième objectif vise à réaliser un aménagement qui participe à la renaissance du quartier : valorisation des entités paysagères caractéristiques, de la prairie humide, des haies bocagères des jardins familiaux et de l’étang créé par décaissement au nord… maintien de la biodiversité (iDea, 2005). il s’inscrit également dans la volonté de préserver un couloir écologique, de la coulée de verte de Patton à la Prévalaye. Enfin, le projet prévoit, outre la création d’un parc à caractère naturel, le développement de loisirs, d’activités culturelles et la création de liaisons inter-quartiers.

Figure 15 : Premier schéma directeur du réaménagement des Prairies st martin. atelier ruelle,

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ce premier schéma directeur a montré les potentialités du site et les opportunités d’aménagement tant en terme de gestion de l’inondabilité qu’en terme de paysages et d’écologie urbaine. cependant, si au quartier raoul anthony, situé au cœur du champ d’expansion des crues, se substituerait une végétalisation superficielle des remblais (reconquête des prairies), les mesures de gestion du risque d’inondation se limitent géographiquement au nord du site au réaménagement partiel du lit majeur de l’ille. 2.2 une mise en scène de l’inondabilité par une prise en compte plus globale du champ d’expansion des crues

entre 2006 et 2008, la Ville de rennes1 a engagé une nouvelle réflexion sur le devenir du site, qu’elle a confiée à l’Atelier de l’Île, dans le cadre de sa mission de conseil en architecture et paysage. initialement, l’étude commandée consistait à réaliser un schéma d’organisation spatiale et à définir quelques principes d’aménagement de surface. Cependant, le cabinet de paysagistes a mené une réflexion de fond sur le fonctionnement global de cet espace le conduisant à réinterroger la problématique de l’inondabilité. en effet, pour le bureau d’étude, l’ensemble des prairies st Martin constitue le champs d’expansion de l’ille (lit majeur). par conséquent, la présence de remblais observés sur une large partie des prairies s’avérait incompatible avec la fonction de stockage et d’expansion des crues (atelier de l’Île, 2008) : « aujourd’hui remblayé, le site des prairies st Martin ne joue plus

son rôle de régulateur des crues, sa capacité de stockage ayant été fortement réduite »2. a ce constat s’ajoute l’analyse paysagère. celle-ci met en évidence l’absence de perception du chemin de l’eau et de son caractère inondable principalement liée au profil trop homogène des prairies, à l’effacement du réseau de drainage, à l’aspect dissimulé de l’illet et, d’une manière générale, au manque de relation entre le site et l’eau, élément pourtant fondateur du lieu.

a partir du postulat « demain, libérées des constructions faisant obstacle à

l’écoulement des eaux », quel devenir accorder aux parcelles déconstruites ? A cette

problématique de reconquête, le bureau d’étude a associé la volonté de construire un paysage démonstratif du risque d’inondation en redonnant à l’eau sa fonction d’organisation du paysage, de réservoir de biodiversité et de support d’agrément.

S’agissant de retrouver la fonction d’expansion des crues puis de l’affirmer, il a été proposé d’évacuer par décapage les remblais existants3 afin de favoriser l’installation de prairies humides, paysage caractéristique des milieux naturels inondables. Dépendantes du niveau de la nappe souterraine et de sa géométrie d’affleurement, les prairies présenteraient un faciès variable selon la saison. Un travail de nivellement fin a été préconisé afin de redécouvrir les traces hydromorphologiques du passé (les fossés notamment), d’encourager la mise en place de mares temporaires et de favoriser le drainage.

1 service parcs et jardins.

2 atelier De l’Île, 2008, Les prairies st Martin, vers un parc naturel urbain en cœur de ville, schéma

d’orga-nisation, principes d’aménagement et plan guide, cavalié b, Morisseau G, brard D., Ville de rennes, pp.31

3 terrassement compris entre 0,50 et 2,00 m de profondeur sur l’ensemble des emprises nécessaires correspondant

A une échelle plus large, le schéma directeur (figure 16) propose une nouvelle organisation de l’espace selon une succession de séquences paysagères qui mettent en scène un gradient de prairies semi-sèches à humides selon les modelés topographiques (entre canal, fossés, prairies, jardins et ille).

Enfin, les prairies deviennent fédératrices d’espaces et d’usages diversifiés : espaces de découverte et d’observation des prairies humides et de leur écosystème, espaces de grandes manifestations festives et sportives, support de sentiers d’interprétation thématiques (prairies humides, prairies sèches, jardins, canal).

Figure 16 : Deuxième schéma directeur du réaménagement des Prairies st martin. atelier de l’Île,

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ce projet, validé1 par les élus en 2008, marque une étape supplémentaire de l’intégration du risque dans la politique d’aménagement de ce site inondable. il manifeste plus encore l’intérêt porté par les pouvoirs publics au paysage du risque d’inondation en tant qu’ « atout de promotion d’un autre aménagement du territoire » (Beucher et Rode, 2009) et par les opportunités de valorisation multiforme qu’il fait naître.

D’autres projets traduisent cet intérêt mobilisant d’autres outils de déconstruction à une échelle plus élargie et visent des opportunités de valorisation plus nombreuses. c’est le cas notamment du quartier de la bouillie à blois.