• Aucun résultat trouvé

Mer combattue, mer acceptée : un projet de paysages et ses problématiques Bas-Champs (Picardie, France) et Camargue (PACA, France)

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Mer combattue, mer acceptée : un projet de paysages et ses problématiques Bas-Champs (Picardie, France) et Camargue (PACA, France)"

Copied!
460
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: tel-01651750

https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-01651750

Submitted on 29 Nov 2017

HAL is a multi-disciplinary open access

archive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

ses problématiques Bas-Champs (Picardie, France) et

Camargue (PACA, France)

Grégory Morisseau

To cite this version:

Grégory Morisseau. Mer combattue, mer acceptée : un projet de paysages et ses problématiques Bas-Champs (Picardie, France) et Camargue (PACA, France). Sciences de l’environnement. Sorbonne 2013. Français. �tel-01651750�

(2)

 

UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE

ÉCOLE DOCTORALE DE GEOGRAPHIE DE PARIS

Laboratoire de recherche ENEC UMR 8185

T H È S E

pour obtenir le grade de

DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE

Discipline/ Spécialité : Géographie / Aménagement, urbanisme et dynamique des espaces

Présentée et soutenue par :

Grégory MORISSEAU

le : 08 février 2013

MER COMBATTUE, MER ACCEPTÉE :

UN PROJET DE PAYSAGES ET

SES PROBLÉMATIQUES

Bas-Champs (Picardie, France) et

Camargue (PACA, France)

Sous la direction de :

Mr Jean-Paul AMAT

Professeur de géographie, Université Paris IV

JURY :

Mr Richard LAGANIER

Professeur de géographie, Université Paris VII,

rapporteur

Mr Philippe DEBOUDT

Professeur de géographie, Univ. Lille1,

rapporteur

Mr Paul ALLARD

Professeur d’histoire, Université de la Méditerranée,

examinateur

Mme Sylvie SERVAIN

Maître de conférences en géographie, ENSNP,

examinateur

Mr Jean-Paul AMAT

Professeur de géographie, Université Paris IV,

examinateur

Mr Bernard CAVALIE

Paysagiste, Directeur de l’Atelier de l’Ile Paris,

examinateur

(3)
(4)

un projet de paysages et

ses probléMatiques

grégory Morisseau

sous la direction de jean-paul amat

(5)
(6)
(7)
(8)

7

RemeRciements

J

’adresse mes plus vifs remerciements à tous ceux qui m’ont apporté leur concours. Ma reconnaissance va tout particulièrement à jean-paul amat qui a accepté de diriger cette

thèse et avec qui j’ai eu plaisir à partager de passionnantes et nombreuses discussions. Je remercie tout aussi chaleureusement Bernard Cavalié, directeur de l’atelier de l’Île, pour l’intérêt qu’il a porté à cet exercice et la compréhension dont il a fait preuve en me laissant ponctuellement organiser mon temps de travail en faveur de la thèse.

Ma gratitude s’adresse également à sylvie servain, maître de conférence en géographie à l’ecole nationale supérieure de la nature et du paysage, pour ses conseils et ses encouragements.

J’adresse mes remerciements aux acteurs scientifiques de Camargue rencontrés sur le terrain parmi lesquels : Mireille provansal, professeur de géographie physique à l’université Marseille, Bernard picon, directeur de recherche en sociologie à l’université d’aix-Marseille, eric Coulet, directeur de la réserve nationale de camargue et régis Vianet, directeur adjoint du parc naturel régional de camargue.

Je remercie sylvie servain, richard Laganier, paul allard, philippe deboudt, Bernard

Cavalié et jean-paul amat, membres du jury, qui ont accepté d’évaluer ce travail.

Enfin, j’aimerais exprimer ma plus profonde reconnaissance à ma famille, mes parents et

mon frère, pour leur soutien infaillible et en particulier à delphine pour sa patience, son

(9)

note aux lecteuRs

1- les termes marqués d’une astérisque (*) - à leur première occurence - renvoient au glossaire.

2- Les illustrations, distinguant photos, cartes et figures, sont répertoriées en tables en fin de thèse. Le terme « figure » regroupe schémas, plans, coupes, tableaux, axonométries, photomontages, diagrammes, histogrammes, frises et autres.

3- les sigles et les acronymes utilisés sont rassemblés et explicités dans le répertoire suivant.

(10)

9

siGles et acRonYmes

aDeme agence De l’environnement et de la Maîtrise de l’energie

amaP association pour le Maintien de l’agriculture paysanne

aot autorisation d’occupation temporaire

asa association syndicale autorisée

BRGm bureau des recherches Géologiques et Minières

caue conseil en architecture, urbanisme et environnement

cePRi centre européen de prévention du risque d’inondation

ceReGe centre européen de recherche et d’enseignement sur les Géosciences de l’environnement

ceRtu centre d’etudes sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques

cetemF centre d’etudes techniques Maritimes et Fluviales

cnml conseil national de la Mer et des littoraux

csme compagnie des salins du Midi et des salines de l’est

DDaF Direction Départementale de l’agriculture et de la Forêt

DDe Direction Départementale de l’equipement

DDtm Direction Départementale des territoires et de la Mer

DPm Domaine public Maritime

DReal Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du

logement

Dta Directive territoriale d’aménagement

DuP Déclaration d’utilité publique

eaRl exploitation agricole à responsabilité limitée

ensnP ecole nationale supérieure de la nature et du paysage

FFsa Fédération Française des sociétés d’assurance

Gaec Groupement agricole d’exploitation en commun

GFs Global Forecast system

Giec Groupement d’experts intergouvernemental sur l’evolution du climat

GiZc Gestion intégrée des Zones côtières

HVe Haute Valeur environnementale

insee institut national de la statistique et des etudes economiques

meDaD Ministère de l’ecologie, du Développement et de l’aménagement Durable

meDDtl Ministère de l’ecologie, du Développement Durable, des transports et du logement

(11)

meeDDm Ministère de l’ecologie, de l’energie, du Développement Durable et de la Mer

nRa national river authorities

nGF nivellement Géographique Français

oGs opération Grand site

oneRc observatoire national sur les effets du réchauffement climatique

onF Office National des Forêts

PaDD projet d’aménagement et de Développement Durable

Pam port autonome de Marseille

PaPi programme d’actions et de prévention des inondations

PeR plan d’exposition aux risques

PiG projet d’intérêt Général

PlGn plan loire Grandeur nature

Plu plan local d’urbanisme

PnRc parc naturel régional de camargue

Pnu parc naturel urbain

Pos plan d’occupation des sols

PPR plan de prévention des risques

PPRi plan de prévention des risques d’inondation

PPRl plan de prévention des risques littoraux

PPRn plan de prévention des risques naturels

RGa recensement Général agricole

RsPB royal society for protection of birds

saGe schéma d’aménagement et de Gestion des eaux

sau surface agricole utile

scea société civile d’exploitation agricole

scot schéma de cohérence territoriale

sDaGe schéma Directeur d’aménagement et de Gestion des eaux

sePnB société d’etude et de protection de la nature en bretagne

sHom service Hydrographique et océanographique de la Marine

smacoPi syndicat Mixte pour l’aménagement de la cÔte picarde

sYmaDRemsYndicat Mixte d’aménagement des Digues du rhône et de la Mer

tDens taxe Départementale des espaces naturels sensibles

tFe travail de Fin d’etudes

tRi territoires à risques d’inondations importants

tVB trame Verte et bleue

unesco United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization

WRF Weather research and Forecasting

ZaD Zone d’aménagement Différé

ZnieFF Zone naturelle d’intérêt ecologique, Faunistique et Floristique ZPPauP Zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager

(12)

11

sommaiRe

intRoDuction GénéRale

cHaPitRe liminaiRe - Plaidoyer pour une thèse

a. la thèse et son contexte

i. le regard particulier de l’ingénieur paysagiste ii. entre recherche et application professionnelle iii. une thèse en géographie

B. la dépoldérisation des Bas-champs Picards : exploiter une expérience théorique de projet de paysage à l’origine de la thèse

i. « en somme, rendre la terre à la mer » : démarche, réflexions, questions, réponses ii. Des expériences professionnelles : de nouvelles questions soulevées

iii. les objectifs multidirectionnels de la thèse C. Plan et déroulé de la réflexion

PaRtie 1 – le PRoJet De PaYsaGe, un outil De

RéDuction De la VulnéRaBilité

cHaPitRe 1 - méthodologie

a. etat des lieux de la recherche

i. la gestion du trait de côte : évolution des approches ii. la camargue, un territoire de recherche

III. Les demandes sociales et scientifiques et la nécessité de réponses B. le prisme du paysage, objet de projet : l’approche du paysagiste

i. tout est paysage

ii. le paysagiste face à l’évolution des littoraux

iii. les outils d’appréhension, de compréhension et de projection : entre rétrospective et prospective 17 23 56 63 65 72 59 21 29

(13)

cHaPitRe 2 - inadaptation des stratégies et augmentation des

vulnérabilités

a. les orientations récentes d’une stratégie nationale de gestion du littoral : entre fixisme et mobilisme, la place du paysage

i. la stratégie nationale de gestion du trait de côte, une stratégie en faveur du mobilisme : un gage de durabilité ?

ii. le Grenelle de la mer : une carence de prise en compte du paysage dans les nouvelles visions du littoral

B. la tempête xynthia et la préconisation réactive de certaines stratégies i. les effets d’une tempête sur des paysages vulnérables

ii. une fausse culture du risque de l’inondation : une résilience défaillante iii. les mesures et les stratégies post-tempête

c. D’une résilience défaillante à une résilience limitée : les pistes d’une résilience proactive

i. la désorganisation du repli ou les résultantes paysagères d’un territoire décousu ii. Xynthia : l’opportunité d’une nouvelle approche de l’aménagement littoral et d’une révision globale des paysages du risque d’inondation

cHaPitRe 3 - Dynamiques de paysage du repli stratégique : résilience

proactive et adaptation

a. le laisser-faire, une stratégie de mitigation paysagère du risque de submersion

i. la dépoldérisation naturelle ou accidentelle : l’abandon

ii. la dépoldérisation volontaire : un projet stratégique de territoire et de paysage B. le recul stratégique des enjeux et émergence d’un cycle adaptatif

i. les prairies st Martin à rennes, une intégration croissante du risque d’inondation dans le projet d’aménagement

ii. le déversoir de la bouillie à blois

iii. nouvelle étape de l’adaptation : questions à l’échelle du grand paysage

cHaPitRe 4 - Projet de paysage et développement local : les nouveaux

paysages du risque

a. une expérience de prospective paysagère

i. une étude prospective sur le devenir du site de la bouillie à blois

ii. la démarche de prospective paysagère : un ajustement à l’intercommunalité et au territoire

iii. les scenarios de réaménagement d’un espace périurbain au service de la ville B. le renouvellement paysager : pour une nouvelle culture du risque

i. lecture et analyse du projet : coévolution d’une dynamique naturelle et d’une 77 108 121 161 165 179 124 142 80 88

(14)

13

production de paysage

II. Réappropriation du territoire et émergence d’un « parc spécialisé » : vers une nouvelle culture sociétale du risque

iii. Vers une nouvelle culture réglementaire des territoires du risque d’inondation

PaRtie 2 - la camaRGue : teRRitoiRe D’aJustement

stRatéGiQue PeRmanent

cHaPitRe 5 - mobilité versus fixité : les fortes identités d’un espace

artificialisé

a. Fixité perçue mais mobilité réelle du littoral

i. une mobilité littorale sous le contrôle du transit sédimentaire II. Les causes et conséquences d’un bilan sédimentaire déficitaire B. Dimension paléogéographique du delta

I. Formation deltaïque du Tertiaire à la transgression flandrienne ii. le stockage holocène et la libre divagation du rhône

c. Genèse du contrôle sociétal

i. Du nomadisme de l’interface terre/eau … ii. … au bilan séculaire d’un territoire poldérisé D. ajustements identitaires

i. l’invention d’une culture et la conscience du paysage camarguais : le romantisme militant, une volonté de figer la nature

ii. les Cabanes de Beauduc : une forme récente d’ethnicisation iii. D’autres marqueurs de mobilité

cHaPitRe 6 - une multifonctionnalité entre mutations et

vulnérabilités

a. la maîtrise permanente du territoire et ses résultantes paysagères i. la gestion de l’eau, un corollaire au paysage et ses usages

II. L’artificialisation des paysages

iii. protections et mesures réglementaires

B. L’illusion du fixisme : entre ressources et production, relégitimer la nature et les paysages

i. Dynamique des mutations territoriales et paysagères en cours ii. les mutations liées aux impacts du changement climatique

iii. les inondations, inadéquations territoriales ou nouvelles opportunités ?

iV. légitimité et pertinence des mesures de protection réglementaire dans un territoire soumis à mutations 199 205 207 214 219 229 243 261 245

(15)

14

cHaPitRe 7 - sens et légitimité d’un combat contre la mer

A. Perspectives d’évolution d’un littoral rigidifié par des choix d’aménagement

I. Entre érosion et déficit sédimentaire, les traits constitutifs de la fragilité littorale ii. scénario d’évolution et artefacts de nouveaux paysages

B. le littoral camarguais, une gestion intégrée entre durabilité et dynamique globale

I. Définition et acteurs

ii. GiZc et hausse eustatique : reposer les bases d’une démarche c. Blocage dans l’ajustement continu, indices d’ajustabilité

i. les racines du blocage

ii. la camargue peut-elle s’ajuster ? a partir de quelles références ?

PaRtie 3 - le RENOUVELLEMENT LITTORAL, une

solution PouR la camaRGue ?

cHaPitRe 8 - Insuffisance des perspectives d’ajustement

a. le contrat de delta, la Camargue 2015

i. rappel des objectifs ii. les mesures phares

B. la charte du Parc naturel Régional, la Camargue 2022 i. les ambitions générales

ii. traductions spatiales, territoriales et paysagères

cHaPitRe 9 - Des expériences de géoprospective

a. Des scénarios de développement thématiques et dynamiques I. L’intensification de l’activité touristique et de la pression urbaine ii. un territoire de transit

iii. l’augmentation de la pression agricole iV. un territoire d’éco production industrialisée

V. un espace qui retourne à la nature sous l’effet, entre autres, du réchauffement climatique

B. le littoral camarguais face au changement climatique dans le Grand sud-est

I. Cadre et finalités d’une étude prospective de territorialisation du changement climatique

ii. scénarios et hypothèses d’évolution du littoral languedocien et catalan

279 281 293 297 309 315 317 320 333 335 343

(16)

15

iii. Matrice de scénarios de mitigation paysagère en camargue

cHaPitRe 10 - Le renouvellement littoral : ajustement des dynamiques

sociétales au changement climatique

a. Camargue 2030 ou « une écologie future » du delta du Rhône I. Le PNRZH et le projet « prospective »

ii. une camargue de rupture : vers un parc spécialisé

B. Camargue 2040 et au-delà..., proposition de scénarios et futuribles paysagers

i. la camargue, dôme rural méditerranéen

ii. la camargue, spot mondial du changement climatique iii. la mangrove camarguaise, le delta de tous les possibles c. le renouvellement littoral : principes et acteurs

i. regard rétrospectif sur les choix de gestion actuels du littoral camarguais ii. les principes du renouvellement littoral

iii. acteurs et application en camargue

cHaPitRe 11 - De la recherche à l’action

a. une approche pluridisciplinaire

i. rappels et contexte de l’étude

II. Le paysage comme stratégie : axe premier de la réflexion

B. les Bas-champs du Vimeu, territoire d’expérimentation du renouvellement littoral

i. Géoprospective et futuribles paysagers ii. prospective socio-économique et technique

iii. elaboration d’un plan programme d’aménagement et des conditions de sa mise en œuvre

conclusion GénéRale GlossaiRe

BiBlioGRaPHie alPHaBetiQue taBle Des FiGuRes

taBle Des caRtes

taBle Des PHotoGRaPHies taBle Des matièRes

annexes 355 358 365 377 389 392 395 411 415 419 437 440 442 444 455

(17)
(18)

17

intRoDuction GénéRale

i

ngénieur paysagiste de formation, je me suis très tôt passionné pour l’eau, ses excès et ses effets sur la variabilité des paysages. alors que les études et la conception de projets de paysages sont devenues mon quotidien depuis plus de six années, la succession d’évènements climatiques aux conséquences souvent dramatiques renforce mes interrogations et mon désir d’apporter des réponses s’inscrivant dans la continuité de mes travaux de fin d’études consacrés à l’avenir des espaces littoraux notamment estuariens et deltaïques.

Depuis une dizaine d’années, la France est touchée par une série de tempêtes meurtrières. après celles de 1999 et 2009, Xynthia continue sa course dans la nuit du 27 au 28 février 2010 en dévastant une partie des côtes atlantiques françaises. pourtant moins violente que les précédentes, comment expliquer le nombre des victimes et l’ampleur des dommages en charente-Maritime et en Vendée ?

toutes proportions gardées, on peut comparer cet évènement à la catastrophe Katrina de la nouvelle-orléans car, dans les deux cas récents, les effets de la tempête ont été renforcés par la présence de polders. en charente-Maritime, ces espaces longuement et péniblement conquis par l’homme ont été repris en quelques heures par l’océan. entre une presqu’île et un estuaire, au pied de bas-plateaux et de buttes calcaires, les hommes ont conquis dès le Moyen-Âge le marais poitevin. au 17e siècle, les Hollandais spécialistes dans

l’art de la poldérisation ont participé à conquérir le marais desséché réservé à l’agriculture. Jusqu’au 20e siècle, en construisant digue après digue, l’homme a conquis le pourtour de

la baie de l’aiguillon. la conjonction de facteurs de divers ordres a produit une surcote de 2 mètres de hauteur à laquelle s’ajouta une houle comprise entre 4 et 5 mètres. sous cet assaut, les digues n’ont pu résister et ce sont plus de 50 000 ha de terre, dont l’altitude ne dépasse pas 2 à 3 mètres, qui ont été submergés.

Fortement médiatisée pendant plusieurs semaines, cette tempête meurtrière devait livrer les secrets de ses excès. immédiatement, les digues furent les premières pointées du doigt. etaient-elles trop fragiles ? Mal entretenues ? puis, ce sont les constructions en zones inondables qui firent l’objet d’une remise en cause et d’une forte polémique. La réactivité étatique ne s’est pas fait attendre. un mois et demi après le passage de la tempête,

(19)

le gouvernement présenta une cartographie des zones à risques et dévoila des secteurs à déconstruire. ces actions prises à la hâte sont lourdes de sens et de conséquences sur la gestion de l’espace et sur le paysage. l’appréhension réactive de cette crise ne peut que nous interpeler. en tant que paysagistes (ingénieurs ou architectes), nous nous devons de prendre part au débat sur la gestion des zones inondables1 ou submersibles2 et faire

reconnaître que le paysage est une composante essentielle à la résolution des problèmes de risques d’inondation et de submersion.

sur ces questions de digues et de déconstruction, Xynthia - et sa médiatisation - ont remis en lumière des territoires qui font référence depuis quelques années en termes de problématique ou de réponse. ainsi, la question des digues a notamment été illustrée par la gestion problématique du cordon de galets à cayeux-sur-Mer, dans les bas-champs picards. la déconstruction urbaine a trouvé illustration à blois, dans le déversoir de la bouillie. un autre territoire revient en boucle dans les discours et les interrogations, la camargue.

ce géosystème immuable et éminemment mobile est, d’un point de vue géomorphologique, un des exemples français les plus démonstratifs en matière de mutations territoriales. Depuis une vingtaine d’années, la mer a amplifié sa pression sur ses rivages. cette région de plus en plus vulnérable perd ses plages et, partant, une composante essentielle de son caractère. en plus de l’érosion du littoral, la camargue3 doit affronter le

risque de submersion, voire la perspective d’ennoiement, des saintes-Maries-de-la-Mer (provansal, 2002 ; sabatier, 2002 ; picon, 2002) consécutivement à la hausse eustatique, une manifestation du changement climatique (lequel pourra avoir d’autres impacts sur le paysage). enrochée de tous côtés, cette ville (qui compte 2 500 habitants et 40 000 l’été) est une presqu’île en état de siège. il est dit que les saintois pourraient devenir les premiers réfugiés climatiques de l’Hexagone avant la fin du siècle. Lors de la tempête de 1997, 60 centimètres d’eau ont été mesurés dans les rues des saintes-Maries et la mer est entrée sur plusieurs kilomètres en camargue (provansal, 2009). la précédente tempête avait eu lieu en 1982. Doit-on anticiper le fait que l’eau pourrait atteindre annuellement ces niveaux dans quelques décennies ? (sabatier, 2009).

tout le littoral camarguais ou presque est protégé par une immense muraille artificielle. Entre terre et mer, cette digue de rochers tente de protéger les rivages du golfe de Beauduc. Elle a figé un territoire mobile depuis des siècles, un delta mouvant, autrefois

1 selon le ministère de l’ecologie et du Développement Durable (2012), 17 millions d’habitants sont exposés au

risque d’inondation (avec 9 millions d’emplois directs) et 1,4 million au risque de submersion marine (avec 850 000 emplois directs). selon la même source, en 2008, “seulement“ 5,1 millions de Français, soit 16 134 communes, étaient estimés être concernés par le risque d’inondation. quant à la submersion marine, phénomène particulier dans ses causes comme dans ses manifestations, elle demeurait moins connue que la crue ou l’inondation fluviale et ne disposait encore d’aucun chiffre sauf celui de 1 000 communes littorales présentant un risque d’intrusion d’eau.

2 en 2007, l’institut Français de l’environnement (iFen, 2007) indiquait ainsi que 25 % du trait de côte reculaient,

contre seulement 10 % qui engraissaient. 25,9 % des côtes érodées étaient des zones urbanisées, commerciales ou artificiali-sées, 9,7 % étaient des terres labourées et 17,4 % des plages et des dunes.

(20)

exposi-19

soumis aux inondations de la mer et du rhône. Deux cent quarante kilomètres de digues et d’épis ceinturent un assemblage fragile de salins, de terres agricoles, d’étangs sauvages. D’un point de vue sociétal, les paysages camarguais portent une multiplicité d’usages reposant sur un dénominateur commun, la nature ressource. ainsi, on distingue des activités agricoles (élevage de chevaux, de taureaux, riziculture), des activités salicoles et des activités touristiques. il s’agit alors de s’interroger, dans une dimension de constante mouvance, sur les variations du dénominateur commun sur ces activités. si la nature change, que deviennent ces activités ? inversement, si ces activités se déplacent ou disparaissent (comme c’est progressivement le cas de la culture du sel) – marché économique mondial, délocalisation, concurrence – quel sera l’avenir des écosystèmes présents déjà fragiles ?

les constats, à l’heure de l’application des principes de Gestion intégrée des Zones côtières (GiZc) et de durabilité littorale, impliquent d’anticiper et de se positionner à court terme, au risque de devoir intervenir massivement plus tard et à des échelles réclamant des moyens lourds, dans un temps restreint.

Cette thèse vise à identifier et proposer des réponses pertinentes sur l’avenir des sociétés, des territoires et des paysages littoraux soumis à des risques naturels de mieux en mieux identifiés (tempêtes, submersion, érosion) et croissants, entre autres causes sous les effets du réchauffement climatique, dont les manifestations, pas seulement eustatiques1,

auront d’autres conséquences sur les paysages. La réflexion s’inscrit dans un contexte national (déclinaison d’une dynamique mondiale) de croissance démographique sur les côtes atlantique et méditerranéenne (avec plus de 3 millions d’habitants estimés en plus en 2030 dans les départements littoraux français).

l’objectif est de montrer qu’il est possible de s’adapter à ces changements par la prise en compte des paysages et par la pratique d’une gestion plus douce et raisonnée des aménagements côtiers. comment, dans une logique de laisser-faire anticipé ou contrôlé, tirer parti des modifications de paysages tout en limitant, contrôlant, voire corrigeant les dérives induites par la hausse du niveau marin sur les littoraux ? la notion de projet d’ajustement nous permettra d’analyser les paysages qui en résultent et d’appréhender le rôle de médiateur et d’aide à la décision du paysagiste.

(21)
(22)

21

cHapitre liMinaire

plaidoyer pour une thèse

donner au paysage un sens qui nous motive et nous engage

dans le monde.

augustin Berque, 1994

(23)
(24)

23

a

vant d’entrer au cœur de la réflexion, ce chapitre liminaire entend donner au lecteur quelques éclaircissements sur le contexte de cette thèse, l’origine de ses questionnements, ses objectifs et son déroulé.

a. la thèse et son contexte

commencée en 2006 après un diplôme d’ingénieur paysagiste obtenu à l’ecole nationale supérieure de la nature et du paysage (ensnp), cette thèse en géographie a progressivement puisé son inspiration dans la pratique professionnelle engagée à la même date à l’atelier de l’Île, agence d’architecture et de paysage. aussi, il convient de rappeler quelques liens d’union entre paysage*, géographie et projet.

i. le regard particulier de l’ingénieur paysagiste

1. Définition et brève genèse d’un métier nouveau

« L’ingénieur du paysage est […] un négociateur entre le donné du réel et le rêve d’un possible, c’est là où se placent son projet, son œuvre et son destin. »1

Héritier de l’ingénieur de l’ecole royale des ponts et chaussées, l’ingénieur de l’ecole nationale supérieure de la nature et de paysage (ensnp) appartient à une deuxième génération d’ingénieurs du paysage. les études historiques (Desportes et picon, 1999) des origines de l’aménagement du territoire illustrent l’étroite parenté entre les ingénieurs du 18e siècle et ces nouveaux paysagistes (eveno, 2007). un idéal d’embellissement d’une

nation pensée et dessinée dans les moindres détails par les ingénieurs a aujourd’hui conduit

1 eVeno c., 2007, la chocolaterie, une école nationale d’ingénieurs du paysage, Les Cahiers de l’ecole de Blois,

(25)

au « jardin planétaire » (Clément, 1999), perspective vers laquelle se tourne le regard du paysagiste contemporain acteur d’une société devenue elle-même paysagiste (Donadieu, 2002). plus qu’une simple nostalgie du paradis perdu et parce que l’idée du paysage désiré s’impose de plus en plus à notre société, chacun d’entre nous exprime la volonté forte d’écrire ou de construire ses particularités dans un espace de vie devenu planétaire ; aussi, comme le déclarait l’ingénieur sir ove arup, « la conquête de la terre par l’ingénieur est

terminée ; il faut maintenant la redessiner » (Boiscuillé, 2003).

en outre, en créant l’ensnp en 1995, son fondateur avait la volonté de former non des ingénieurs artistes ni même des architectes ingénieurs, mais des ingénieurs en architecture du paysage qui accompagnent la nature (naturellement artificialisée ou « surnaturelle » selon l’acception que Baudelaire donnait au mot paysage) en usant d’outils scientifiques et techniques, des ingénieurs qui interviennent sur le paysage avec créativité et humanité.

2. une formation plurielle…

Géographe, historien, pédologue, sociologue ou encore écologue1, le professionnel

du paysage qu’est l’ingénieur paysagiste fait appel à des méthodes scientifiques éprouvées pour construire un nouveau socle cognitif indispensable à sa discipline.

cette approche pluridisciplinaire induite par la richesse d’une formation plurielle, augmentée d’une culture de la conscience par la connaissance inquiète de l’état présent des choses et par la connaissance politique de ce qui y a conduit, permet à l’ingénieur paysagiste d’appréhender les dynamiques environnementales et paysagères d’un territoire (dimensions biophysique et anthropique, relations et interactions entre espaces et sociétés) et de les réinvestir dans le projet de paysage ; bien que tous les ingénieurs paysagistes diplômés n’en usent pas systématiquement dans leur pratique professionnelle2.

3. … aux fins du projet de paysage

pour l’ingénieur paysagiste, le paysage est un concept opératoire orienté vers le projet relevant à la fois d’une subjectivité personnelle et d’une sensibilité collective partagée par une pluralité d’acteurs. si la notion de projet de paysage* renvoie à une longue liste de cadrages différents (boutinet, 2001), nous entendrons ici qu’elle sous-tend la mise en œuvre d’une démarche engageant un processus de transformation d’un lieu, d’un espace ou d’un territoire dont la situation et l’état ne seraient pas jugés satisfaisants sinon problématiques, impliquant notamment des actions de transformation spatiale. nous reviendrons plus longuement sur ce processus qu’est le projet de paysage mais aussi le projet de territoire* qui lui est intimement lié.

1 ou encore acousticien, éclairagiste, botaniste, infographiste…

(26)

25

ii. entre recherche et application professionnelle

la thèse s’inscrit dans un parcours professionnel d’ingénieur paysagiste où l’une et l’autre tissent une dualité constructive.

1. l’apport du parcours professionnel à la thèse

la pratique professionnelle en tant que chef de projets et chargé d’études dans une agence du secteur privé offre un matériau riche et nécessaire pour nourrir et conduire une réflexion critique. Aussi, le parcours professionnel légitime le regard porté sur le sujet et, d’une certaine manière, sur les propositions que nous émettrons au fil de la réflexion. Enfin, les échanges permanents avec d’autres praticiens permettent de faire émerger les questionnements ou les idées reçues de professionnels en quête de réponses méthodologiques ou théoriques.

2. l ‘apport de la thèse au parcours professionnel

Le temps de réflexion qu’est la thèse permet de prendre un recul mesuré sur la conception du projet, d’analyser les réponses apportées et d’approfondir des démarches qui ne seraient pas ou peu mises en œuvre dans le cadre classique des études (par appel à d’autres disciplines notamment). la thèse est l’opportunité de dresser un bilan/état des réponses apportées par le projet de paysage à la problématique du risque d’inondabilité (lorsque le projet abordé le permet), dans une perspective de changement global (perspective trop souvent contrainte, voire absente).

en outre, la présence d’un doctorant (ou d’un docteur) peut participer à fonder ou préciser la philosophie d’une agence, notamment engagée, depuis un certain temps, dans des questions relatives à la gestion de l’eau dans l’espace public et dans l’étude du Grand Paysage. Cette réflexion est le signe d’une double volonté : renforcer ses compétences sur une approche du grand paysage dans sa dimension géographique et élargir son regard en amendant et renouvelant sa méthodologie. la recherche doctorale établit aussi un pont entre chercheurs et professionnels.

la thèse propose de tirer parti de certains travaux produits et des expériences menées afin d’avancer dans la réflexion pratique et théorique. Elle offre une occasion concrète de mettre en application (à plus grande échelle) des principes et des notions qui s’avèrent pertinents et innovants pour répondre aux problèmes posés.

(27)

iii. une thèse en géographie

1. une thèse en plein débat sur la création d’un doctorat en paysage

il n’existe pas en France, pour l’instant du moins, de doctorat en paysage à proprement parler. en effet, l’architecture du paysage1 (contrairement à l’architecture et

à l’urbanisme) n’est pas une discipline reconnue par les universités, ce qui n’est pas le cas des universités du nord de l’europe (Donadieu et santini, 2008) ou encore du québec.

alors que les écoles nationales supérieures de paysage ont pour mission fondamentale d’assurer la formation des professionnels du paysage et de développer la recherche dans le domaine du paysage et du projet de paysage, la constitution d’un domaine des sciences du paysage est aujourd’hui à l’étude. l’objectif est d’ouvrir plus largement l’accès des professionnels du paysage à une formation doctorale. ce doctorat en paysage entend se construire sur une recherche pluridimensionnelle dans le champ du paysage, sur le modèle et en partenariat avec l’université qui construit ses masters et ses doctorats autour de domaines et de spécialités. L’objectif est d’explorer la réalité des pratiques scientifiques et professionnelles et d’offrir l’état le plus récent des connaissances dans le domaine du paysage et du projet de paysage.

une convention a ainsi été signée en 2004 entre l’ensnp et l’université sorbonne Paris IV afin de répondre notamment à la réforme LMD (Licence, Master, Doctorat).

2. la géographie, la science du paysage ?

si le paysage possède toute sa légitimité en tant que discipline doctorale (comme en témoignent les journées doctorales en paysage), il semble opportun de rappeler les rapports noués et entretenus entre géographie et paysage.

le concept de paysage a long temps été jugé fondamental en géographie au point de définir celle-ci comme « science des pay sages » constitutive d’une véritable culture géographique paysagère (levy et lussault, 2003). Déjà en 1913, sorre écrivait «nous dirions

volontiers que toute la géographie est dans l’analyse des paysages ». Les représentants

de cette géographie classique ont cru trouver dans le paysage le concept central de la géographie : une notion synthétique et idiographique des formes visibles de l’espace vécu (charvet, 2000).

Dans les années 1960-70, de nombreuses critiques s’élèvent contre la place abusive qu’occupait l’analyse des paysages dans la production géographique. le paysage ne pouvait plus re présenter la référence unique, initiale ou ul time, de la géographie.

cependant, depuis les années 1980, les géographes s’y sont de nouveau intéressés en tant que produit d’une société qui aménage son espace selon son héritage fonctionnel, culturel, esthétique, politique constamment modifié et réorganisé par l’évo lution de la société, et en tant qu’une des composantes des systèmes spatiaux (pitte, 1983 ; brunet,

(28)

27

1992 ; amat et Grataloup, 1992).le paysage demeure ainsi encore et toujours une catégorie majeure de la géographie (Granier) en tant qu’objet et outil (Manoukian, 2002).

(29)
(30)

29

B. la dépoldérisation des Bas-champs Picards :

exploiter une expérience théorique de projet de

paysage à l’origine de la thèse

i. « En Somme, rendre la terre à la mer » : démarche,

réflexions, questions, réponses

1. le cadre institutionnel, le travail de Fin d’etudes

a l’ecole nationale supérieure de la nature et du paysage, le travail de Fin d’etudes (tFe) est l’un des travaux les plus importants pour les étudiants : c’est la dernière fois qu’il est possible de formuler un projet iconoclaste en relativisant des contingences politiques, juridiques, économiques et sociales du moment. en d’autres termes, il est possible d’inventer.

ce travail est scindé en deux parties interdépendantes : le mémoire, qui analyse et développe la problématique d’un site et d’un programme, et le projet de fin d’étude, sa transcription géométrique et matérielle. il s’agit de poser et de développer une problématique par des recherches comparatives pour discerner ce qui est spécifique, voire innovant, dans le territoire et de présenter le territoire sur lequel s’appliquera la résolution. il convient ainsi de pouvoir lire et comprendre le site choisi dans son histoire, son présent et son futur. sur ces bases, l’objectif est de développer une prise de parti au travers des potentialités du territoire et d’établir un programme ou à analyser de manière critique le programme d’une maîtrise d’ouvrage, s’il existe. Enfin le projet expose et détermine le concept et les orientations développés dans le mémoire. il est l’ultime réponse à la problématique de départ.

Certaines problématiques (contemporaines ou « d’actualité ») mettent en œuvre l’interdisciplinarité et ouvrent la voie à d’autres réflexions plus approfondies. De ce fait, le travail « en somme, rendre la terre à la mer » s’est illustré comme une base riche de questionnements tant dans sa problématique que dans les réponses formulées.

ce travail a révélé la portée des enjeux et l’expression d’un vif engouement du jury, notamment de Jérôme bignon, président du sMacopi (syndicat Mixte pour l’aménagement de la cote picarde) à l’époque, député de la somme, et depuis président du conservatoire du littoral et président du conseil de la Mer et par la présence de Vincent bawedin, docteur en géographie, spécialiste de la Gestion intégrée des Zones côtières et de ses modes de gouvernance.

(31)

2. Problématique d’un polder en sursis

2.1 contexte général

en 2005, paysagiste en devenir, à la recherche d’un sujet de diplôme, ma volonté était de me confronter au contexte de la crise climatique et surtout à sa prise de conscience. prise de conscience de l’état futur de certains territoires et avant tout, de l’état existant, déjà problématique. la mutation des territoires et des paysages sous-tendue par cette perspective n’était que passionnante à mes yeux. la rencontre et mes discussions avec roland paskoff et Fernand Verger m’ont très vite amené sur le littoral et notamment en baie de somme…

sur le littoral picard, les stratégies d’aménagement ne sont qu’affrontements : la baie de somme se comble inexorablement et les pouvoirs publics investissent pour le maintien de son caractère maritime tandis que la digue de galets des bas-champs de cayeux est consolidée à grands coûts alors que la mer est, depuis le 18e siècle, naturellement

amenée à les réoccuper. Depuis près de trois siècles en effet, l’Homme tente de soustraire définitivement ces polders à l’élément marin. Une inondation importante, survenue au cours de l’hiver 1990, a incité à poursuivre ardemment dans cette voie alors que s’offrait une occasion de « dépoldérisation1 accidentelle ».

Dépoldériser, c’est rendre la terre la mer. ce retour à un état initial résonne comme une évidence sur certains littoraux. la raréfaction des prés-salés, liée à la création de polders, a appauvri la faune et la flore des rivages et réduit les défenses du littoral face à la mer (Verger, 2005a). la hausse du niveau de la mer incite à une révision totale de notre gestion du littoral, en particulier dans les zones situées sous le niveau moyen de la mer. Dans ces secteurs, les prés-salés constituent une défense souple contre la fureur de la houle. Menace que l’élévation supposée du niveau de la mer ne fera qu’accentuer au cours des prochaines décennies. conjuguée à la hausse eustatique, la surfréquence des tempêtes liée au changement climatique induirait des problèmes de surcotes. les conséquences directes de ces combinaisons se traduiront par une accélération de l’érosion des falaises, des digues et des fonds marins et par le recul des plages et des dunes.

2.2 les questionnements

Dès lors, il s’agit de savoir/définir/comprendre comment s’ajuster à ces changements en adaptant notre littoral et nos infrastructures. Faut-il continuer à lutter, à protéger ? Protéger quoi ? à quel prix et pour combien de temps ? Quelles stratégies de « protection » privilégier alors que les ouvrages se multiplient (digues, épis, brise-lames) et envahissent

(32)

31

le paysage, sans discernement, avec la vigueur et la bonne conscience de l’investissement « utile » parce que nécessaire. Comment habiter la « menace » dans un contexte où chacun prend des risques individuels les plus fous (sports extrêmes, vitesse…) et n’accepte pas ou plus le risque collectif ? (lamunière, 2006). rassemblant une palette de problématiques, les polders picards sont un site de réflexion et d’actions des plus pertinents.

les bas-champs de cayeux-sur-Mer, à distance égale de Dieppe (seine Maritime) et du touquet (pas-de-calais), appartiennent à la plaine maritime picarde. ils forment sur 16 kilomètres environ l’interface entre le plateau du Vimeu et la Manche. D’une surface de 4 500 hectares, ils se situent à une altitude moyenne de 5 m nGF et par conséquent à 2,5 m sous le niveau des plus hautes eaux. Ces polders sont « protégés » de la mer par un cordon de galets (figure 1). A la suite d’une succession de ruptures, cette digue naturelle s’est progressivement semi-artificialisée. Depuis la dernière intrusion marine, elle est soumise à une concession d’endigage dont la durée ne sera limitée que par la capacité des ressources, matérielles et financières. En 2006, les stocks de rechargement laissaient entrevoir une perspective ne dépassant pas les années 2015-2017. la question paraît donc aisée à formuler : protégés des eaux aujourd’hui, que seront-ils demain ? continuer à croire que les bas-champs resteront terrestres semble illusoire.

Cordon de galets Bas-Champs Cap Hornu Le Hourdel Le Hourdel Ault Falaises calcaires

Figure 1 : Bloc-diagramme de la Baie de somme et des Bas-champs du Vimeu (réalisation

(33)

ainsi se pose un véritable problème de paysage qui réinterroge la pérennité de l’existant : la ville de cayeux, des villages, des hameaux, des fermes isolées, des espaces de cultures, des pâtures, un territoire de chasse, des marais… en somme, une anthropisation littorale aux profils diversifiés et aux enjeux multiples : Comment continuer à habiter et à vivre dans les bas-champs après 2017 ? selon quels nouveaux paysages ? selon quelle gestion de ces paysages ? quelle nouvelle organisation de l’espace ? pour le maintien de quelle originalité paysagère ? quelle conciliation et quel rapport entre terre et mer ? quel avenir proposer à l’agriculture, au tourisme et plus largement à l’économie locale ?

Dans le tFe « en somme, rendre la terre à la mer », ces questions furent le moteur de la réflexion. Appuyé d’une analyse systémique, d’un diagnostic paysager, de scénarios d’évolution du territoire, du développement d’un scénario, le projet de paysage final tente de formuler des réponses inscrites dans une logique de durabilité et de gestion intégrée des zones côtières (GIZC).

3. une méthodologie au service du projet de paysage

ces questions posées, commence une véritable enquête de terrain soutenue par une recherche bibliographique qui devait nourrir mon parti pris, lequel avait très vite été formulé : le retour de la mer est inévitable, mieux, il est souhaitable. Comment justifier une telle position alors que l’environnement local se présente aux antipodes de ces considérations ?

3.1 analyse et diagnostic

3.1.1 lecture sensible : la géographie sentimentale

pour un ingénieur paysagiste, la compréhension d’un territoire passe au préalable par une lecture sensible des paysages. celle-ci lui permet de s’imprégner de l’espace en question et de s’interroger sur son propre ressenti. les paysages des bas-champs laissent une empreinte profonde dans l’esprit de celui qui les traverse. ayant arpenté cet espace pendant de longues semaines, je n’ai pu manqué l’occasion de partager ces moments de géographie sentimentale1 par et pour laquelle l’écriture, la poésie ou l’illustration trouvent

inspiration.

3.1.2 lecture des paysages littoraux et dynamique littorale : le recours à la géographie physique

la bonne compréhension de la constitution et de l’évolution des paysages littoraux rend obligatoire le détour par la géographie physique. en effet, il est nécessaire de prendre en compte la sédimentologie et la courantologie, compléments indispensables à la lecture des dynamiques paysagères.

(34)

33

Dans les bas-champs, le cordon de galets fonde le territoire. il est l’objet de toutes les attentions. toute l’histoire repose sur ce tas de cailloux… et encore plus son avenir. c’est un tapis roulant de millions de galets qui se forme le long de 90 km de côtes. léchées et constamment attaquées par la mer, minées par les eaux d’infiltration, les falaises s’éboulent par pans. la dissolution de la craie libère des nodules de silex intraformationnels sous forme, de gros cailloux anguleux que a houle roule au gré des marées et entraîne lentement par un courant de sud-ouest/nord-est ; c’est la dérive littorale. l’émoussé marin produit des galets, ronds et lisses. a ault (racine du cordon), les galets sont projetés à marée haute vers le sommet du rivage par les vagues orientées nord-est, puis redescendent vers la mer. ce mouvement prolonge leur déplacement vers le nord en créant des crochets successifs. ils sont finalement arrêtés à la pointe du Hourdel par le courant de la Somme où ils s’entassent au sud de l’estuaire, formant un poulier dont la pointe est dirigée vers l’intérieur de la baie. l’apport de galet y a été estimé entre 20 000 et 30 000 m3/an (Dolique, 1991 ; costa,

1998).

l’histoire géomorphologique montre que les accumulations successives de galets se sont progressivement écartées du rivage alors formé par une falaise joignant onival au cap Hornu (aujourd’hui paléorivage à falaise morte). l’accumulation de galets a formé une digue naturelle de 16 km de long reliant ault au Hourdel. c’est l’un des plus grands cordons de galets en europe. il atteint par endroits 7 à 8 mètres de hauteur et jusqu’à 800 mètres de largeur.

Depuis plus de deux siècles, les actions anthropiques ont fortement perturbé cette dynamique naturelle. cinq jetées portuaires1 importantes ont bloqué le transit naturel des

galets, constituant en amont de la dérive des accumulations dénommées « stock mort ». Des extractions de galets effectuées sur le cordon ont également affaibli considérablement la défense. ces perturbations anthropiques du transit littoral naturel ont eu pour effet d’inverser la dynamique du cordon de galets des bas-champs. les apports en galets sur le cordon sont passés de 30 000 à 2 000-3 000 m3/an. Le déficit est sévère. Le cordon

passe d’une côte en progradation à une côte en partielle érosion. les galets poursuivent leur accumulation naturelle au Hourdel mais la carence entre ault et cayeux induit une érosion, donc un amaigrissement, du cordon

a) « Sisyphe-sur-Mer » ou le chantier contre l’océan…

Depuis plus de 20 ans, Cayeux-sur-Mer se sait menacée par les flots : bloqués au sud ou exploités industriellement, les galets qui s’échouaient sur sa côte n’y jouent plus leur rôle de digue naturelle. Face à la « catastrophe annoncée », la défense s’organise. aussi coûteuse que titanesque. Dans les bas-champs, on a toujours combattu la mer, et l’addition est salée. on a installé sur plus de 12 km des épis constitués de ferraille et de béton construits en travers du cordon de galets. cela représente 3 600 tonnes d’acier, 7 500

(35)

tonnes de béton, 500 000 tonnes de galets pour un ouvrage qui s’arrête juste avant cayeux et ne protège pas les habitations. a l’amer sud de cayeux, lieu-dit où se trouve le dernier épi, les galets sont bloqués. au-delà, la mer creuse le rivage sans protection naturelle. il faut lui apporter régulièrement des galets de complément. pour ce faire, on prélève les galets en accumulation au Hourdel pour les réacheminer par la route sur les portions de cordon en déficit, entre Ault et Cayeux (planche photographique 1). Tout le monde est unanime : « c’est shadockien ». D’un point de vue local, cette « protection littorale » s’apparente à du « développement durable ». Or, il faut rénover les épis terminés il y a cinq ans car la houle les a rongés, et ils sombrent peu à peu dans la mer.

l’histoire géomorphologique montre que les relations entre la terre et la mer n’ont pas toujours été conflictuelles (du moins jusqu’à sa poldérisation, c’est-à-dire l’apparition des enjeux sociétaux, enjeux qui engendrent la vulnérabilité et une boucle de rétroaction positive) et qu’au contraire, elles ont contribué à faire émerger un milieu (pas encore territorialisé par les sociétés) en ajustement naturel permanent aux effets sédimentaire et eustatique (figure 2).

b) l’origine double d’un ancien espace maritime

bien avant d’être cette entité paysagère conquise sur la mer, les bas-champs de Cayeux étaient recouverts par les flots. Ils ont ensuite formé une vaste zone humide largement en contact avec la mer et parsemée de quelques îlots de galets qui entouraient les localités de cayeux, Hurt et Wathiéhurt, les plus anciens villages de la côte (cayeux existe depuis le 8e siècle). a l’époque romaine, la mer léchait encore le pied de l’actuelle

falaise morte. la véritable conquête de cet espace maritime commence au 14e siècle avec la

mise en place de digues successives.

Planche photographique 1 : cordon de galets des Bas-champs ; entre ouvrages et rechargement en matériaux (photos Morisseau, 2006)

(36)

35

une origine naturelle : formation de la plaine maritime picarde à l’échelle géologique (d’après Demangeon, 1905 ; briquet, 1930 et beun, 1973).

l’aspect actuel des côtes de la Manche de la normandie au boulonnais montre un plateau flanqué de falaises sur sa tranche littorale, avec en son centre une zone basse : la plaine maritime picarde.

suite au réchauffement climatique commencé au pré-boréal (10 000 b.p.) et jusqu’au sub-boréal (3500 b.p.), l’ensemble de la plaine maritime est inondé au moins en période de pleine mer, sauf les parties les plus élevées. le début du sub-boréal, qui marque une période plus froide, amorce une légère régression marine. alors le cordon de galets se détache des falaises au niveau d’onival pour progresser vers le nord-ouest. il se crée un espace anguleux entre ce cordon et la falaise en arrière de celui-ci qui ne sera plus façonnée par la mer étant donné le dépôt de sédiments qui fait obstacle. progressivement, cette zone s’exonde.

trois phases transgressives d’importance inégale ont suivi : les transgressions dunkerquienne i (2 000 ans B.P.), assez limitée et, plus récentes, dunkerquiennes ii et iii qui s’étalent du 4e

au 11e siècles. si toutes trois caractérisent

une période de réchauffement appelée sub-atlantique, ce sont surtout les deux dernières qui amènent, à quelques mètres près, le niveau de la mer à l’ « actuel »1. les

formations de galets issus des falaises et remaniées en cordons par les transgressions datent de l’Holocène. au 17e siècle, la

1 Peut-on encore parler du niveau actuel,

fluc-tuant ? On entendra de préférence « le niveau 0.00 NGF ».

-3000

-500

1600

1800

Figure 2 : Formation de la plaine maritime picarde (réalisation Morisseau, 2006)

(37)

dynamique anthropique contribue, par l’édification des premières digues, à façonner un paysage proche de l’actuel. l’estuaire de la somme fut ensuite amputé des deux tiers de sa superficie par l’édification d’une digue de chemin de fer (20e siècle) après que le Hâble

d’ault eut été fermé à la mer au 18e siècle.

une origine humaine : premières conquêtes, premières digues et fixation du trait de côte.

sans la main de l’homme, même si son rôle ne date que de quelques siècles, cet espace n’aurait pas l’aspect qu’il présente aujourd’hui. Des premières habitations subsiste une topographie originale qui illustre une première forme d’adaptation anthropique. une bande ancienne de galets s‘est constituée sur une ligne cayeux, Hurt, Wathiérhurt (Demangeon, 1905). les légers reliefs sur lesquels sont installés les actuels villages d’Hurt et Wathiérhurt pourraient être les vestiges d’anciennes buttes artificielles, comparables aux terps de Zélande et de Frise (Verger, 2005). il y aurait là une forme primitive de conquête, antérieur à la renclôture1 et plus précaire qu’elle.

Les premiers travaux de « renclôture » ont véritablement commencé au 14e siècle.

Faire une renclôture, c’est protéger un terrain par une digue, laquelle le rend clos - le renclôt. les espaces ainsi protégés étaient des terres vierges qui s’offraient à la culture et aux pâturages. les toutes premières digues furent construites à des dates non connues précisément, vraisemblablement vers la fin du 16e siècle. La grande période d’édification

des digues s’étala du milieu du 17e siècle à la fin du 18e siècle (document 6 in Verger, 2005a).

la plupart d’entre elles s’appuient sur le cordon de galets et (ou) les anciens pouliers à l’ouest, et sur la falaise morte à l’est.

s’ensuivirent d’autres initiatives qui contribuèrent à l’aspect actuel du site : le « grand barrement » (1750), qui clôt définitivement l’accès de la mer au Hâble d’Ault et le dessèchement des bas-champs qui fut dès lors considéré d’intérêt public, au même titre que la lutte contre la mer. Des chenaux de drainage sont alors créés. Enfin, la mise en place des premiers épis : dès 1768, l’assemblée Générale des propriétaires terriens des bas-champs évoque cette nécessité pour remédier au problème d’érosion du trait de côte. Ces épis ont pour rôle de ralentir les galets dans leur transit, de les «emprisonner » dans le casier qu’ils forment lorsqu’ils sont disposés à faible distance les uns des autres, et donc de consolider le cordon naturel. trois furent installés en 1773, montrant la fragilité historique de cet espace. pour l’entretien des épis, chenaux et digues, les intendants (18e

siècle) puis les préfets (19e siècle) créent une structure collective, qui est à l’origine de

l’actuelle association syndicale autorisée des bas-champs (asa des bas-champs). ainsi, la dynamique littorale et les phénomènes géomorphologiques ont aidé l’homme dans sa tâche de poldérisation des bas-champs ; c’est pourquoi nous pouvons parler, en ce qui les concerne, d’origine double. aujourd’hui, les digues correspondent aux chemins vicinaux

(38)

37

des bas-champs. le recul du rivage et les phénomènes d’érosion de la digue naturelle de galets se font de plus en plus sentir ; et ce dès 1884. Déjà, en 1792, la mer passait par-dessus toutes les digues, tous les terrains renclôts furent inondés (bawedin, 2000). la mer s’engouffra de nouveau dans les Bas-Champs à la fin du 18e siècle, et après, de façon plus

régulière. ainsi, en 1899, 1912, 1914 et 1924… et 1990. c) l’inondation de 1990 : une opportunité manquée ?

la rupture de la digue des bas-champs de cayeux en février 1990 s’explique par la concomitance de plusieurs facteurs : conditions météorologiques exceptionnelles, marées de vives eaux à forts coefficients… et cordon fragilisé par le déficit sédimentaire (Bawedin, 2007a). elle est restée dans de nombreuses mémoires même si aucune victime ne fut dénombrée. le chef de l’etat s’est néanmoins déplacé sur les lieux et les agriculteurs ont pu bénéficier du plan « catastrophes naturelles ».

par la suite, la digue de galets entre ault et cayeux a été consolidée de manière à empêcher un renouvellement de l’« évènement » de 1990. Cela entraîna un coût financier qui n’a pas laissé indifférents certains élus. ce retour de la mer sur un espace qu’elle occupait il y a moins de dix mille ans ne peut-il pas être considéré comme une dépoldérisation naturelle, spontanée sinon accidentelle ?

A l’heure où la hausse eustatique préoccupe certains scientifiques, la gestion à long terme d’un espace menacé par l’érosion marine paraît devoir être à l’ordre du jour. l’eau de mer reste une menace pour cet espace. Mais ne peut-elle pas au contraire être un atout ? ainsi, tenter de faire d’une menace une opportunité ne serait-il pas un bel exemple de gestion intégrée dans une perspective de développement durable ?

3.2 Prospective et élaboration de scénarios

3.2.1 l’inondation de 1990, modèle de dépoldérisation pour le 21e siècle ?

la dépoldérisation temporaire de 1990 est un véritable modèle sur lequel des hypothèses ont été formulées. tout l’enjeu a été de comprendre les effets et les impacts de cet événement sur le territoire, en particulier leur traduction en terme de paysage et de perception du paysage.

lors de la tempête, le marnage dépassa les 10 m nGF alors que la cote du cordon s’abaissait localement à 8,00 m nGF (et en contrebas, les bas-champs, à 4-5 m nGF). les vagues le submergèrent et l’arasèrent sur 1 km de long à la hauteur du Hâble d’ault ; dans la brèche ainsi formée s’engouffrèrent les marées de vives eaux suivantes, dont la plus importante atteignit un coefficient de 113. Ce sont près de 3 000 ha qui furent inondés. la hauteur moyenne était de 90 centimètres (regrain, 1992) mais l’eau pouvait atteindre 1,60 m (Morisseau, 2006) dans quelques fermes à proximité du Hâble. l’eau s’est écoulée durant trois semaines via le système hydrographique des courses et des canaux, jusqu’au

(39)

Hourdel, l’exutoire. l’enquête de terrain et l’interview de certains habitants ont permis d’identifier des secteurs au cœur des bas-champs qui ne furent pas touchés par l’inondation. il s’agit des villages sur buttes de Hurt et Wathiérhurt, précédemment évoqués. leur topographie particulière permit de les isoler, le système hydrographique, de drainer les eaux et d’empêcher son étalement.

par ailleurs, les bas-champs prirent une autre dimension. quelques articles de presse montrent que le regard porté à leur égard avait changé. eloge d’un paysage soudain :

« arrêt sur image. au point le plus haut de la falaise morte qui longe la route départementale 940, on a un panorama formidable. Ils sont tous là, bardés d’appareil photos, de caméras. on observe, on essaye de repérer un endroit. d’ici, on voit tous les bas-champs inondés. C’est que malgré tout, on ne peut s’empêcher de penser à la beauté du paysage qui paraît serein. […] Les bas-champs ressemblent à un immense miroir d’eau, un grand gâteau glacé. Brutelles est devenu un lieu touristique. […] des centaines de gens viennent voir ce spectacle impressionnant » (courrier picard, Mars 1990).

beauté du paysage, lieu touristique, spectacle… cette nouvelle perception révéla la nouvelle attractivité du territoire des bas-champs. il m’a donc paru intéressant de considérer cet événement comme matrice d’un modèle pertinent de retour de la mer dans ces polders.

L’absence de PPRI au moment du TFE m’encouragea à réaliser une carte des zones inondables en fonction des données de terrain relatives à l’inondation de 1990. cette carte se fonde sur 3 modalités de l’aléa inondation (faible, moyen, fort), que complète une quatrième modalité, celle d’un niveau prospectif dans la perspective d’une hausse du niveau de la mer. ainsi, des secteurs non impactés en 1990 se voient caractériser par le risque « inondable ». Il s’agit notamment des villages de Hurt et de Wathiérhurt. Sur la base de ce zonage, ont été superposées les caractéristiques de fonctionnement hydraulique de l’inondation de 1990 (intrusions d’eau, surface et hauteurs d’eau, évacuation, exutoire).

Planche photographique 2 : comparaison diachronique des Bas-champs sud - inondation de

(40)

39

aléa a : Zone très sensible aux intrusions

marines

aléa B : Zone sensible aléa c : Zone peu sensible

aléa D : Zone non impactée en 1990

(cet alea tient compte de la hausse supposée du niveau de la mer)

a ce stade, l’hypothèse de retour de la mer induit de nombreux enjeux, qu’il fut nécessaire de cartographier en tenant à la fois compte de l’existant et de la nouvelle appréhension du territoire induite par un retour de la mer (carte 1). cette carte se superpose à celle des zones à risques et à celle du fonctionnement hydraulique.

3.2.2 les enjeux et les objectifs d’un retour de la mer

commençait à se dessiner une nouvelle appréhension du territoire dans laquelle l’eau jouait un rôle fondamental. certains exemples européens illustraient une nouvelle manière d’appréhender le risque d’inondation. la nécessité de dépasser le contexte franco-français n’a fait que renforcer l’hypothèse de dépoldérisation. Des recherches menées aux pays-bas ont consolidé ces premières orientations et révélé les enjeux d’une nation construite sur la mer.

carte 1 : Zones à risques dans les Bas-champs - élaborée sur le modèle des inondations de 1990 par

(41)

a) la question de l’eau aux pays-bas

les pays-bas sont un des pays les plus densément peuplés d’europe. les 4/5 du territoire se situant sous le niveau des plus hautes mers, se pose le problème de la pérennité de certaines zones bâties. Quelles conciliations donc entre l’eau et l’habitat ? entre escaut maritime et escaut occidental, espace deltaïque, quelles formes de protection et d’adaptation sont les plus efficaces et durables ? Barrages anti-tempêtes en haute mer, zones d’expansion des crues, arrêt des constructions en zones inondables, adaptation de l’habitat et du territoire à l’eau…?

les pays-bas souhaitent, pour l’eau, maintenir le niveau de sécurité du pays, sa viabilité et son intérêt au cours du siècle à venir, pour les habitants comme pour les investisseurs. Dans cette perspective, un changement est nécessaire dans la politique de l’eau comme dans la manière de penser l’eau. il s’agira dans cette région de donner de l’espace à l’eau, au lieu de l’en priver, si l’on veut enrayer la hausse de l’aléa des catastrophes causées par les inondations et limiter les embarras d’eau. De l’espace, non en hauteur entre des digues toujours plus hautes, ni dans des dépressions de canaux toujours plus profonds, mais bien de l’espace dans le sens de la largeur. cela aura certes un prix : … de l’espace, mais s’agit-il pour autant d’une perte sur un plan environnemental, voire social et économique ? la gestion des risques doit désormais intervenir d’une autre manière dans l’approche de l’aménagement du territoire. n’est-ce pas en donnant de l’espace à l’eau que nous nous prémunirons de risques à venir ? la politique de l’eau aux pays-bas envisage ainsi d’anticiper davantage sur les futurs développements en matière de climat, de sol, de population et de valeur économique, au lieu de réagir en fonction des incidents. cette politique tient compte du long terme et fait intervenir le facteur temps. ainsi, la réduction des risques passe par l’innovation technique et la recherche de compromis entre usages, espaces, écologie et « art de vivre ».

l’exemple de Maasbommel (décrit page 49) s’ajoute aux autres exemples de retour programmé de la mer qui ont eu lieu aux pays-bas, comme la destruction d’une digue à l’île de tingemeten (baron-Yellès et Goeldner, 2001). ces expériences sont d’autant plus intéressantes qu’elles concernent un pays dont toute l’histoire est basée sur la lutte contre l’élément marin – beaucoup ont en mémoire la catastrophe de 1953. les cas de dépoldérisation ou l’exemple de Maasbommel montrent que cette lutte perdure, mais avec une approche nouvelle, davantage soucieuse de développement durable et tenant différemment compte des dynamiques naturelles : les projets ne les affrontent plus, ils les accompagnent. une application de certains principes néerlandais serait-elle envisageable sur d’autres littoraux ?

Références

Documents relatifs

En premier lieu, une recherche bibliographique ciblée sur les enjeux entomologiques potentiellement présents au sein de la zone d’étude (espèces protégées et/ou à fort

Parallèlement à ces études ayant essentiellement un caractère hydrologique, hydrographique et topographique, le Service des Ports et Voies Navigables, en ac- cord avec le Délégué

Cependant les plus récentes d'entre elles subissent encore des modifications d'une année à l'autre; des jaugeages effectués à l'occasion de très fortes crues permettent de préciser

Il est très important de connaître les variations du niveau du Lac. De l'amplitude de ces variations dépend la possibilité de fermer les bras de l'Archipel pour les transformer

Deux ont été emportés : celui du SAUT BABIN sur la Rivière CAPOT (en service depuis juin 1956) s'est trouvé à l'aval d'un glissement de terrain, les arbres emportés par ce

Le milieu doit contenir les éléments suivants pour répondre aux besoins de l'Orignal: (1) une strate d'alimentation terrestre abondante et diversifiée (feuilles et ramilles

Avec la prise en compte récente des effets du changement climatique sur les côtes (voir le cinquième rapport du GIEC), la décennie 2010 en France ouvre sans conteste une

Le projet immobilier est le fruit d’une longue réflexion impliquant le personnel de l’EHPAD et les résidents à toutes les étapes de la démarche : de la conception du projet à