• Aucun résultat trouvé

hôtels directement utilisés par le département

[854] La politique de contrôle des établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) autorisés par le département est outillée et bien documentée. Relevant de la direction du pilotage des établissements et services sociaux et médico-sociaux (DPES), au sein du pôle solidarités, et de la direction de l’audit, du contrôle et de l’évaluation des politiques (DACEP), au sein du pôle évaluation, organisation et méthodes, ces contrôles sont opérés selon trois niveaux différents :

Niveau 1 : contrôle administratif et budgétaire annuel, dans tous les établissements ;

Niveau 2 : contrôle technique selon une grille prédéfinie et appliquée en relation avec un responsable métier ;

Niveau 3 : contrôle sur place dans les ESMS signalés sur saisine du pôle solidarités : une mission d’inspection est alors diligentée et produit un rapport contradictoire. Une quarantaine d’audits de ce type ont été pratiqués depuis 2005 et une douzaine depuis 2015.

[855] Cette politique de contrôle est bien structurée s’agissant des ESMS (cf. annexe consacrée à l’offre habilitée). Mais elle ne concerne pas les structures hôtelières utilisées par l’ASE sans l’intermédiaire d’un ESMS, que ces dernières soient directement sollicitées par les SST ou actionnées par le biais de la plateforme de réservation. Ces hôtels ne sont pratiquement jamais visités par les travailleurs sociaux. Ces derniers ne sont d’ailleurs pas connus des hôteliers rencontrés par la mission.

[856] Les documents se rapportant au contrôle et à la maitrise des risques dont la mission a été destinataire ne font jamais référence aux hôtels. Le protocole de travail concernant le contrôle des établissements et services sociaux et médico-sociaux au département des Hauts-de-Seine, daté du 7 décembre 2017 et signé par les directrices générales adjointes chargées respectivement du pôle solidarités et du pôle évaluation, organisation et méthodes, ne comporte aucune occurrence du mot

« hôtel », alors même que ces deux pôles avaient à cette date dépêchés nombre de contrôles dans ces établissements.

5.1.2 Le département a procédé à deux vagues de contrôle des hôtels utilisés pour l’hébergement des jeunes confiés à l’ASE, en 2017-2018 puis en 2020

[857] La politique de contrôle des hôtels par le département a connu néanmoins deux périodes d’activité :

Une première en 2017-2018, au moment où la direction de la famille, de l’enfance et de la jeunesse prend conscience de l’ampleur du phénomène et entend en contrôler les risques ;

Et une seconde fois, début 2020, avec la mise en place du groupe de travail sur les hôtels ayant fait suite au drame du 11 décembre 2019.

[858] La première vague de contrôles a donné lieu à plusieurs rapports transmis à la mission, concernant 13 établissements utilisés par les SST. Il s’agit de fiches synthétiques, ainsi que de copies de messages échangés avec les gestionnaires pour faire suite aux observations formulées par les vérificateurs. Ces rapports apparaissent intéressants. Ils sont outillés par une grille d’analyse portant sur les divers aspects de l’hébergement des jeunes (sécurité, salubrité, respect de l’intimité, nourriture, relations avec le personnel, etc.). Ils ont toutefois rarement donné lieu à des suites que le département a pu documenter.

[859] Une seconde vague de contrôles en 2020 a donné lieu à la visite de 34 établissements. La mission a demandé à plusieurs reprises la communication des comptes rendus de ces visites. Dans un premier temps, seul un document synthétique relatant les résultats de ces contrôles a été donné.

Après de nouvelles relances, les comptes rendus par hôtel ont été transmis le 27 juillet 2020.

[860] Les résultats de ces deux vagues de contrôles sont détaillés infra.

5.1.3 Les compétences des acteurs sont floues et diluent les responsabilités

5.1.3.1 Les responsabilités du département, de la plateforme et des établissements hôteliers ne sont pas clairement identifiées

[861] L’absence de relations formalisées et balisées par le droit fait apparaître l’hébergement en hôtels prestataires du département comme un risque important pour les jeunes et pour la collectivité :

Les rôles respectifs du département, de l’hôtel et, lorsqu’elle est utilisée, de la plateforme de réservation, ne sont pas formalisés, de sorte que le contrôle sur place n’a pas de base ; s’agissant de la plateforme, si une charte de qualité lie l’opérateur et ses hôtels partenaires, aucun document autre que la fiche de processus de dépense n’identifie les responsabilités au sein du département et du côté de la plateforme.

Il n’existe aucun référentiel ou directive nationale quant au suivi des hôtels, de sorte que l’ASE des Hauts-de-Seine a construit lors des deux vagues de contrôles ses propres outils, sans contre-expertise extérieure.

Les services départementaux s’estiment démunis lorsqu’une difficulté est identifiée avec un hôtel. Plusieurs témoignages rapportent que les incidents ne peuvent pas toujours conduire à renoncer aux services d’établissements défaillants, faute de solution alternative.

Les conditions de base d’un suivi par les outils disponibles ne sont pas réunies s’agissant des hôtels utilisés par la plateforme : l’outil SOLIS, privilégié dans le cadre de la réorganisation du pôle solidarités pour devenir le support essentiel du métier dans une logique transversale, ne permet pas d’identifier le lieu effectif d’accueil des enfants lorsque leur prise en charge est effectuée via cet intermédiaire. De fait, le contrôle des établissements correspondants ne peut être assuré par le département, qui « délègue » cette fonction à la plateforme, en dehors de tout cadre contractuel. Si les représentants de la plateforme ont pu communiquer à la mission un état de suivi des événements indésirables dans ses établissements partenaires, le suivi des enfants présente dans ces conditions des risques tout particuliers, qu’il convient de corriger rapidement.

Dans ces conditions, les risques sont élevés que des incidents ne soient pas relatés (cf. le malaise du jeune hébergé par l’hôtel E visité par la mission), ou que des fugues ou des départs de jeunes ne soient « remontés » que tardivement, afin de maintenir la recette liée aux nuitées facturées.

5.1.3.2 Aucun service départemental ne se déclare compétent en ce qui concerne le pilotage des hôtels utilisés par l’ASE

[862] La mission s’est efforcée de déterminer les circuits des responsabilités au sein du département quant au recours aux hôtels. La direction de la famille, de l’enfance et de la jeunesse (DFEJ) était clairement identifiée comme responsable avant la réorganisation du pôle solidarités. Cela dit, le tableau de priorisation des risques de la DFEJ pour 2017, qui constitue la cartographie des risques pour ce service, ne contient aucun élément se rapportant aux hébergements en hôtels.

[863] Aucun service interrogé par la mission en 2020 ne s’est déclaré compétent et responsable du sujet. Le contexte dramatique lié au meurtre d’un enfant par un autre au sein de l’hôtel de Suresnes

explique probablement en partie la prudence des personnes interrogées par la mission sur cette question.

[864] De fait, les gérants d’hôtels sollicités par la mission n’ont pas identifié de service référent au sein du département, constatant la variabilité de leurs interlocuteurs. Certains référents éducatifs de jeunes sont connus, mais cette situation apparaît minoritaire.

[865] Le projet, exposé par la direction du pôle solidarités, de désigner une équipe en charge de la supervision de l’offre hôtelière ne peut qu’être saluée comme un axe de progrès.

5.1.4 Le suivi éducatif est disparate et généralement réduit au minimum

[866] Le suivi éducatif des jeunes hébergés en hôtels apparaît très disparate. Il dépend d’une façon générale des conditions du fonctionnement des services chargés de l’aide sociale à l’enfance, qui ont par ailleurs été fortement déstabilisés par les vacances de postes et par la réorganisation du pôle solidarités.

[867] Si les états transmis à la mission, issus de l’applicatif SOLIS, doivent permettre d’identifier les référents de chaque jeune hébergé en hôtel, il est apparu d’une part que ces extractions comportaient des erreurs, d’autre part que certains jeunes n’ont en réalité pas de référent identifié et enfin que certains référents identifiés ne sont pas en mesure d’effectuer le suivi nécessaire du fait d’une charge de travail incompatible avec un tel suivi.

[868] Le caractère réduit du suivi éducatif des jeunes hébergés en hôtels est d’autant plus problématique que ce sont les structures les moins outillées de ce point de vue : si le relais peut être pris par les éducateurs d’une MECS ou par l’assistant familial dans le cas de placements autorisés, les salariés de l’hôtel ne peuvent pas jouer ce rôle, ou le font d’une manière dégradée qui pose elle-même des difficultés.

[869] Certains jeunes sont suivis par un prestataire du département, TAGA, qui met à disposition des éducateurs spécialisés dans le cadre de missions d’intérim. Ces éducateurs peuvent dans un certain nombre d’hypothèses se relayer pour assurer une présence 24 heures / 24 auprès des jeunes hébergés en hôtels. Très coûteux, ces dispositifs n’ont pu être dénombrés par la mission, mais deux éducateurs TAGA ont été identifiés dans les hôtels lors des visites inopinées de la mission, et un dossier individuel de jeune étudié pour ce rapport y faisait explicitement référence.

[870] Une juge des enfants explique : « Prononcer un placement est une décision douloureuse à prendre, avec des parents bouleversés qui peuvent nous dire « mais ils vont être à l’hôtel » et le juge est démuni face à cela, face à ce risque et face à la non-exécution également. Cela peut déboucher sur de vrais doutes sur le placement étant donné qu’ensuite l’ASE ne pourra pas mettre en œuvre la mesure ou qu’elle orientera le jeune vers l’hôtel. »

5.2 Les contrôles du département montrent un état inquiétant des hébergements, qu’ils soient pris en charge par la plateforme hôtelière ou réalisés par des hôtels prestataires directs du département

[871] Les contrôles réalisés par les services départementaux ont donné lieu à des rapports dont la synthèse est relatée par deux tableaux en fin d’annexe.

[872] 13 hôtels ont fait l’objet d’un rapport de vérification en 2017-2018. A l’exception des hôtels numérotés 9 et 12, dont l’utilisation par le département a cessé, ces hôtels ont été à nouveau contrôlés en 2020.

[873] Le département a transmis 33 rapports de contrôle d’hôtels menés en 2020. Ces documents indiquent les notes conférées à ces établissements sur 20. La moitié des points est attribuée en fonction de l’appréciation portée sur le personnel d’encadrement.

[874] D’une façon générale, force est de constater la médiocrité des conditions d’accueil décrites par les comptes rendus d’audit.

[875] D’une manière plus détaillée :

En premier lieu, le système de notation surpondère la présence des adultes au sein des hôtels, en y attribuant la moitié des points. Si le souci d’assurer l’encadrement des enfants confiés à l’ASE apparaît légitime et partagé par la mission, ce dispositif est aussi probablement la manifestation d’une volonté de délégation des missions de surveillance à des structures qui ne sont ni destinées à cette mission, ni autorisées pour cela.

En deuxième lieu, les remarques effectuées pour certains hôtels justifieraient que l’ASE cesse de les utiliser à brève échéance. C’est particulièrement vrai de l’hôtel n° 6, qui est celui qui héberge 60 jeunes au 27 février 2020, ou pour l’hôtel n° 10, qui en héberge 11, et pour lesquels les appréciations sont extrêmement défavorables.

L’hôtel n° 30 est identifié dans l’applicatif SOLIS-ASE comme ayant fait l’objet d’un arrêté préfectoral, information non reprise dans la fiche d’audit réalisée en 2020, sans explication.

Par ailleurs, l’hôtel n° 9, qui accueillait encore deux enfants confiés directement par l’ASE en février 2020, n’a pas fait l’objet d’un compte rendu et n’a probablement pas été inspecté, alors que les éléments issus des audits de 2017-2018 étaient négatifs.

Enfin, l’hôtel « E », dont les conditions d’accueil sont déplorables (cf. supra), a bel et bien été visité par le groupe de travail, et ne fait pour autant l’objet d’aucun traçage, ni dans le document de synthèse recueilli par la mission, ni dans les comptes rendus réalisés hôtel par hôtel. Comme indiqué supra, après signalement par la mission, le département a décidé de déplacer les jeunes hébergés dans cet établissement.

[876] Les notes globalement attribuées par le groupe de travail mis en place en 2020 sont basses, et la qualité des hôtels est généralement reconnue comme faible. Cependant, les observations de ce groupe de travail sont relativement équilibrées au regard de l’utilisation des hôtels par l’aide sociale à l’enfance.

Tableau 74 : Conclusions du groupe de travail départemental sur les hôtels non habilités — aspects positifs et négatifs

Les aspects positifs Les aspects négatifs

L’hébergement hôtelier est une réponse à une mise à l’abri pour des profils de jeunes qui refuse le cadre institutionnel en établissement

Une mise en danger des jeunes dans certains hôtels (non présence d’adulte, défaut de sécurité incendie, sur occupation des chambres)

Une réponse au manque de place en structure d’accueil Aucune visibilité sur le quotidien et/ou présence de certains jeunes accueillis

Réponse temporaire à l’urgence d’une de mise à l’abri

Une offre de service ne permettant pas de répondre à l’ensemble de besoins de ce public vulnérable

Le choix du lieu d’accueil (rapprochement du lieu scolaire ou d’apprentissage)

Conditions d’accueil et de mise à l’abri insatisfaisantes +50 % des hôtels ne correspondant pas aux critères de conformité (sécurité, confort, respect de l’intimité)

Quelques hôtels apportant une offre de service plus en adéquation avec les besoins et problématique des jeunes pris en charge à l’ASE (équipe d’encadrement) Nécessité de réfléchir à d’autres propositions / alternatives

Source : Département des Hauts-de-Seine, La prise en charge hôtelière au titre de la protection de l’enfance, 2020.

[877] Ce document expose les raisons pour lesquelles la collectivité a recours à l’hébergement hôtelier. Il relate en outre l’état globalement médiocre de cette offre d’hébergement. L’évaluation des hôtels visités a été effectuée au sein d’une grille prévoyant l’attribution d’une note selon six critères :

« chambres », « sanitaires », « restauration », « climat social », « sécurité », « personnels d’encadrement ». Une note finale réalise la synthèse ces éléments.

[878] Ce document met en évidence la médiocrité des prestations offertes par les hôtels utilisés par le département : sur 34 hôtels visités, 18 sont classés « insatisfaisants », 9 « moyennement satisfaisants » et 7 « satisfaisants ».

[879] Trois hôtels sont nommément désignés comme « préoccupants », notamment du fait des réponses qu’ils ont apportées au groupe de travail pendant la période de confinement liée à l’épidémie de coronavirus. Le département a indiqué avoir évacué entre 150 et 215 jeunes s’y trouvant en avril 2020131. La mission s’est rendue dans l’un d’entre eux le 8 juillet 2020. Le gérant de cet établissement a effectivement confirmé que les jeunes hébergés par cet établissement ont été déplacés vers d’autres hôtels.

[880] Les représentants du département insistent sur le fait que ces hôtels relèvent de la plateforme de réservation hôtelière, dont la qualité leur semble insuffisante. Au vu de ses constats, la mission ne peut que confirmer la médiocrité des prestations de cette plateforme. En revanche, force est de constater que les trois hôtels ciblés comme « préoccupants » étaient également utilisés directement par les services territoriaux du département au 4 janvier comme au 27 février 2020.

[881] C’est bien l’ensemble de l’offre hôtelière utilisée par l’aide sociale à l’enfance qui mérite d’être réinterrogée, et non uniquement le rôle de la plateforme, dont la remise en question est d’ores et déjà actée dans l’engagement de la procédure de passation d’un marché public destiné à s’y substituer.

131 Plusieurs estimations ont été données à la mission, qui n’a pas eu les moyens de vérifier ces dénombrements.

Outline

Documents relatifs