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5. Division de la recherche

3.4. Les autres guerres de Charlemagne

Selon Loyn et Percival, les limites de l’Empire de Charlemagne ne furent pas nécessairement marquées par des frontières géographiques, mais plutôt par des peuples qui, lorsqu’incorporés au royaume, faisaient en sorte que les frontières se modifiaient. On peut ainsi penser aux Slaves, aux Avars, aux Danois, aux musulmans, aux Grecs ainsi qu’aux Bretons.391 Plusieurs de ces peuples entrèrent en conflit avec Charlemagne au moment où

il devait combattre les Saxons. Il est nécessaire de rapidement présenter certaines de ces

385 Matthias Springer, op. cit. p. 205.

386 Il est ici intéressant de noter l’idée défendue par Henry Mayr-Harting selon laquelle le couronnement de

Charlemagne comme empereur serait lié à sa guerre contre les Saxons. En effet, pour lui, Charlemagne avait besoin de ce couronnement pour se faire accepter comme chef par les Saxons. Ils auraient refusé qu’un roi les dirige, surtout un roi étranger à leur paganisme. En devenant empereur cependant, Charlemagne pouvait imposer ses prétentions d’universalisme chrétien et forcer plus facilement la conversion des Saxons. De plus, le paganisme des Saxons aurait été plus ouvert à être dirigé par un Empereur, en raison de la façon dont le culte était construit. Pour plus de détails, voir Henry Mayr-Harting, loc. cit. p. 1113, 1123-1128.

387 Matthias Springer, op. cit. p. 210.

388 Annales regni Francorum, op. cit. p. 118-119. 389 Christopher Carroll, loc. cit. p. 222.

390 H. R. Loyn et John Percival, op. cit. p. 2. 391 Ibid. p. 1.

guerres, puisqu’elles eurent un impact direct sur la perception que les auteurs carolingiens eurent des Saxons.

Commençons par le conflit avec les Avars. D’origine slave et parfois associés aux Huns dans les sources, ils auraient subi un sort similaire à celui des Saxons.392 Il s’agissait

d’un peuple nomade mentionné pour la première fois entre le Ve et le VIe siècle. Selon

Timothy Reuter, ils étaient dirigés par un prêtre-roi ainsi que par un chef militaire dont le but était de prendre des butins.393 Païens, ils furent combattus en raison des raids incessants

qu’ils faisaient contre le royaume carolingien et en raison de leur association supposée avec Tassilo III de Bavière.394 Selon l’historiographie, les dates clés pour expliquer le conflit

entre les Carolingiens et les Avars sont celles de 791, 793, 795 et 796.395 La première de

ces dates marqua une défaite de la part des Carolingiens, permettant une reprise des hostilités en Saxe.396 La date de 793 pour sa part marqua une défaite importante pour les

Avars et la fin de l’âge d’or de l’expansion carolingienne.397 Finalement, la campagne de

795-796 marqua la fin du royaume avar. N’ayant plus de souverains vers lesquels se tourner, la population avare se dispersa entre différentes entités politiques slaves et scandinaves, disparaissant ainsi des sources.398

On retrouve aussi à ce moment des contacts avec des populations slaves autres que celle des Avars. En effet, les Annales regni Francorum les évoquent souvent, parfois alliées, parfois ennemies des Francs. Ainsi, en 789 on parle du peuple nommé les Wiltzes par les Francs et qui aurait toujours été ennemi du royaume des Francs. En effet, ils passaient leur temps à harceler les alliés slaves des Carolingiens. D’ailleurs, en cette même année 789, la même source souligne que cette nation belliqueuse et confiante en son nombre ne put tenir le choc des armées carolingiennes, et qu’ainsi, elle dut se soumettre.399

392 Stephen Allot, Alcuin of York C. A. D. 732–804. His Life and Letters, York, William Sessions, 1974 p. 79

ainsi que MGH, Epistolae IV, Karolini ævi II, 184, Alcuin, lettre 65 de 799 à Arno, p. 184.

393 Timothy Reuter, loc. cit. p. 184.

394 Idem.. Matthias Becher, op. cit. p. 73 et Rosamond McKitterick, op. cit. p. 131-133 qui ajoute pour sa part

que déjà en 782, les Avars étaient en contact avec Charlemagne, ayant envoyé dans son camp de Lippeham une délégation pacifique.

395 Christiane Veyrard-Cosme, loc. cit. p. 128. 396 Matthias Becher, op. cit. p. 74-75.

397 Matthew Innes, « Charlemagne’s Government » dans Joanna Story (éd.), Charlemagne : Empire and

Society, New York, Manchester University Press, 2005, p. 75.

398 Timothy Reuter, loc. cit. p. 185.

McKitterick évoque un autre combat contre ces derniers en 795, lorsqu’une armée regroupant des Abodrites, des Saxons soumis, des Frisons ainsi que des Sorbiens pénétra dans leur territoire, renversa leur chef Witzan, assassiné par les Saxons, et mit en place un nouveau roi, Thrasco, qui fut assassiné à son tour par les Danois en 809.400

Les dernières campagnes d’importance sont celles que Charlemagne mena contre les musulmans en Espagne. Le roi se rendit dans la péninsule ibérique pour combattre à la fois les musulmans d’Al-Andalous, les chrétiens wisigothiques des royaumes du nord et les populations mixtes de Septimanie. Les combats n’avaient pas de motivations religieuses. Le but de Charlemagne était de répondre aux demandes de chefs chrétiens ou musulmans de la région afin de créer des alliances politiques avec eux, souvent volatiles. En 778, Ibn al-Arabi, gouverneur de Barcelone et de Gérone, en ambassade auprès du roi en 777, avait demandé son aide contre ses rivaux. C’est d’ailleurs après cette expédition qu’aurait eu lieu l’embuscade basque de Roncevaux, de laquelle découle la Chanson de Roland. Selon McKitterick, le guet-apens eut un impact tel qu’il fallut attendre 797 pour que Charlemagne intervienne de nouveau en Espagne, à la suite de la prise de Barcelone par un certain Sadun, désireux de s’allier aux Francs.401

Les Danois, qui furent en relation avec Charlemagne dès 782 par le biais d’ambassades, ne rentrèrent officiellement en guerre contre lui qu’au IXe siècle.402 Pour

cette raison, leurs combats ne sont pas évoqués puisqu’ils n’eurent pas d’impact sur la vision que les auteurs avaient des Saxons.

Dans l’ensemble de ces conflits, il est intéressant de noter que Charlemagne dut combattre sur plusieurs fronts à la fois, connaissant des victoires et des revers. De plus, la plupart de ces guerres se déroulèrent simultanément à la longue période de conflit contre les Saxons, ce qui ne manqua pas d’avoir un impact sur leur représentation.