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Après la conquête de la Saxe : les différents conflits avec les populations slaves

2. Corpus de sources étudiées

3.2. Après la conquête de la Saxe : les différents conflits avec les populations slaves

Les Slaves furent en contact avec la chrétienté dès l’époque carolingienne. Ils vivaient alors en tribus. Leur consolidation en groupes pouvant réellement s’opposer aux chrétiens n’eut lieu qu’entre le VIIe et le IXe siècle. Il est difficile de savoir comment elle

se fit, les sources n’apportant pas de précisions. Barford soutient néanmoins qu’à partir de leur enracinement, les tribus regroupées en clans suivirent l’autorité de deux individus, un chef politique et un chef spirituel.699

Au début du IXe siècle, les relations entre les Slaves et les Carolingiens furent

tendues et des raids eurent lieu de part et d’autre, les chrétiens cherchant avant tout à obtenir des tributs.700 Néanmoins, les informations concernant ces conflits ne sont que

fragmentaires : les Abodrites, les Linones, les Daleminzi et les Sorbes furent cités sous Louis le Germanique, mais seulement pour décrire les actions militaires menées contre eux. Nulle part il n’est fait mention de leurs frontières territoriales ou d’activités missionnaires.701 Fuhrmann en vient ainsi à la conclusion que depuis les combats de

Charlemagne contre les Slaves en 789, les relations entre chrétiens et Slaves païens furent toujours caractérisées par des combats, alors qu’entre Charlemagne et l’attaque de Frédéric

697 Hans-Dietrich Kahl, « Zu traditionellen mitteleuropäischen Geschichtkonstruktionen » dans Hans-

Dietrich Kahl, Heidenfrage und Slawenfrage im deutschen Mittelalter. Ausgewählte Studien 1953-2008. Leiden-Boston, Brill, 2011, p. 22.

698 Bernhard Friedmann cite entre autres Wolfgang H. Fritze, Proleme der abodistischen Stammes – und

Reichsverfassung und ihrer Entwicklung vom Stammesstad zum Herrschaftstaat, Siedlung und Vergassung der Slawen zwischen Elbe, Saale und Oder, Gneissen, 1960. Pour plus de détails, voir Bernhard Friedmann, op. cit. p. 18-20.

699 Paul M. Barford, op. cit. p. 124-125.

700 Timothy Reuter, Germany in the Middle Ages 800-1056, London and New York, Longman, 1991, p. 79 701 Ibid. p. 80.

Barberousse (1122-1190) contre les Polonais en 1157, on dénombre au moins 175 conflits armés, n’incluant pas les escarmouches et les conflits frontaliers.702

Les Carolingiens tentèrent d’abord, à partir de 789, de mettre en place une politique de consolidation territoriale supposant d’importantes opérations de patronage, de diplomatie, d’influence et d’interventions occasionnelles, permettant ainsi une expansion culturelle et religieuse chez certains peuples slaves.703 Barford souligne que les

Carolingiens comprirent très tôt l’intérêt de compter les Slaves parmi leurs alliés, puisqu’ils pouvaient représenter une menace s’ils s’alliaient avec les Saxons. Charlemagne et ses successeurs mirent donc en place une politique slave visant à utiliser les clans les uns contre les autres afin de contrôler la région.704 C’est ce qu’écrit Adémar de Chabanne : « Inde iter

egit in Sclavaniam, ad locum Wilze pervenit, et una cum consilio Francorum et Saxonum transiit Hrenum et venit ad Albiam fluvium, ibique duos pontes construxit, et ad unum fecit castellum ex ligno et terra ex utraque parte. Inde pergens ultra, Sclavos sub suo dominio conquisivit. »705 Pour Friedmann, malgré une première mention des Slaves en 789, l’intérêt

carolingien envers eux était antérieur.706

À la suite de la conquête de la Saxe, les sources font état de combats contre les Bohémiens en 805.707 En 806, Adémar de Chabanne rapporta que :

Inde Aquisgrani veniens, misit Caroum filium suum in Slavaniam que dicitur sorbi super Albiam fluvium. In qua expeditione Milioduch, Sclavorum dux, interfects est. Duo castella Carolus tunc ibi fecit, unum super ripam fluminis Salaee, alterum juxta fluvium Albim. Sclavisque pacatis Carolus regressus, in loco qui dicitur Salliae, super ripam Mosae fluminis venit ad patrem. Iterum in Beheim Sclavaniam misit Carolum filium cum Baioariiss et Alamannis et Burgundionibus, sicut anno superiore, vastataque terra Sclavorum, cum gaudio regressi sunt.708

702 H. Fuhrmann, Germany in the Middle Ages 1050-1200, Cambridge, Cambridge University Press, 1986,

p. 21.

703 Matthew Innes, loc. cit. p. 205. 704 Paul M. Barford, op. cit. p. 107.

705 Nous sommes alors en 789-790. Pour plus de détails, voir Adémar de Chabannes, op. cit. II, 10 706 Bernhard Friedmann, op. cit. p. 25.

707 Adémar de Chabannes, op. cit. II, 18. 708 Idem.

La même année, Charlemagne combattit les Wilzes, alliés aux Danois et en guerre contre les Abodrites, alliés des Carolingiens.709 Les combats se poursuivirent sous Louis le Pieux

qui affronta les Sorbes en 815-816.710 Bien que les écrits utilisés soient tardifs, les sources

carolingiennes elles-mêmes spécifièrent le conflit, entre autres par le biais d’Éginhard ou des Annales Fuldenses.711 Ainsi, les textes rapportent qu’en 846, Louis le Germanique

marcha contre les Slaves moraviens, alors théoriquement ses alliés, mais s’apprêtant à lui faire défaut.712 Puis, en 848-849, les Bohémiens se révoltèrent et furent combattus.713 En

851, les Sorbes attaquèrent les Francs et en 855, Louis reprit les armes contre les Moraves.714 En 857, les Bohémiens furent attaqués.715 D’autres conflits eurent

fréquemment lieu au cours des années 860 et 870.716

Vers la fin du IXe siècle, les sources commencent à insister sur la tribu slave des

Abodrites qui exerçaient une importante pression sur la frontière saxonne. Dès lors, passant d’une politique d’alliance à une offensive plus marquée, les Carolingiens tentèrent d’isoler les différents groupements slaves afin d’éviter toute alliance.717 C’est peu après que les

Ottoniens reprirent le flambeau, menant à leur tour le combat contre les Slaves. Ils tentèrent de les convertir pour qu’ils joignent non seulement les rangs de l’Empire, mais aussi de la chrétienté. Néanmoins, les relations tendues qui eurent lieu tout au long du IXe siècle

marquèrent les Xe et XIe siècles.