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2. Corpus de sources étudiées

2.3. Cosmas de Prague et la Chronica Boemorum

La troisième source analysée est la Chronica Boemorum, écrite par Cosmas de Prague, né vers 1045 dans une famille ecclésiastique de Bohême. Il était donc natif de la région traitée dans son écrit, et les spécialistes de son œuvre s’entendent pour dire qu’il appartenait au chapitre de la cathédrale de Prague. Après ses études à Prague, il alla à l’école de la cathédrale de Liège entre 1075/82 et 1091.662 Il revint en 1091 à Prague et y

reçut la dignité de prêtre en 1099. À une date inconnue, il devint doyen de la cathédrale de Prague, poste qu’il conserva au plus tard jusqu’en 1120.663 Le parcours de Cosmas le mit

en contact avec de nombreuses œuvres littéraires, l’autorisant à développer une excellente rhétorique et renforçant les prétentions défendues par sa chronique. Son texte fut une des premières histoires des Slaves par un auteur slave conjointement à la Gesta principum Polonorum.664 Dès 1086, il fut un témoin privilégié des événements qu’il rapporte dans sa

chronique.665 Il décéda finalement le 21 octobre 1125.666

La date de rédaction de son œuvre n’est pas connue avec certitude. On suppose que son livre I fut terminé vers 1120, et qu’il aurait écrit les suivants entre cette date et son décès.667 Pour Marie Bláhová, Cosmas commença sa chronique au début de la seconde

décennie du XIIe siècle, débutant son écrit par le passé païen et mythique de sa région avant

d’aborder sa conversion. Cela serait en raison de la création de ce passé imaginaire que l’écriture du premier livre fut plus longue.668

661 Francis Joseph Tschan, loc. cit. p. xxv.

662 Il s’agissait alors d’une des écoles les plus réputées de l’époque. Pour plus de détails, voir : Lisa

Wolverton, « Introduction » dans Cosmas de Pragues, The Chronicle of the Czechs. Translated with and

introduction and notes by Lisa Wolverton, Washington, The Catholic University of America Press, 2009,

p. 3.

663 Marie Bláhová, « The Function of the Saints in Early Bohemian Historical Writing » dans Lars Boje

Mortensen, The Making of Christian Myths in the Periphery of Latin Christendom (c.1000-1300), Copenhagen, Museum Tusculanum press, 2006, p. 94.

664 Lisa Wolverton, loc. cit. p. 3. 665 Ibid. p. 12-13.

666 Marie Bláhová, loc. cit. p. 94. 667 Lisa Wolverton, loc. cit. p. 12. 668 Marie Bláhová, loc. cit. p. 95.

Pour ce passé mythique, Cosmas dit avoir suivi sur des histoires et des fables transmises par la tradition orale peu dignes de confiance. Pour les événements entourant la conversion, il souligne avoir utilisé des témoignages de personnes raisonnables et dignes de confiance. Concernant les événements qui lui étaient contemporains, il utilisa des rapports réalisés par des gens y ayant assisté ou ayant entendu leur récit. Hormis ces sources orales difficiles à valider, Cosmas avoua aussi avoir recouru à certains textes, entre autres le Privilegium Moraviensis ecclesie, l’Epilogus euisdem terre atque Boemi, la Vita et passio sanctissimi nostri patroni et martyris Wenceslas et le Privilegium ecclesiae sanctis Georgi.669 Son style trahit aussi l’appel à certains textes officiels, dont des autorités

romaines. 670 Bref, les historiens font face dans cette source à un mélange de traditions

orales et littéraires que Cosmas tenta de réunir.671

L’œuvre de Cosmas est divisée en trois livres. Le premier traite essentiellement de l’origine des Tchèques : la population et leur pays, les ducs et les Přemyslid, la capitale de Prague, le christianisme en Bohème, les institutions, les martyres, etc. Le livre se termine avec la prise du trône par le duc Břetislav I en 1037.672 Le second s’ouvre avec son règne.

L’auteur y traite de l’invasion de la Pologne par les Bohémiens, de sa christianisation et de celle de Bohême et se termine en 1092 avec la mort du dernier fils du duc. Enfin, le dernier livre traite des événements contemporains à Cosmas, soit la prise du pouvoir par Břetislav II et son règne jusqu’à son assassinat en 1100, ouvrant vingt-cinq ans de guerre civile, aussi traitée par l’auteur.673 Ce sont donc 250 ans d’histoire de la nation tchèque,

soit la Bohême et la Moravie, qui sont exposés dans cette chronique, qui émergea aussi dans un contexte de troubles civils. L’auteur put donc vouloir écrire sur le passé de sa nation pour tenter de calmer les tensions internes à son royaume et y ramener les bonnes mœurs.674

La copie originale du manuscrit est aujourd’hui perdue. Contrairement aux deux autres œuvres analysées précédemment, la Chronica Boemorum ne fut pas transmise par de nombreuses familles manuscrites. Le manuscrit le plus ancien date de la fin du XIIe

669 Ibid. p. 95-97.

670 Lisa Wolverton, loc. cit. p. 4. 671 Marie Bláhová, loc. cit. p. 102. 672 Lisa Wolverton, loc. cit. p. 6. 673 Ibid. p. 7.

siècle, soit environ 50 ans après la mort de l’auteur. Une douzaine de manuscrits de cette chronique furent ensuite produits entre le XIIe et le XVe siècle.675

Cependant, malgré le faible rayonnement de la chronique, elle demeure importante pour notre étude puisqu’elle est issue d’un auteur slave écrivant sur son propre peuple. Bien que la nation dont il traite soit chrétienne, sa chronique est l’un des seuls écrits accessibles portant sur les débuts de l’histoire de la Bohême, livrant un témoignage et une représentation du passé païen appartenant aux origines de son auteur. Malgré une image altérée du paganisme, elle justifie donc son importance pour comprendre la représentation du païen de l’époque.