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À : GUENAELLE Objet : RE: question

1 « Penser à soi pour soi par soi-même »

À : GUENAELLE Objet : RE: question

Bonjour GUENAELLE,

merci pour le lien, je vois que tu n'as pas capitulé hier !

Concernant tes infos personnelles, tu as raison de me poser la question et j'ai fait un oubli, j'aurais dû te rassurer sur le fait que tout ce que tu m'as dit reste entièrement anonyme : bien entendu, je ne cite pas ton nom (je modifie les noms), ni le nom de ton entreprise (je parle des secteurs d'activités plutôt), je ne mentionne pas spécifiquement ton village ou tes origines et je parle de l'ensemble des informations te concernant de façon suffisamment précise pour que l'on comprenne d'où tu viens et ce que tu fais, assez floue, voire modifiée dans certains cas, pour que l'on ne te reconnaisse pas. C'est un engagement solide de ma part, mon souhait est de ne mettre personne en difficultés.

Après, toutes ces questions, je les aborde systématiquement pendant les entretiens, c'est ce qui permet de faire vraiment de la sociologie : comprendre une vie de famille, le nombre d'enfants, les activités familiales... ça permet aussi de comprendre un parcours professionnel (je suis de celles qui pensent que les deux sont étroitement liés, c'est pas un hasard si je bosse sur les moms !) ; savoir que les parents étaient indépendants n'est pas anodin pour comprendre comment on devient indépendant (même si c'est loin de tout expliquer) ; connaître des opinions politiques permet de situer aussi les personnes dans le monde social et d'approcher, jusqu'à un certain point, leur vision du monde...

Voilà, j'espère que mes réponses te conviennent. Si tu as d'autres questions, n'hésite vraiment pas, je me tiens à ta disposition pour y répondre. Et puis, si tu souhaites que je taise certains points, n'hésite pas à me le signaler pour que je n'en parle pas, je comprends très bien.

Belle journée à toi, Julie

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Extrait de l’entretien mené avec Nathalie W, 37 ans, mariée, 1 enf., SARL depuis 2009, service aux entreprises, ex-employée. Celle-ci est présentée plus amplement dans le premier temps du chapitre IV, pp. 202 et suivantes.

L’échange se terminera par téléphone, et si j’ai fini par rassurer Guénaëlle, son interrogation indique une certaine réticence à parler de politique, qu’il s’agissait toutefois de ne pas évacuer : elle pouvait masquer une politisation négative qui serait plus spécifique aux femmes (Sineau, 2000) ou des engagements plus prononcés mais dont les femmes rencontrées ne souhaitaient pas faire état. Pour saisir ce positionnement, je me suis donc avant tout appuyée sur des entretiens que j’ai complétés par diverses observations, en particulier sur les réseaux sociaux et Facebook168. Plusieurs événements intervenus en cours d’enquête m’ont permis d’éclairer ce positionnement politico-culturel, et tout particulièrement les élections présidentielles de mai 2012 et les débats liés à la loi en faveur du mariage pour tous finalement votée le 18 mai 2013. Politiquement, les Mompreneurs avec qui j’ai pu être en contact affichent une proximité partisane relativement éclatée de prime abord, qui s’étend du Parti Socialiste à l’Union pour un Mouvement Populaire (aujourd’hui « Les Républicains »), en passant par Europe-Écologie Les Verts ; ces penchants sont rarement approfondis. Ainsi, lorsque je demandais s’il y avait une personnalité en particulier qui représentait le mieux leurs idées, rares sont celles qui ont pu me répondre avec des précisions argumentées. Elles ont, pour celles qui se sont exprimées sur Facebook, plutôt affiché leur désapprobation à l’égard de Nicolas Sarkozy lors de la campagne de l’élection présidentielle de 2012, réprouvant notamment ses positions à l’égard des étrangers ; personnalité clivante, y compris à droite, il ne faut pas y lire pour autant un rejet des options politiques libérales. Toutes en revanche affichent une grande libéralité morale, en soutenant par exemple les mouvements tels que celui en faveur du mariage pour tous.

Pour approcher ces attributs culturels, je propose de m’attarder sur ceux de Nathalie. Son cas est d’autant plus signifiant que, comme c’est le cas de la majorité des répondantes à l’enquête, elle n’est ni fille ni conjointe d’indépendant.e.s. Membre historique de l’association étudiée, présentant des caractéristiques proches du profil moyen des Mompreneurs tout en affichant quelques particularités (voir Encadré 9. NATHALIE, UNE MOMPRENEUR PRESQUE COMME LES AUTRES), Nathalie est une femme

élancée d’une trentaine d’années, à la mise soignée sans être sophistiquée (ses cheveux par exemple ne sont pas brushés, ni ses ongles manucurés) ou ostentatoire (elle ne porte ainsi pas de marques de luxe). Née au milieu des années 70, elle est issue d’un milieu « pas pauvre, mais modeste » : son père était ouvrier spécialisé, et, suite à un accident, il est reconverti dans l’informatique. Sa mère est restée sans activité de longues années, puis est devenue femme de ménage lorsque le père de Nathalie a demandé le divorce ; sa mère aurait ainsi connu un « destin pas très sympa ». La Mompreneur a par ailleurs une sœur, devenue hôtesse d’accueil. Elle serait le fruit d’un « accident » intervenu alors que leur père s’apprêtait à quitter leur mère une première fois.

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C’est en cours de thèse que je me suis sentie autorisée à adresser des invitations à mes enquêtées ; les trois quarts d’entre elles environ ont accepté, ce qui a permis d’observer leur présentation, publications et échanges sur le réseau social. La formalisation d’une grille a permis de systématiser ces observations. Pour plus de détails, voir annexe 1, et plus particulièrement les pages 548 et suivantes.

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