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De la responsabilité économique à l’appoint épanouissant

Les entrepreneuses de la cause des Mompreneurs cherchent initialement à affirmer le potentiel économique des mères, leur capacité à repérer des marchés jusque-là délaissés et à créer des activités rentables. Le cas d’Anne-Laure Constanza*, qui emploie aujourd’hui une vingtaine de collaborateurs.trices, et vient de réaliser une levée de fonds de plusieurs millions pour développer son entreprise est exemplaire de ce trait fondateur de l’identité sociale des Mompreneurs. Dans la lignée de cette success-story dont sont tues les ressources initiales, on retrouve parmi les Mompreneurs présentées dans les différents reportages beaucoup de femmes qui se sont spécialisées dans le monde de l’enfance (Céline Fénié*, mais aussi Rosanne* dans le reportage « Jeunes Mamans et chefs d’entreprise » diffusé le 19/10/10 sur TF1, Pauline Costa* dans le reportage du 30/03/12 diffusé dans le JT de France 2…), et notamment dans la mode enfantine (Laurence* dans le sujet diffusé sur TEVA le 09/06/12). Le premier reportage qui paraît sur TF1 le 10 novembre 2008 présente « des jeunes mamans qui se décident de se lancer dans les affaires » et se centre sur Alexia (de Bernardy)100, « ancienne femme d’affaires dans un cabinet de conseil, elle a

décidé de voler de ses propres ailes, une décision prise lors de sa deuxième grossesse ». Elle crée une

société spécialisée dans les centres de loisirs pour les enfants de trois à dix ans, services qu’elle vend aux entreprises. Alexia explique qu’elle souhaitait redonner du sens à une vie professionnelle qui n’en avait plus, trouvant dans ce métier lié à l’enfance un nouvel épanouissement :

« A

vant j’étais plus superwoman, en prenant les avions en tailleur strict, en ayant une démarche très masculine du travail, très agressive, et quelque part, le fait de monter ces centres de loisirs, avec des enfants tous les jours, je peux pas être plus épanouie quoi

» (Alexia

de Bernardy).

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En opposant une ancienne vie professionnelle masculine à une reconversion implicitement tournée vers le féminin, puisque dédiée au monde de l’enfance, Alexia semble rééquilibrer sa vie en reprenant un rôle où elle exerce certes des responsabilités économiques (son entreprise affiche des signes manifestes de réussite, comme le fait de compter des salarié.e.s) mais qui reste éminemment genré. Toutefois, le potentiel économique des activités interroge régulièrement, une interrogation qui s’accentue au cours du temps : si le business de la petite enfance est effectivement florissant101,

certaines activités paraissent vouées à ne jamais se développer. En 2009 puis en 2010, Céline bénéficie de deux reportages dans le 19-20 de France 3 Bretagne pour présenter son atelier de robes de princesses. Passionnée de couture, elle a décidé de développer une activité autour de cette activité qu’elle avait initiée pour sa fille :

«

Pourquoi ne pas créer mon entreprise pour faire quelque chose que j’aime faire, me réaliser personnellement aussi, je suis ce qu’on appelle dans une niche, alors les particularités d’une niche c’est qu’elles sont très serrées, très discrètes sur un marché très large, moi je ne fais dans le déguisement que des robes de princesse

».

Plus tard, dans le reportage « Jeunes Mamans et chefs d’entreprise » diffusé le 19/10/10 sur TF1, on découvre Nathalie qui s’est elle aussi spécialisée dans la robe de princesse sur-mesure et « rêve du

marché américain ». Elle indique toutefois à la fin du reportage qu’il ne faut pas « avoir envie de faire ça pour vivre » et que son salaire est avant tout un « appoint » dans l’économie familiale. Peu à peu

se dessinent ainsi la création d’activités davantage liées à des goûts personnels qu’à des marchés potentiels ou des offres différenciantes sur un marché existant. Le plateau des « Maternelles » du 3 février 2011 qui regroupe notamment Catherine, Soazig et Alliatou en fournit un bon exemple : la première essaie avec difficulté de créer une activité dans l’événementiel, la deuxième gère un e- commerce de mosaïques, loisir créatif qui la passionne, tandis que, depuis l’abandon récent d’un projet de micro-crèche, la troisième s’interroge sur la vente de vêtements pour enfants. Aucune ne se verse de salaire, les journalistes sont d’ailleurs très prudentes sur le sujet, n’hésitant pas à signaler à l’ouverture de l’émission qu’elles « essaient d’être réalistes, par respect pour les téléspectateurs qui

nous regardent ». Les échanges sont un peu vifs sur le plateau, Elizabeth Tchoungi, la présentatrice

de l’émission, concluant même le sujet ainsi : « Je ne ferai pas mon Elizabeth Badinter, mais est-ce

que les Mompreneurs ne sont pas une manière de remettre les mères à la maison ? ».

Au-delà des exemples de celles qui ont importé le néologisme de Mompreneur et ont fondé des collectifs associés, les femmes présentées dans les différents reportages créent des activités qui s’apparentent à un travail où elles se réalisent plus qu’il ne les rémunère. Cette dimension finit par devenir presque subsidiaire (elle intervient plutôt en clôture des reportages, face à des activités qui

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Il serait ainsi estimé à 2,7 milliards en France en 2007 d’après le cabinet Xerfi :

http://www.chefdentreprise.com/Commerce-Magazine/Article/Le-marche-de-la-puericulture-s-eveille-43473- 1.htm, page consultée le 26/01/15.

paraissent de plus en plus limitées) face au plaisir retrouvé dans une activité épanouissante et qui semble redonner du pouvoir sur sa vie, notamment grâce à d’hypothétiques marges temporelles.

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