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Chapitre II – Le cadre théorique

2.3. La gestion de la vie privée

L’introduction de nouvelles technologies de communication modifie nos manières d’échanger et agence, d’une manière nouvelle et plus en adéquation avec l’environnement, les espaces de conversation. Ce phénomène introduit une réévaluation de l’espace d’intimité dans le contexte d’usage de ces nouvelles technologies. Cette notion d’intimité n’est pas figée dans l’espace comme dans le temps. Nous le voyons plus particulièrement lorsque nous nous penchons plus en détails sur l’histoire de la vie privée.

L’intérêt de notre propos est, plus particulièrement, de nous pencher sur le rapport privé/public, au détour de certaines périodes historiques phares. Dans l’antiquité, les romains avaient certaines difficultés à faire la distinction entre « fonctions publiques et dignité privée, finances publiques et bourse personnelle. La grandeur de Rome était propriété collective de la classe gouvernante et du groupe sénatorial dirigeant » (Ariès & Duby, 1999 : 95). Cette variation, entre la période contemporaine et l’antiquité romaine, dans les considérations pour la vie privée écarte le caractère immuable de cette notion. A l’intérieur de certaine période, il peut apparaître de distinctes évolutions. Par exemple, vers la fin de l’époque augustinienne, les romains « se mirent à considérer la vie publique comme une pure obligation formelle. […] Certes, ils se conformaient encore aux règles de la res publica ; mais ils mettaient de moins en moins de passion » (Sennett, 1979 :11).

A l’inverse, durant la période du haut Moyen Âge, la vie privée est privilégiée, dans le sens où « il faut cacher l’enfance, ces années si fragiles, vivre en privé, pour éviter le malheur. Le monde extérieur est si menaçant » (Ariès & Duby, 1999 : 421). Au-delà de l’enfant, l’individu, tout âge confondu, est, de manière presque permanente, immergé dans un collectif et les formes de solidarités qui s’y exercent sont extrêmement fortes et fréquentes. Cet homme du Moyen-âge s’inscrit dans des dynamiques d’interdépendance tant au niveau collectif, qu’au niveau féodal ou au niveau communautaire (Ariès, 1999 : 7). Mais, à l’intérieur de cet ensemble de dynamiques, il s’est opéré un repliement sur la famille comme une volonté d’occulter le regard d’autrui sinon de l’amoindrir. Bien qu’il y ait eu une augmentation des considérations pour la vie privée durant ces quelques siècles, à l’instar de notre période contemporaine, ces choix ne se sont pas nécessairement appliqués pour les mêmes raisons. Pour le premier, il s’agit de préserver l’innocence des vicissitudes du monde extérieur et, tandis que pour le second, il est issu d’un accroissement de l’individualisme. Il apparaît que l’augmentation de la considération de l’individu pour sa condition l’a amené à revoir la place quotidienne du soi dans la société. Philippe Ariès explique ce phénomène suivant trois évènements extérieurs à l’individu (Ariès, 1999 : 9-11). Le premier correspond à une prise de distance de l’État vis-à-vis des espaces locaux. Le second événement se rapporte à l’accroissement de l’alphabétisation et la diffusion de la lecture, à la faveur de l’imprimerie. Et, le troisième tient à l’émergence de nouvelles formes de religion invitant à la piété intérieure. L’articulation de ces évènements, et l’émulation qui s’en est suivie, fut un facteur d’évolution de l’idée de soi dans la société. Les époques changent, emportant avec elles une partie des normes qui ont conduit la vie des individus, laissant place à de nouvelles : « Sous l’Ancien Régime, les Parisiens avaient l’habitude de se baigner nus dans la Seine. La reine de France accouchait en public, quand la maladie et la mort des grands personnages du Royaume étaient également publiques. Les annales de l’époque avaient fait un récit très détaillé du spectacle de la mort du roi Louis XIV emporté par la gangrène » (Bloche & Verchère, 2011 : 125).

Il semblerait, depuis quelques siècles, s’opérer une différenciation de plus en plus prononcée entre vie privée et vie publique. Cela correspondrait avec ce que Roger Chartier définit comme la civilité, c’est-a-dire le « comportement de l’individu en société » (Chartier, 1999 : 162). Dans cette opposition, il s’agit de reléguer l’ensemble des émotions à l’espace intime et d’adopter – si ce n’est représenter – un comportement rationnel dans l’espace public. Conjointement à cela s’est constitué le domaine social, « qui n’est, à

proprement parler, ni privé ni public, est un phénomène relativement nouveau, dont l’origine a coïncidé avec la naissance des temps modernes et qui a trouvé dans l’Etat-nation sa forme politique » (Arendt, 1988 : 65-66). L’ensemble de ces informations est important à la bonne compréhension de ce qui est privé et de ce qui est public, de ce qui est commun et de ce qui ne l’est pas. Bien évidemment, lorsque nous nous référons au public, il est nécessaire de le penser en relation avec le privé, et inversement (Boyd, 2007a : 1). Ces deux notions doivent se penser comme un ensemble de relations conjointes. Comme nous l’avons déjà observé, il s’est opéré un accroissement toujours plus important du fossé qui sépare la vie privée de la vie publique, concomitant de la privatisation de l’espace public. Et, l’ensemble de ce phénomène participe, selon Élias, à l’émergence et la structuration de la civilisation (Perrot, 1999 : 8).

Dans les lignes qui vont suivre, nous allons nous attarder sur la définition du concept de vie privée. D’emblée, nous faisons le choix de ne pas dissocier le terme français de « vie privée » du terme anglais de « privacy ». Dans les pages qui suivront, nous emploierons indistinctement les deux mots, l’un renvoyant à l’autre. Dans les définitions sur lesquelles nous allons maintenant nous attarder, nous basculerons d’un terme à l’autre suivant la langue dans laquelle le chercheur, à l’origine de la définition, s’exprime.

Bien que la conception de la vie privée, dans le sens où nous l’entrevoyons aujourd’hui, soit assez récente, il n’en demeure pas moins qu’il existe une myriade de définitions, tant philosophique que juridique. Il n’existe pas encore de définition autour de laquelle tout le monde s’accorde, tant les spécialistes que les profanes (Rey, 2010 : 2). Cela peut s’expliquer par le flou qui règne autour de ce concept et des notions vers lesquels il renvoie : légitimité,

non-ingérence, défense du secret, intimité, respect, secret, confidentialité (Tabatoni, 2002 : 1 ;

Polin, 2000 : 4). Ce ne sont pas les seuls mais ils sont l’expression des difficultés rencontrées dans la définition de la [protection de la] vie privée.

La première définition de la privacy qui ait émergé est bien antérieure au développement de l’informatique et de l’Internet et nous la devons à Samuel Warren et Louis Brandeis (Kessous, & Rey, 2007 : 3-4). Ils la considèrent comme « The right to be let alone », le droit d’être laissé seul ou le droit à la tranquillité, suivant les traductions (Warren & Brandeis, 1890).

À partir de ce moment, il s’en est suivi une multitude de définitions. Pour Alan Westin, cela renvoie au « The claim of individuals, groups or institutions to determine for themselves when, how, and to what extent information about them is communicated to others », le droit des individus, des groupes ou des institutions à déterminer pour eux-mêmes quand, comment et dans quelle mesure les informations les concernant seront communiquées à autrui (Westin, 1967). Pour Charles Fried, la vie privée équivaut au « The control we have over information about ourselves », le contrôle que nous avons sur nos propres informations (Fried, 1970). Pour Eugene Stone, la vie privée peut se définir comme « The ability of the individual to personally control information about oneself », la capacité de l’individu à contrôler personnellement les informations le concernant (Stone & al., 1983). Pour Ruth Gavison, le concept de vie privée peut renvoyer au « The right to control one’s own information », le droit de contrôler ses informations personnelles (Gavison, 1980). Selon Michael Froomkin, la privacy est « the ability to control the acquisition or release of information about oneself », la capacité à contrôler l’acquisition ou la divulgation d’informations personnelles (Froomkin, 2000 : 1464). Et, pour terminer, selon Jerry Kang, elle correspond à « an individual’s control over the processing – i.e., the acquisition, disclosure, and use – of personal information », un contrôle individuel sur le traitement – c’est-à-dire l’acquisition, la divulgation et l’utilisation – des informations personnelles (Kang, 1998 : 1203).

Dans ces six précédentes définitions, nous sommes dans une approche principalement informationnelle de la notion de vie privée. Chacun de ses auteurs met l’accent sur le contrôle des accès, induisant une interprétation du phénomène comme un renfermement sur soi, avec une mise à l’écart du monde extérieur, comme si « Vivre une vie entièrement privée, c’est avant tout être privé de choses essentielles à une vie véritablement humaine : être privé de la réalité qui provient de ce que l’on est vu et entendu par autrui, être privé d’une relation « objective » avec les autres, qui provient de ce que l’on est relié aux autres et séparé d’eux par l’intermédiaire d’un monde d’objets commun, être privé de la possibilité d’accomplir quelque chose de plus permanent que la vie » (Arendt, 1988 : 99).

Hannah Arendt conçoit la vie privée du point de vue privatif. Le renforcement de la sphère d’intimité ne serait qu’une fuite de l’espace public. Et, plus encore, le renforcement du secret conduirait à une dégradation de l’espace public. La notion de secret est ici entendue dans le

sens où Emmanuel Kessous le définit, comme ce qui est « caché à autrui » (Kessous, 2012 : 135).

A côté de cela, il est un chercheur, Irwin Altman, qui a interrogé la notion de vie privée d’une manière différente et la définit comme « the selective control of access to the self », le contrôle sélectif de l’accès à soi (Altman, 1977 : 67). Il s’écarte de la privacy comme « simple » processus informationnel et la définit davantage comme un processus dynamique et dialectique, incluant des mécanismes d’optimisation des comportements (Rey, 2009 : 433 ; Palen & Dourish, 2003 : 130). Cette théorie renforce la capacité des individus à évoluer en fonction du contexte, c’est-à-dire plus à même de contrôler les accès à leur vie privée.

Le rapport d’information, présenté en juin 2011, à l’assemblée nationale française par la mission d’information commune sur les droits de l’individu dans la révolution numérique, a identifié trois invariants sur lesquels repose la notion de vie privée : le secret, la tranquillité et l’autonomie (Bloche & Verchère, 2011 : 126-128). Suivant une logique identique, Bénédicte Rey fait état de plusieurs éléments communs aux différents travaux portant sur la notion de vie privée et formule l’idée que c’est « par les tensions que prennent forme les frontières mouvantes entre ce qui est privé et ce qui l’est moins ; l’idée que l’information et son contrôle occupent une place prépondérante au sein des relations humaines ; l’idée construite historiquement que la privacy est un droit humain fondamental, et l’un des piliers de la dignité humaine » (Rey, 2010 : 2).

Au final, la construction d’un cadre de définition de la vie privée est d’autant plus délicat que certaines informations individuelles, considérées comme personnelles, sont aussi nécessaires à la reconnaissance et à l’identification de l’individu dans la société (Terré, 2002 : 138). Ces mêmes informations peuvent potentiellement se retrouver à occuper plusieurs états. La définition qui, à l’heure actuelle, nous semble la plus pertinente qui soit concernant la vie privée correspondrait à une « décision idiosyncrasique de tracer la frontière entre existence personnelle et environnement social » (Vincent, 1999 : 551). Cela tendrait presque à dire qu’il existerait autant de définition de la vie privée que d’individu en âge de raisonner. Tout du moins, cette définition amène à penser la vie privée davantage en termes contextuels qu’informationnels. Pierre Tabatoni, en reprenant les propos de François Rigaux, apporte une précision qui nous semble capitale dans la compréhension de [respect ou protection de] la vie privée en expliquant « qu’il est impossible, et au surplus inutile, de définir la vie privée, et le

(Tabatoni, 2000 : 4). C’est à partir de ce postulat que nous effectuerons notre analyse. Nous ne chercherons pas à donner une définition au concept de vie privée mais nous insisterons davantage sur le caractère mobile des informations personnelles et tenterons d’analyser le déplacement de ces mêmes informations à travers les différents espaces de visibilité de l’usager sur les réseaux socionumériques.

La notion de vie privée est relative aux considérations individuelles (Demeulenaere, 2002 : 201). Selon le contexte dans lequel l’individu se situe, mais aussi selon les considérations de ce dernier, les actions qu’il engage ou les informations qu’il diffuse peuvent arborer, de manière variable, un caractère public, comme un caractère privé. La frontière entre les espaces privé/public n’est pas claire et figée, elle oscille au gré du contexte. Par ailleurs, nous entendons le terme de contexte comme des « paramètres sociaux structurés et caractérisés par des activités canoniques, des rôles, des relations, des structures de pouvoir, des normes et des valeurs intériorisées » (Nissenbaum, 2010 : 132).

Quelques soient les relations que les individus entretiennent entre eux, elles sont nécessairement contextualisées (Bidart & al., 2011 : 79). Le contexte social est invariable aux relations interpersonnelles. Donc, la privacy doit être contextualisée afin d’en permettre la compréhension (Boyd & Marwick, 2011 : 12). La recherche menée, depuis plusieurs années, par Helen Nissenbaum, correspond à un fondement théorique central de notre travail de réflexion concernant le cadrage de la notion de vie privée. Dans un souci de compréhension des problèmes liés à la protection et au respect de la vie privée, Helen Nissenbaum a développé un modèle normatif pour interpréter les échanges d’informations entre les agents (individus ou autres entités), l’intégrité contextuelle, qu’elle définit en ces termes : « L'intégrité contextuelle est un modèle d’explication philosophique de la vie privée en ce qui concerne le transfert d’informations personnelles. Il n'est pas proposé comme une définition complète de la vie privée, mais comme un modèle normatif, ou un système, pour évaluer le flux des informations entre les agents (individus et autres entités), en cherchant particulièrement à expliquer pourquoi certains modèles de flux provoquent une protestation générale au nom de la vie privée (et pourquoi d'autres ne le font pas) » (Barth & al., 2006 : 185).

L’intégrité contextuelle ne s’apparente pas, de près ou de loin, à une définition du concept de vie privée, il s’agit d’un cadre conceptuel afin d’interpréter les échanges d’informations entre agents. En tant que modèle conceptuel, l’intégrité conceptuelle n’est pas affectée par des

dimensions de temps ou d’espace (Nissenbaum, 2004 : 118). L’élément central structurant cette théorie correspond aux normes informationnelles relatives au contexte (context-relative

informational norms), dont les paramètres clés sont 1) les acteurs (actors) : l’émetteur de

l’information, le récepteur de l’information et le suet de l’information ; 2) les attributs (attributes, type ou nature) : de qui ou de quoi s’agit-il ? A qui et de qui l’information a-t-elle été communiquée ? ; Et 3) les principes de transmission (transmission principles) : les contraintes sous lesquelles l’information circule (Nissenbaum, 2011 : 33).

Ce modèle nous semble pertinent puisqu’il cherche à aller au-delà de la vision manichéenne public/privé en mettant l’accent sur la notion de flux d’informations. Il s’agit pour nous d’interpréter les différentes interactions entre les usagers des réseaux socionumériques et les échanges qui se réalisent, d’autant plus lorsque nous nous accordons avec Irwin Altman sur le principe que la privacy correspond à une dialectique entre les différents acteurs d’une relation. La privacy n’est pas un facteur extérieur aux relations interpersonnelles et, encore moins, un élément surplombant régissant les modes d’interactions. La régulation de la privacy n’est pas statique, ni fondée sur des règles, mais correspondant davantage à un processus de contrôle des accès (boundary regulation process) où les individus définissent leur degré d’accessibilité le long d’un spectre d’ouverture (openness) et de fermeture (closeness), suivant le contexte de communication (Palen & Dourish, 2003 : 130-131 ; Bornoe & Barkhuus, 2011 : 5). Comprenant cette pratique de gestion des accès, plusieurs questions se posent. La gestion de la vie privée est-elle une affaire individuelle ? Personnelle ? Commune ? Publique ? Collective ? Comme le rappelle Danah Boyd et Alice Marwick, pour une partie des jeunes usagers des réseaux socionumériques, l’espace privé est un espace collectif. Il est un espace particulier à l’intérieur de l’espace public.

La privacy peut tout autant être une valeur individuelle, personnelle, commune, publique et collective. Le caractère ubiquitaire de la privacy, sa présence dans de multiples espaces, peut partiellement expliquer les différents problèmes rencontrés lors d’atteintes à la vie privée, précédemment cités. La multiplication des espaces entraîne une multiplication des possibilités d’accès aux informations individuelles. L’enjeu de la vie privée est bien un processus de négociation en rapport avec la vie publique. Il se pose aujourd’hui un problème d’usage de l’Internet que Susan Barnes nomme le paradoxe de la vie privée. D’un côté, les individus, notamment les jeunes usagers des réseaux socionumériques, révèlent leur intimité sur Internet ; et, de l’autre, les organismes gouvernementaux, ainsi que les professionnels du

marketing, collectent les informations personnelles des usagers (Barnes, 2006). Intégrés dans ce paradoxe de la vie privée, les usagers des réseaux socionumériques effectuent constamment des choix, entre opportunités (pour l’identité, l’intimité et la sociabilité) et risques (concernant la vie privée, les incompréhensions et les abus), quant à la divulgation d’informations personnelles, voire intimes (Livingstone, 2008 : 405).

Au-delà de la définition du concept de vie privée, il est un phénomène qui occupe une place primordiale dans les usages des TIC. Plus particulièrement, il est un phénomène sur lequel nous ne pouvons pas faire l’impasse lorsqu’il est question de la gestion de la vie privée dans les usages des TIC: le phénomène d’illusion du contrôle.

Laura Brandimarte, économiste, a développé l’idée selon laquelle les usagers des TIC, lorsqu’il est question de la gestion et de la publication de leurs informations personnelles, ont tendance à croire qu’ils gardent le contrôle sur la circulation de ces mêmes informations alors que, dans la pratique, il en est tout autre. Elle entend par « illusion du contrôle » une croyance selon laquelle « la publication d’informations privées implique, dans l'esprit de l'usager, un contrôle dans l'accès et dans l'utilisation de ces informations par des tiers » (Brandimarte, 2009 : 8). Plus précisément, l’illusion du contrôle est définie comme « un biais cognitif par lequel la personne est convaincue qu'elle peut influencer un événement avec son comportement, alors que rationnellement, il est clair qu'elle n'a pas le pouvoir d'influer sur le résultat » (Brandimarte, 2009 : 7). Cela sous-entendrait que le hasard serait soumis à un contrôle alors que, intrinsèquement, le hasard est incontrôlable. L’hypothèse de Laura Brandimarte est que lorsqu’une personne est responsable de la publication d’informations personnelles la concernant, elle aura tendance à croire qu’elle garde un contrôle absolu sur la circulation de ces informations sur Internet ; alors que dans le cas d’une publication d’informations, notamment personnelles, s’effectuant par le biais d’un tiers, elle aurait tendance à souffrir d’une perte de contrôle d’autant plus importante sur ces informations (Brandimarte & al., 2009).

Inévitablement, ce phénomène a des conséquences quant à la gestion de la vie privée sur Internet. Lorsque les usagers n’ont pas la certitude de garder le contrôle – chose qu’ils n’ont d’ailleurs jamais dans la réalité d’usage – ils cherchent à mettre en place des dispositifs permettant de gérer les accès à ces informations. S’ils « souffrent » de cette illusion du

contrôle, ils restent persuadés que leurs informations personnelles ne peuvent circuler sans

les usagers du contrôle qu’ils peuvent avoir sur leurs informations personnelles influencent indéniablement la gestion de leur vie privée sur Internet. Les travaux menés par Brandimarte montrent, d’une part, que l’accentuation du contrôle sur la publication d’informations personnelles a tendance à réduire l’intérêt des usagers pour la protection de leur vie privée et accroitre leur volonté de diffuser ; d’autre part, la diminution du contrôle sur la publication d’informations induirait le phénomène inverse (Brandimarte & al., 2010 : 1). Il n’en demeure pas moins que même si des usagers d’Internet ont conscience des dangers qui peuvent peser sur leur vie privée, ils peuvent ne pas en tenir compte, voir, dans des cas plus extrêmes, ils peuvent ne pas en avoir conscience. Ils imaginent garder le contrôle sur la circulation de leurs informations personnelles alors que ce n’est pas le cas.