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Gestion de la ressource au lac Saint-Jean historique des modifications réglementaires

au Saguenay-Lac-Saint-Jean Légende

5.2.5. Potentiels de mise en valeur des animaux à fourrure et contraintes

5.3.3.2. Omble de fontaine anadrome

5.3.3.3.3 Gestion de la ressource au lac Saint-Jean historique des modifications réglementaires

Les différentes modifications réglementaires qui ont été appliquées s’appuyaient sur un nombre important d’indicateurs. Ces mesures consistent en général à l’ajustement des périodes de pêche, des limites de prise quotidienne et de possession et des engins de pêche. Les limites de prise ont graduellement diminué à partir de la fin des années 1940 jusqu’à l’établissement des limites actuelles. Entre 1960 et 1990, des «sanctuaires de pêche» ont été instaurés sur les rivières aux Saumons et Métabetchouane. Des interdictions partielles de pêcher ont également été promulguées sur certaines portions des rivières Ashuapmushuan, du Cran, Mistassini, Ouasiemsca, Micosas et Pémonca durant une période déterminée de la saison de pêche. Les mesures instaurées à partir des années 1960 se voulaient d’abord préventives, puis restrictives afin de réduire la récolte, jugée trop importante (MRNF et CLAP 2009).

De 1984 à 1986, l’ouverture de la saison de pêche a été reportée du 4e vendredi d’avril au 2e, au 3e, puis au 4e vendredi de mai, afin de réduire le nombre de ouananiches récoltées, plus important en avril et mai. En 1989, une série de mesures réglementaires visant à étendre les zones d’interdiction de pêcher à l’intérieur des tributaires du lac Saint-Jean et à devancer les interdictions ont été fixées (MRNF et CLAP 2009).

 

Captures sportives

Récoltes traditionnelles

Figure 39. Relation entre le nombre de ouananiches récoltées via la pêche traditionnelle et celles capturées via la pêche sportive, de 1997 à 2002 et en 2006 et 2007

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En 1994, dans un contexte d’effondrement de la production naturelle, où le succès de pêche est apparu réduit à son minimum historique connu, une limite de taille minimale de 40 cm fut imposée à la récolte de ouananiches, dans le but de protéger les jeunes spécimens. En 1996, suite à la création de l’aire faunique communautaire du lac Saint-Jean et de la Corporation de LACtivité Pêche Lac-Saint-Jean (CLAP), la pêche fut tarifée. En 1998, on autorisa à nouveau la pêche dans certains tronçons des rivières Ashuapmushuan, Pémonka et du Cran à partir de la date d’ouverture de la saison de pêche au lac Saint-Jean jusqu’au 30 juin. Cet assouplissement réglementaire fut justifié par le fait que la montaison ne débute pas avant juillet, sauf exception. Suite aux montaisons records enregistrées entre 1997 et 1999, une pêche contingentée à la mouche fut autorisée en 2000, dans le cadre d’un projet pilote dans la fosse du Trou de la Fée dans la rivière Métabetchouane (MRNF et CLAP 2009).

Face à une chute dramatique des montaisons en 2001-2002, la remise à l’eau de toutes les ouananiches capturées en lac fut imposée en 2003. La remise à l’eau obligatoire, plutôt qu’une interdiction complète de pêcher, avait pour objectif de limiter les impacts sur la fréquentation.

Par contre, la fréquentation par les pêcheurs diminua de façon importante (l’effort de pêche a été considéré comme nul en 2003), provoquant des impacts socio-économiques notables. La pêche fut ensuite rouverte en 2004, mais débuta le 18 juin, soit trois semaines plus tard que la date d’ouverture habituelle. Cette mesure visait à limiter la mortalité par la pêche, considérant qu’une grande partie de la récolte s’effectue généralement durant les premières semaines de la saison de pêche. La limite de taille minimale de 40 cm fut abolie par la même occasion. Ce n’est seulement qu’en 2005 que la pêche à la ouananiche put reprendre le 4e vendredi de mai (MRNF et CLAP 2009).

Les modifications réglementaires avaient pour objectif de limiter la récolte lors d’années de faible abondance de la ressource afin d’assurer le rétablissement de la population, donc d’optimiser les montaisons. Bien que cet objectif ait été fréquemment atteint, ce rétablissement fut chaque fois temporaire. Dans une large partie, les modifications apportées à la réglementation assurèrent une meilleure protection de la ressource, mais elles ont également eu comme effet d’augmenter la prédation sur l’éperlan et d’augmenter les fluctuations d’abondance de la ouananiche.

Actuellement, la saison de pêche à la ouananiche en lac débute le 4e vendredi de mai et se termine le dimanche suivant la fête du Travail. Des périodes de pêche particulières s’appliquent toutefois sur certaines rivières. La pêche à la ouananiche est aussi interdite, partiellement ou complètement, sur quelques-unes. Les limites de prise quotidienne et de possession sont fixées à deux ouananiches. La pêche à la mouche est également ouverte depuis 2008 sur certaines rivières.

Cadre de gestion de l’espèce

Lors d’audiences publiques sur l’ouverture de la pêche à la ouananiche en 2004, les trois MRC du Lac Saint-Jean ont revendiqué la tenue d’états généraux sur la gestion de la ouananiche. C’est la Conférence régionale des élus (CRÉ) qui a eu le mandat d’élaborer un diagnostic sur la gestion de la ouananiche. Elle a donc réuni toutes les parties concernées à un lac-à-l’épaule et elle a livré un diagnostic. Cet exercice a permis aux intervenants de prendre connaissance des forces et faiblesses du plan de gestion 1996-2006 et de s’entendre sur les points suivants : instaurer une relation de confiance entre les partenaires en clarifiant le rôle et les responsabilités de chacun; ramener les connaissances scientifiques au centre de la prise de décision; assurer la pérennité de la ressource halieutique, de la pêche traditionnelle et de la pêche sportive; assurer un partenariat pour l’élaboration d’un nouveau plan de gestion.

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Les intervenants se sont aussi entendus sur les énoncés suivants concernant l’écosystème. Le lac Saint-Jean et ses tributaires forment un écosystème complexe et c’est en même temps un réservoir.

Il s’agit d’un lac productif, mais avec une capacité de support limitée et il doit être géré à l’intérieur de ces limites tout en cherchant à optimiser les activités sociales et économiques dans une approche de développement durable. Finalement, on peut se permettre de donner un coup de main à la nature, au besoin, pour minimiser les fluctuations cycliques.

À la suite du lac-à-l’épaule, un comité de gouvernance a été formé pour bonifier le cadre de gestion des ressources halieutiques et de la pêcherie dans l’AFC du lac Saint-Jean, notamment en regard de la prise de décision et des stratégies de communication. Il est composé de cinq représentants provenant des MRC du Lac-Saint-Jean, du MRNF, de la CLAP, des Ilnus de Mashteuiatsh et de la CRÉ.

Ils reconnaissent qu’ils sont maintenant mutuellement et collectivement responsables du développe-ment durable de la ressource halieutique.

Le comité de gouvernance a également pour mandat de maintenir une collaboration efficiente et performante des partenaires et de s’assurer qu’un nouveau partenariat d’affaires, visant un financement intégré, soit attaché pour le prochain plan de gestion (2011-2020). Le comité de gouvernance a procédé à la clarification des missions, rôles et responsabilités des partenaires incluant la participation des Ilnus (Karine Gagnon, MRNF, comm. pers.).

Le comité scientifique a repris ses travaux. Son principal mandat est de conseiller les gestionnaires de la ressource. Le comité a attribué le mandat à l’UQAC de fournir une synthèse des connaissances sur la ouananiche et l’éperlan arc-en-ciel afin d’établir les bases de gestion du plan 2011-2020. La synthèse sera rendue publique au cours de l’automne 2009. Un plan de gestion transitoire 2009-2010 a aussi été produit par le MRNF en collaboration avec la CLAP. Les membres du comité scientifique proviennent du MRNF, de la CLAP, du Conseil des Montagnais du Lac-Saint-Jean, de RioTinto Alcan, de la CRÉ et de l’UQAC.

Gestion actuelle de l’espèce

Afin de gérer adéquatement la ouananiche du lac Saint-Jean, deux points de référence critiques ont été établis par le MRNF. Le premier est le nombre minimum de reproducteurs (seuil de conservation) à maintenir pour chaque population de ouananiches et le second est le nombre maxi-mal au-delà duquel le risque d’effondrement de l’éperlan est à craindre. Les modalités de gestion devront donc viser à maintenir un nombre de reproducteurs au-dessus du seuil de conservation, mais en dessous du niveau maximal fixé pour chaque rivière (Legault 2008).

Ces cibles de gestion ont été établies à partir des montaisons de ouananiches dans la rivière Mistassini, la rivière témoin depuis 1975 et d’un modèle statistique (Ricker, 1954) généralement reconnu pour les salmonidés. Ce modèle met en relation les montaisons annuelles (nombre de parents ou le stock) et les retours d’adultes en rivière (nombre de recrues) engendrés par chaque montaison parentale. Le seuil de conservation pour la rivière Mistassini est de 286 et le nombre maximal est de 517 (Tableau 32) (Legault 2008).

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Les cibles de gestion des trois autres rivières ne peuvent être établies par la même méthode car les séries statistiques existantes ne sont pas adéquates. Par contre, différentes approches ont été regardées pour exporter les données de la rivière Mistassini aux autres rivières. L’approche choisie repose sur le fait que l’abondance des reproducteurs des quatre populations de ouananiches varie selon un patron temporel semblable (Figure 30). Elle consiste à utiliser les relations qui existent entre l’abondance des reproducteurs de la population de la rivière Mistassini et chacune des trois autres populations. Nous obtenons pour les quatre populations un seuil de conservation de 1 354 et une cible maximale de 2 111 reproducteurs (Tableau 32) (Legault 2008).

Le plus grand défi consiste maintenant à gérer la ressource et la pêche en fonction de ces balises, lesquelles devront être réajustées à l’usage suivant l’évolution des statistiques et des connaissances sur la ouananiche et l’éperlan.

Rivière Seuil de conservation Nombre maximal

Mistassini 286 517

Aux Saumons 222 351

Ashuapmushuan 584 934

Métabetchouane 262 310

Total 1 354 2 111

Tableau 32. Cibles de reproducteurs pour les quatre rivières à ouananiches du lac Saint-Jean (Legault, 2008)

La pêche à la ouananiche en rivière

Un des moyens à notre disposition pour contrôler, dans une certaine mesure, l’abondance des reproducteurs en rivière est la pêche sportive. C’est dans ce contexte, jumelé à la possibilité de mettre la ressource en valeur, qu’une pêche à la ouananiche en rivière fut organisée en 2008.

Cette pêche à la ouananiche en rivière est développée selon les mêmes standards que la pêche au saumon. Aussi, la réglementation sur la méthode de pêche est la même que pour la pêche au saumon, soit l’utilisation d’une seule mouche artificielle, non appâtée, garnie d’un maximum de trois pointes.

Également, à l’image des modalités de pêche au saumon, la pêche à la ouananiche en rivière est ba-sée sur une flexibilité réglementaire afin que l’exploitation puisse être ajustée, avant ou en cours de saison, aux besoins de conservation. Ainsi, lorsque les montaisons apparaissent insuffisantes (c.-à-d.

n’atteignent pas le seuil de conservation), des mesures peuvent être prises, telles que l’imposition de la remise à l’eau des captures ou la modification des limites de prise. La pêche à la ouananiche en rivière nécessite d’autre part une autorisation particulière et les prises doivent être enregistrées. Ces mesures assurent un contrôle des prélèvements, nécessaire au respect du seuil de conservation. Les périodes ouvertes à la pêche à la mouche en rivière suivent le patron des montaisons de chacune des rivières, se déroulant ainsi plus hâtivement sur la rivière Mistassini.

La réouverture partielle de la pêche en rivière est pour l’instant effectuée sur une base expérimentale, dans le cadre d’un projet pilote. Selon un sondage auprès des pêcheurs participants en 2008, l’activité a été un franc succès (95 % des pêcheurs se sont dits très satisfaits de leur excursion) (Verschelden 2008).

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Finalement, en plus de veiller au contrôle du nombre de reproducteurs en rivière et de contribuer à l’objectif de diminution de l’amplitude des variations d’abondance de ouananiches, le développe-ment de la pêche en rivière permet de diversifier l’offre halieutique, et ainsi stimuler l’achalandage touristique et accroître les retombées socio-économiques liées à la pêche.