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État des connaissances sur l’espèce Description de l’espèce

au Saguenay-Lac-Saint-Jean Légende

5.2.5. Potentiels de mise en valeur des animaux à fourrure et contraintes

5.3.3.2. Omble de fontaine anadrome

5.3.3.3.1 État des connaissances sur l’espèce Description de l’espèce

La première mention de la ouananiche dans le lac Saint-Jean fut effectuée par le prêtre Dequen en 1647 (Lapointe 1985). L’espèce aurait colonisé le lac Saint-Jean à l’époque de la mer de Laflamme grâce à sa tolérance à la salinité. La ouananiche est l’un des quatre principaux piscivores retrouvés dans l’AFC du lac Saint-Jean (les trois autres étant le doré jaune, le grand brochet et la lotte). L’espèce est très recherchée à la pêche sportive, entre autres, pour sa grande combativité. Elle fait la renommée de la région (elle est d’ailleurs l’emblème animalier régional) et peut être considérée comme l’une des plus importantes populations de saumons d’eau douce indigènes de l’Amérique du Nord (Legault et Gouin 1985).

Plusieurs études ont démontré qu’il existe quatre populations de ouananiches dans le lac Saint-Jean : la population de la rivière Mistassini-Ouasiemsca, de la rivière Ashuapmushuan, de la rivière aux Saumons et de la rivière Métabetchouane, correspondant aux différentes rivières utilisées pour la reproduction (Tessier et al. 1997 ; Tessier et Bernatchez 1999 ; Potvin et Bernatchez 2000, 2001).

Suite à des analyses génétiques des poissons enregistrés par les pêcheurs entre 1975 et 1996, il a été démontré que les poissons provenant de la rivière Ashuapmushuan sont ceux qui contribuent le plus à la récolte en lac (49,1 %), suivi de ceux de la rivière Mistassini-Ouasiemsca (27,5 %), puis de ceux de la rivière aux Saumons (15,1 %) et finalement de ceux de la rivière Métabetchouane (8,3 %) (Potvin et Bernatchez 2000, 2001).

La ouananiche est un saumon atlantique dont le cycle vital se déroule exclusivement en eau douce.

La reproduction de la ouananiche au lac Saint-Jean a lieu vers le milieu du mois d’octobre, lorsque l’eau atteint une température entre 5 et 7°C. Les frayères sont généralement situées en eau peu profonde, où le courant est rapide, et sont constituées de gravier. Après la fraie, une partie des géniteurs redescendent immédiatement vers le lac tandis que les autres passent l’hiver dans les fosses de la rivière, pour ne redescendre qu’au printemps. Dans les deux cas, ces poissons auront passé plusieurs mois en rivière, sans s’alimenter. On les appelle les saumons noirs, puisqu’ils deviennent amaigris et de couleur très foncée (Legault et Gouin 1985).

Au lac Saint-Jean, l’éclosion des œufs survient au mois de mai. L’alevin ne sortira du gravier qu’une fois ses réserves vitellines épuisées. Il commence alors à s’alimenter et devient un tacon. La durée du séjour en rivière dépend de nombreux facteurs, mais, au lac Saint-Jean, la plupart passent entre deux et trois ans avant de dévaler vers le lac. Ils subissent alors de nombreux changements physiologiques et deviennent des smolts qui retourneront en lac lors de la décrue printanière. La durée de vie totale des ouananiches au lac Saint-Jean est d’environ huit ou neuf ans et la maturité sexuelle est atteinte vers cinq ou six ans. La majorité des ouananiches remontent leur rivière d’origine après avoir séjourné entre deux ou trois ans en lac. Pendant l’été, les ouananiches matures migrent vers leur rivière d’origine. Elles cessent alors de s’alimenter, et ce, jusqu’à leur retour en lac. La période de migration varie d’une rivière à l’autre, mais se situe en moyenne entre la mi-juillet et la fin août au lac Saint-Jean (MRNF 2009, données non publiées).

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Suivi de l’abondance et facteurs affectant la survie

C’est lors de la montaison des géniteurs que s’effectue le suivi de l’abondance, à l’aide des passes migratoires ou de barrières de comptage. Ce sont principalement ces données qui permettent aux différents intervenants régionaux d’effectuer un suivi de l’abondance de l’espèce. De 1970 à 2007, l’abondance des géniteurs en montaison a connu de grandes variations dans les quatre rivières de reproduction (Figure 30). Ces fluctuations semblent suivre un cycle de huit à dix ans et ce patron peut s’observer sur les quatre rivières. Depuis la fin des années 1970, on a observé quatre grands cycles d’abondance.

Différents facteurs peuvent affecter la survie de la ouananiche lors de ses séjours en rivière. Ces facteurs sont comparables à ceux affectant le saumon anadrome. La survie de l’œuf au smolt est en partie dépendante de la densité (Jonsson et al. 1998). Ce phénomène a aussi été démontré sur certaines rivières au Québec (Caron 1992). Lorsque la densité est trop élevée, certains mécanismes compensatoires entrent en ligne de compte, comme la compétition intra et interspécifique, la préda-tion, les parasites et les maladies. Dans les tributaires du lac Saint-Jean, les principales espèces potentiellement compétitrices des ouananiches juvéniles sont le naseux des rapides, le meunier noir, le chabot et l’omble de fontaine (Fortin et al. 2008).

 

Nombre de géniteurs estimés

Figure 30. Estimation annuelle de la montaison des géniteurs de ouananiches dans les rivières Ashuapmushuan, aux Saumons, Métabetchouane et Mistassini-Ouasiemsca au lac Saint-Jean, de 1970 à 2007 (MRNF 2009, données non publiées)

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Au lac Saint-Jean, il a été démontré que plus le nombre de géniteurs est élevé, moins la survie des individus est élevée, ce qui se traduit par un taux de retour des adultes plus faible (Figure 31) (Fortin et al. 2008). La ouananiche est donc en partie dépendante de la densité. Il a aussi été démontré que la croissance de la ouananiche, surtout lors de sa première année en lac, est directement liée à l’abondance des jeunes éperlans arc-en-ciel de l’année (0+) (Figure 32). Une diminution de la croissance des jeunes ouananiches signifie un prolongement de sa vie en lac, puisque l’atteinte de la maturité sera plus tardive. Ce séjour prolongé augmente la période où les jeunes ouananiches sont soumises aux risques de mortalité, naturels ou par la pêche. Également, lorsque l’abondance des jeunes éperlans est faible, les ouananiches peuvent voir leur masse diminuer jusqu’à 50 %.

Puisque le nombre d’œufs produits par une femelle est fonction de la masse, cette situation entraîne inévitablement une diminution de la déposition des œufs et une diminution du recrutement.

Finalement, l’abondance de l’éperlan arc-en-ciel est le facteur principal qui influence la survie en lac de la ouananiche (Fortin et al. 2008).

 

Taux de retour

Nombre de parents

 

Longueur à la fourche (mm)

Nombre d’éperlans 0+ (nb 1000 m-3)

Figure 31. Taux de retour des géniteurs de ouananiches issus d’une cohorte en fonction du nombre de parents dans la rivière Mistassini, au lac Saint-Jean pour la période de 1975 à 1998 (Tiré de Fortin et al. 2008)

Figure 32. Influence de l’abondance des éperlans arc-en-ciel (0+) au lac Saint-Jean sur la longueur à la fourche (en mm) des géniteurs de ouananiches de la rivière Mistassini ayant séjourné 2 ans en lac entre 1996 et 2005 (Tiré de Fortin et al.

2008)

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Selon certains écrits, la production de jeunes ouananiches dans les tributaires du lac Saint-Jean et dans son émissaire déclina fortement après l’harnachement de la Grande Décharge et de la rivière Péribonka. Afin de contrer les diminutions des stocks de ouananiches, des ensemencements ont eu lieu. Ces ensemencements ont d’ailleurs commencé très tôt, il y a plus de 100 ans. Mais ceux-ci se sont intensifiés dans les années 1990, lorsque le MRNF instaura un vaste programme d’ensemencement (Fortin et al. 2008). Par contre, il semble que le pool génétique des ouananiches est stable depuis des décennies. Cette information permet de conclure que ces ensemencements ont peut-être fourni du poisson pour la pêche, mais ne semblent pas avoir contribué à la restauration des populations déjà établies (Bernatchez et Tessier 1998). Ils pourraient même avoir accentué les cycles d’abondance de l’éperlan et de la ouananiche.

Recherches sur l’éperlan arc-en-ciel

Tel que mentionné précédemment, l’abondance de l’éperlan arc-en-ciel est le facteur essentiel influençant la survie en lac de la ouananiche (Fortin et al. 2008). Il devient donc essentiel de mieux connaître les variations d’abondance et les facteurs affectant sa survie. Un suivi annuel de l’abondance des jeunes éperlans arc-en-ciel (0+) est réalisé annuellement sur le lac Saint-Jean depuis 1996 (Legault 1998). Ce suivi a permis de constater une très grande variabilité de l’abondance de cette espèce au lac Saint-Jean selon les années (Figure 33) (Fortin et al. 2008).

  Nombre d’éperlans 0+ (nb 1000m-3 )

Figure 33. Abondance des éperlans arc-en-ciel 0+ au lac Saint-Jean de 1996 à 2007 (Tiré de Fortin et al. 2008)

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Plusieurs facteurs ont été étudiés afin de mieux comprendre ceux affectant la survie de l’éperlan arc-en-ciel au lac Saint-Jean. L’équipe de Pascal Sirois (Laboratoire d’écologie aquatique, UQAC) a travaillé sur de nombreux sujets de recherche en lien avec cette problématique. Les résultats ont permis de déterminer que plusieurs facteurs biotiques ou abiotiques affectent la survie de l’éperlan, selon le stade de développement de l’éperlan juvénile. Ainsi, la quantité de larves produites suite à l’incubation des œufs sera affectée par le nombre de géniteurs et le débit de la rivière Péribonka.

Par la suite, les larves avec un sac vitellin (âgées d’environ cinq jours) seront dispersées par les vents dominants, puisque leur capacité natatoire est limitée. Leur alimentation est donc dépendante des vents, qui les amèneront vers des conditions d’alimentation plus ou moins favorables (Fortin 2002, Gagnon 2005). Par la suite, la prédation par les smolts de ouananiches aura un impact déterminant sur la survie larvaire. L‘abondance des juvéniles, quant à eux, sera déterminée par la prédation par leurs aînés (individus 1+). Il semblerait que la contribution relative de chacun des facteurs, selon les stades de développement de l’éperlan, soit variable d’une année à l’autre (Fortin et al. 2008).

Il semble par contre que la prédation soit un facteur clé reliant l’abondance de la ouananiche à celle de l’éperlan arc-en-ciel. Ce dernier est la proie préférentielle de la ouananiche, ce qui a été démontré à maintes reprises (Mahy 1975, Desjardins 1989, Nadon 1991, Lefebvre 2003 et Tremblay 2004). Une étude, réalisée par Tremblay (2004), démontre que l’abondance des smolts de ouananiches et d’éperlans arc-en-ciel juvéniles (0+) présente des fluctuations inverses entre 1984 et 2004, analogues à un cycle prédateur-proie (Figure 34). Il est donc possible de penser que les smolts sont fréquemment limités par la quantité d’éperlans 0+ disponibles, ce qui signifierait que la capacité de support du lac Saint-Jean a été dépassée. Grâce à ces résultats, il est possible d’évaluer qu’une abondance de 4 éperlans par 1 000 m3 au mois d’août est nécessaire pour supporter une productivité acceptable et durable des populations de ouananiches. Les résultats suggèrent égale-ment que les ensemenceégale-ments de tacons ou de smolts, en grand nombre dans les années 1990, aient contribué à l’effondrement des stocks d’éperlans et ceux de ouananiches par la suite (Fortin et al.

2008). D’autres recherches sont en cours au laboratoire d’écologie aquatique de l’UQAC visant à mesurer la production de zooplancton du lac Saint-Jean. Cette information permettra de déterminer la capacité de support du lac et d’évaluer la possibilité d’accroître la production d’éperlans et de ouananiches. Les résultats sont attendus au cours de l’année 2010.

Indice d’abondance des smolts  Nombre d’éperlans 0+ (nb 1 000 m) -3

Figure 34. Fluctuations interannuelles de l’indice d’abondance des smolts et de l’abondance des éperlans arc-en-ciel 0+ au lac Saint-Jean de 1984 à 2007

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