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CHAPITRE 1 Problématique

1.4 La formulation d’un problème

1.4.1 Le problème de recherche

La formulation de notre question de recherche s’inspire de la problématologie de Meyer (1986). Melançon (2002) explique cette théorie de la problématique en se servant de l’exemple de Freud :

Avant Freud, on considérait les aliénés comme des problèmes auxquels il fallait trouver des solutions rationnelles. On les enfermait, on les ligotait, on les empêchait de nuire. Freud a renversé cette rationalité. Il a considéré la maladie mentale non pas comme un problème, mais comme une solution à un problème. À quel problème, par exemple, la schizophrénie est-elle une solution? Ce renversement de rationalité est de nature à nous interpeller. L’attention portée aux réponses conduit à les autonomiser et, partant, à les considérer comme des propositions (Melançon, 2002, p. 15).

Il s’agit là d’un renversement de rationalité, et c’est ce renversement qui sera au cœur de notre question de recherche. Nous nommons plus particulièrement renversement axiologique l’opération intellectuelle qui consiste à considérer la technologie non plus comme une solution à un problème, mais plutôt comme un problème en regard de la finalité citoyenne du système éducatif. Soulignons que les finalités de l’éducation, qui sont du domaine des valeurs, donnent à l’axiologie son sens premier.

Problématiser la technologie, c’est tenter de dévoiler ce qui se cache derrière ce qui paraît évident. C’est révéler les relations de pouvoir et les valeurs médiées par la technologie. Problématiser la technologie, c’est aussi un projet, celui d’un espace pédagogique de la technologie au sein duquel former des citoyens actifs. Il ne s’agit plus seulement de développer le « comment faire » de la technologie en se limitant à l’aspect méthodologique (les fonctions), mais plutôt, en s’inspirant de Daignault (1985), à enseigner la technologie comme « faire savoir », comme vecteur de transformation de l’étudiant par la prise en compte du code technique, de ce qu’il révèle sur la société, sur les normes, et de la manière dont il peut être modifié. De ce point de vue, la technologie et l’implication de l’étudiant semblent plus complexes.

Pour nous aider dans cette tâche, nous comptons construire une représentation du hacker dont les défis et les actions seraient proches du rôle de la technologie dans la formation et dans l’autonomisation du citoyen (Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec, 1964) . Soulignons que, dans un premier temps, la définition officielle de la technologie éducative (Januszewski & Molenda, 2008) comporte un aspect éthique. Bien que cet aspect semble s’accommoder d’une perspective critique, nous désirons proposer le hacker comme un exemple d’éthique et d’autonomie (Himanen, 2001; Levy, 2001), qualités qui sont requises pour tous citoyens actifs dans la société (Kingwell, 2000). De même, dans un deuxième temps,

la perspective critique permet de concevoir la technologie comme étant politique, ce qui n’est pas la norme traditionnellement en technologie éducative. Le personnage du hacker, dans une perspective critique, est donc pour nous une piste de réflexion sur la contribution de la technologie à l’éducation du citoyen puisqu’il a démontré au court des dernières décennies que ses actions, motivées par une éthique singulière (Himanen, 2001; Levy, 2001), lui donnent le pouvoir de modifier et d’améliorer la société.

1.4.2 La question de recherche

Considérant, dans un premier temps, notre intérêt pour la finalité du système d’éducation québécois qui consiste à promouvoir la formation d’un citoyen capable de participer à la société selon un idéal démocratique et éthique (Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec, 1964). Considérant, dans un deuxième temps, le désir de proposer une contribution possible de la technologie, et plus spécifiquement de la technologie éducative, à la poursuite de cette finalité de nature démocratique. Considérant, dans un troisième temps, que la technologie peut aussi être un problème en raison, entre autres, de son rôle dans la marchandisation des savoirs et dans une certaine déprofessionnalisation du métier d’enseignant qui se manifeste par une perte d’autonomie. Quelles sont les propositions théoriques qui peuvent émerger de la rencontre de la théorie politique de la technologie de Feenberg (2004a, 2010) et du personnage du hacker, et qui pourraient permettre de forger un apport différent de la technologie à la formation du citoyen, ce que nous nommons un espace pédagogique alternatif de la technologie?

1.4.3 Les objectifs de recherche

• Décrire et s’approprier une théorie de la technologie que nous considérons compatible avec les finalités citoyennes de l’éducation, soit celles qui autonomisent (empowerment) l’étudiant en lui permettant de coder la technologie avec un certain souci de soi et des autres. La théorie politique de la technologie d’Andrew Feenberg sera décrite en référence aux autres grandes familles de théories de la technologie. Cette théorie critique, qui permet de problématiser la technologie, sera le cadre théorique de la recherche. C’est donc par les apports et les concepts de la théorie critique, voire politique de Feenberg que nous allons analyser le deuxième objectif.

• Le hacker serait un personnage apte à modifier le code des logiciels et les systèmes. Nous proposons d’en dresser l’idéal-type afin de voir où se situent les concordances et les discordances entre cette construction et le cadre théorique.

• Les concordances, les points de force que nous allons identifier vont nous permettre de formuler des propositions théoriques qui pourraient enrichir le champ d’études de la technologie éducative en intégrant d’une manière explicite la dimension politique de la technologie, en lien avec ce que signifie être un citoyen actif dans notre contemporanéité, en vue de constituer un espace pédagogique alternatif de la technologie en éducation, en tenant compte des finalités citoyennes de l’éducation.