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L’hétérogénéité des pilotages institutionnels via les CASNAV

2. L ES MISSIONS DES CASNAV : ACCUEIL , FORMATION , INFORMATION ,

2.3. Un « centre de ressources et d’informations » ?

2.3.3. La formation continue des enseignants

Les CASNAV sont invités à dispenser des formations, au moins une fois par an, sur le thème des EANA et des EFIV. Chaque CASNAV dispose d’un pôle de formateurs à temps partiel, souvent répartis dans plusieurs départements. Dans la plupart des académies, les formations sont proposées aux enseignants volontaires, exerçant ou non dans des dispositifs d’accueil. Y sont abordées des informations générales sur les élèves et sur les dispositifs ainsi que des pistes de réflexion sur les modalités pédagogiques à déployer auprès des élèves.

Notons que la question de la formation (et ses contenus) dispensée aux acteurs des CASNAV  eux aussi enseignants  est malheureusement plus marginalement posée et souvent exclusivement organisée à partir des sciences du langage, de la didactique des langues ou d’approches culturalisantes consacrant la meilleure connaissance de supposées différences culturelles. Pourtant, ces acteurs sont parfois présentés sur le terrain comme des

« experts » ou des « sachants »  ou se présentent comme tels.

On compte trois types de stages proposés par les CASNAV : des stages académiques pour public désigné, des stages académiques sur inscription individuelle au plan académique de formation (PAF) et des stages d’établissement. Pour repère, afin d’avoir un ordre de grandeur, d’après les bilans d’activités, dans l’académie de Montpellier, on comptait 58 actions de formation (initiales et continues) pour 2014-2015. L’académie de Bordeaux en comptait 22 (2014-2015), pour les enseignants en charge des élèves allophones et / ou issus de familles itinérantes (ce qui représente ici 238 places aux stages). Toutefois, le nombre de stages peut varier d’une année à l’autre. Pour caractériser le type de stage académique, nous allons donner l’exemple de l’académie de Bordeaux ci-après.

188 MENDONÇA DIAS C. (2013), « L’inauguration d’une option FLES… », op. cit.

189 Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Concours de recrutement du second degré, Rapport de jury, CAPES de lettres, 2ème partie Admission [en ligne], session 2016, p. 12, <media.devenirenseignant.gouv.fr/file/externe/89/5/rj-2016-capes-externe-lettres-admission_

633895.pdf>, consulté le 13 juillet 2018.

Les stages académiques pour public désigné

Elles concernent les enseignants principaux des dispositifs et correspondent à ceux qui enseignent le français, à travers l’académie. Par exemple, dans l’académie de Bordeaux, pour les professeurs du second degré, il y a une journée de rencontre annuelle. L’originalité depuis quelques années (initiée toutefois depuis 2005) est d’associer un professeur de dispositif à un professeur de classe ordinaire de son établissement ; un format identique existe dans le séminaire FLS co-organisé par le rectorat et le CASNAV de Montpellier depuis 2016-2017. Ainsi, chaque professeur de français de dispositif vient à la formation, accompagné du professeur de la discipline mise à l’honneur. Il y a quatre ans, il s’agissait du professeur d’histoire-géographie. L’année suivante, le professeur est venu, accompagné du professeur d’éducation musicale. La journée se déroule avec la découverte d’un projet dont les modalités sont transférables dans l’établissement pour permettre un travail transdisciplinaire (ce qui est par exemple souhaité pour les enseignements de pratiques interdisciplinaires, les EPI). Par exemple, les professeurs de français exerçant en dispositif et les professeurs d’histoire ont été invités à Cap Archéo, où ils ont mené une activité proposée pour des jeunes afin de les sensibiliser au patrimoine de leur ville et les initier à la recherche archéologique. L’année suivante, les professeurs de français et les professeurs d’éducation musicale ont travaillé ensemble avec un professionnel sur la question du rythme. Le groupe d’enseignants était limité à vingt participants en 2014-2015.

En plus de la dimension interdisciplinaire, l’objectif visé est de conduire une réflexion sur l’inclusion des EANA dans les classes ordinaires. C’est d’ailleurs également le mot d’ordre dans l’académie de Montpellier, d’autant que cette question est au cœur de la circulaire n° 2012-141 du 2-10-2012 sur la scolarité des élèves allophones. Ainsi un cadre de l’Éducation nationale de Montpellier nous rappelle-t-il que : « Le fil rouge du plan de formation, déjà l’an dernier [2014-2015], mais particulièrement cette année [2015-2016], c’est l’inclusion en classe ordinaire. Comment est-ce que je fais ? Qu’est-ce que l’inclusion en classe ordinaire ? Comment est-ce que je fais pour inclure en classe ordinaire de français, en classe ordinaire de maths, en classe ordinaire d’histoire-géo ? ».

En ce qui concerne les professeurs des écoles en UPE2A, on ne retrouve pas la même organisation car les enseignants sont pluridisciplinaires et l’école n’est pas organisée avec des professeurs de différentes disciplines. On va alors avoir une journée « aller » où une réflexion et des pistes de travail vont être proposées et une journée « retour » où on évalue et échange sur les expérimentations menées sur les pistes proposées. Les professeurs en charge des élèves non ou peu scolarisés antérieurement, qui relèvent du premier degré mais exercent en collège, participent à ces journées premier degré. Par exemple, en 2014-2015, deux enseignants didacticiens de mathématiques de l’ESPE avaient proposé une présentation de l’enseignement des mathématiques aux élèves allophones et avaient soulevé des pistes de travail. Lors de la seconde journée de travail, plus tard dans l’année, les enseignants avaient présenté les productions et les protocoles de travail mis en œuvre auprès de leurs élèves à la suite de cette présentation. La formation a été départementale et n’a concerné apparemment que les enseignants de la Gironde, exerçant principalement sur Bordeaux et aux alentours.

Par ailleurs, il faut ajouter des formations sur objectifs spécifiques dont nous allons donner trois exemples.

Après 2005, deux jours de formation DELF ont été prévus pour les enseignants de toute discipline, du second degré (mais par la force des choses, plus fréquemment des enseignants de lettres) de sorte à ce qu’ils soient habilités pour l’examination et la correction du DELF scolaire. Suivant les académies, la formation est dispensée par deux formateurs du CASNAV habilités eux-mêmes par le Centre international d’études pédagogiques (CIEP) pour être formateurs d’examinateurs-correcteurs, ou directement par des formateurs du CIEP qui se déplacent. Cette habilitation peut avoir une durée limitée dans le temps.

Depuis 2013-2014, dans l’académie de Bordeaux, une journée de formation au bilan, pour les conseillers d’orientation psychologues (COP), désormais psychologues de l’Éducation nationale des CIO qui prennent éventuellement en charge l’accueil et l’évaluation initiale des élèves arrivant sur le sol français, tel que la circulaire de 2012 le proposait (encore que celle de 2002 le suggérait déjà). En 2014-2015, il y a eu une proposition académique et deux autres sur public désigné où des conseillers ont été conviés à une formation d’une journée, accueillant jusqu’à 18 participants.

Depuis trois ans aussi, est mise en place une journée de formation pour les formateurs CASNAV car l’équipe s’est étoffée. Depuis les années 1990, l’équipe était constituée de guère plus de trois formateurs et d’une directrice, localisés sur Bordeaux. À partir du moment où en 2014, l’équipe a intégré des formateurs résidant dans d’autres départements, il a été nécessaire de banaliser une journée pour permettre une rencontre d’équipe.

Ces formations touchent principalement des professeurs de lettres déjà impliqués dans l’apprentissage par les élèves EANA.

Le stage académique sur inscription individuelle, volontaire, au plan académique de formation

Cette session de formation réunit des enseignants de toutes disciplines – du second degré, principalement – intéressés par les problématiques liées à l’enseignement du français en tant que langue seconde. Elle s’organise sur deux jours (éventuellement consécutifs), à Bordeaux, pour permettre à des enseignants peu formés de découvrir de nombreuses notions.

À titre d’exemple, en 2014-2015, le CASNAV de Bordeaux a assuré ce stage de deux jours, accueillant jusqu’à 25 participants. Signalons qu’il y a un stage équivalent concernant les enfants issus des familles itinérantes et du voyage.

Pour ce qui est de la formation continue, un chargé de mission de Montpellier explique : « on fait une offre formation, académique, à laquelle les profs s’inscrivent. Donc soit les profs, euh de ces UPE2A, soit les profs en classe ordinaire ».

Cette offre académique va dans le sens de l’interdisciplinarité et de l’inclusion mentionnée préalablement. Mais dans les faits, seules les personnes sensibilisées ou déjà sensibles à cette question des élèves allophones feront vraisemblablement l’effort de s’inscrire. Il semble donc peu probable que des enseignants n’ayant pas ou ne connaissant pas l’existence d’élèves allophones dans l’établissement fassent la démarche. Comment

alors toucher cette population qui risque de se trouver désemparée lorsque la situation se présentera, étant donné que les migrants sont mobiles et que les lieux d’implantation se diversifient, y compris jusque dans les zones rurales ? Une intervention plus poussée à l’École supérieure de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESENSR) auprès des cadres de l’Éducation nationale, ainsi que dans les ESPE auprès des enseignants stagiaires et des étudiants candidats aux concours  quelles que soient les disciplines ou les domaines d’intervention éducative  permettrait cette anticipation.

D’autre part, les CASNAV reposent sur les compétences de formateurs qui sont le plus souvent spécialisés en sciences du langage, en didactique des langues, en FLE / FLS, parfois en sciences de l’éducation mais beaucoup plus rarement dans d’autres disciplines tout aussi éclairantes pour travailler sur les parcours d’élèves migrants ou itinérants. L’Institut national supérieur de formation et de recherche pour l’éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés (INS HEA) souhaite contribuer à alimenter une offre de formation qui soit interdisciplinaire en SHS, en ouvrant la porte à des disciplines comme la sociologie, l’anthropologie ou le droit, peu ou pas mobilisées dans les formations habituelles, mais qui pourtant peuvent apporter des éléments indispensables à la compréhension et à l’appréhension des situations socio-scolaires des EANA et des EFIV. L’INS HEA ouvrira ainsi en juin 2018 un module de formation d’initiative nationale (MFIN) destiné aux équipes éducatives exerçant auprès d’élèves en situation d’allophonie, de migration ou d’itinérance, du premier et second degrés. Il prévoit également l’ouverture prochaine d’un diplôme universitaire « Éducation, migration et minorités », destiné à des personnes en poursuite d’études ou à des acteurs déjà engagés professionnellement dans le champ de l’éducation, des migrations et des minorités, et désireux d’acquérir des compétences et des connaissances actualisées leur permettant de faire évoluer leurs actions et leurs réflexions.

De même, dès la rentrée de septembre 2017, ce même institut participait à la formation de la certification des enseignants et à d’autres formations, en partenariat avec le CASNAV de l’académie de Versailles.

Les « stages d’équipe » qui concernent des formations d’établissement

Au début de l’année, généralement, les enseignants peuvent, sur leur propre initiative ou la proposition du chef d’établissement, en collège ou au lycée, soumettre une liste de noms de collègues intéressés pour bénéficier d’une session de deux jours de formation animée par deux formateurs CASNAV de Bordeaux. Le stage peut éventuellement concerner la zone d’action prioritaire (ZAP) et de ce fait, réunir des enseignants relevant d’établissement voisin. Le CASNAV de Bordeaux proposait, par exemple, une journée

« aller » où on expose une présentation du public et des pistes pédagogiques, puis plus tard dans l’année, une journée « retour », pour faire le point sur les modifications de gestes professionnels, éventuellement, et réfléchir à des problématiques verbalisées par les participants, notamment celle concernant l’évaluation des élèves.

Ces formations s’appuient sur une trame constante modulée par les demandes des enseignants exprimées avant le début du stage. Toutefois, les requêtes sont assez similaires d’un établissement à l’autre (la question de l’évaluation des élèves peu francophones). À titre d’exemple, en 2014-2015, le CASNAV de Bordeaux a assuré six stages de deux journées chacun, accueillant jusqu’à 25 participants.

Dans la réalité rencontrée par certains acteurs du CASNAV, il convient de mentionner l’absence parfois de motivation ou l’existence de motivations non réalisables. Ainsi, dans l’académie de Montpellier, il a été souligné :

« Donc la formation, on peut la mettre en place [dans les établissements]. Sauf qu’on voit bien qu’il y en a qui viennent en traînant les pieds. Parce que finalement c’est pas tant la formation que certains attendent. Enfin certains attendent la formation pour avoir un élément de réflexion. D’autres préféreraient qu’on leur mette un enseignant et qu’on les débarrasse de la difficulté. L’esprit et les lettres de la circulaire de 2012 c’est pas ça, euh, le projet académique c’est pas ça, euh donc à un moment donné il va falloir y aller. De toute façon, l’élève à un moment donné il sera dans la classe. Donc, euh, contraints et forcés, ou volontaires, mais on finira par avoir des élèves dans les classes ! » (cadre de l’Éducation nationale).

Ce commentaire rappelle que les attentes ne se situent pas nécessairement sur le même plan. Là où un formateur CASNAV souhaitera construire une réflexion sur la prise en charge, des enseignants seront davantage en attente de recettes applicables ou d’un moyen pour évacuer la difficulté ressentie ou vécue. L’urgence parfois des prises en charge ou des besoins se télescope avec le besoin d’un temps long de formation qui offre l’espace nécessaire pour déconstruire des représentations sur les élèves et leur accompagnement, pour envisager posément une réflexion sur la différenciation et un travail de conception de fiches d’activités.

En ce qui concerne le premier degré, on ne trouve pas de formation d’établissement, mais des formations de circonscription, des animations pédagogiques, où les enseignants de différentes écoles se retrouvent pour échanger sous la responsabilité de l’inspecteur de l’Éducation nationale susceptible d’inviter pour une heure ou plus un formateur du CASNAV.

Ces stages d’équipes visent l’interdisciplinarité. Un cadre de l’Éducation nationale à Montpellier évoque le fait que « le CASNAV n’est pas spécifiquement lié à une discipline, mais au contraire doit irriguer la totalité des disciplines ». La question de l’interdisciplinarité est ainsi présente dans sa réflexion sur les fonctions du CASNAV. Certains référents institutionnels CASNAV, qui sont également formateurs, évoquent ces domaines. Ainsi, « on produit de l’information du conseil et de la formation sur la scolarisation des EANA et des EFIV », que cela soit lors du stage d’établissement « pour s’adresser à l’ensemble des enseignants et pour voir comment chacun prend sa part de cette œuvre collective ». Nous retrouvons là les propos du cadre de l’Éducation nationale sur l’interdisciplinarité. Cet objectif est toutefois légèrement contrarié par les difficultés rencontrées sur le terrain par les acteurs pour l’application d’un tel projet : « la marge de progrès est considérable, mais y’a quelque chose qui est enclenché » (référent institutionnel CASNAV de l’académie de Montpellier). Les missions du CASNAV s’effectuent sur le temps long puisque les formations agissent sur les représentations de chacun  directeurs d’école, principaux d’établissement et conseillers d’orientation inclus  sur ce qui relève de ses fonctions et de ses compétences dans le cadre du parcours individualisé de l’élève.

La formation à distance

Des modules de formation à distance, sur la plateforme institutionnelle Magistère, ont été préparés par l’université Bordeaux Montaigne, mais sans concertation avec le CASNAV ni l’inspection, si bien qu’une année après leur production, les enseignants n’étaient pas

destinataires directement de l’information. Deux ans après, un lien a été mis en ligne sur le site internet du CASNAV mais on ne peut pas encore estimer l’usage qui en a été fait.

Les limites dans l’offre de formation

L’offre de formations demandées par les enseignants ne dépend pas de la seule initiative de la direction du CASNAV, étant donné qu’elle est assujettie à des moyens tributaires de l’acceptation du recteur, comme le rappelle un inspecteur de l’académie de Bordeaux : « Ça relève d’une carte des formations, comme toujours, on pourrait répéter à l’infini : c’est sous la responsabilité du recteur qui accepte ou pas l’ouverture, et à partir du moment où l’ouverture est acceptée au niveau de la carte des formations, ben… elle est actée, elle est prise en compte et à la rentrée, elle ouvre ».

Enfin signalons qu’il peut y avoir des demandes de formation extérieures au milieu scolaire : association, centre de formation agréé par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), université…

Les limites peuvent également se situer sur le plan budgétaire. L’enveloppe initiale accordée sur le plan académique s’élève, d’après un cadre de l’Éducation nationale de Montpellier, à « 200 journées stagiaires. Ça veut dire qu’on fait des stages à dix, 15 personnes sur une journée. Quand on arrive à deux journées, wow ! on est bien contents ». L’implication des acteurs est ici primordiale car il leur revient d’effectuer les démarches nécessaires pour accroître ce budget afin d’envisager un plan d’action plus important : « Là où on n’en avait que 200. On a tapé sur tous les budgets de formation, c’est-à-dire qu’on a été sur le plan académique, le plan départemental, les animations pédagogiques, on a répondu à toutes les offres, euh, à toutes les demandes de formation établissement, etc. Quand on fait l’université, la formation initiale, on tape partout. Au final on est à 1 500 journées stagiaires ».

Une dynamique académique de formation s’assoit, nous le voyons avec cet exemple, sur un engagement des équipes.

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