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L’hétérogénéité des pilotages institutionnels via les CASNAV

1. L E CADRAGE INSTITUTIONNEL : PRÉSENTATION COMPARÉE DES ORGANIGRAMMES Rappel historique pour la présentation du cadrage institutionnel Rappel historique pour la présentation du cadrage institutionnel

1.3. Focus sur les responsables du « dossier EFIV »

Sur nos différents terrains d’enquête dans l’académie de Créteil, nous avons pu constater que le référent académique pour la scolarisation des EFIV, qui fait partie de

160 Académie de Strasbourg, CASNAV (2017), « Contacts » [en ligne], 5 octobre, <www.ac-strasbourg.fr/

pedagogie/CASNAV/contacts/>, consulté le 13 septembre 2017.

161 Ibid., consulté le 20 juillet 2017.

l’équipe permanente du CASNAV, est bien identifié par les acteurs institutionnels, dont certains ont pu suivre ses formations.

S’il n’y a pas d’UPS dans l’académie de Créteil, il existe en revanche des brigades départementales dans le 77 (cinq à sept enseignants) et le 93 (trois enseignants), qui sont coordonnées au sein de dispositifs départementaux de soutien à la scolarisation des enfants du voyage. Selon le site internet du CASNAV, ils « fonctionnent en relation étroite avec le CASNAV de Créteil » sous la responsabilité d’un IEN dans chaque département. En Seine-et-Marne cela ne concerne que le premier degré. « Le Val-de-Seine-et-Marne ne dispose pas de postes d’enseignants pour le soutien à la scolarisation des enfants du voyage ». La mission est confiée à une IEN.

Dans l’académie de Bordeaux, en Gironde, un IEN est en charge des EFIV et des EANA.

Les enseignants comme les acteurs associatifs déplorent le manque de cohérence dans la politique éducative en direction des EFIV et le manque de coordination existant depuis le départ de deux IEN décrits comme très dynamiques sur ce dossier, dont la réputation est d’avoir énormément fait bouger les lignes ces 15 dernières années. Les enseignants se souviennent avec enthousiasme du temps où une réunion d’enseignants auprès des EFIV était organisée par trimestre – ce qui n’a plus lieu aujourd’hui. En 2015 est nommé un nouvel IEN pour ce dossier ; il réunit plusieurs fois par an les enseignants d’UPS dans le but de réaliser une procédure standardisée nommée « mallette pédagogique » visant à faciliter l’accueil et l’inclusion des EFIV dans les classes ordinaires. Il entend également mettre en place des nouvelles formations spécifiques pour ces enseignants UPS.

Même lorsque les effectifs sont assez similaires, nous observons d’importantes disparités inter et intra-académiques relatives à plusieurs aspects du fonctionnement des dispositifs, depuis l’évaluation des situations des élèves jusqu’à la mise en œuvre des apprentissages dans les établissements scolaires, sans oublier des territoires diversement attractifs et l’inégale formation des enseignants.

Dans l’académie de Montpellier, chaque département accueillant des EFIV possède, dans les antennes CASNAV, des « référents institutionnels EFIV »162. Tous ont été a minima professeurs des écoles, avec en plus, selon les cas, de l’expérience en RASED (réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté) et / ou en dispositif UPS et/ou en antenne scolaire mobile (ASM). La posture du référent institutionnel revêt de multiples facettes : entre engagement politique (participer à des instances de pilotage), rôle institutionnel, travailleur social. Cette posture varie aussi selon les contextes locaux de chaque département. Dans les Pyrénées-Orientales, la personne est en poste au CASNAV depuis 2000, alors qu’il a existé un roulement régulier dans l’Hérault (deux référents institutionnels en dix ans environ) et que le dossier n’est pas l’unique mission de la personne qui en a la responsabilité dans le Gard, puisqu’elle est par ailleurs chargée de l’éducation prioritaire et de politique de la ville. Cela renseigne indirectement sur la cohérence qu’il a été possible de construire ou pas autour de cette question. Cette cohérence est d’autant plus forte dans les Pyrénées-Orientales que le référent institutionnel avait été enseignant en ASM pendant six ans dans le département et que « l’immense majorité de [ses] premiers élèves sont aujourd’hui parents d’enfants scolarisés en maternelle ». Il existe donc une certaine épaisseur sociohistorique dans les

162 Ministère de l’éducation nationale (2017), « CASNAV. Liste des correspondants académiques » [en ligne], Éducsol, coll. Ressources CASNAV, DGESCO, novembre, <cache.media.eduscol.education.fr/file/College/38/0/

annuaire2_CASNAV_313380.pdf>, consulté en novembre 2017.

relations entretenues avec les autorités locales, les chefs d’établissement, mais aussi religieux (comme le diocèse) et certaines familles, une « histoire interactionnelle »163 forte qui a permis de tisser des liens solides de confiance.

Cette pratique de longue durée comme référent institutionnel CASNAV dans les Pyrénées-Orientales, apparaît centrale et valorisée dans la posture et la mission des référents institutionnels EFIV des départements de l’académie comme le mentionne un cadre de l’Éducation nationale :

« Sur la question des Voyageurs, c’est le bon élève de l’académie et c’est lié aussi à l’acteur qu’il est, vraiment c’est lui qui a mis ça en place. C’est un transfuge du privé qui a tout organisé, […] Mais là pour le coup, ça peut être intéressant. Je pense que si on arrive à dupliquer dans les autres départements ce qu’on arrive à faire dans les Pyrénées-Orientales, franchement j’en serais ravi ».

En ce sens, la pratique de ce référent institutionnel peut être posée comme modèle pour les référents institutionnels nouvellement recrutés sur le poste et c’est notamment ce que traduit l’usage du terme « planter » à la fin de cet extrait d’entretien :

« Si tu veux la problématique, on ne peut pas […] Enfin, moi quand je suis arrivée, […] je connaissais pas du tout une lettre de mission c’était du chinois presque, pour moi, tu vois ? Qu’est-ce qu’il y a derrière, qu’est-ce que ça veut dire tout ça ? On me dit : “demande à Y, ça fait longtemps qu’il y est là-bas, et… il sait bien faire”, et tout ça. Et donc je me suis rapprochée de lui, on a discuté pendant un moment, il m’a expliqué comment il faisait, son travail et tout ça. Et donc, la première année je me suis dit, bon, bah je vais… je vais faire comme lui. Enfin, je vais prendre (pause) appui sur son exemple, et… je vais faire comme lui. Je me suis plantée, mais alors, en beauté » (référent institutionnel CASNAV).

La mission du référent institutionnel CASNAV-EFIV est aussi à la frontière entre action politique, action éducative, « travailleur social » et engagement militant.

En ce qui concerne l’action politique, lors des entretiens, un référent institutionnel CASNAV a présenté sa mission en ces termes : « chargé de mission départementale, en lien avec les collectivités territoriales et l’Éducation nationale ». Par sa présence au sein d’instances politiques, telles les réunions à la préfecture pour la gestion des aires d’accueil (notamment leur ouverture) ou la préparation d’une évacuation de familles, le référent institutionnel CASNAV est sollicité dans les instances de décisions d’ordres politiques, tel que le comité de pilotage (COPIL) régional. Il peut donc jouer un rôle plus institutionnel à travers une participation aux instances de pilotage, une consultation régulière par les acteurs publics, ou – de manière moins formelle – un échange régulier d’information sur la situation des familles. Son rôle est aussi celui de « baliser le terrain » au niveau administratif auprès des acteurs politiques : mairie (gestion cantine), conseil général (transport), afin d’accompagner ces acteurs à « s’adapter au public » pour l’« accueillir » au mieux. Auprès des établissements, son rôle est celui de faire la « médiation » mais aussi d’informer, envoyer les circulaires, et de les discuter avec les équipes éducatives. Les circulaires sont aussi envoyées par les IEN de circonscription. Pour autant, le référent institutionnel constate que les équipes éducatives n’ont pas connaissance des circulaires qui « sont envoyées [silence], mais pas forcément lues » (Entretien avec un référent institutionnel CASNAV).

163 VION R. (1992), La communication verbale. Analyse des interactions, Paris, Hachette.

Pour ce qui est de l’action éducative, il est aussi force de proposition au sein de l’Éducation nationale pour la création et / ou la suppression de postes ou d’HSE dans certaines villes et s’occupe du versant pédagogique. Le versant pédagogique passe par des formations.

Sa mission comprend aussi un « versant incitation à la scolarisation », soit auprès des familles ou via un « gestionnaire », qui l’amène à « aller vers », concept propre au champ d’action des « travailleurs sociaux ». Dans ce cas de figure, « aller vers » se traduit par des actions socio-spatiales, comme se déplacer auprès des familles et faire le lien vers l’école en accompagnant la famille dans la réalisation de leur dossier d’inscription ou en faisant le lien avec les autorités locales et les établissements : « Voilà comment ça va se passer, moi je peux vous accompagner à la mairie, à l’école, etc… Pour vos papiers […]. Je peux vous aider, si vous avez un problème appelez-moi » (idem). Ce rôle d’accompagnateur consiste aussi à créer un lien de confiance (être identifié) entre le référent institutionnel et la famille, mais aussi entre les établissements scolaires et les familles : « Et puis, ils sont allés aussi dans certaines écoles, sur lesquelles ils reviennent après, où ça s’est bien passé. Donc, parce qu’il y a beaucoup… la problématique de la confiance. […] Oui… Il faut qu’ils aient un point d’accroche comme ça, un point de confiance » (idem). La rencontre avec les familles peut aussi passer par l’intermédiaire de gestionnaires, notamment lorsque le nombre important de familles présentes sur un terrain peut, dans certains cas, susciter des appréhensions chez le référent institutionnel CASNAV. Pour autant, cette collaboration avec les intervenants sur un même terrain peut être ambiguë. En effet, selon le type de gestionnaires, « public ou privé », l’implication de ces intermédiaires n’est pas la même et pas forcément à destination des mêmes acteurs. Ainsi, un référent institutionnel CASNAV regrette que l’association en charge de la médiation puisse être associée à une politique d’évacuation, ce qui ne met pas les familles en confiance : « Donc une fois ou deux cette année, j’ai fait appel à eux pour qu’ils m’accompagnent. Mais en même temps c’est un peu… Ils ont un peu peur parce que quand, quand [l’association] se déplace, en principe c’est pour les faire déplacer eux. Parce qu’ils savent très bien qu’ils stationnent là où il faut pas » (idem).

Au-delà, une autre facette apparaît chez certains de ces référents institutionnels en charge du dossier EFIV, celle d’une posture militante, voire un certain engagement politique qui se ressent par un parti pris contre l’administration et les autorités locales et en faveur des familles, que traduisent les propos tels que considérer l’administration comme

« pointilleuse », évoquer la « lourdeur administrative » (idem). L’usage du pronom personnel

« on » traduit aussi l’inclusion du référent institutionnel dans la démarche, comme un engagement pour la cause : « s’il y a scolarisation, on peut obtenir, enfin ils peuvent obtenir une dérogation… pour quelques mois ». Aussi, lorsque ce référent institutionnel évoque les politiques sécuritaires, il défend une gestion souple et ouverte : « Et puis, je ne sais pas si c’est le, le préfet, la préfecture qui les a recadrés, en tout cas, depuis cette année ils ont dit

“non, non, on ferme. On applique le règlement, les aires de grand passage c’est pour les communautés religieuses, etc.” ». Cet engagement semble propre à chacun des référents institutionnels qui trouvent leur positionnement de manière différente.

D’après la circulaire de 2012-142 concernant le public EFIV, il existe deux types de personnels de l’Éducation nationale principalement chargés de suivre le dossier et la scolarisation : les chargés de mission et les médiateurs scolaires (ou professeurs relais). Le texte rappelle par ailleurs que tous deux appartiennent au CASNAV, qui assure la formation des médiateurs. Partant, il s’avère que le référent institutionnel EFIV du Gard se méprend

lorsqu’il affirme « qu’il y a un distinguo entre les CASNAV et les référents institutionnels EFIV ».

Le référent institutionnel « coordonne les actions pédagogiques déployées par les enseignants pour garantir une scolarité profitable quelle qu’en soit la durée. Il engage, avec les collectivités territoriales, les actions nécessaires sur les conditions matérielles de scolarisation qui ont une forte incidence sur la fréquentation scolaire ». Ce sont des acteurs essentiels dans la scolarisation des enfants. La connaissance fine qu’ils finissent par avoir des familles, parfois même hors département, est un atout important dans le processus de scolarisation.

« [Le médiateur] est un intermédiaire entre les usagers et l’institution scolaire d’une part, mais aussi un relais entre tous les partenaires impliqués dans les procédures et le suivi de la scolarisation. Le médiateur scolaire (ou professeur relais), muni d’une lettre de mission académique ou départementale, est chargé d’accompagner les familles et d’établir avec elles un dialogue suivi, et de coordonner le suivi de la scolarisation des enfants avec les différents partenaires, pour faciliter et fluidifier les procédures sur un (ou plusieurs) territoire(s) et accompagner les unités pédagogiques spécifiques »164.

Aussi, quel que soit le statut, et contrairement à ce qu’annonce le référent institutionnel EFIV du Gard (« ce travail de lien au plus près des acteurs, de l’accompagnement, ne relève pas de la mission du CASNAV »), le CASNAV est appelé à s’intéresser au plus près de la réalité du terrain pour ce qui est de la scolarisation des EFIV.

Ceci est d’ailleurs conforté par une récente fiche pour le poste de « coordonnateur EFIV » du CASNAV de Montpellier de 2017 qui indique que « l’enseignant coordonnateur EFIV intervient auprès des familles sur les aires ou sur stationnement “sauvages” pour accompagner la scolarisation des enfants qui y séjournent »165.

Le médiateur ne se substitue pas, d’après les textes, au référent institutionnel. En revanche, au sein de son établissement, il effectue le travail de liaison avec les familles jusque-là dévolues ou tout au moins pris en charge par certains référents institutionnels CASNAV EFIV, comme ceux des Pyrénées-Orientales et de l’Hérault.

Dès lors, il conviendrait que ces deux départements désignent, au moins, pour accompagner le référent institutionnel EFIV, un médiateur dans les établissements accueillant ce public. Cela s’inscrirait d’ailleurs dans le prolongement de l’action menée par le CASNAV du Gard, dont le référent institutionnel indique : « on essaye de faire monter en puissance cette collègue comme médiatrice scolaire EFIV […] elle aura moins de prise en charge des élèves eux-mêmes que l’organisation d’une continuité entre différents acteurs, responsables des aires d’accueil, chefs d’établissement, IEN, communes, connaissance interpersonnelle des familles ».

À noter toutefois que le référent institutionnel EFIV du Gard attribue à la médiatrice scolaire EFIV certaines missions qui relèvent en fait, dans la circulaire de 2012, du chargé de

164 Ministère de l’Éducation nationale (2012), « Circulaire n° 2012-142 du 2-10-2012… », op. cit.

165 Région académique Occitanie, académie de Montpellier (2017), « CASNAV : coordonnateur EFIV (enfants issus de familles itinérantes ou de voyageurs. Fiche de poste 2017 » [en ligne],

<cache.media.education.gouv.fr/file/appels_candidatures_2016-2017/67/4/PAP_CASNAV_Coordonateur _EFIV_fevrier_2017_723674.pdf>, consulté le 20 janvier 2018.

mission lui-même qui : « assure le lien avec les personnels des aires d’accueil […], [il] travaille en liaison étroite avec les inspecteurs de l’éducation nationale »166.

Cette confusion des rôles est peut-être à mettre en lien avec l’absence, dans la circulaire, de toute mention relative à une quelconque coordination des actions de ces deux acteurs principaux dans le champ de la scolarisation des EFIV. Il est possible de supposer qu’elle fasse l’objet du contenu de la lettre de mission que le DASEN remet à chacun. Les lettres de mission étant encore en projet au moment des entretiens, il n’a pas été possible de vérifier ou non cette hypothèse.

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