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L’affectation des élèves dans des dispositifs variés et les choix pédagogiques associés

1. L’ ENTRÉE DANS DIFFÉRENTES MODALITÉS DE SCOLARISATION Il convient de différencier les différentes modalités de scolarisation : Il convient de différencier les différentes modalités de scolarisation :

1.1. Pour les EANA en dispositif UPE2A : organisation et modalités pédagogiques pédagogiques

1.1.3. Contenus et supports didactiques

Certains enseignants, notamment dans le second degré, s’avouent relativement perdus quant aux contenus à proposer : ils regrettent le peu d’indications sur les contenus à enseigner, lacune parfois justifiée par le fait qu’il n’y a pas de programme en UPE2A puisque l’UPE2A « n’est pas une classe » et que le programme que l’élève doit suivre est celui de sa classe de rattachement. Si le paradoxe a déjà été soulevé, « le FLS s’enseigne à l’école, mais n’est pas une discipline scolaire »214, la question du programme est loin de faire consensus : une thèse précédente discutait des différentes positions et établissait la faisabilité d’un programme puisque, à l’issue d’une analyse de vingt progressions annuelles et des contextes d’apprentissage, il apparaissait que l’hétérogénéité du groupe ou la question du volume horaire n’étaient pas les critères influents les sélections didactiques215. Toutefois, si la pertinence d’un programme était envisagée, notamment par commodité pour les nouveaux enseignants, il ne serait pas réalisable au même rythme par les apprenants (le niveau B1, seuil pour obtenir une orientation choisie et non subie, est atteint diversement par les élèves) et devrait être conçu en termes de curriculum complémentaires et préparatoires aux objectifs des classes régulières où devraient être impérativement inscrits les élèves allophones (il était apparu que les élèves en échec étaient souvent isolés des francophones natifs).

Les manuels et méthodes : entre rareté et inadéquation

Depuis la circulaire de 1970 qui propose le recours à une méthode structuro-globale audiovisuelle216, à savoir Bonjour Line, pour les élèves primo-arrivants, les circulaires ultérieures n’évoquent pas d’outils à utiliser pour ce public. La question même du contenu didactique est effleurée sous une terminologie oscillant entre langue seconde et scolaire, tandis qu’aucun programme ne se dégage, compensé par des propositions pédagogiques élaborées dans un cadre institutionnel217 ou à travers la diffusion d’outil sur Éduscol, le site

214 BOUCHARD R., « Didactiques scolaires et didactiques non scolaires, pedo- et andro-didactiques... : le cas des didactiques des langues et du FLS », in LEUTENEGGER F. et al. (dir.), Actes du 1er colloque international de l’ARCD « Où va la didactique comparée ? Didactiques disciplinaires et approches comparatistes des pratiques ’ ’ pp », 15 au 16 janvier 2009, université de Genève, FPSE-SSED & ARCD, p. 8.

215 MENDONÇA DIAS C. (2012), op. cit.

216 BESSE H. (1985), Méthodes et pratiques des manuels de langues, Paris, CREDIF.

217 BERTRAND D., VIALA A., VIGNER G. (2000) (dir.), op. cit.

d’information du ministère de l’Éducation à destination des professionnels. Signalons que des premières méthodes dites de français langue seconde, éditées dans les années 2000218, font une entrée occasionnelle en classe, en fonction des capacités budgétaires des établissements et des choix pédagogiques. Pour autant, la présence des manuels scolaires ordinaires (de mathématiques, de sciences, etc.) distribués à ces nouveaux élèves qui arrivent au fil de l’année scolaire demeure paradoxalement aléatoire et des jeunes passent l’année sans aucun manuel219.

En effet, une particularité relativement commune qui ressort : sur les 133 enseignants, seulement 27 ont indiqué que le manuel de leur discipline avait été remis aux élèves : pour les autres, pas de manuel de français, mais le terrain nous révèle qu’ils n’ont pas de manuels non plus pour d’autres disciplines. On a pu trouver d’ailleurs cette absence de distribution dans les établissements sans dispositif. En effet, les élèves arrivant en cours d’année, ils ne reçoivent pas de manuels car l’établissement n’en dispose plus ou lorsqu’ils sont en dispositif, on omet de leur en remettre en raison de leur maîtrise de la langue française.

Cette distinction symptomatique montre la difficulté qu’ont les établissements à anticiper la venue des élèves et organiser leur accueil, mais aussi l’absence de réflexion sur l’enjeu de l’accès aux mêmes modalités et aux mêmes supports de travail que les pairs.

Sur l’académie de Montpellier, parmi les 41 enseignants ayant répondu au questionnaire, dix enseignants affirment qu’un manuel de la discipline est remis à leurs élèves. Les observations de classe permettent de témoigner des ressources que déploient des enseignants pour construire leurs propres outils à partir de supports divers : manuels de français langue première issus du premier degré pour des EANA de collège, manuels des autres disciplines (éducation morale et civique, histoire-géographie, mathématiques essentiellement), sites internet, élaboration de fiches ad hoc.

Les enseignants vont donc recourir à des outils pédagogiques de compensation. Dans l’académie de Créteil, l’enseignante d’une des deux écoles explique qu’elle pioche des outils pédagogiques à la fois dans sa pratique d’enseignante en élémentaire et en maternelle. Pour elle, avant et en parallèle de l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et des fondements des mathématiques, un des objectifs pédagogiques pour les élèves d’UPE2A est l’apprentissage de la motricité fine. Elle constate qu’« il y a certaines choses de maternelle qu’il faut absolument acquérir pour apprendre à lire et à écrire, par exemple surtout que beaucoup n’ont pas été à l’école ou ils y sont allés très peu », (rappelons qu’il n’y a pas d’UPE2A-NSA en élémentaire). Cette enseignante développe alors des exercices visant l’acquisition de ces apprentissages « sans faire les choses de maternelle car c’est trop bébé pour eux ». L’enseignante utilise beaucoup le dessin et la peinture (avec des consignes précises ou des supports préétablis) pour la géométrie et la motricité fine et du matériel de mathématiques de « la méthode de Singapour » en utilisant des unités de numération en bois et en consacrant un temps important à l’explicitation des raisonnements et des

218 On peut trouver des références ici : Français Langue Seconde. Recherches et ressources, « Manuels &

méthodes » [en ligne], <www.francaislangueseconde.fr/bibliographie/manuels-methodes/>, consulté en janvier 2018.

219 MENDONÇA DIAS C. (2016), « Les difficultés institutionnelles pour scolariser les élèves allophones arrivants », in ARMAGNAGUE-ROUCHER M., BRUNEAUD J.-F., Les Cahiers de la Lutte contre les Discriminations (LCD), n° 2, « École, migration, discrimination », pp. 47-62.

hypothèses, ce qui permet aux enfants aussi de travailler leur français. L’enseignante utilise aussi des jeux visant à fabriquer des histoires mais ne fait pas travailler les élèves à partir d’un manuel de lecture dédié. Dans l’UPE2A collège, un manuel à destination des élèves allophones est utilisé, aux côtés de vieux manuels de lecture dont l’essentiel est de niveau 6e-5e. Dans ces manuels, les lectures portent sur des textes classiques, coupés en extraits, ce qui permet peu d’entrer dans l’histoire. L’enseignante utilise aussi des

« nouvelles » que les élèves apprécient beaucoup et quelques poèmes. Les cours sont quand même largement organisés à partir des doubles fiches d’illustrations, textes et exercices constituant le manuel de français langue seconde à destination des UPE2A.

« Vous utilisez le manuel pour les UPE2A ?

Je fais des copies, je les donne aux élèves…

 Mais est-ce que vous suivez l’ouvrage ?

 Non parce que… Comment dire… comment dire, il y a des choses…

 Comme le début du manuel (unité consacrée à l’élève et son arrivée en France, à la migration) ?

 Oui, je ne me vois pas travailler comme ça, faire d’emblée la migration et tout ça ».

Pour les élèves peu scolarisés antérieurement, le manque de ressources conduit à des recours aux manuels communicatifs et actionnels (définis sur le Cadre européen commun de référence pour les langues) du français langue étrangère et aux ouvrages du primaire. Dans l’UPE2A-NSA, l’enseignante utilise plusieurs outils selon ce qu’elle veut travailler. Ayant effectué un stage ICEM (Institut coopératif de l’école moderne), elle utilise la « méthode naturelle » de lecture et des outils développés dans la pédagogie Freinet comme le « Quoi de neuf ? » (un élève raconte ce qu’il veut, par exemple ses vacances, l’enseignant prend en note ce qu’il dit, avec l’ensemble des élèves il y a un exercice de reformulation à l’oral et des questions des élèves sur ce que l’élève a dit. Le texte écrit est ensuite distribué aux élèves et peut servir de base pour travailler une notion particulière de français.) L’enseignante trouve que le « Quoi de neuf ? » est souvent limité avec les élèves allophones, qu’ils racontent souvent la même chose, donc il ne suffit pas pour aborder des thématiques différentes (notamment en matière de vocabulaire).

Elle utilise également des méthodes de FLE (Tip top) ou d’apprentissage de la lecture (Ratus). Elle a choisi les méthodes en fonction des références culturelles des élèves, de quoi ça parle, de la manière dont c’est présenté (rap, etc.) : « Je voulais pas un truc trop ado avec tous les clichés sur les ados qui mangent n’importe quoi, qui sont pendus à leur téléphone, à leur portable, machin machin, j’ai finalement opté pour une méthode qui est pour les enfants de l’école primaire ».

Si elle considère que Ratus n’est pas adapté à un public de collégiens, puisque destiné à des élèves de CP, elle l’a choisi parce qu’il porte sur du vocabulaire quotidien accessible aux élèves alors que pour elle, beaucoup de méthodes de lecture comportent des références aux contes de fées par exemple, à un imaginaire que les enfants vivant en France ont pu développer, a contrario des élèves migrants. Si Ratus n’est pas un manuel de lecture basé sur la littérature de jeunesse, il ne se situe pas non plus parmi les manuels explicites d’apprentissage de la lecture, plus communément désignés sous le terme de « syllabiques ».

Alors même qu’il se présente ainsi (et que l’enseignante le classe dans cette catégorie), la part de mots entièrement déchiffrables par les élèves n’est pas dominante, puisque ceux-ci doivent non seulement mémoriser des « mots-outils », mais sont également confrontés à

des mots et des textes non entièrement déchiffrables, puisque comprenant des sons dits

« complexes » dès les premières pages du manuel (ce qui est notamment le cas du [ch] et du [ou]). Publié au milieu des années 1980, Ratus correspond bien aux manuels basés sur une approche « phonologique » (qui procède par études des « sons ») où l’étude des sons et le langage oral prédominent : « Il faut que les élèves puissent parler sur l’image ». Considérant qu’« elle ne peut pas tout expliquer par la syllabe », c’est la nature du vocabulaire mobilisé dans le manuel (illustré par des petites vignettes), qui a dominé dans son choix. Si elle complète le manuel par des fiches de syllabes (« j’écris tout ce qui est possible avec le [a], puis avec le [ch] : “cha”, “che”, “chi”, “cho”, “chu” »), l’objectif visé par l’enseignante tient plus à l’acquisition de vocabulaire et d’une compétence orale que d’un décodage fluide (ce qui n’est pas un objectif réaliste en un an, pour des élèves allophones non scolarisés antérieurement).

L’enseignante de l’UPE2A-NSA utilise aussi des articles de Mon quotidien, et d’autres magazines pour enfants, des fiches d’exercices, des textes de VEI enseigner le français langue seconde par les textes littéraires, etc.

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