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Les trajectoires d’affectation scolaire

1. L ES MODALITÉS D ’ ACCUEIL ET D ’ AFFECTATION

1.4. De l’affectation initiale à l’affectation réelle : critères et labilité

1.4.1. L’affectation scolaire

Dans les académies de Bordeaux et de Montpellier, le critère d’affectation dépend, dans la majorité des cas, autant du secteur de résidence que de l’existence d’une UPE2A au sein d’une école de secteur. Si aucun dispositif n’existe dans le secteur de résidence, les enfants sont inscrits dans une école ne disposant pas d’UPE2A et bénéficient, dans la mesure du possible  selon les circonscriptions  de soutien linguistique dispensé par des enseignants en UPE2A rattachés à d’autres écoles. Dans le Gard par exemple, selon un référent institutionnel CASNAV, « 20 % des EANA » sont inscrits dans une école ne disposant pas d’UPE2A. Dans ce cas, l’EANA est inscrit dans sa classe d’âge dans l’école de secteur et suit le cursus ordinaire. Le CASNAV, alors informé de cette procédure d’affectation, demande à l’enseignant de la circonscription de réaliser un bilan diagnostic, dont le résultat est communiqué au directeur de l’établissement et au CASNAV. S’ensuit un échange entre eux, notamment pour envisager un soutien possible.

Pour le second degré, dans les villes de Béziers et de Montpellier, les espaces d’accueil Senghor et Jean Perrin ont mis en place depuis quelques années un système de commission d’affectation. Ces réunions rassemblent les chefs d’établissement  ou leur représentant 

où sont présents des dispositifs UPE2A susceptibles de recevoir les élèves, les chargés de mission des espaces et du CASNAV ainsi qu’un personnel de la DETAC en charge des affectations dans les établissements. Cet organe du rectorat tient notamment à jour les effectifs de chaque établissement. Car il convient de souligner, et cela a d’autant plus d’importance depuis la circulaire de 2012-141, que l’affectation des EANA dans un collège ou lycée impacte l’effectif global de l’établissement. Or, l’arrivée de ce public est imprévisible, tant sur le plan quantitatif que pour ce qui est de la classe d’âge. Les classes d’inclusion sont donc potentiellement déjà surchargées et il revient à ces établissements d’absorber, en plus, de nouveaux élèves régulièrement, parfois jusqu’à saturation. Lors de ces réunions, qui se tiennent à la fin de chaque module organisé par les espaces pour préparer à la scolarité en France les EANA en grande difficulté linguistique, le responsable de l’espace soumet les nouveaux effectifs à affecter. Les échanges permettent de trouver une affectation pour chaque élève tout en accommodant chaque établissement en considérant leurs contraintes numériques. Ce fonctionnement permet d’harmoniser les affectations en prenant en compte, dans la mesure du possible les critères de résidence, de niveau scolaire et de fratrie.

Les critères d’affectation suivent des logiques proches dans les autres territoires investigués : c’est le lieu de résidence qui déterminera l’offre scolaire proposée (dont nous avons vu qu’elle prend des formes différentes selon les lieux d’enquête).

Dans certains cas, les affectations dans les établissements du second degré ne se font pas toujours selon la volonté du CASNAV qui a évalué les élèves, comme nous l’avons observé à Bordeaux. De son côté, la personne responsable de l’affectation au BSO estime que 80 % des propositions d’affectation faites par le CASNAV sont entérinées car les affectations dans les établissements suivent les critères de places et de secteur d’habitation de l’élève. Il semble qu’il y ait ici une certaine forme de doublon dans la prospective, avec une déconnexion entre l’instance produisant l’ingénierie et celle affectant les élèves. Des chefs d’établissement refusent aussi parfois de scolariser des EANA. Dans ce cas, l’IA en charge du CASNAV déploie son autorité : « Si jamais il faut imposer, ça va être l’IA. Il l’a bien redit, si un chef d’établissement refuse, alors que, soit on sait qu’il a de la place, soit on veut qu’il en mette en plus, et que personne n’a voulu prendre un élève, c’est l’IA qui va imposer » (acteur CASNAV). Et de poursuivre :

« Quand tous les dispositifs ont encore de la place, on négocie. Famille par famille. Voilà les propositions qu’on peut vous faire. On sort une carte. Voilà le tram. Voilà le bus. Qu’est-ce qu’on décide ? Est-ce que vous préférez une école à côté ? Est-ce qu’on peut prévoir de rejoindre un dispositif particulier, mais un peu plus loin ? C’est ça, l’accueil ! C’est travailler ensemble au projet de scolarisation de l’élève. Quand tout le monde est d’accord, à ce moment-là, on fait notre proposition. Cette proposition n’est pas forcément entérinée ! […] parce qu’il n’y a plus de places dans cet établissement, ou que… des choses que nous ne savons pas. À ce moment-là, il écarte à l’établissement voisin ».

Lorsque les affectations sont différentes de ce que préconisait le test de positionnement (que ce soit dans un autre établissement ou dans un niveau différent), le CIO et le CASNAV n’en sont généralement pas informés et ne connaissent pas l’affectation scolaire des jeunes dont ils ont constitué le dossier pour la DSDEN.

Dans l’académie de Strasbourg, lorsque ce type de situation concerne le niveau de scolarisation, cela semble se réguler par ce qui a plusieurs fois été posé comme une sorte de

« marge d’erreur des deux ans », comme l’illustre l’échange suivant avec deux CPE :

Question : « Ça n’arrive jamais que le CIO dise qu’un élève doit aller en 3e et à votre avis il est en 4e, par exemple ?

CPE 1 : Ça peut arriver, parce que parfois il y a des erreurs.

CPE 2 : Après, tout dépend de la capacité d’accueil de la classe. Disons qu’on a [une]

différenciation, on peut dire, de deux ans, on peut les mettre à peu près dans deux ans, on a cette capacité, une marge de deux ans. […] Souvent, il y a des décalages, souvent, et après on ajuste en fonction, voilà… ».

Les psychologues scolaires peuvent néanmoins suivre certains jeunes du fait de leur activité de suivi d’orientation dans plusieurs établissements de leur zone de rattachement, mais aucune procédure systématique de suivi n’existe à cet effet.

Dans ce paysage, les NSA constituent une particularité puisqu’ils font l’objet d’une attention institutionnelle spécifique dans l’académie de Montpellier, où le CASNAV continue de suivre de manière très précise leur scolarité, ainsi que dans celle de Bordeaux où la coordinatrice a le souci de suivre dans la mesure du possible le devenir des élèves sortant des structures pour collégiens NSA. À l’inverse, dans le contexte spécifique de l’académie de Bordeaux, le manque de places dans les dispositifs UPE2A serait à l’origine, selon plusieurs acteurs scolaires, d’affectations d’élèves en UPE2A-NSA parfois non adaptées. C’est ce que souligne une assistante pédagogique des NSA pour qui ces nouveaux dispositifs seraient particulièrement adaptables : « Il n’y a plus de place. Il manque des maillons à la chaîne. Il manque des places, alors on a des enfants qui ont déjà été scolarisés ici, on en a qui ne sont pas primo-arrivants mais qui sont allés à l’école en pointillé. C’est un profil adaptable… ».

Ainsi, des jeunes Bulgares qui ne « correspondraient pas » au profil attendu des NSA y seraient scolarisés, précisément en raison de l’orientation initiale liée à la création de ces dispositifs comme particulièrement dédiés aux Bulgares. Mais ces derniers ne sont pas les seuls à être scolarisés en NSA ; d’autres élèves auraient également des profils peu ou pas adaptés à ces dispositifs. C’est notamment le cas d’élèves migrants de pays africains francophones ou du Maghreb. L’assistante pédagogique des NSA précitée précise qu’il y en a chaque année, ce qu’elle déplore car elle observe que ces jeunes « s’ennuient », ces dispositifs n’étant pas du tout adaptés à leurs profils. L’enseignant de l’UPE2A-NSA enquêtée souligne toutefois qu’il serait difficile pour ces jeunes francophones de suivre une scolarité ordinaire ; selon lui, ils auraient plutôt leur place en UPE2A ordinaire au collège.

Il n’en demeure pas moins que la scolarisation d’allophones d’âge collège est bien souvent jugée compliquée par les acteurs scolaires, comme le souligne cet enseignant, en prenant comme exemple deux élèves francophones pourtant scolarisés en NSA :

« La difficulté de l’âge – disons, dans le primaire, au niveau des contenus, on est quand même dans la construction des savoirs de base. Et ils arrivent ici, ils n’ont pas les savoirs de base dans leur langue, déjà : ils ne maîtrisent pas la lecture dans leur langue, donc ils apprennent à lire dans une langue qui n’est pas la leur. Et donc, s’ils arrivent au primaire, il y aussi l’interdisciplinarité de l’enseignant qui fait qu’il y a du lien, il y a du sens entre les contenus. Ici, tout est compartimenté : un gamin qui va faire une inclusion en SVT – même M. et E. (élèves congolais francophones) qui sont ceux qui se débrouillent le mieux – après dix ans de scolarité des autres, ils sont tout de suite projetés dans des notions et une technicité du lexique, des notions, des apprentissages. Et ça, l’écart est énorme – ce qui est bien moindre en primaire ».

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