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La fonction publique et ses marges au Grand-duché de Luxembourg : une

La difficile analyse prospective de l’évolution des marges de la fonction publique en France et au Grand-duché de Luxembourg

2. La fonction publique et ses marges au Grand-duché de Luxembourg : une

organisation spécifique.

Au sein de la Grande Région, le Luxembourg5 caractérise un îlot de prospérité. C’est donc un tout petit pays de 2586 km² de superficie. Sa population6 s’élève à environ 435 000 habitants. Dans ce pays, les origines historiques de la catégorie de fonction publique sont à situer au début du 19ème siècle (voir encadré 1). Tout comme en France, l’analyse prospective des emplois publics au Luxembourg est limitée pour différentes raisons tenant à la complexité des facteurs intervenant dans la définition de la fonction publique, tant de ses contenus que de ses marges tout d’abord, son organisation ensuite et enfin son évolution. Ces facteurs sont de nature historique, politique, culturelle, sociale et juridique .

L’accès aux emplois de la fonction publique apparaît ainsi fortement réglementé et contrôlé sur un plan quantitatif. Malgré l’hétérogénéité des carrières, des domaines d’activité et des fonctions de nature administrative, technique et scientifique, la fonction publique au Grand-duché de Luxembourg se caractérise par une unité relative et une dépendance étatique forte. Elle met en œuvre des principes généraux de continuité, de mutabilité et de neutralité. Enfin, elle est mise en œuvre par des règles fonctionnelles, matérielles et organiques. L’existence de marges de la fonction publique n’est pas une chose nouvelle. Comme nous l’avons vu en 1940, coexistait déjà des rapports à l’Etat de types statutaires avec des rapports de types contractuels. Les employés temporaires en sont une bonne illustration. Simplement, ces marges de la fonction publique ont évolué. Elles ont pris de nouvelles formes sous l’impulsion des changements justement du noyau dur de la fonction publique (principe de mutabilité).

5 Ses frontières ont une longueur totale de 256 km, dont 148 km le séparent de la Belgique (Province du Luxembourg et de Liège), 135 km de l’Allemagne (Rhénanie-Palatinat et Sarre) et 73 km de la France (Moselle et Meurthe-et-Moselle).

6 Sa particularité est qu’il a une population très cosmopolite. En effet, les étrangers représentent au moins 35% de la population totale du pays. Parmi les étrangers les plus représentés résidant au Grand-duché de Luxembourg, il y a : - les Portugais (55 900), - les Italiens (20 000), - les Français (17 500), - les Belges (13 800), - les Allemands (10 300), - les Britanniques (4 400) et les Néerlandais (3 800). La langue nationale du pays est le luxembourgeois. Les actes législatifs et leurs règlements d’exécution sont rédigés en français. Les langues administrative et judiciaire sont le français, l’allemand ou le luxembourgeois

7 Face à une situation d’anarchie de la situation des fonctionnaires (cumuls, traitements individualisés, inactivité) et d’hostilité à

Encadré n°1 : Création de la fonction

publique

au

Grand-duché

de

Luxembourg.

Un long processus de codification

C’est le Grand-duc Guillaume 1er (Roi des Pays-Bas) qui instaure les bases d’organisation d’une véritable Administration propre au Grand- duché de Luxembourg après 1830. C’est son successeur Guillaume II qui définit ensuite par arrêté du 18 mai 1841 la première Constitution créant une assemblée des Etats et un Conseil de Gouvernement. L’objet était de compléter les mesures concernant l’organisation du pays. Ces dernières étaient en relation avec :

1. l’organisation communale et des districts ; 2. le règlement forestier ;

3. l’organisation des ponts et chaussées et des travaux publics en général ;

4. une loi sur l’enseignement, dans laquelle sera consacré le droit de faire des études dans le Grand-duché de Luxembourg ou à l’étranger ; 5. une loi sur les pensions ;

6. une loi sur les expropriations pour cause d’utilité publique (Cf. Diederich, 1989, p. 219). Ce sont ensuite les lois du 18 janvier 1850 et de 1872, motivées par l’article 1277 de la Constitution de 1848 qui déterminent les droits et devoirs des fonctionnaires. Il s’agissait alors d’assurer aux fonctionnaires les garanties promises par la Constitution (article 31) et aussi d’instaurer une discipline et un ordre dans toutes les branches des services publics. Les principes d’une part, d’examens d’entrée dans la fonction publique et d’autre part, de stage avant la titularisation sont ainsi posés afin de tester les connaissances et les aptitudes requises pour l’exercice des différentes fonctions dans la fonction publique (ibid. p. 220).

Encadré n°1 (suite)

Nous retrouvons ici les caractéristiques d’unité relative et de dépendance politique, ainsi que les principes de continuité de la fonction publique avec la définition de règles fonctionnelles, organiques et matérielles posées d’ailleurs historiquement très tôt.

Un accès aux emplois de la fonction publique fortement réglementé

Comme en France, les sources juridiques de définition de la fonction publique au Luxembourg sont nombreuses (jurisprudence, statut général, lois, etc.). C’est ainsi la jurisprudence luxembourgeoise qui donne une définition de l’Administration : « doit être considéré comme administration (…) un service public qui dispose d’attributions propres destinées à satisfaire des besoins collectifs déterminés et dispose à cet effet d’une organisation hiérarchique et administrative autonome et distincte » (cit. de Bauler et Moyse, 1998, p. 1). Selon ces mêmes auteurs (ibid. p. 3), le terme de fonctionnaire peut-être revêtu de deux acceptions différentes :

au sens large, il s’agit de tout citoyen qui participe de façon permanente à l’exercice des pouvoirs publics ;

au sens étroit, il s’agit d’une personne qui preste, en principe à titre définitif, des services de nature administrative.

Les employés sont régis par une loi du 27 janvier 1972. Parmi cette catégorie, les employés de l’Etat sont régis par des règles différentes. Il peut se voir attribuer des tâches complètes ou partielles, à durée déterminée ou indéterminée. Les employés au service de l’Etat (autre catégorie) sont des employés privés qui ne remplissent pas les conditions requises par l’article 3 de la loi de 1972, à savoir la nationalité luxembourgeoise. Cette catégorie relève entièrement de la législation sur le contrat de travail privé ainsi que de la compétence des tribunaux du travail. Concernant les fonctionnaires communaux, c’est une loi modifiée du 24 décembre 1985 qui fixe leur statut général. Celui-ci est similaire à celui de la fonction publique étatique (voire se confond pour beaucoup des principes généraux). Concernant les fonctionnaires, le chapitre 2 du statut général de la fonction publique définit les conditions de leur recrutement :

1. jouir de la nationalité luxembourgeoise ; 2. jouir des droits civils et politiques ;

3. offrir les garanties de moralité requises ;

4. satisfaire aux conditions d’aptitude physique requise pour l’exercice de la fonction ;

5. satisfaire aux conditions d’études et de formation professionnelle requises ;

6. avoir fait preuve d’une connaissance des trois langues administratives ;

7. avoir accompli un stage ;

8. et avoir passé avec succès le concours de fin de stage.

Les fonctionnaires sont recrutés sur concours suivant le nombre de postes à pourvoir (examen d’aptitude général publié au moins deux fois par an dans le Mémorial). Une période de stage, d’une durée variable de 1 à 2 ans, est ensuite réalisée par les candidats retenus (période d’épreuve) destinée à vérifier les capacités réelles de travail d’une personne sélectionnée et son adéquation aux exigences de la fonction publique. Après le stage, un concours est organisé. En cas d’échec, le stage peut être prolongé pour une durée maximale d’un an.

Pour les candidats reçus, fait suite l’acte d’investiture officiel (le serment) devant le ministre du ressort ou son délégué (art. 3 du statut général et également à l’art 110 de la Constitution pour dire que c’est un acte fondamental). Il se présente comme suit : « Je jure fidélité au Grand-Duc, obéissance à la Constitution et aux lois de l’Etat. Je promets de remplir mes fonctions avec intégrité, exactitude et impartialité » (cit. de ibid. p. 69). La référence à Dieu, qui figurait dans la loi de 1872, a été supprimée.

Enfin, intervient la nomination qui est prévue à l’article 4 du statut général. Le droit de nomination appartient au Grand-duc en vertu de l’article 35 alinéa 1er de la Constitution. Une fois nommé, le fonctionnaire est désigné pour occuper une fonction avec des tâches bien précises qu’il lui appartient de remplir. Le statut général complété par des lois prévoit ainsi :

• le détachement et l’intérim ; • la promotion ;

• les conditions de travail (durée – horaire ; heures supplémentaires et astreinte à domicile ; le dossier personnel et l’évaluation du fonctionnaire) ;

• la formation ;

• la fin de la carrière (retraite – préretraite – décès et démission).

Encadré n°1 (suite)

Tout fonctionnaire a droit à la stabilité de l’emploi, le droit au traitement, le droit à la sécurité sociale et le droit à la pension.

Parmi les obligations du fonctionnaire (pour l’essentiel issues de la loi de 1872), nous trouvons :

• le respect des lois et règlements ;

• la surveillance des fonctionnaires hiérarchiquement inférieurs ;

• l’exécution des ordres ; • le devoir de bonne conduite ;

• la responsabilité du fonctionnaire quant à son travail ;

• le secret professionnel ;

• l’interdiction de quitter son lieu de travail ; • le devoir de résidence ;

• l’examen médical

2. 1. Une évolution régulière des effectifs de la fonction publique depuis le début du 20ème siècle

Aussi, selon les données plus actuelles du ministère luxembourgeois, la fonction publique recouvre-t-elle un ensemble hétérogène de carrières et de fonctions de nature administrative, technique et scientifique avec des particularités propres à chaque carrière relevant de l’Administration Générale, de la Magistrature, de la Force Publique, de l’Enseignement, des Cultes et des Douanes. La fonction publique rassemble 17 249 hommes et femmes en 1998, soit une progression de 58% par rapport à l’effectif de 1970 (cf. tableau 1). Cette augmentation a été régulière dans le temps. Au début du siècle dernier, en 1906 précisément, on recensait déjà environ 1 400 fonctionnaires (voir encadré n° 2), soit un effectif multiplié par un peu plus de 8 (Cf. Diederich, 1989, p. 224). Au 1er janvier 1940, ils étaient 4552 auxquels il faut ajouter des employés temporaires au nombre de 214. L’Etat Luxembourgeois a d’ailleurs très vite organisé des statuts alternatifs au modèle canonique de la fonction publique. Un mouvement qui s’est d’ailleurs accéléré dans le temps. Ainsi, au 1er octobre 1946, on comptabilisait 4 833 fonctionnaires et 1 100 employés temporaires, soit un effectif d’agents temporaires multiplié par 5,14. Parmi les catégories de personnel composant la fonction publique, une distinction est faite en ce qui concerne la catégorie des ouvriers. Celle-ci rassemble deux types d’ouvriers : les ouvriers à tâche complète et les hommes - femmes de charge. Les éléments figurant dans le tableau sont une addition de ces deux catégories. Pour les années 1997 et 1998, nous avons respectivement 1 249 ouvriers à tâche complète et 860 hommes/femmes de charge ; 1 234 et 894 pour la seconde année. Ce n’est en fait que très récemment que s’organise véritablement la fonction publique au Luxembourg. La construction du statut de la fonction publique a été ainsi progressive.

Encadré n°2 :

Répartition des fonctionnaires du Grand-

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