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Du caractère mécanique de la relation formation-emplo

Les sortants du système de formation ne sont pas les seuls à chercher du travail, la politique d’embauche des entreprises est à prendre en compte de même que les stratégies individuelles. La problématique de l’adéquation postule que l’on peut former une fois pour toutes à un métier défini. Au-delà des problèmes techniques liés à l’exercice de la prospective, cette approche bute sur l’incertitude quant aux futures évolutions économiques, sociales, technologiques et organisationnelles. Si cette relation formation-emploi est « introuvable » (Tanguy, 1986), c’est surtout parce qu’elle demande à être appréhendée d’une autre manière.

L’observation montre qu’une formation peut mener à différents types d’emplois, qu’un poste de travail peut être occupé par des personnes de formations diverses, que les besoins des entreprises fluctuent, que la demande de formation et de travail des individus (jeunes ou adultes) évolue également en fonction des modes, des représentations sociales, des nécessités économiques. Cependant, l’absence de lien rigide et linéaire entre formation et emploi ne signifie pas que la formation ne structure pas l’accès à l’emploi. La crise a renforcé l’aspect sélectif du diplôme dans l’accès à l’emploi et a maintenu un lien fort entre la hiérarchie des diplômes et la hiérarchie des emplois.

La recherche d’une totale adéquation entre les sorties de l’appareil de formation et les besoins en qualification des entreprises présente donc de réelles difficultés : les besoins des entreprises sont difficilement mesurables au- delà du court terme et restent de toute manière fortement évolutifs ; la plupart des formations ne sont pas spécifiques à un métier ou à un secteur et dans un contexte de profondes restructurations, parviennent de moins en moins à préparer à un emploi précis. Ainsi entre le moment où une profession, une entreprise constatent un

besoin en personnel et celui où les premiers diplômés sortent de formation, il peut s’écouler suffisamment de temps pour que ce besoin ait été satisfait par d’autres moyens (embauche de qualifications voisines, promotion interne...) ou qu’il ait disparu sous l’effet de nouvelles mutations économiques, ou de licenciements. L’idée est d’assurer une qualification à tous et d’adapter le niveau de formation des salariés à un environnement technique plus exigeant et en mouvement permanent.

permet d’occulter le débat sur le recours aux contrats d’apprentissage à la sortie du lycée, ce recours pouvant se justifier soit par une insuffisance de formation de jeunes titulaires de diplômes (constat paradoxal puisque les diplômes préparés sous statut scolaire ou par apprentissage sont identiques), soit par opportunité de disposer d’une main-d’œuvre d’un coût moins élevé (au regard des avantages consentis comme l’allégement des charges…).

Alors que la convergence des résultats de l’analyse devrait amener le débat déjà évoqué sur les problèmes de l’accueil des jeunes, de leurs conditions de rémunération et de leurs possibilités de promotion sociale et de carrière, l’action décidée par le syndicat professionnel et le Conseil régional va se centrer sur le désintérêt des jeunes pour certains métiers (certes réel, mais qui ne doit pas servir de paravent) et, se focaliser alors sur les enjeux de l’orientation.

Au-delà de ces premiers constats réalisés sur les limites ou les déviances induites par une gestion technique de dispositifs, cette réactivation pragmatique du modèle adéquationniste de proximité permet, d’une part, d’écarter de la discussion la problématique sur la manière dont peut

émerger l’ordre social ou la coopération collective21,

d’autre part, d’ignorer la nécessité de la mise en

œuvre systématique de procédures d’évaluation22,

enfin de faire l’économie d’un recours à une analyse systémique dont l’objet est de traduire la complexité du réel. L’appui d’une action territoriale ou sectorielle sur une supposée adéquation de proximité rassure et repousse d’autant la démarche de problématisation fondatrice de toute réflexion.

Conclusion

La décentralisation a modifié le rapport du pouvoir à la connaissance. Alors qu’auparavant, chaque institution menait des études en correspondance immédiate avec ses préoccupations, la territorialisation a invité l’ensemble des partenaires à développer une démarche multi-dimensionnelle. L’existence d’une réelle richesse de l’outil statistique s’est vérifiée et une convergence des analyses prospectives est apparue à l’échelle européenne. Il demeure néanmoins que le jeu des acteurs et le retour d’un modèle peu satisfaisant comme l’adéquationnisme viennent limiter l’impact des conclusions des études réalisées.

Le rôle des observatoires dans leur fonction d’approche transversale en sort renforcé, tout en sachant que le débat reste ouvert sur la double

fonction de médiation et de légitimation qu’occupe le recours à l’expertise dans la construction et la mise en œuvre de politiques publiques décentralisées impliquant de plus en plus d’acteurs, anciens et nouveau (Richard, Berthet, 2002), et que sitôt qu’un domaine est sérieusement analysé et connu, sitôt que les premières intuitions et innovations ont pu être traduites en règles et programme, le pouvoir de l’expert tend à disparaître (Crozier, 1963).

En d’autres termes, l’expert d’un observatoire aura d’autant plus la possibilité et la facilité d’avancer dans ses investigations que la question ou la commande du décideur seront problématisées. Cet élargissement de la réflexion, dans un univers où plus l’incertitude grandit, plus le besoin de certitudes s’accroît, est cependant délicat à mettre en œuvre auprès de décideurs dont la logique d’action est souvent celle de la gestion à court terme. L’analyse comparative entre pays (et régions de ces différents pays) des processus de réflexion et de gestion des dispositifs nous paraît constituer une piste à développer. La commande des décideurs s’enrichira dès lors que ces derniers observeront la diversité des réponses et des démarches possibles pour traiter un thème.

21 Cf. le délicat débat à propos de l’image de la main invisible des micro-économistes qui ne peut satisfaire les macro-économistes, même si la méso-économie a tenté de rapprocher les points de vue.

22 À cet égard, il est intéressant de souligner qu’aucun des premiers contrats d’objectifs n’a fait l’objet d’une évaluation, contrairement aux textes et ils sont tous en cours de reconduction.

Tanguy L. (sous la direction de), 1986,

L’introuvable relation formation-emploi. Un état

des recherches en France, La Documentation française, Paris, 302 p.

Williamson O.E., 1985, The Economic Institution

of Capitalism. Firms, Markets, Relational contracting, The Free Press, Collier MacMillan

Publisher, 450 pages.

Bibliographie

Boudon R., 1992, Action, in Traité de sociologie, pp.21-50.

Crozier M., 1963, Le phénomène bureaucratique, Le Seuil.

Fama E.F, Jensen M.C., 1983, Separation of

ownership and control, The Journal Law and

Economics, Vol.26, pp. 301-325.

Gerard-Varet L.A., 1996, Revue d’Économie Politique, n°106, pp.1-11.

Giffard A. L’analyse du rôle de la formation

professionnelle continue comme outil de politique économique dans les régions, regards sur la période 1986-1992, 2000, Revue

d’Économie Régionale et Urbaine n°5, pp. 915- 938.

Giffard A., Guégnard C., 2001, Pour une

démarche prospective en quatre étapes. Une expérience régionale, une collaboration européenne, un secteur d’activité, Les Dossiers

Insertion, Éducation et Société, n°120, ministère de l’Éducation nationale, pp.39-63.

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Paul J.J., 1987, La structuration du marché du

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Bourgogne, pp. 234-263.

Richard A., Berthet T., 2002, L’expertise

et l’approche territoriale. Un enjeu dans les nouvelles configurations d’acteurs, in

Dynamique du local, 10 ans de recherches sur l’approche localisée de la relation formation- emploi, Documents Séminaires n°167, Céreq, pp. 109-122.

Sigles

AFPA : Association pour la formation professionnelle des adultes

ANPE : Agence nationale pour l’emploi

ASSEDIC : Association pour l’emploi dans l’industrie et le commerce

BEP : Brevet d’études professionnelles

Céreq : Centre d’études et de recherches sur les qualifications

COT : Contrats d’objectifs

DRAF : Direction régionale de l’agriculture et de la forêt

DRTEFP : Direction régionale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle

ESE : Enquête structure des emplois

FAFIH : Fonds d’assurance formation de l’industrie hôtelière

Irédu : Institut de recherche sur l’éducation OREF : Observatoire régional de l’emploi et de la formation

PCS : Professions et catégories sociales des représentants départementaux et régional.

En revenant sur l’expérience menée à l’ORM1, on essaie d’illustrer un paradoxe de l’expertise dans le champ de la relation formation emploi. Celle-ci en effet ne peut se réaliser que dans le cadre d’une demande sociale forte (demande de prospective exprimée par les acteurs publics de la formation professionnelle et de l’emploi tenus de promouvoir une stratégie d’action de moyen - long terme) alors qu’en même temps elle exige, de la part du technicien, une prise de distance par rapport aux modalités de questionnement de ces acteurs.

Corrélativement à l’intensification du partenariat public aux échelons régional, départemental et local, on constate une montée des besoins d’éclairage des décisions. L’expertise peut alors être conçue comme une fonction de médiation nécessaire dans la construction de l’action publique.

Mais l’exercice de cette fonction de médiation dépend de certaines conditions à la fois juridiques, financières et scientifiques. C’est tout l’enjeu de l’avenir des Observatoires Régionaux de l’Emploi et de la Formation (OREF) qui doivent être d’une part, à l’écoute de la demande des décideurs, et d’autre part, en capacité de construire de manière autonome une réponse adossée aux critères de construction scientifique de la connaissance. En somme, d’être en capacité d’adopter une « nouvelle posture »…

Peut-on parler « des » observatoires

régionaux emploi-formation comme s’il s’agissait d’une catégorie institutionnelle identifiée ? En toile de fond d’une appellation commune, instituée par une circulaire interministérielle qui encourageait à la fin des années 80 la création d’un OREF dans chacune des régions de France, la réalité est bien plus complexe et diversifiée. Cette diversité se constate dans le montage

La posture paradoxale de l’expertise publique en région : études et

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