• Aucun résultat trouvé

La prospective propose en effet deux options, dont l’une, qualifiée de plus « réaliste », est associée à une prospective de court terme et l’autre, plus « utopiste », est associée à une prospective de moyen-long terme. Schématiquement : la première consiste à reconnaître le futur dans les données du présent (et donc du passé), en mettant à jour les tendances lourdes et les faits porteurs d’avenir. Dans cette approche dite du « scénario tendanciel », les tendances lourdes sont constituées des données dont l’évolution semble déterminée et donc prévisible avec un faible risque d’erreur (exemple : démographie) ; les faits considérés comme porteurs d’avenir, quant à eux, sont reconnus comme embryonnaires de changements importants (exemple : inventions en matière de télécommunications). Tendances lourdes et faits porteurs serviront alors à cheminer par simulations jusqu’au terme fixé. La seconde approche consiste à travailler par « rétroaction ». Ainsi, selon la méthode dite du « scénario contrasté », on partira d’une image du futur que l’on souhaite pour en dégager toutes les implications, en remontant dans le temps jusqu’à aujourd’hui. Pour faire court, disons que dans le premier cas on part du début, dans le second cas de la fin. Cela dit, dans l’un ou l’autre cas, la prospective va - autant que faire se peut - scinder l’avenir en trois : celui qui relève de l’aléatoire ou du contingent, celui qui procède de déterminismes, celui, enfin, qui laisse toute liberté et est à construire. C’est précisément ce dernier qui va intéresser les scénarios de la prospective. La prise en compte de ces « incertitudes » et de ces « possibles » de l’avenir, sans être systématique, pourra être partiellement intégrée dans les modèles mobilisés.

4 Avant propos du rapport d’évaluation des mesures dans le secteur non marchand, par Jean-Michel Charpin, Commissaire du Plan, pp 11 et 12

Dans les deux cas - scénario tendanciel et scénario contrasté - il s’agira bien de vérifier la possibilité de réalisation d’un avenir souhaité et de mettre en œuvre les conditions adéquates pour l’atteindre. C’est le rôle notamment des scénarios proposés dans les travaux « Le travail à l’horizon 2015 ». Citons succinctement le diagnostic opéré, les scénarios envisagés et les actions préconisées :

Après avoir regardé les « tendances de

fond » qui « permettent de dresser le décor où évoluera le travail dans vingt ans » (« inversion de la pyramide des âges », « amplification de la mobilité »,

« modification des rythmes de travail », arrivée de

« nouvelles technologies », « limites du temps de travail productif difficiles à cerner », « accentuation de la mondialisation », « hétérogénéité des compétences et des attentes de la main d’œuvre potentielle »),

quatre « scénarios contrastés » ont été proposés. - Le premier dit « d’enlisement » dans lequel « la

France continue de s’épuiser à endiguer le chômage, qu’aucune reprise économique ne parvient à résorber, et à financer la survie des laissés-pour-compte » ;

- le deuxième dit du « chacun pour soi » dans lequel « la France se rapprocherait du modèle américain :

le chômage recule, la précarité et la pauvreté s’accroissent ou ne reculent pas »,

- le troisième dit de « l’adaptation » proposant un « avenir qui débouche sur une meilleure conciliation

entre la cohésion sociale et l’ouverture du monde »

- et le quatrième de la « coopération » présentant « un mode de développement idéal dans lequel se

renforcent mutuellement un environnement coopératif (en Europe et dans le monde), une mutation réussie du système productif orienté vers la performance globale, une acceptation sociale du temps choisi, et une reconstruction radicale du cadre institutionnel du travail dans lequel patronat, syndicats et État coopèrent sans empiéter sur les responsabilités des autres ».

La commission ne choisit pas explicitement l’un des scénarios, mais va faire reposer les six actions proposées sur quelques principes :

« choisir l’avenir suppose de se fixer un cap et quelques

principes d’actions ; face au diagnostic établi et aux quatre scénarios, face aux prévisions pessimistes concernant le nombre de chômeurs en France à l’horizon des cinq prochaines années, le rapport propose une démarche volontaire constituée de six actions décisives. Le choix des actions repose sur

quelques principes de base : le travail restera une voie essentielle d’intégration sociale ; le droit d’accéder au travail continuera d’être reconnu à chacun ; l’efficacité économique ne pourra se désintéresser de la cohésion sociale ; la mobilité professionnelle ne sera pas seulement une contrainte, elle relèvera d’un choix des personnes ; la durée du travail poursuivra son mouvement séculaire de diminution plutôt sous forme de temps variable et choisi ; un nouveau cadre de cohérence des droits et devoirs devra être construit ; l’État conservera un rôle irremplaçable dans la réduction des incertitudes et des inégalités ».

Enfin, la commission préconisera les actions suivantes : « jouer l’ouverture et la coopération » sur le plan international, « favoriser le partenariat » s’agissant du développement des entreprises, « construire les compétences tout au long de la vie » s’agissant de la formation et de l’éducation, « aller

vers le temps négocié » s’agissant des temps sociaux

et de la durée du travail, « créer le contrat d’activité » s’agissant de la transformation du droit du travail et enfin, « ouvrir un nouvel espace aux syndicats » s’agissant du partenariat social.

Dans le cas de l’évaluation, schématiquement aussi, on a affaire à trois démarches : si ce qui est recherché, ce sont les conditions les meilleures pour la mise en place d’un dispositif – on aura affaire à une évaluation ex ante - si c’est son éventuelle amélioration par réajustement qui est en jeu, on aura affaire à une évaluation concomitante ou chemin faisant ; enfin, si l’on envisage de transférer ou réitérer ou non l’expérience, on aura affaire à une évaluation ex-post. Dans les trois cas, il s’agit de porter un jugement sur ce qui est « bon » ou non pour l’avenir en fonction de ce qui a été analysé du passé et du présent et, en quelque sorte, de prescrire les conditions les meilleures pour sa réalisation. C’est le rôle notamment des préconisations ou propositions des rapports d’évaluation des politiques de l’emploi. Prenons l’exemple de l’évaluation sur « Les mesures d’aide aux emplois du secteur non marchand » déjà cité.

Il s’agit d’une évaluation « chemin faisant », les trois dispositifs concernés (CES, CEC, emplois jeunes) étant effectivement en œuvre. La double mission de l’instance était de « mesurer, par rapport

la pertinence de conserver ces dispositifs très utilisés pour contenir le chômage quand la situation de l’emploi se dégrade » et d’« aider à redéfinir des systèmes d’action cohérents au service des objectifs d’insertion et de création d’activités. » L’instance a procédé à un

premier travail sur l’évolution des mesures d’aide aux emplois du secteur non marchand dans la politique de l’emploi.

Dans un deuxième temps, l’instance s’est essayée à une mesure des effets des dispositifs des points de vue des « bénéficiaires », des employeurs, macro-économique (effets structurels sur l’activité, l’emploi et le chômage) et du processus de mise en œuvre, notamment au plan territorial.

Elle en a ensuite tiré un bilan « mitigé pour

les mesures d’insertion classiques que sont les CES et les CEC, qui ont effectivement assuré à leurs bénéficiaires une amélioration de leur vie quotidienne, mais qui ont mal répondu à leur fonction principale de transition vers un emploi ordinaire, en l’absence de mesures suffisantes d’accompagnement et d’appui à la recherche d’un autre emploi ; une réussite de la première phase du programme «nouveaux services - emplois jeunes», qui a permis d’engager une meilleure adaptation des services d’intérêt collectif aux attentes nouvelles des usagers et d’offrir à de nombreux jeunes une expérience professionnelle ».

A la suite de quoi, l’instance a proposé des orientations résumées ainsi : « réformer les dispositifs

CES et CEC et leur pilotage, en privilégiant leur territorialisation sous la responsabilité de l’État dans le but de faciliter l’accès à un emploi ordinaire » - l’une

des propositions phare ayant été plus précisément de fusionner les CES et les CEC - et « conduire une large

réflexion par secteur et par territoire sur les modalités de réalisation et de prise en charge financière permettant le développement des services expérimentés par le programme «nouveaux services - emplois jeunes. »

On le voit sur la base de ces deux exemples, l’évaluation comme la prospective - y compris dans un cas relevant de la méthode du scénario contrasté - déroulent une démarche qui consiste d’abord à faire un état des lieux (ou un diagnostic) en se référent au passé et au présent, chacune sur leur objet, champ temporel et champ géographique respectifs : s’agissant du rapport prospective, le travail, en France, replacé dans un environnement international et en remontant

au XVIIIème siècle ; concernant le rapport évaluation, les mesures emploi dans le secteur non marchand, en France par comparaison avec quelques pays européens (Royaume Uni, Italie, Espagne, Danemark), en remontant à 1975.

La deuxième étape, pour l’évaluation, a procédé de la mise en relief d’effets des mesures, en terme d’efficacité, d’impact, de pertinence, de cohérence pour reprendre les catégories classiques du langage de l’évaluation. La prospective, quant à elle, va proposer des scénarios d’avenir, qui la distingue clairement ici de la démarche évaluative. Pour autant, les scénarios ne sont pas à proprement parler réutilisés dans la suite du déroulement de la démarche. Ce sont plutôt des « principes » qui guideront les propositions d’action, autrement dit une représentation de l’avenir souhaité par la commission, les conditions pour aller dans ce sens dans le futur. L’évaluation, elle, s’attachera à apprécier les effets des mesures non marchandes. Disons de façon caricaturale, qu’elle évoque ici ce qu’il convient de conserver ou non, ce qu’elle juge positif ou négatif dans les mesures

concernées, pour asseoir ses propositions.

Ces phases évaluative et prospective, on le voit, présentent des proximités. Elles sont en quelque sorte l’argumentation préalable aux propositions d’actions.

Enfin, chacune des deux instances fait ses préconisations à l’Etat français, en termes d’avenir du travail pour l’une, des mesures pour l’emploi dans le secteur non marchand pour l’autre. Dans cette ultime étape, l’« esprit » des deux démarches ne diffèrent donc pas.

Au total, dans le déroulé même des deux approches, on observe une certaine similitude malgré l’existence de scénarios dans le cas de la prospective (scénarios dont le rôle à l’intérieur de la démarche reste toutefois flou). Notons aussi que la partie « diagnostic » paraît plus développée dans l’évaluation tandis que la prospective va donner un place plus grande à ses propositions d’actions.

Le caractère « scientifique » des deux

Outline

Documents relatifs