• Aucun résultat trouvé

Un approfondissement du rôle de la branche dans l’organisation des marchés du travail

Quatre des branches étudiées fonctionnent sur un modèle de type marché professionnel caractérisé par une mobilité relativement élevée qui a longtemps favorisé l’acquisition de qualification. Si la plasturgie ou la réparation automobile s’y rattachent directement, le BTP et le tourisme social et familial relèvent d’un modèle dérivé de celui-ci que l’on peut qualifier de mixte dans la mesure où une partie de la main-d’œuvre, la plus qualifiée, est stabilisée et construit sa qualification au sein des grandes entreprises.

Dans ces branches, le plus souvent composées majoritairement de PME, le rôle traditionnel de la branche est d’organiser le fonctionnement du marché du travail, c’est-à-dire d’assurer, d’une part, à travers l’apprentissage ou l’alternance, le flux de renouvellement d’une main-d’œuvre ayant le niveau

de qualification adéquat et ce faisant à travers le contenu des diplômes, se porter garant de cette qualification, et d’autre part, la régulation salariale à travers le lien entre classification et salaire. La qualification s’acquérant essentiellement par la mobilité professionnelle, la formation continue n’était pas un enjeu pour les entreprises. Face à l’élévation des besoins en qualification des salariés qui apparaît dans la période récente, se pose aujourd’hui la question de la place de la formation professionnelle dans ce mode de construction des qualifications. En particulier, comment concilier formation continue et mobilité professionnelle ? Se pose dans le même temps la question des rôles respectifs de la branche et des entreprises dans les réponses apportées à ces évolutions.

Dynamisation de l’effort de formation des entreprises et organisation du système de mobilité professionnelle

Dans la plasturgie et la réparation automobile, l’acuité des normes de qualité imposées par les donneurs d’ordres appartenant notamment à l’industrie automobile a transformé les conditions de production dans les entreprises et la nature des compétences requises des salariés. Pour assurer la survie des entreprises, il apparaît indispensable tout à la fois d’élever le niveau de compétences de base des salariés entrant dans le secteur et d’assurer le maintien de ces compétences et l’élévation de celles des salariés en place par le biais de la formation continue.

Par la vision d’ensemble des besoins en qualification des entreprises qu’il apporte, le CEP a souligné la centralité de l’enjeu de requalification des salariés en activité, face aux exigences croissantes de qualité des donneurs d’ordre des entreprises. Ce faisant, il a aidé les acteurs de la branche à prendre conscience des limites d’une action menée dans le seul cadre de la formation initiale, et de la dimension stratégique du développement de la formation continue des entreprises en réponse à cet enjeu. Il a ainsi permis aux acteurs de la branche de recentrer le rôle de cette dernière autour de la dynamisation de l’effort de formation des entreprises.

Dans ces branches, l’organisation patronale a la responsabilité, à travers la régulation de branche, d’organiser le fonctionnement du marché du travail.

Aussi, lui est-il nécessaire pour remplir ce rôle, de tisser des relations contractuelles fournies avec les organisations syndicales à qui il est donc reconnu une légitimité institutionnelle forte. Celles-ci sont présentes à tous les niveaux, dans les instances politiques et dans les instances gestionnaires.

La légitimité supplémentaire conférée par le CEP a permis à l’organisation patronale d’appuyer son message sur la transformation inéluctable des pratiques d’entreprises. Il lui a également ouvert la possibilité d’intégrer cette nouvelle donne au fonctionnement du marché du travail en organisant la transférabilité des acquis de la formation à travers une politique de certification et de reconnaissance des qualifications dans les grilles de classification. Pour les organisations syndicales, dont les stratégies sont traditionnellement axées, dans ce type de branche, sur la reconnaissance de la formation initiale dans les classifications et sur la régulation salariale, le CEP a permis de maîtriser les données de l’évolution de l’ensemble du champ de la formation et d’appuyer une stratégie orientée vers la certification de la formation continue, celle-ci permettant de réintroduire les évolutions récentes tendant à l’individualisation dans les traditions de mobilité sur le marché du travail propres à ces branches.

Ainsi, face à la nécessité de développer de nouvelles formes de construction des qualifications, le CEP a contribué à l’élaboration d’une politique globale en matière de formation professionnelle en articulation plus étroite avec le fonctionnement du système de classification. Ce faisant, l’organisation patronale puise sa légitimité dans sa capacité à répondre aux nouveaux besoins des entreprises. Le CEP constitue de ce point de vue une ressource centrale pour lui permettre d’accéder à une vision d’ensemble de ces besoins et de se positionner comme porte-parole d’une politique cohérente au nom de l’ensemble de la profession. Parallèlement, l’action engagée par la branche dans le domaine de la formation renforce la reconnaissance institutionnelle des organisations syndicales dans la mesure où l’essentiel des actions engagées à ce niveau repose sur la négociation collective. Est ainsi confortée une dynamique paritaire qui structurait déjà les relations sociales au sein des deux branches.

Stabilisation de la main-d’œuvre et dynamisation de l’effort de formation

Dans le bâtiment et les travaux publics et le tourisme social et familial, les entreprises, en particulier les grandes entreprises, minoritaires mais dominantes, s’appuient en partie sur le marché du travail dans la mesure où elles font appel à de l’embauche pour la durée du chantier pour celles du BTP ou à de l’embauche saisonnière pour celles du tourisme social et familial. Ce lien au marché du travail est d’autant plus accentué que ces branches ont longtemps constitué (et constituent encore) un secteur d’insertion pour les jeunes, ceux-ci ayant tendance à le quitter au bout de quelques années à la recherche de meilleures conditions de travail et d’emploi. Parallèlement, les entreprises tendent à stabiliser un noyau de main-d’œuvre stable pour lequel des formes de gestion interne sont élaborées.

Dans la deuxième moitié des années quatre-vingt, la transformation des conditions de la concurrence sur le marché des produits (retrait de l’Etat, rétrécissement de la taille des marchés dans le BTP, nécessité d’améliorer la qualité du service pour faire face à la concurrence du tourisme commercial dans le tourisme social et familial) fait de leurs capacités à répondre à des exigences de qualité et de technicité accrues, une des conditions de la survie des entreprises de ces branches, en particulier des grandes, les plus petites étant plus ancrées dans les tissus économiques locaux. Or, dans ces branches, grandes et petites entreprises sont liées par le marché du travail commun sur lequel elles embauchent et, dans le cas du BTP, par les liens de sous-traitance d’autant que les grandes entreprises, confrontées à la difficulté de renouveler leur main-d’œuvre âgée par des jeunes qualifiés, développent des stratégies dans lesquelles elles obtiennent des marchés de taille importante pour lesquels elles n’assurent que la coordination de chantiers. Elles doivent donc être assurées de trouver sur le marché du travail et à l’intérieur des entreprises sous-traitantes, une main- d’œuvre ayant le niveau de qualification adéquat.

Dans ces deux branches, l’enjeu formation, qu’il s’agisse d’élever le niveau de formation de base des entrants ou d’adapter, à travers la formation continue, la qualification des salariés sur l’ensemble du marché du travail, devient donc un enjeu économique central pour toute la profession. Les grandes entreprises

vont s’appuyer sur les organisations patronales pour diffuser ce message et celles-ci prendront appui sur la politique contractuelle de formation pour remplir cette mission. Le CEP sera l’occasion pour l’organisation patronale (en particulier dans le BTP) de prendre pied dans le champ de la formation jusque-là géré par le collecteur paritaire (à l’exception de l’apprentissage) et de légitimer, à partir des résultats du CEP, sa responsabilité à construire une politique globale de formation.

Alors que le rôle de la branche dans l’organisation des marchés du travail se limitait à l’offre de formation, l’appui sur les CEP a permis de l’étendre aux différentes dimensions du fonctionnement de ces marchés.

Une transformation du rôle de la branche

Outline

Documents relatifs