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Conclusion : La formation permanente, une réponse nécessaire au risque de glissement

vers des politiques de workfare

L’Europe est confrontée à une profonde transformation de la relation formation-emploi qui affecte les marchés du travail. Le passage de politiques d’emploi principalement axées sur l’indemnisation « passive » des chômeurs à des politiques d’emploi plus actives traduit le phénomène d’ « activation » qui est à l’œuvre actuellement dans tous les pays de l’Union. Cette nouvelle orientation des politiques d’emploi est le fruit de deux décennies d’influence de l’idéologie libérale sur les politiques économiques et sociales nationales. A l’échelle européenne, il semble qu’une certaine convergence des politiques d’emploi ait lieu dans cette direction vers un modèle plus concurrentiel. Ce basculement se manifeste par un changement de la nature du lien

entre le système éducatif et le marché du travail. Autrefois caractérisé par l’adéquation de l’offre et de la demande qui permettait d’assurer le plein emploi de la main d’œuvre, le marché du travail est aujourd’hui plongé dans un inextricable paradoxe : en effet, à côté d’un sous-emploi généralisé coexiste une pénurie de main d’œuvre dans certains secteurs de l’économie. Le problème de l’emploi en Europe ne réside donc pas dans l’insuffisance de la demande de travail, mais bien plus dans la contradiction à laquelle est sujet le marché de l’emploi, à savoir ne pas être en mesure de fournir une main d’œuvre adaptée aux besoins des entreprises. Pour répondre à ce problème et proposer une alternative à la convergence vers un modèle libéral enclin à la mise en place de politiques d’activation qui risquent à terme d’aboutir à des politiques de workfare, il convient de repenser la relation formation-emploi à partir d’une remise en cause de la logique fordiste d’organisation de la production. Cette logique qui voulait qu’à tout emploi corresponde une formation bien spécifique ne convient plus à la période actuelle. Il apparaît par contre aujourd’hui nécessaire de réinterpréter la relation entre formation et emploi dans une dynamique de cycle de vie pour comprendre les évolutions en cours et proposer une nouvelle forme d’organisation à la fois de la société et du système productif. Dans un monde où la survie matérielle passe par la perception d’un revenu lui-même fortement conditionné à l’exercice d’un travail, le fait de travailler apparaît telle une nécessité de premier ordre. La place prépondérante qu’a le travail et le rôle fondamental qu’il joue dans le processus de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale n’est plus à démontrer. Dès lors que l’insertion dans l’emploi constitue le principal facteur d’inclusion sociale, il faut que chacun puisse occuper un emploi. L’Education et la Formation Tout au Long de la Vie constitueraient, de ce point de vue, un moyen de concilier les besoins de l’individu (disposer de qualifications suffisantes pour occuper un emploi) avec ceux du marché (flexibilité accrue), car elle seule semble pouvoir répondre le mieux à la nouvelle donne économique qui se met peu à peu en place en Europe. Elle ouvre des 25 A. Gauron, « Formation tout au long de la vie », Rapport du Conseil d’Analyse Economique, La Documentation française, Paris, 2000, p. 69.

26 F. Aventur et M. Möbus, « Formation professionnelle initiale et continue en Europe : une synthèse comparative », in Formation tout au long de la vie, Rapport du Conseil d’Analyse Economique, La Documentation française, Paris, 2000, p. 124.

perspectives dans le passage vers une vie active dont la durée serait étendue sur une plus longue période de la vie et permet cette conciliation du marché du travail avec les temps sociaux. Désormais, dans une économie mondialisée, réglée par les principes du libéralisme, soumise à la concurrence internationale et à la recherche constante d’une rentabilité et d’une compétitivité accrues, la formation constitue de fait un capital social dans la lutte contre l’exclusion qu’il appartient de faire reconnaître comme un droit fondamental accordé à tout individu. Ce droit à la formation permanente devient une urgence et un objectif majeur des politiques d’emploi à mener en Europe dans les années à venir, car il apparaît très paradoxal, dans une société de la connaissance où le maniement des symboles et la capacité d’abstraction sont les clés de la réussite professionnelle, de continuer à mettre en œuvre des politiques visant à former des personnes pour des emplois qui ne durent qu’un temps.

Bibliographie

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L’objet de cette introduction n’est pas de résumer les textes de ce chapitre. Il est de proposer quelques interrogations.

Au regard de la formulation de la question, très générique et suspensive de contenu1

,

aucune d’entre elles n’est, dans sa totalité, absolument topique et n’affronte directement la question. Ce qui n’a en soi finalement rien de surprenant et qu’aucune raison ne saurait blâmer. En effet, chacune s’attache à affirmer et/ou à développer points de vue, descriptions, analyses dans des registres qui sont différents et hétérogènes. Le lecteur s’en apercevra par lui-même, cette hétérogénéité caractérise également les sujets abordés, même si des proximités existent2.

La discussion des effets de la prospective, quelle que soit l’acception de cette dernière, est en tant que telle absente. Le terme est présent, fort peu, même s’il figure dans le titre de deux contributions. Mais n’oublions pas que le non-usage lexical d’une catégorie n’implique en aucune façon son non-examen. Cette discussion est malgré tout présente en creux, sous la forme d’une sorte de « rétro-prospective », lorsque sont examinées quelques politiques sur le moyen terme et le long terme relatives : - au positionnement des institutions politiques dans la « socialisation » de la main-d’œuvre immigrée, en particulier en ce qui concerne l’acculturation à la langue française et son apprentissage. Notons au passage que, par-delà les variations conjoncturelles, il semblerait que perdurent des déterminants invariants à l’immigration qui interrogent de fait les historiogaphies, économicismes théoriques, sociologisations, psychologisations et anthropologies culturelles au cœur des explications dominantes ;

- à l’évolution des emplois des fonctions publiques dans plusieurs pays de l’Europe occidentale, dont l’exposé des caractéristiques essentielles incite implicitement à poser le problème de ce que sont un appareil et un pouvoir d’état au regard de la structuration sociale de l’emploi ;

Hervé LHOTEL – Rapporteur session Groupe de Recherche sur l’Education et l’Emploi (GREE) - 2L2S - Centre associé Céreq

Chapitre 2

Transformations des marchés du travail et des pratiques de formation :

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