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Exemples de nouveaux circuits alimentaires de proximité multi-acteurs dans les Andes

POTENTIELS POUR LA RECONNAISSANCE DES PAYSANNERIES

Encadré 16 Exemples de nouveaux circuits alimentaires de proximité multi-acteurs dans les Andes

Marchés paysans organisés associatifs : marchés biologiques, écologiques agroécologiques, ferias citoyennes, marchés solidaires etc. Ces marchés peuvent être créés à l’initiative des paysans, d’ONG, de pouvoirs publics locaux ou déconcentrés, de consommateurs. Les processus sont multi-acteurs dans la plupart des cas.

Systèmes de paniers, développés surtout en Équateur. Les premiers paniers ont été des « paniers communautaires » ou « paniers solidaires » créés à l’initiative de la société civile, c'est-à-dire des groupements d’achats de consommateurs qui s’associent avec des paysans locaux. Aujourd’hui, des pouvoirs publics locaux et déconcentrés mettent à leur tour en place, en partenariat avec les paysans locaux, des systèmes de paniers de produits, livrés à domicile.

Boutiques de produits paysans. Il peut s’agir soit de boutiques spécialisées en produits paysans, qui appartiennent généralement à des ONG locales, nationales, ou internationales, soit de boutiques paysannes, c'est-à-dire qu’elles sont gérées par des organisations de producteurs, écologiques/agroécologiques ou non.

Commercialisation locale de produits transformés dans des petites unités de transformation rurales. Il s’agit de démarches où les paysans s’associent pour transformer leurs produits de manière artisanale et les commercialiser via des réseaux de proximité. Ces démarches sont souvent appuyées par des ONG et/ou par des pouvoirs publics locaux ou déconcentrés. Elles peuvent concerner des produits laitiers, des dérivés de céréales, des plantes aromatiques et médicinales etc.

Achats publics de produits paysans, notamment pour l’alimentation scolaire. Les gouvernements nationaux et locaux de l’Équateur, du Pérou et de la Bolivie mettent en place, depuis la seconde moitié de la décennie 2000, des programmes d’achats publics de produits paysans locaux, voire agroécologiques, à l’image de ce qui a déjà été mis en place par le Brésil depuis 2003.

Systèmes participatifs de garantie (SPG)225 ou labels de type « contrôle social », dont l’émergence et l’institutionnalisation vont de pair avec le développement des circuits de proximité pour les produits biologiques, écologiques et agroécologiques, mais qui peuvent aussi concerner des produits identifiés comme étant explicitement « paysans »226. La mise en place de ces certifications alternatives se fait souvent à l’initiative des organisations paysannes et des ONG, mais aujourd’hui, les pouvoirs publics locaux et nationaux commencent à s’engager progressivement dans l’appui technique, organisationnel et financier de ces démarches, à l’instar de ce qui existe déjà au Brésil227.

225 L’IFOAM définit les SPG comme des « systèmes d’assurance qualité orientés localement [qui] certifient les

producteurs sur la base d’une participation active des acteurs concernés et [qui] sont construits sur une base de confiance, de réseaux et d’échanges de connaissances » [May, 2008]. Si leur objectif est le même que la certification

classique par tiers, c'est-à-dire de fournir une garantie au consommateur, les principes et l’approche sont fondamentalement différents. En effet, les SPG se fondent sur la participation directe des acteurs concernés (paysans et citoyens) et cherchent à élaborer des systèmes de garantie adaptés aux contextes sociaux-politiques, économiques et écologiques locaux. En cela, ils visent en cela le marché local et constituent explicitement, selon l’IFOAM, des mécanismes de soutien à l’agriculture paysanne.

226 Par exemple, en Bolivie, le CIOEC, organisation nationale qui fédère les OECA (organisations économiques

paysannes), a créé un label pour les produits paysans destinés à être vendus et identifiés sur les marchés locaux et nationaux. Par ailleurs, les organisations paysannes membres de la CLAC (Coordination latino-américaine du commerce équitable) et qui ont créé le SPP (symbole petit producteur, évoqué plus haut) réfléchissent actuellement, avec l’appui d’ONG et de certains gouvernements nationaux, aux opportunités d’utilisation du SPP pour l’identification et la vente équitable de produits paysans sur les marchés locaux et nationaux.

227 Au Brésil la réglementation relative à l’agriculture biologique prévoit trois types de certification : la certification

Même si les nouveaux circuits alimentaires de proximité multi-acteurs ne constituent pas un fait statistique majeur – en Équateur, par exemple, les « circuits courts alternatifs de commercialisation »228 représenteraient 1% de la consommation totale de produits

agroalimentaires [Chauveau & Taipe, 2010]229 – , elles constituent des signaux faibles présentant

un enjeu pour la recherche, le développement, les paysans andins, et les politiques publiques. Et, de fait, si ces nouveaux circuits alimentaires de proximité multi-acteurs n’avaient pas retenu l’attention, ni des pouvoirs publics, ni de la recherche et du développement il y a de cela encore peu de temps, la situation est en train de changer. Ainsi, alors que l’exportation via le commerce équitable pouvait apparaître comme la seule forme alternative de commercialisation susceptible de rendre visible et de valoriser une agriculture paysanne durable dans les pays du Sud, et en particulier dans les Andes, on a vu émerger à la fin des années 2000 un intérêt pour les « circuits courts » et le « commerce équitable Sud-Sud »228. Par exemple, le GRESP a réalisé en 2009 un

inventaire des expériences emblématiques de commerce équitable Sud-Sud dans la Communauté andine de nations230 [Cotera Fretel et al., 2009]. En 2013, la CEPAL et la FAO ont

organisé un séminaire international231 intitulé « Agriculture familiale et circuits courts. Nouveaux schémas de production, commercialisation et nutrition », dont l’objectif était de mettre en

perspective diverses initiatives, privées ou publiques, de rapprochement entre producteurs et consommateurs, non seulement en Amérique latine mais aussi aux États-Unis et en Europe, notamment en France232. Ce séminaire est l’expression non seulement d’un intérêt global – à

l’échelle des acteurs et des espaces – pour les circuits alimentaires de proximité et pour l’agriculture familiale, mais aussi d’une mise en commun et d’une circulation d’idées et de modèles de politiques sur ces thèmes.

À ce sujet, soulignons qu’aujourd’hui la plupart des pays d’Amérique latine mettent en place des politiques d’achats publics de produits paysans, en particulier pour l’alimentation scolaire [SELA, 2014], couplant ainsi les politiques alimentaires et de nutrition avec les politiques de développement rural, ce qui traduit une reconnaissance institutionnelle de l’agriculture paysanne. Le Brésil, avec son programme d’achats d’aliments (PAA) créé en 2003 a été

transformation), et l’agrément par un organisme de contrôle social (OCS) destiné aux agriculteurs familiaux et limité à la vente directe et à la vente institutionnelle [Souza-Seidl & Billaud, 2014].

228 Il existe plusieurs dénominations qui se recoupent en partie avec ce que nous appelons « circuits alimentaires de

proximité » : circuits alternatifs, circuits courts, commerce équitable Sud-Sud etc. Dans le paragraphe suivant, où nous positionnons notre objet d’étude par rapport aux autres dénominations et définitions, nous verrons pourquoi nous avons fait le choix de cet objet et de cette dénomination.

229 Depuis 2009, date à laquelle cette estimation a été réalisée, les « circuits courts alternatifs de commercialisation » –

qui regroupent en Équateur les marchés paysans, les boutiques de produits paysans, les systèmes de paniers, les achats publics de produits paysans mais également l’exportation via le commerce équitable – se sont beaucoup développés (notamment les achats publics et différentes formes de marchés paysans). Nous pouvons donc considérer que ce chiffre de 1% est sous-estimé, mais n’avons pas à notre disposition de données plus récentes.

230 La communauté andine des nations (CAN) regroupe la Bolivie, le Pérou, l’Équateur et la Colombie.

231 Ce séminaire, qui s’est tenu à Santiago du Chili, a fait l’objet d’une publication en 2014 par la CEPAL [Namdar et al.,

2014]. Il a rassemblé des représentants de pouvoirs publics, des chercheurs, des organismes de développement, des représentants d’organisations paysannes, des organisations de la société civile.

232 Le Ministère des Affaires Étrangères (via les délégations régionales de coopération Cône Sud, Brésil et Pays

Andins) était coorganisateur de l’évènement. En outre, la personne en charge de la politique des circuits courts au Ministère de l’Agriculture français était invitée comme conférencière.

précurseur en Amérique latine et ses programmes d’appui aux agricultures familiales ont été transférés aux autres pays latino-américains [Sabourin et al., 2014].

L’existence de programmes d’achats publics de produits paysans est loin d’être le seul exemple de l’intérêt et de l’appui public aux circuits alimentaires de proximité, couplé avec l’appui aux agricultures familiales et paysannes. Ainsi, à l’échelle des États, En Équateur par exemple, le projet CIALCO233, conduit en 2009-2010 par le Ministère de l’Agriculture

(MAGAP)234, avait pour objectif la conception d’outils de politiques publiques favorisant

l’insertion des paysans sur les marchés via des « circuits courts alternatifs de commercialisation ». Ce projet s’est déroulé dans le cadre d’une large coopération multi-acteurs, nationale (participation d’acteurs divers engagés dans des circuits alternatifs de commercialisation, dont des paysans), et internationale (appui d’un chercheur français et du réseau CIVAM français). Les résultats de ce projet en matière de valorisation d’initiatives de commercialisation alternative explicitement favorables aux paysans méritent d’être soulignés. Ainsi, le projet CIACLO a conduit un inventaire et une étude d’impact au niveau national des circuits courts alternatifs de commercialisation (Encadré 17). Via l’organisation de divers évènements (par exemple un grand marché paysan sur l’esplanade du MAGAP), il a contribué à rendre visibles non seulement les initiatives de commercialisation, mais également les paysans eux-mêmes, officiellement soutenus par l’État. Il a en outre contribué à faire de la question de l’insertion équitable et durable des paysans sur les marchés un sujet de débats entre les pouvoirs publics et la société civile. Enfin, le projet CIALCO a été un levier de mise à l’agenda politique de la question des circuits alternatifs de commercialisation, via la création d’une direction dédiée au sein du MAGAP. Cette direction dispose depuis 2012 de ressources financières et humaines, au niveau national et aux niveaux déconcentrés, tant pour l’assistance technique et organisationnelle, que pour le financement d’équipements destinés à favoriser la commercialisation alternative de produits paysans. À titre d’exemple, les services déconcentrés du MAGAP de la province de Chimborazo, en Équateur, appuient depuis 2008 la création et le développement de « ferias citoyennes » hebdomadaires dont l’objectif est de fournir aux consommateurs urbains des produits à « prix justes » et d’offrir aux paysans locaux des espaces de vente directe pour leurs produits.

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