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Etude de validation avec un échantillon de sujets tout venant

3.2. Etude préliminaire : Développement et validation du Learning Affect Monitor

3.2.4. Etude de validation avec un échantillon de sujets tout venant

Cette première partie empirique de notre travail consiste à valider notre instrument auprès d’un échantillon d’adultes tout venant.

3.2.4.1. Echantillon normatif

La première validation de l’instrument porte sur un échantillon de 51 adultes et concerne la version basique du LAM qui n’inclut pas l’évaluation du bien-être corporel. Les résultats sont présentés dans une publication réalisée en collaboration avec le directeur de cette thèse, le Prof. Michaël Reicherts, Christian Maggiori (dont la thèse porte sur l’utilisation de cet instrument auprès d’une population de personnes âgées, Maggiori, en préparation), et Karl Pauls, informaticien, qui a créé l’interface du LAM (voir Reicherts, Salamin et al., 2007). Nous laissons le lecteur se référer à cette publication pour la description de l’échantillon ayant permis la validation du LAM.

Il faut noter que la taille de l’échantillon normatif qui nous sert de groupe contrôle dans notre étude clinique est augmentée : il est composé de N=66 sujets, les 15 sujets supplémentaires ayant utilisé le LAM dans la version comprenant l’évaluation du bien-être corporel.

3.2.4.2. Matériel

Dispositif pour le monitoring ambulatoire

Cette étude de monitoring ambulatoire est réalisée avec des ordinateurs de poche de marque PalmOne TungstenTM (modèles T0, T3, T5 et E2). Chaque participant reçoit un ordinateur de

poche, un chargeur et un manuel d’utilisation (Reicherts et al., 2005) expliquant à la fois les aspects techniques de l’ordinateur de poche et la procédure d’évaluation au moyen du LAM. Au dos de chaque ordinateur de poche figure le numéro de téléphone d’une personne responsable de la recherche au cas où des questions ou problèmes techniques surviennent au cours de la semaine de monitoring. Les ordinateurs sont programmés pour sonner et/ou vibrer à intervalles aléatoires au sein de fenêtres temporelles fixes afin de solliciter l’évaluation de la part du participant. Si le participant ne répond pas dans les cinq minutes, une deuxième alarme lui rappelle qu’il est le moment de faire une évaluation. Les sujets sont avertis que l’ordinateur de poche peut sonner à tout moment entre huit heures et vingt-deux heures pendant sept jours consécutifs. Ils sont aussi invités à faire des évaluations spontanées s’ils ressentent des émotions particulières.

Nous avons défini des fenêtres temporelles de 90 minutes dans lesquelles les alarmes sont définies de manière aléatoire (mais avec au minimum 75 minutes d’intervalle entre chaque alarme). Les données sont ensuite transférées via Bluetooth sur l’ordinateur.

Questionnaires

Avant le début du monitoring, les participants répondent au questionnaire « Dimensions de l’Ouverture émotionnelle » (DOE) (Reicherts, 2007), décrit plus en détail au point 3.3.1.5 et dont les dimensions sont présentées à la section 2.5.1.

Questionnaire de post-monitoring

A la fin des sept jours de monitoring, les participants répondent à un questionnaire portant sur leur expérience de la procédure de monitoring avec le LAM, notamment concernant les réactions de leur entourage, les interférences causées par le monitoring, leur changement éventuel de comportement, la typicalité des sept jours, la facilité avec laquelle ils ont pu s’évaluer, etc. Ce questionnaire a été développé en collaboration avec le Prof. Michaël Reicherts et Christian Maggiori et est comparable à d’autres (voir p. ex. Fahrenberg et al., 1999).

3.2.4.3. Procédure

Entraînement et instructions

Nous avons développé un « manuel de l’utilisateur », en français et en allemand (Reicherts et al., 2005), afin d’entraîner les participants à utiliser le LAM et à bien comprendre les composantes à évaluer (intensité, valence, activation, bien-être physique, liste d’adjectifs). Les instructions concernant la grille (l’« Affect Grid ») sont directement adaptées de celles de Russell et al. (1989). Nous entraînons les participants sur la base de situations hypothétiques standards, p. ex. des situations du questionnaire UBV (Reicherts & Perrez, 1993), et de situations personnelles discutées avec eux. Nous apprenons aussi aux participants l’utilisation de l’ordinateur de poche et de ses fonctions de bases (p. ex. le réinitialiser, le mettre sous mode silencieux, le recharger, etc.). Cette phase d’entraînement dure en moyenne entre une et deux heures, et est faite en individuel ou en petits groupes de deux à trois participants.

Les participants ont pour instruction de décrire la manière dont ils se sentent au moment de l’évaluation sur le LAM, quel que soit le moment auquel ils répondent au signal, tout de suite ou avec un certain retard. Les participants évaluent ainsi toujours leur état affectif actuel, non pas leur état moyen de la dernière heure ou depuis la dernière évaluation. Les participants doivent garder l’ordinateur de poche sur eux ou à portée de main, dans la mesure du possible (avec des exceptions évidentes, p. ex. à la piscine ou en thérapie).

Une séance de clôture, à la fin de la phase de monitoring, permet aux participants de s’exprimer par rapport à l’expérience du monitoring, de manière spontanée et à l’aide d’un questionnaire. Il s’agit de déterminer dans quelle mesure le sujet réagit à cette expérience (réactivité), p. ex. en modifiant son comportement ou en évitant certaines situations, s’il rencontre des difficultés dans la réalisation de l’auto-observation (acceptation par l’utilisateur – user acceptance) ou pour clarifier certains biais concernant la typicalité de la période considérée (p. ex. une semaine sortant de l’ordinaire en raison d’événements exceptionnels).

3.2.4.4. Design

L’évaluation ambulatoire dure sept jours. Les sujets du groupe contrôle répondent à 10, huit ou six alarmes quotidiennes (respectivement les sujets 1-30, 31-51 et 52-661). Nous optons pour une

période d’une semaine car c’est la période minimale permettant de couvrir les différentes situations de la vie quotidienne qui peuvent être liées à des patterns hebdomadaires (p. ex. activité professionnelle plutôt la semaine et activités récréatives et diminution du rythme plutôt le week-end). Nous aurions pu étendre la période à deux semaines, qui auraient été plus représentatives, mais nous avons choisi de ne pas alourdir la procédure pour les sujets.

Tous les sujets ont été vus au moins deux fois, une fois avant la période de monitoring, pour l’entraînement et les questionnaires, et une fois après, lors de la récupération des ordinateurs de poche et de la passation des derniers questionnaires. Il est possible que les expérimentateurs rencontrent le sujet au cours de l’évaluation ambulatoire en cas de problèmes techniques ou de questions.

Figure 18 : Design de l’étude, intervalles temporels et mesures (exemple pour six mesures quotidiennes)

Cette étude a un design « longitudinal » (mesures répétées de micro-processus) comprenant plusieurs points de mesures à intervalles variés (voir figure 18) : avant le début du monitoring ambulatoire (mesures de « pré-test »), au cours du monitoring à intervalles réguliers au moins six fois par jour pendant une semaine (monitoring), et après cette phase d’auto-observation (mesures de « post-test »). L’échantillonnage est de type temporel (contingent au signal) afin de représenter au mieux les moments de l’ensemble de la journée et de la semaine. Il est réalisé dans des fenêtres temporelles d’environ une heure et demie à deux heures mais n’est pas à intervalle fixe afin de s’assurer que les sujets ne soient pas dans l’expectative de l’évaluation, ou alors gênés par un horaire fixe qui chevaucherait une activité incompatible (p. ex. un cours de yoga). Ce type d’échantillonnage permet de mesurer majoritairement des états affectifs ou core affects (plus ou moins influencés par des émotions spécifiques). Cependant, les sujets sont invités à rapporter leurs états émotionnels, le cas échéant, ce qui correspond à un échantillonnage basé sur

1

Seuls les sujets 1 à 51 sont inclus dans cette première illustration, mais pour ne pas nous répéter plus loin

T

0

T

1

T

7

T

8

SOMS-2 TAS-20 DOE SCL-27

Sept jours de monitoring ambulatoire à l’aide du „Learning Affect Monitor“ (LAM) :

Six mesures par jour dans six fenêtres temporelles:

8h00 ¦ 10h00 10h00 ¦ 12h00 12h00 ¦ 14h00 14h00 ¦ 16h00 16h00 ¦ 18h00

Pré-test :

Post-test :

SOMS-7T 18h00 ¦ 20h00

l’événement. Ce deuxième type d’échantillonnage offre l’intérêt de pouvoir enregistrer des moments significatifs pour le sujet, mais ne peut être utilisé seul car il dépend trop de la compliance des sujets et de leur propre définition d’un événement significatif.

3.2.4.5. Principaux résultats de l’étude de validation

Nous laissons le lecteur se référer à l’article de validation (Reicherts, Salamin et al., 2007) pour les moyennes, écarts-types et corrélations des différentes dimensions du LAM. Nous présentons ces résultats pour le groupe de 66 sujets à la section 4.2.2. Les résultats les plus importants à retenir, résumés brièvement ici, sont ceux relatifs à la fidélité de notre instrument. Nous l’avons évaluée au niveau des données agrégées ce qui permet d’obtenir des estimations de la généralisabilité de ces dimensions (Buse & Pawlik, 1996). La fidélité paire/impaire est un indicateur de validité proposé pour les mesures de monitoring ambulatoire (Buse & Pawlik, 1996) : on considère que les observations paires et impaires sont deux séries équivalentes de données.

Tableau 4 : Indicateurs de fidélité globale (corrélations entre les évaluations paires et impaires (adapté de Reicherts, Salamin et al., 2007)

rtt moyennes rtt écart-types Valence .72 .77 Activation .65 .83 Intensité .95 .74 Nombre de qualificatifs .98 .99 Légende : a n=2813 évaluations, N=51 sujets

Les moyennes et écarts-types intraindividuels sont calculés pour chaque sujet et pour chaque moitié des données. Les corrélations interindividuelles entre les valeurs de chaque moitié nous donnent une estimation de la fidélité des données agrégées sur une semaine d’évaluation (tableau 4). A l’exception de l’activation moyenne dont la valeur est juste acceptable, ces indicateurs sont globalement bons à excellents, notamment quant au nombre de qualificatifs utilisés pour se décrire.

D’autres indicateurs de fidélité pour ce type de mesure sont les coefficients de corrélation intraclasse (CIC) qui, à partir des estimations des variances aux niveaux des situations, des journées et des individus (analyses multiniveaux), nous indiquent le degré de ressemblance entre les observations d’une même personne. Ces indices nous permettent de tester dans quelle mesure la variance est due aux influences situationnelles ; en d’autres termes, ils nous permettent de vérifier que notre mesure est assez sensible pour refléter des variations de l’état d’une personne ou, inversément, que différents états (p. ex. des modifications subtiles de l’humeur) sont évalués différemment au moyen de nos dimensions (Buse & Pawlik, 1996). Nous relevons dans ce groupe une très bonne sensibilité au changement pour les dimensions de valence et d’activation où respectivement 92% et 94% de la variance est attribuable aux influences situationnelles. L’intensité et le nombre de qualificatifs utilisés sont un peu moins sensibles au

changement, où respectivement 59% et 53% de la variance y est attribuable. Cependant, dans tous les cas, les dimensions reflètent de manière prédominante des variations des états intraindividuels.

Les analyses multiniveaux1 nous permettent aussi d’évaluer si nos données montrent des

tendances systématiques au cours de la semaine, p. ex. une diminution de l’activation le week- end ou en fin de journée, mais aussi un effet de réactivité à l’observation, p. ex. une diminution systématique du nombre de qualificatifs utilisés au cours de la semaine. Nos analyses indiquent l’absence de réactivité pour la valence ou l’activation : les niveaux restent stables au cours du monitoring. Par contre, il y a des variations liées au rythme circadien, avec un effet quadratique positif pour la valence (elle est plus basse l’après-midi que le reste de la journée) et un effet quadratique négatif pour l’activation (plus élevée l’après-midi). Pour ces deux dimensions, il y a aussi un effet du week-end puisque dans ce contexte temporel la valence est plus élevée et l’activation plus basse. Pour chaque dimension, on observe des variations significatives aux trois niveaux : entre les individus, au sein d’une même journée et entre les situations d’observation (niveau où la variance est la plus importante).

Enfin, un aspect de validité important concerne la liste de descripteurs proposée par le LAM. Une analyse en cluster des 30 qualificatifs, basée pour chacun sur les scores moyens de valence et d’activation (valeurs Z), indique une solution en cinq clusters qui correspond bien au modèle circomplexe2.

Propositions des sujets pour compléter la liste de qualificatifs

A la fin du questionnaire de post-monitoring, nous avons demandé aux sujets d’indiquer quels qualificatifs leur ont manqué. Il faut noter au préalable que seul un sujet utilise l’ensemble des qualificatifs au cours de la semaine. Par contre 9 (18%) utilisent la totalité des qualificatifs positifs et 3 (6%) la totalité des négatifs. Les deux qualificatifs qui manquent à la majorité des sujets sont

fatigué (ou épuisé) et stressé (mais aussi agité, tendu, dépassé et débordé). Les autres

qualificatifs les plus mentionnés sont soulagé et concentré. Ce sont plutôt des qualificatifs négatifs, pourtant déjà nombreux, qui manquent, mais en particulier stressé et fatigué qui font tout deux référence à la surcharge d’activités. D’autres qualificatifs mentionnés, relatifs au domaine occupationnel, sont concentré, préoccupé, démotivé, désintéressé, attentif, curieux,

motivé. La composante somatique, mise en exergue par le terme fatigué, se retrouve aussi au

travers d’épuisé, las, vide, se sent malade ou plein d’énergie. Enfin, un certain nombre de termes relatifs à la peur ou à son soulagement sont proposés : angoissé, choqué, craintif, inquiet,

terrorisé, apeuré, insécure, soucieux, préoccupé, rassuré, confiant, soulagé.

1Pour une description de cette méthode d’analyse, le lecteur est invité à se référer aux sections 4.4 et 5.2.3. 2Cluster 1 : qualificatifs désactivés et agréables (calme, relaxé, serein) ; cluster 2 : qualificatifs agréables et

activés (joyeux, réjoui, content, heureux, enthousiaste, amusé, surpris, intéressé) ; cluster 3 : qualificatifs désagréables et désactivés (dégoûté, triste, malheureux, déprimé) ; cluster 4 : qualificatifs désagréables et activés (en colère, énervé, déçu, découragé, nerveux, anxieux, ému, impuissant, coupable, mal à l’aise et