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Effets du temps et du contexte temporel sur les dimensions du LAM

4.2. Première question : Évaluation ambulatoire de patients hospitalisés souffrant de

4.2.3. Analyses multiniveaux : modélisation des effets du temps sur les évaluations faites

4.2.3.1. Effets du temps et du contexte temporel sur les dimensions du LAM

Nous présentons ci-après les résultats principaux (les détails de chacun de ces résultats peuvent être consultés en annexe).

Variances résiduelles à tous les niveaux hiérarchiques

Le premier résultat s’observe à partir des modèles vides et concerne toutes les dimensions du LAM (intensité, valence, activation, nombre de qualificatifs utilisés et bien-être physique) :

(1) dans tous les cas, les intercepts (i.e. la grande moyenne, voir annexe) diffèrent significativement d’une personne à l’autre ;

(2) il y a de la variance résiduelle autour de ces intercepts, significative aux trois niveaux : il y a à la fois des variations significatives entre les individus, au sein d’une même journée et entre les observations (tableau 12)

Coefficients de corrélation intraclasse : ressemblance entre les observations et proportions de variance expliquée par chaque niveau hiérarchique

Les modèles vides nous donnent les estimations des variances aux trois niveaux à partir desquelles nous pouvons calculer les coefficients de corrélation intraclasse1 (CIC).

Dans les modèles à plus de deux niveaux, il y n’y a pas un seul coefficient de corrélation intraclasse (CIC), mais plusieurs (Bickel, 2007).

Nous avons calculé ces coefficients d’après les formules de Snijders et Bosker (1999, p.65) et Bickel (2007, p.252) :

CIC au niveau 3 (individus) = σ2 v0/(σ 2 v0+ σ 2 u0+ σ 2

e0), soit le pourcentage de variance situé au niveau interindividuel.

CIC aux niveaux 3 et 2 (individus et jours) = (σ2 v0+ σ 2 u0)/(σ 2 v0+ σ 2 u0+ σ 2 e0), soit le pourcentage de variance situé au niveau des jours et des individus, i.e. la variance due au regroupement en journées et individus. La différence représente la variabilité entre les observations.

CIC au niveau 2 (jours) = σ2 v0/(σ

2 v0+ σ

2

u0), soit le pourcentage de ressemblance entre unités de niveau 2 (journées) dans une unité de niveau 3 (individu).

La formule classique du CIC dans un modèle à deux niveaux, σ2 u0/(σ

2 u0+ σ

2

e0), représente ici le pourcentage de variance des observations au sein d’une même journée.

Nous observons que les CIC varient beaucoup selon les dimensions (tableau 12). De manière générale, il y a moins de ressemblance entre les différents moments d’observation dans une journée chez une personne donnée qu’entre les différentes journées chez cette même personne. En d’autres termes, les journées semblent globalement se ressembler, mais les états spécifiques au cours des journées se ressemblent moins.

Les variances de niveau 1 sont une mesure plus adéquate que les écarts-types individuels pour indiquer la variabilité d’une personne typique de chaque échantillon sur les différentes dimensions (tableau 12). Dans les deux groupes, c’est la variance de l’activation qui est la plus élevée, suivie par la variance de la valence.

Dans le groupe clinique, on remarque que plus de la moitié de la variabilité du bien-être (55%) et du nombre de qualificatifs utilisé (72%) peut être attribuée à des différences individuelles (CIC de niveau 3/variance expliquée au niveau interindividuel) : il y a beaucoup de ressemblance entre les observations d’une même personne et on peut faire l’hypothèse qu’il y a des caractéristiques relativement stables par rapport à ces deux dimensions. D’ailleurs, Michel relève aussi une plus grande variabilité du bien-être physique entre les individus qu’entre différentes journées (Michel, 2006b). Les CIC de niveau 2 sont nettement plus élevés, et en particulier pour le bien-être physique (89%) et le nombre de qualificatifs utilisé (98%) : si on choisit au hasard deux journées

1

Le coefficient de corrélation intraclasse (CIC) est une mesure de similarité ou de dépendance ; lorsque l’indice ρ=1 cela signifie que la variance du niveau 1=0 : il n’y a aucune variation au niveau 1, les différences sont maximales entre les sujets. Si l’indice ρ=0.5, alors 50% de la variance se situe au niveau supérieur (dans notre cas les sujets). Si l’indice ρ=0.0, alors il n’y a pas de différence entre les sujets, toute la variabilité se

différentes d’une même personne et qu’on connaît pour l’une des deux le bien-être (ou le nombre de qualificatif utilisés) moyen au cours de cette journée, on peut prédire avec une bonne précision le bien-être moyen (ou le nombre de qualificatifs utilisé) lors de l’autre journée.

Tableau 12: Variances, calcul des CIC et variances expliquées aux trois niveaux pour les différentes dimensions du LAM (d'après Snijders & Bosker, 1999, p. 65)

Variance entre les sujets (3) Variance entre les journées (2) Variance entre les observations (1) niveau 3 CIC CIC niveaux 2 et 3 CIC niveau 2 Variance expliquée au niveau 3 (=CIC3) Variance expliquée au niveau 2 Variance expliquée au niveau 1 Groupe clinique Bien-être 3.79** 0.45** 2.63** 0.55 0.62 0.89 0.55 0.07 0.38 Valence 1.57** 0.56** 3.71** 0.27 0.36 0.74 0.27 0.10 0.64 Activation 0.71** 0.52** 2.83** 0.17 0.30 0.58 0.17 0.13 0.70 Intensité 2.01** 0.39** 2.64** 0.40 0.48 0.84 0.40 0.08 0.52 Nombre de qualificatifs 9.22** 0.21* 3.42** 0.72 0.73 0.98 0.72 0.02 0.27 Groupe contrôle Bien-être 1.04* 0.59** 1.90** 0.29 0.46 0.64 0.29 0.17 0.54 Valence 0.32** 0.39** 3.50** 0.08 0.17 0.45 0.08 0.09 0.83 Activation 0.27** 0.33** 3.23** 0.07 0.16 0.45 0.07 0.09 0.84 Intensité 1.54** 0.20** 2.06** 0.41 0.46 0.89 0.41 0.05 0.54 Nombre de qualificatifs 1.96** 0.26** 1.80** 0.49 0.55 0.88 0.49 0.06 0.45 Légende : CIC (coefficient de corrélation intraclasse), au niveau 3, exprime la ressemblance entre les observations d’une même personne. Aux niveaux 2 et 3, le CIC exprime la ressemblance entre les observations au sein d’une même journée et chez un même individu. Au niveau 2, le CIC exprime la ressemblance entre les journées chez une même personne. Les variances expliquées aux niveaux 3, 2 et 1 sont la variance à un niveau donné/variance totale. Ainsi la variance que l’on peut attribuer au niveau 3 correspond au CIC de niveau 3. * : p<.05, ** : p<.01.

Les dimensions de valence, activation et intensité varient moins en fonction des caractéristiques individuelles, elles semblent plus sujettes aux caractéristiques de la situation dans laquelle le sujet se trouve au moment de l’évaluation et semblent être des indicateurs sensibles de ces variations. Les journées se ressemblent aussi, mais dans une moindre mesure (58% de ressemblance pour l’activation, 74% pour la valence et 84% pour l’intensité, qui est la caractéristique la plus stable parmi ces trois dimensions).

Dans le groupe contrôle, on peut tout d’abord noter qu’il y a moins de ressemblance entre les observations d’un même sujet (CIC de niveau 3). Pour toutes les dimensions, plus de la moitié de la variance est attribuable à des différences intraindividuelles (relatives aux situations ou journées spécifiques), et ceci de manière très marquée pour les dimensions de valence et d’activation qui y sont très sensibles (seuls 8% et 7% de leur variabilité dépend de caractéristiques individuelles). Les deux dimensions qui sont le plus influencées par les différences individuelles sont l’intensité et le nombre de qualificatifs utilisé. A noter que les patterns de variance de l’intensité sont très similaires entre les deux groupes mais que la décomposition de la variance montre un pattern inverse pour le bien-être physique, avec dans le groupe contrôle un maximum de variance entre les situations, alors que la variance est maximale entre les individus dans le groupe clinique. Ainsi, on peut conclure que les sujets tout venant semblent plus réceptifs aux effets contextuels, à une

Sensibilité au changement des dimensions du LAM

Le tableau 12 indique les proportions de variance expliquées au trois niveaux : cela nous permet de décomposer la variance expliquée par les trois niveaux. Cette décomposition est illustrée à la figure 25. Si l’on additionne les proportions de variance expliquées au niveau 1 (variance due au moment de l’observation) et au niveau 2 (variance due à une journée particulière), alors nous obtenons un indicateur de la sensibilité au changement des dimensions du LAM (Wilhelm & Schoebi, 2007).

Pourcentages de variance expliquée aux trois niveaux

54 38 83 64 84 70 54 52 45 27 17 7 9 10 9 13 5 8 6 2 29 55 8 27 7 17 41 40 49 72 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%

Bien-être Bien-être Valence Valence Activation Activation Intensité Intensité Nbr. Qual. Nbr. Qual.

Ctr Clin Ctr Clin Ctr Clin Ctr Clin Ctr Clin

Individu (3) Journée (2) Situation (1)

Figure 25 : Décomposition de la variance entre les trois niveaux pour chaque dimension dans les deux groupes

Légende : Ctr=groupe contrôle ; Clin=groupe clinique

Dans le groupe contrôle nous constatons que la valence et l’activation sont toutes deux très sensibles au changement, avec plus de 90% de variance expliquée aux niveaux 1 et 2. Le bien- être physique y est aussi très sensible, avec plus de 70% de variance expliquée à ces deux niveaux. L’intensité et le nombre de qualificatifs utilisés, avec respectivement 59% et 51% de variance à ces niveaux sont les dimensions qui semblent les moins sensibles au changement. Dans le groupe clinique, nous avons aussi une excellente sensibilité au changement concernant les dimensions de valence et d’activation (74% et 83% de variance attribuable à des effets temporels), une relativement bonne sensibilité au changement de l’intensité (60%), mais moins bonne en ce qui concerne le bien-être physique (45%) et le nombre de qualificatifs utilisés (29%). Ces deux derniers résultats ne sont pas surprenants puisqu’on s’attend à des particularités au niveau du bien-être physique chez des personnes souffrant de somatisation, ainsi que des particularités au niveau de l’utilisation du vocabulaire émotionnel puisqu’on suppose que ces patients ont des déficits au niveau de leur traitement affectif.

Effets fixes et aléatoires du temps sur les dimensions du LAM

Les résultats principaux sont résumés dans le tableau 13 (les résultats comparatifs du groupe contrôle y sont ajoutés). Le « temps » fait ici référence à la succession des jours de monitoring (nous testons une éventuelle réactivité).

Dans le groupe clinique, aucune des dimensions n’est influencée par un effet fixe du temps : toutes les lignes de régression sont plates. Si l’on avait limité les analyses à un seul niveau, nous n’aurions pas observé d’effet du temps.

Tableau 13 : Effets fixes et aléatoires du temps sur les différentes dimensions du LAM dans les deux groupes

Effets fixes du temps Effets aléatoires du temps Groupe

clinique

Groupe

contrôle Groupe clinique Groupe contrôle Bien-être

physique Non Non Non Non

Valence Non Non Non Non

Activation Non Non Niv. 3 : variations de la pente (σ2 v1=0.03)

Non

Intensité Non Oui (β1=0.15) Non Non

Nombre de

qualificatifs Non Non Non

Niv. 3 : variations de la pente (σ2

v1=0.08)

Légende : β1=Pente du temps (effet fixe) ; σ

2

v1=Variations de la pente du prédicteur « temps » au niveau 3 Dans le groupe contrôle, on observe cependant une légère pente positive pour l’intensité : elle augmente au cours du monitoring.

Par contre, le temps a un effet sur la variation de l’activation dans le groupe clinique. Les sujets ont des pentes variées autour de la pente globale (plate), certains ont des pentes positives, d’autres des pentes négatives. Dans le groupe contrôle, c’est pour le nombre de qualificatifs utilisés qu’on observe un changement différentiel en fonction du temps, certains utilisant moins de qualificatifs en fin de monitoring et d’autres plus.

Nous pouvons confirmer notre hypothèse opérationnelle 1c : nous n’observons aucun effet fixe relatif à la succession des jours de monitoring sur l’ensemble des dimensions du LAM (bien- être physique, valence, activation, intensité, nombre de qualificatifs utilisés). Cependant, il y a un effet temporel aléatoire pour la dimension d’activation, ce qui signifie que même si globalement on n’observe pas d’effet relatif à la succession des jours, il y a un effet différentiel, certains patients ayant tendance à ressentir une activation plus marquée au fil du temps, d’autres une activation moindre.

Impact du moment de la journée, matin, après-midi ou soirée, sur l’évaluation ambulatoire

On a observé chez des personnes tout venant des effets systématiques du moment de la journée sur le bien-être physique (Michel, 2006a), les symptômes physiques étant plus fréquents le matin et le soir. Dans notre étude, nous avons par contre évalué l’intensité du bien-être corporel. Avec ce type de mesure, nous n’avons pas observé d’effet lié au moment de la journée, ni dans le groupe contrôle, ni dans le groupe de patients somatisants.

Impact du contexte, matin, après-midi ou soirée, sur l’évaluation ambulatoire

Nous ne pouvons pas confirmer notre hypothèse opérationnelle 1d : nous n’observons pas d’effet du contexte temporel, compris ici comme le moment dans la journée, sur le bien-être physique (intensité) de notre échantillon de patients.

p<.05). C’est l’inverse qui se produit chez les sujets contrôle, puisque ceux-ci sont dans un état moins activé en soirée (figure 26).

Effet du moment de la journée sur l'activation

5.15 4.64 4.84 5.07 4.90 4.79 4.3 4.4 4.5 4.6 4.7 4.8 4.9 5.0 5.1 5.2

matin après-midi soirée

groupe contrôle groupe clinique

Figure 26 : Effet du moment de la journée sur l’activation

Le tableau 14 récapitule les principaux effets observés au cours de la journée.

Tableau 14 : Analyses multiniveaux. Effets du contexte temporel : moment de la journée (effets significatifs à p<.05)

Intensité Valence Activation Bien-être physique

Nombre de qualificatifs

Patients non non ↗ soirée non non

Témoins ↗ après-midi ↗ soirée ↗ après-midi ↗ soirée ↗ après-midi ↘ soirée non ↗ soirée

Remarque : le contexte « matin » est pris comme catégorie de référence.

Les sujets contrôles ont plus de variations affectives relatives au moment de la journée : la valence augmente l’après-midi et en soirée ; l’intensité est similairement accrue l’après-midi et en soirée. Enfin, ils utilisent plus de qualificatifs en soirée.

Impact du contexte, semaine ou week-end, sur l’évaluation ambulatoire

Nous n’avons pas observé d’influence du week-end ou de la semaine sur l’évaluation du bien-être physique, de l’intensité ou du nombre de qualificatifs utilisés, quel que soit le groupe de sujets considéré.

Dans le groupe contrôle, on observe par contre un effet fixe du moment de la semaine sur la valence (figure 27a), significativement plus élevée le week-end.

Effet du moment de la semaine sur la valence 6.16 5.34 5.91 5.33 4.8 5.0 5.2 5.4 5.6 5.8 6.0 6.2 6.4 semaine week-end groupe contrôle groupe clinique

Figure 27 : (a) effet du moment de la semaine sur la valence et (b) sur l’activation

L’activation est quant à elle sensible au moment du week-end dans le groupe clinique (figure 27b) : l’augmentation moyenne le week-end n’est pas significative, mais au niveau interindividuel les pentes des sujets varient significativement le week-end (σ2v1=0.83, χ

2

(1)=5.65, p<.05). Dans le

groupe contrôle, la diminution moyenne observée le week-end n’est pas significative, mais les pentes varient aussi significativement entre les individus (σ2v1=0.29, χ

2

(1)=5.18, p<.05).