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Etude clinique Traitement affectif et somatisation

Cette étude est la première à tester l’utilisation du LAM dans une population clinique. Ses enjeux sont doubles : vérifier la faisabilité de la méthodologie auprès de patients hospitalisés et tester les hypothèses relatives au traitement affectif et à la somatisation.

3.3.1. Mesures et variables cibles de l’étude

La figure 18 situe les moments de passations des mesures1 décrites ci-après.

3.3.1.1. Données démographiques et cliniques des patients

L’âge, le sexe, la langue maternelle, la nationalité et l’indice de position socio-économique (questionnaire IPSE, Genoud, 2005) sont documentés. Les diagnostics cliniques, selon le DSM-IV ou la CIM-10, sont tirés des dossiers médicaux des patients.

3.3.1.2. Symptômes généraux

SCL-27, Symptom Check List-27 (Hardt & Gerbershagen, 2001), version abrégée du SCL- 90-R - Symptom Check List - (Derogatis & Cleary, 1977; traduction française dans Guelfi, 1997) : cette version à 27 items, élaborée sur un large échantillon de patients présentant des symptômes douloureux chroniques (N=2780), décrit les symptômes psychopathologiques sur six dimensions : dépression, dysthymie, symptômes végétatifs, symptômes agoraphobes, phobie sociale et méfiance. Il permet une excellente estimation de l’indice GSI (global severity index), l’un des indices les plus utilisés dans la recherche clinique. La corrélation entre l’indice calculé à partir de cette version abrégée et l’indice GSI dérivé du SCL-90-R est de r=.96. Les différentes échelles montrent des qualités psychométriques satisfaisantes à excellentes, avec des α de Cronbach entre .73 et .91. 3.3.1.3. Somatisation

SOMS-22

, Screening für Somatoforme Störungen (Rief et al., 1997) : ce questionnaire de 62 items présente une liste de 53 symptômes corporels rencontrés dans les différents Troubles somatoformes, des questions ayant trait aux craintes hypocondriaques et d’autres questions liées au recours au système de santé et aux explications données aux symptômes. La consigne précise que les réponses ne doivent porter que sur les symptômes pour lesquels aucune cause organique n’a été trouvée. Ce questionnaire permet de dériver un indice de somatisation (basé sur la somme des symptômes de type

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Toutes les mesures sont proposées en français ou en allemand aux sujets de cette étude, en fonction de leur langue maternelle.

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somatisation) et de déterminer des indicateurs pour un Trouble somatoforme (mais sans permettre de poser le diagnostic).

SOMS-7T (Rief et al., 1997) : ce questionnaire, parallèle au SOMS-2 mais portant sur la semaine précédent l’évaluation, permet le calcul de deux indices composites : (1) la somme des symptômes de somatisation, basée sur les 53 symptômes corporels proposés, et (2) un indice de sévérité de la somatisation, basé sur l’évaluation de l’intensité de la perturbation causée par les symptômes (Rief & Hiller, 2003). Ce questionnaire, testé sur 325 patients vus en médecine générale, offre une excellente consistance interne (α de Cronbach de .92). Il offre ainsi une mesure rétrospective des symptômes ressentis au cours de la semaine de monitoring.

3.3.1.4. Traitement affectif : Alexithymie

Nous utilisons la Toronto Alexithymia Scale (TAS-20, Bagby et al., 1994), opérationnalisant en 20 items le construit d’alexithymie. La TAS-20 est l’échelle d’auto évaluation1 de

l’alexithymie la plus utilisée et la mieux validée, dans de nombreuses langues dont le français (Loas, Fremaux, & Marchand, 1995; Loas, Fremaux, Marchand, Chaperot, & Dardennes, 1993) et l’allemand (Bach, Bach, de Zwaan, Serim, & Böhmer, 1996). Elle comprend trois facteurs : (1) difficultés à identifier ses sentiments et les distinguer des sensations corporelles liées à l’activation émotionnelle (DIF, items 1, 3, 6, 7, 9, 13, 14), (2) difficulté à décrire ses sentiments subjectifs (DDF, items 2, 4, 11, 12, 17), et (3) style cognitif orienté vers l’extérieur (EOT, items 5, 8, 10, 15, 16, 18, 19, 20). La consistance interne de l’échelle en français est globalement bonne (α de Cronbach de .79), mais les auteurs (Loas et al., 1995) trouvent une structure à deux facteurs seulement, le premier étant composé des items correspondant aux difficultés à identifier (7 items) et à décrire (4 items) ses sentiments, le deuxième portant sur les pensées orientées vers l’extérieur (2 items). Cependant, la structure à trois facteurs de cette version est validée ultérieurement par des analyses confirmatoires (Loas et al., 2001). Concernant la version allemande, trois études dont celle de Bach et al. (1996, citées par Taylor et al., 2003), donnent pour le score total des α de Cronbach situés entre .70 et .80, des indices satisfaisants pour la première dimension (α de Cronbach entre .72 et .81), moins bons pour la deuxième (α de Cronbach entre .66 et .76) et la troisième dimension (α de Cronbach entre .45 et .61). Bien qu’étant l’échelle la mieux validée au niveau international, les scores aux dimensions doivent être considérés avec prudence. D’après Loas et al. (1996), les personnes alexithymiques ont un score supérieur ou égal à 56, les personnes ayant un niveau intermédiaire d’alexithymie ont un score compris entre 44 et 56, les non-alexithymiques ont un score inférieur ou égal à 44 (Deborde et al., 2008; Loas et al., 1996). Il n’y a pas d’indication de tels scores-seuils pour la version allemande (Bach et al., 1996). Pour la

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Comme la TAS-20 est une échelle d’autoévaluation, basée sur la représentation subjective que la personne a de ces différentes facettes du traitement affectif, les scores obtenus sont à considérer comme un

version anglaise, le cut-off permettant de définir un sujet comme « alexithymique » est un score supérieur ou égal à 61 (Taylor et al., 1997). En raison de ces différences, nous traitons le score d’alexithymie comme un score continu dans ce travail.

3.3.1.5. Traitement affectif : Ouverture émotionnelle

Le questionnaire portant sur les Dimensions de l’Ouverture émotionnelle (DOE-trait) (Reicherts, 2007) permet de mettre en évidence à l’aide de 36 items auto-évalués1 six

composantes du traitement cognitif de l’émotion : sa régulation (REGEMO), son expression (COMEMO), sa représentation cognitive et conceptuelle (REPCOG), la perception de ses indicateurs internes (PERINT) et externes (PEREXT), et les restrictions normatives perçues (RESNOR). Ces six dimensions ont une consistance interne tout à fait satisfaisante, avec des α de Cronbach de .83 (REPCOG), .81 (COMEMO), .81 (PEREXT), .77 (PERINT), .75 (REGEMO) et .71 (RESNOR).

3.3.1.6. Auto-observation quotidienne des affects et du bien-être corporel

Le LAM, Learning Affect Monitor (Reicherts et al., 2005 ; Reicherts, Salamin et al., 2007) est une application conçue pour le monitoring ambulatoire des émotions (voir points 3.2.2 et 3.2.3 ci-dessus pour l’élaboration et la présentation de l’outil). A la différence des sujets témoins qui doivent répondre à huit à dix alarmes quotidiennes de 8h à 22h, les sujets du groupe clinique doivent répondre à six alarmes quotidiennes entre 8h et 20h. Dans les deux groupes, le monitoring dure sept jours.

Entretien de post-monitoring et questionnaire

Cet entretien est aussi l’occasion de discuter avec les patients inclus dans l’étude de la perception des liens entre les processus internes corporels et affectifs (en plus de l’évaluation de leur expérience du monitoring, décrite au point 3.2.4.2). A la fin, les sujets répondent à une dernière série de questionnaires de « post-test ».

3.3.2. Population étudiée - échantillonnage

Cette étude compare un groupe de sujets témoins tirés d’une population tout venant, recrutée dans des cercles de proches, à un groupe de sujets souffrant de Troubles somatoformes et hospitalisés dans une unité de psychosomatique, recrutés sur deux sites : (1) à la Lory Haus, Psychosomatische Abteilung, Inselspital, Bern et (2) à l’unité de psychosomatique de la Clinique Bernoise, Montana. Le protocole de cette recherche a été accepté par les deux commissions d’éthique compétentes, respectivement la Kantonale Ethikkommission Bern (KEK) et la Commission cantonale valaisanne d’éthique médicale (CCVEM) (en annexe). En vertu des règles éthiques, les patients sont informés par oral et par écrit des caractéristiques de cette étude et

1Même remarque que pour la TAS-20 : le DOE est un questionnaire auto-évalué, basé sur la représentation

peuvent à tout moment décider de cesser d’y participer sans que la suite de leur hospitalisation n’en soit modifiée. Les patients signent une déclaration de consentement éclairé.

Pendant la semaine de monitoring, les patients suivent normalement leurs activités thérapeutiques (groupes et entretiens psychothérapeutiques, physiothérapie, art-thérapie, etc.) tout en s’observant de manière systématique.

3.3.2.1. Critères d’inclusion et d’exclusion

La catégorie de Troubles somatoformes est sujette à controverses (voir section 1.2.2), c’est pourquoi il est judicieux de ne pas être trop stricts quant aux critères d’inclusion basés sur le diagnostic de Trouble somatoforme. En effet, la somatisation, tant qu’elle entraîne une souffrance significative, s’observe au-delà des frontières diagnostiques, qu’elle soit primaire ou secondaire à un autre trouble.

Les critères d’inclusion des sujets « cliniques » sont :

 être hospitalisé/e dans une unité de psychosomatique à l’Insel Spital ou à la Clinique Bernoise ;

 présenter des symptômes médicalement inexpliqués pour lesquels il y a recherche d’aide médicale et perturbation du fonctionnement social, professionnel ou familial, soit les diagnostics – principaux ou secondaires - suivants (la validité du diagnostic est assurée par les médecins des deux institutions) :

o Un Trouble somatoforme1 :  Trouble somatisation

 Trouble somatoforme indifférencié  Hypocondrie

 Dysfonctionnement neurovégétatif autonome (CIM-10, F45.3)  Trouble douloureux

 Trouble somatoforme non spécifié  Neurasthénie (CIM-10, F48.0), ou

o Des douleurs chroniques avec présence de somatisations, ou

o Un index de somatisation supérieur à 4 pour les hommes et 6 pour les femmes (abridged somatization disorder (Escobar et al., 1989)), établi à partir du SOMS-2, ou

o Une indication au diagnostic de « trouble somatisation » selon l’algorithme diagnostique proposé par le SOMS-2 et reposant sur les critères du DSM-IV.  Compréhension orale et écrite suffisante d’une des deux langues de l’étude, le français ou

l’allemand

 Adultes, âgés de 18 à 65 ans

 Etre informé/e des modalités de l’étude et signer le formulaire de consentement éclairé, selon les règles éthiques de la recherche sur l’être humain (voir en annexe les protocoles soumis aux commissions éthiques des cantons de Bern et du Valais)

Les critères d’exclusion sont la présence d’un trouble affectif bipolaire lors d'un épisode d'hypomanie ou manie, d’un trouble dépressif organique, d’un trouble schizo affectif, d’un épisode psychotique ou délirant, d’une démence, d’un retard mental, d’une polytoxicomanie ou l’utilisation continue d’alcool au cours de l’hospitalisation.

3.3.2.2. Contexte de l’auto-observation

Les patients inclus sont recrutés dans un setting hospitalier, dans une unité spécialisée pour la psychosomatique, c’est-à-dire dans un contexte de soins tertiaires. Ces patients ne sont pas représentatifs de l’ensemble des personnes qui souffrent de somatisations. C’est un sous- ensemble de personnes souffrant de somatisations sévères et généralement d’une psychopathologie associée. Par contre, le choix de ce setting permet d’avoir l’échantillon le plus homogène possible au niveau des situations rencontrées puisqu’ils ont un programme structuré tout au long de la journée par de nombreuses activités thérapeutiques, occupationnelles et récréatives. Les repas sont pris à heure fixe et tous sont momentanément en arrêt de travail et hors de leur milieu familial. Ainsi, nous pouvons presque avancer que « toutes conditions étant égales par ailleurs », les différences que nous observons au sein du groupe de patients quant aux vécus affectifs et corporels sont essentiellement dues aux situations vécues et à leur manière individuelle d’y réagir mais ne sont pas biaisées par des différences de niveaux de stress professionnel ou familial.