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La technique la plus efficace pour estimer la stature d’un individu à partir de ses restes osseux est celle de la somme de hauteurs selon la formule de Fully (1956). Elle n’est malheureusement pas applicable dans le cas de NK 2 puisque les tibias et les calcanéus ne sont que partiellement conservés. Par conséquent, nous avons utilisé les os longs les mieux conservés (fémur et humérus) pour estimer la stature de NK 2.

Le Tableau 11 reprend les résultats des estimations en fonction de différentes méthodes.

Selon Formicola (1993), les équations de Olivier et al., (1978) sont bien adaptées à l’estimation

de la stature des individus masculins à l’exception des très petits et des très grands (c’est-à-dire moins de 154 cm ou plus de 179 cm). Dans ces cas extrêmes, c’est la technique de régression du grand axe de l’ellipse qui permet la meilleure estimation (Formicola & Franceschi, 1996).

Il existe une différence de 10,3 à 7,7 cm entre les statures estimées à partir de la longueur des humérus et celles basées sur la longueur des fémurs. Cet écart dépasse la somme des erreurs standards dans deux cas. Notons que les estimations de statures à partir de longueurs des os de l’avant-bras donnent des résultats similaires à ceux des humérus.

Estimation stature (Homme)

Humérus (d, g) Fémur (d, g)

cm s cm s

Moyenne

Trotter & Gleser, 1958

Régression linéaire (Negro males) 166,3 ± 4,23 158,2 ± 3,91 162,25

Olivier et al., 1978

Régression 164,5 ± 4,05 156,8 ± 3,52 160,7

Cleuvenot & Houët, 1993

Moindre rectangle 163,7 ± 4,83 153,4 ± 4,25 158,55

Formicola & Franceschi, 1996

Grand axe de l’ellipse 165,5 156,5 161

Tableau 11 : résultats des estimations de stature de NK 2 en fonction des différentes équations de la littérature basées sur la longueur des humérus et des fémurs. s = erreur standard.

Afin d’évaluer l’importance de cette différence entre les estimations de NK 2, nous avons appliqué la méthode de Cleuvenot et Houët (1993) aux individus de notre échantillon de comparaison. L’avantage de cette dernière est qu’elle propose des équations adaptées aux individus de sexe indéterminé. Elle est donc applicable à tout notre échantillon de comparaison.

Ce sont les équations de Cleuvenot & Houët (ibidem) basées sur les données des « Noirs » de

Trotter & Gleser (1952 & 1958) qui ont été utilisées dans le calcul. Outre le fait que ces données semblent plus appropriées pour estimer la stature des individus de l’Epipaléolithique du nord de l’Afrique et du Mésolithique sub-saharien, Formicola (2003) a montré qu’elles étaient aussi plus adaptées aux individus du Paléolithique supérieur et du Mésolithique d’Europe.

Nous avons également appliqué cette formule aux individus néandertaliens. Comme la plupart des méthodes d’estimation de la stature se basent sur des séries modernes actuelles, les écarts observés chez NK 2 pourraient être le reflet de proportions anatomiques différentes chez les hommes modernes du début du Paléolithique supérieur. Il nous apparaissait donc intéressant d’appliquer ces estimations aux Néandertaliens pour tester cette hypothèse.

Le graphique de la Figure 36 représente l’estimation de la stature à partir du fémur en fonction de celle basée sur l’humérus. Les limites en pointillés représentent la somme des erreurs standards pour les deux estimations.

Figure 36 : graphique de l’estimation de la stature sur la base de la longueur du fémur en fonction

Nous voyons que seuls NK 2 et DV 15 se situent en dehors de la limite d’erreur standard. Tous les autres individus de comparaison, toutes périodes et zones géographiques confondues, montrent une corrélation entre l’estimation de la stature à partir de l’humérus et du fémur qui s’inscrit dans l’intervalle d’erreurs.

Cette asymétrie s’exprime également à travers l’indice huméro-fémoral (Figure 37). La valeur de NK 2 est très élevée et se situe au-delà de la limite à 95 % de l’échantillon de comparaison (71,7 ± 2,3 ; n = 68). Cette caractéristique est à nouveau partagée par Dolní Vĕstonice 15.

Dans le cas de NK 2, comme dans celui de DV 15, ces résultats sont liés à la longueur des fémurs qui est proportionnellement trop courte par rapport au tronc et à la longueur du membre supérieur.

Nous avons pu tester cette hypothèse concernant la disproportion de la longueur des fémurs grâce au calcul de la hauteur du tronc (HT ; Annexe I.1). Le très bon état de conservation de la colonne vertébrale de Nazlet Khater 2 nous a permis d’estimer directement la hauteur du tronc sans avoir recours à d’autres équations de régression lorsque des corps vertébraux manquent (HT = 494,62 mm). Nous avons ensuite pu apprécier, à partir des équations de régression de Franciscus & Holliday (1992), la longueur théorique des fémurs (Annexe I.1). Cette dernière (436,1 mm) est supérieure de près de 3 cm à celle observée chez NK 2. Cela témoigne de la longueur «anormalement» faible de ses fémurs par rapport au tronc et au membre supérieur.

Figure 37 : indice huméro-fémoral de NK 2 (d, g) et DV 15 comparé à la moyenne et l’écart-type (S) des

valeurs de l’échantillon de comparaison.

Ce résultat nous amène à utiliser la moyenne des estimations de statures sur le fémur et l’humérus dans le cas de NK 2 (161 cm). En effet, alors que la plupart des auteurs privilégient le calcul de la stature à partir de la longueur du fémur ou du tibia à celui basé sur l’humérus, la hauteur du tronc de NK 2 nous indique qu’un tel choix biaiserait notre résultat.

Dolní Vĕstonice 15 souffre d’une dysplasie congénitale qui a entraîné des différences de proportion au niveau de l’ischium – comme nous l’avons vu dans le Paragraphe III.2.2.1 – et au niveau des fémurs, par rapport au reste du corps (Holliday, 2006a ; Trinkaus, 2006). Le squelette de DV 15 montre également une série de lésions et de déformations. Cependant, la plupart des ces dernières pourraient être accidentelles ou secondaires au trouble du

développement lui-même (Trinkaus et al., 2006a). Selon ces auteurs, les seules anomalies

traduisant directement une dysplasie sont :

La petite stature de l’individu.

L’étroitesse du bassin, bien que ses proportions générales soient normales.

Des fémurs très courts

Une longueur un peu trop faible des tibias et des fibulas

Une courbure antérieure anormale et une torsion de l’extrémité proximale du fémur

droit.

Exceptées la déformation de l’extrémité fémorale et la faible longueur des tibias et fibulas – ces os de la jambes ne sont pas entièrement conservés – Nazlet Khater 2 présente les mêmes anomalies que DV 15. Compte tenu de ces similarités au niveau des longueurs de l’ischium et des fémurs, il nous a paru intéressant de comparer les proportions corporelles de NK 2 avec celles de DV 15 par rapport aux données de Holliday (2006a). Le Tableau 12 reprend les longueurs du fémur, de l’humérus et du radius par rapport à la hauteur du tronc ainsi que l’indice de largeur de la tête fémorale (ITLF) et l’indice brachial (IBRA). En ce qui concerne le rapport de la longueur du fémur sur la hauteur du tronc, NK 2 et DV 15 possèdent des valeurs qui sortent de la variabilité (limite à 95 %) des Sub-Sahariens actuels et des individus Gravettiens.

Ce qui frappe le plus dans le Tableau 12, c’est la forte similitude entre les proportions corporelles de NK 2 et DV 15, à l’exception de l’indice de largeur de la tête fémorale, et leur rapprochement du modèle des Européens actuels. Selon Holliday (2006a), la similitude des proportions corporelles de DV 15 avec les Européens actuels et, par conséquent, son

Bien que NK 2 ne montre pas de déformation des membres, il semblerait, au vu de ces résultats, qu’il ait été atteint d’un trouble du développement assez similaire à celui de DV 15.