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Cette approche morphologique peut être couplée à une prise en compte des variables

métriques de l’os coxal qui sont traitées grâce aux analyses statistiques multivariées (Bruzek et

al., 2005).

Récemment, la diagnose sexuelle probabiliste (DSP) a permis de calculer la probabilité a

posteriori d’un individu d’appartenir à un groupe de référence féminin ou masculin (Murail et

al., 2005). Cette méthode est basée sur la variabilité actuelle la plus large possible des

dimensions de l’os coxal, recueillie sur des séries d’origines géographiques variées (Murail et

al., 2000 & 2005 ; Bruzek et al., 2005). Parmi les 17 variables métriques préconisées par

Bruzek (1992) pour les fonctions discriminantes, 10 ont été sélectionnées pour effectuer la

diagnose sexuelle probabiliste (Murail et al., 2005). L’avantage de cette méthode tient à son

application sur des coxaux fragmentaires puisque selon Murail et al. (2005), l’utilisation de 4

variables au minimum parmi les dix proposées suffit à calculer une probabilité a posteriori

d’être un homme ou une femme. Le pourcentage de détermination du sexe oscille entre 40,23 % et 90,76 % avec une fiabilité proche de 100 % selon les combinaisons de variables les moins

discriminantes ou l’ensemble des 8 variables préconisées (Murail et al., ibidem).

Dans le cas de NK 2, seules 3 variables, sur les 8 conseillées, sont mesurables sur le coxal gauche. Il en va de même du coxal droit, bien que 5 mesures supplémentaires puissent être estimées en tenant compte de l’élargissement à 10 variables proposé dans les cas de coxaux mal préservés. Cependant, seule une d’entre elles (SCOX) n’appartient pas au groupe des variables les moins discriminantes. L’analyse a été réalisée sur les données du coxal droit pour calculer la

probabilité a posteriori de NK 2 d’être un homme ou une femme grâce au programme élaboré

par Murail et al. (2005) qui se base sur un très large échantillon de référence (n= 2040). Il

apparaît que sa probabilité d’appartenance à l’un ou l’autre groupe est inférieure au seuil de 0,95. L’erreur associée à la probabilité observée pour NK 2 dépasse donc la limite

communément admise de 0,05 (Murail et al., ibidem) et ne permet pas de trancher entre

un

individu masculin ou féminin.

Afin d’aller plus loin dans l’analyse et de comprendre la raison de cette incertitude, nous avons utilisé la base de données mise au point par P. Murail, J. Bruzek et F. Houët à Bordeaux 1 qui est composée d’un échantillon de sexe connu provenant du monde entier (n = 1765 ; Houët

et al., 1999) et contient les 17 variables préconisées par Bruzek (1992). Sur ces 17 variables

définies, nous avons pu en sélectionner 12 sur le coxal droit et 10 sur le gauche sans avoir

recours aux mesures estimées. Les probabilités a posteriori d’appartenance de NK 2 à chacun

des groupes sont données dans le Tableau 4. Les résultats de NK 2 ne contredisent pas les données morphologiques. La

probabilité d’appartenir au groupe des individus masculins est plus élevée que pour le groupe des femmes, mais les valeurs sont entachées d’un taux d’erreur de 20 à près de 30% bien supérieur au seuil acceptable de 5%.

En analysant les résultats des

distances probabilistes (Dp) pour chaque mesure de NK 2 par rapport aux deux groupes (F &

M), on s’aperçoit que la hauteur de l’ischium (ISMM) possède une valeur inférieure à 0,05 d’appartenir au groupe masculin (Tableau 5). La faible hauteur de l’ischium s’inscrit cependant bien dans la variabilité de l’échantillon féminin.

En revanche, la distance AC (Figure 28) possède une probabilité inférieure à 0,05 d’appartenir au groupe des femmes. A part ces deux mesures, les coxaux de NK 2 s’inscrivent

dans la variabilité des deux groupes de référence quelle que soit la variable métrique considéré

e.

Par conséquent, nous avons retiré la variable ISMM de l’analyse pour voir dans quelle mesure elle influençait le calcul des probabilités. La différence entre les deux résultats est assez

NK 2 n (variables) p F p M Remarques

12 0,266 0,734

Coxal D

11 (sans ISMM) 0,100 0,900 Indice M

10 0,203 0,797

Coxal G

9 (sans ISMM) 0,040 0,960 Probabilité M

ISMM

Dp F Dp M

NK 2 D 0,707 0,047

NK 2 G 0,501 0,026

Tableau 4 : résultats de la diagnose sexuelle probabiliste à partir de toutes les variables mesurables sur les coxaux de NK 2

ainsi que les résultats suite au retrait de la variable ISMM. p = probabilité a posteriori.

Tableau 5 : distance probabiliste (Dp) des valeurs de hauteur de l’ischium (ISMM) de NK 2 par rapport

aux groupes de comparaison masculin et féminin.

indice de masculinité (p = 0,9) tandis que le coxal gauche franchit la limite méthodologique de 0,95 et apparaît clairement masculin.

Selon Marchal (2003), le dimorphisme sexuel touchant la région de l’ischium serait

principalement un dimorphisme de taille, les valeurs masculines étant en moyenne plus élevées que les féminines. Les variables de conformations de cette zone ne montrent en revanche pas de

différences significatives entre les hommes et les femmes (Marchal, ibidem).

Les os coxaux de NK 2 sont de petite taille et la hauteur de l’ischium est particulièrement faible. Or cette variable (ISMM) possède un poids important dans la discrimination des groupes féminin et masculin. Rappelons que le même problème a été mis en évidence pour la

détermination du sexe de Dolní Vĕstonice 15, DV 15 (Bruzek et al., 2006). En effet, ce dernier

présente une morphologie générale masculine, mais la taille de ses coxaux est très petite. Ces faibles dimensions le font apparaître comme féminin pour plusieurs mesures et notamment celle de la hauteur de l’ischium. La distance probabiliste de cette dernière, par rapport à l’échantillon masculin, est de 0,06. Dans le cas de DV 15, ces caractéristiques sont sans doute liées à une

dysplasie de l’individu (Bruzek et al., 2006). A ce stade, nous ne pouvons pas dire si NK 2 était

atteint d’une anomalie du développement qui expliquerait cette petite taille de l’ischium, mais nous reviendrons par la suite sur ce problème.

Le bassin

Suite aux différences mises en évidence par la diagnose sexuelle probabiliste, nous avons décidé d’analyser également les dimensions générales du bassin de Nazlet Khater 2 et de les comparer à un échantillon de sexe connu (individus provenant de la collection de Coimbra (n = 92 ; Bruzek, comm. pers.)

En effet, le bassin osseux constitué du sacrum et des deux os coxaux est considéré comme l’outil de diagnose sexuelle le plus informatif. Son utilisation pour la diagnose sexuelle est moins courante car le sacrum est un os fragile, souvent mal conservé, ce qui empêche la reconstitution du bassin entier (Bruzek et al., 2005).

Dans le cas de Nazlet Khater 2, la quasi totalité du sacrum est conservée, mais sa fragilité nous a poussé à réaliser un moulage en silicone de ce dernier afin de reconstituer le bassin entier

Le sacrum de NK 2 possède une morphologie masculine. Il est étroit, haut et la largeur des ailes est deux fois plus petite que celle du corps (Scheuer, 2002). L’indice de la largeur de l’aile sur celle du corps vaut 51,02. Cette valeur basse s’inscrit dans la variabilité des populations masculines étudiées par Kimura (1982), et sort de la limite à 95 % de celles de tous les groupes féminins.

En plus de la largeur et de la hauteur du sacrum, nous avons pu mesurer 9 autres variables

caractérisant les dimensions du bassin (cf. Annexe I.5 ; Table X). Pour éviter les problèmes liés

à la taille, nous avons appliqué la transformation de Darroch & Mosimann (1985) aux mesures

brutes (cf. Paragraphe III.1.2.2). Nous avons ensuite réalisé une analyse en composantes

principales sur ces 11 variables du bassin (Annexe III.1 ; Table XIV).

Le diagramme de la Figure 29 reprend la projection du nuage de points selon les deux premiers axes de l’analyse en composantes principales. Cette représentation exprime 68,6 % de la variabilité totale du nuage de points. NK 2 se positionne clairement parmi les individus masculins de la collection de Coimbra en ce qui concerne ses dimensions du bassin.

Figure 29 : diagramme bivarié des deux premiers axes de l’analyse en composantes principales sur les mesures du bassin de NK 2 et de l’échantillon de sexe connu de Coimbra. Les cercles

pleins représentent la position des variables utilisées par rapport au cercle de corrélation.

Nous avons couplé cette analyse avec une analyse discriminante pour estimer la probabilité a

posteriori de NK 2 d’appartenir à l’un des deux groupes (Annexe III.2 ; Table XXV). Les

résultats sont repris dans le Tableau 6. Le bassin de Nazlet Khater 2 possède une probabilité a

posteriori de 0,999 d’appartenir au groupe des individus masculins pour une fiabilité de

classification de 92,3 % des groupes originaux et de 89 % selon la méthode des validations croisées.

Classification correcte Coimbra

n Modèle Validés croisés

Probabilité a posteriori de NK 2

Feminin 47 89,4 % 89,4 % 0,001

Masculin 44 95,5 % 88,6 % 0,999

Total 92 92,3 % 89,0 %

Les résultats de l’analyse morphologique des coxaux et biométrique du bassin de NK 2, le placent parmi les individus masculins. La diagnose probabiliste basée sur les mensurations des coxaux ne contredit pas ce résultat, mais n’attribue pas une probabilité suffisante (c’est-à-dire supérieure ou égale à 0,95) pour déterminer le sexe de NK 2. Il semble que ce résultat soit principalement dû à la petitesse des coxaux de NK 2 et la faible hauteur de son ischium. Au vue de l’ensemble des tests effectués, nous considérons que l’attribution du sexe masculin à NK 2 est fiable.

Tableau 6 : résultats de l’analyse discriminante sur les mensurations du bassin. Probabilité

a posteriori de NK 2 d’appartenir à l’un des groupes sexés de Coimbra.

III.2.2.2 Estimation de l’âge au décès

La maturation dentaire de Nazlet Khater 2 étant achevée – l’apex des deuxièmes et troisièmes molaires est fermé – nous nous baserons sur la maturation osseuse et le degré de modification de la surface sacro-pelvienne iliaque pour estimer son âge au décès. Ces méthodes sont cependant sujettes à caution pour plusieurs raisons.

Premièrement, l’âge au décès estimé est un âge biologique (issu du degré de maturation ou

de sénescence squelettique) et en aucun cas l’âge chronologique de l’individu (Aykroyd et al.,

1999). Le décalage entre ces deux âges est d’autant plus grand que l’individu est un adulte jeune

ou un adulte vieux (Aykroyd et al., ibidem). Il existe en effet une forte variabilité individuelle

dans le mode de sénescence qui dépend de l’hérédité et de l’environnement (Ferembach et al.,

1979 ; Schmitt, 2002). De plus, chaque partie du squelette d’un individu ne reflète pas toujours

le même âge chronologique (Aykroyd et al., ibidem). Par conséquent, c’est un intervalle

chronologique qui sera privilégié pour estimer l’âge au décès de Nazlet Khater 2

Deuxièmement, bien que les méthodes basées sur la maturation osseuse présentent des avantages indéniables pour estimer l’âge au décès des adultes jeunes, elles sont soumises à plusieurs limites. En effet, le processus de maturation du squelette est conditionné par de nombreux facteurs comme l’alimentation, l’activité physique, le patrimoine génétique ou les maladies (Black & Scheuer, 1996). La plupart des standards utilisés en anthropologie pour

estimer l’âge au décès sur les restes osseux (entre autres : Brothwell, 1981 ; Ferembach et al.,

1979 ; Birkner, 1977) se basent sur des populations actuelles d’Europe ou d’Amérique du nord. Ils ne représentent dès lors qu’une petite partie de la variabilité actuelle décrite dans les atlas

anatomiques (Williams et al., 1995 ; Scheuer & Black, 2000). En outre, l’application de ces

standards aux populations et individus fossiles suppose que la maturation n’a subi aucune variation dans le temps. Or des différences ethniques et diachroniques dans le développement ontogénétique ont été relevées au cours de l’évolution humaine ainsi qu’au sein des populations actuelles (Vallois, 1937 ; Eveleth & Tanner, 1976 ; Tillier, 2005).

Troisièmement, nous évoquerons les limites de l’utilisation de la surface sacro-iliaque pelvienne. L’intérêt de cette surface pour évaluer l’âge au décès des adultes matures a été

soulevé en premier par Lovejoy et al. (1985). Selon Schmitt et al. (2002), cette surface semble

être l’indicateur le plus fiable pour estimer l’âge au décès des adultes. Son utilisation ne

permettent une classification correcte à 80% des individus en 3 classes (20-29 ; 30-59 et ≥ 60)

pour les populations européennes (Schmitt et al., ibidem). Cependant, l’application de cette

méthode sur d’autres populations non européennes donne des résultats moins probants,

l’inexactitude augmentant avec l’âge de l’individu (Schmitt et al., 2002 ; Schmitt, 2004). Nous

utiliserons le système de cotation mis en place par Schmitt & Broqua (2000) et Schmitt (2001)

pour caractériser la surface sacro-pelvienne iliaque de NK 2. La probabilité a posteriori de NK

2 d’appartenir à l’une des classes sera évaluée grâce aux tables de références de Schmitt (2005) et ce résultat sera comparé avec celui de la maturation osseuse.

La dernière remarque concerne les problèmes méthodologiques liés à l’élaboration de standards (Schmitt, 2001). La population de référence doit avoir une distribution par âge le plus neutre possible. Elle doit être constituée d’un grand nombre d’individus d’âge et de sexe connus. Ces derniers doivent couvrir des zones géographiques larges. Ensuite, les stades de cotations de la sénescence doivent être reproductibles par n’importe quel anthropologue et applicable aux ossements secs fossiles. Enfin, la méthode doit être testée sur un échantillon indépendant avant d’être validée. Malheureusement, toutes ces conditions sont rarement

remplies par les méthodes d’estimation de l’âge au décès des adultes (Schmitt, ibidem).

Dès lors, c’est en gardant à l’esprit toutes ces limites, et en couplant les résultats des données de la maturation osseuse et des modifications de la surface sacro-pelvienne iliaque, que nous proposerons un intervalle chronologique pour l’âge au décès de Nazlet Khater 2.