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L’état de la partie droite du crâne ne permet pas une mesure directe par cubage. L’évaluation

de la capacité crânienne a été réalisée selon les formules de Olivier et al. (1978). Pour

l’ensemble de l’échantillon fossile, c’est la formule faisant intervenir la hauteur basion-bregma qui a été utilisée. Un autre calcul est possible à partir de la hauteur auriculo-bregmatique. Les résultats pour Nazlet Khater 2 sont repris dans le tableau ci-dessous (Tableau 14). Les équations

de Olivier et al. (1978) ne tiennent pas compte du sexe contrairement à celles de Lee et Pearson

(1901) dont les résultats sont donnés à titre comparatif. Elles constituent donc un avantage dans l’estimation de la capacité crânienne des fossiles dont la diagnose sexuelle est sujet à caution.

Les valeurs de Nazlet Khater 2 sont proches de la capacité crânienne moyenne calculée à

partir de la hauteur basion bregma (1415,32 ± 148,41 cm3, n = 257) de notre échantillon

moderne de comparaison, tous sexes confondus.

Tableau 14 : comparaison des estimations de capacité crânienne (cm3) de NK 2 en fonction des mesures et des formules utilisées. BBH = hauteur basion bregma; ABH = hauteur porion bregma.

CC ♂

BBH CC BBH CC ABH CC ABH Lee & Pearson

(1901) 1417,5 1336 1411 1377

Olivier et al.

(1978) 1400 1396

Epaisseur

Les épaisseurs des parois crâniennes ont été mesurées d’après la méthode de Twiesselmann (1941). Les valeurs de Nazlet Khater sont supérieures aux moyennes calculées par

Twiesselmann (ibidem) pour des individus africains actuels (n = 64 ; Tableau 15).

Les moyennes des épaisseurs au bregma, aux bosses pariétales et à l’obélion ont été calculées pour l’échantillon de comparaison et sont reprises dans le Tableau 16. Les valeurs de Nazlet Khater 2 sortent de la limite à 95 % de la variabilité de l’échantillon de comparaison pour chacune de ces mesures.

.

Deux hypothèses sont possibles pour expliquer cette forte épaisseur des parois crâniennes de Nazlet Khater 2. La première est celle de la variabilité des groupes fossiles. Elle n’est pratiquement pas connue pour les individus du début du Paléolithique supérieur au nord de

NK 2 m Mesures

EBR 12,50 6,71 Epaisseur au bregma

EBP d 11,00 7,60 Epaisseur à la bosse pariétale droite

EBP g 9,00 (*) 7,70 Epaisseur à la bosse pariétale gauche

EOB 12,00 8,00 Epaisseur à l'obélion

EFCA d 6,00 6,60 Epaisseur à la fosse cérébrale droite

EFCA g 6,00 6,69 Epaisseur à la fosse cérébrale gauche

EFCE d 6,00 3,07 Epaisseur à la fosse cérébelleuse droite

EFCE 6,00 3,18 Epaisseur à la fosse cérébelleuse droite

EAS d 10,00 6,85 Epaisseur à l’astérion droit

EAS g 9,00 7,21 Epaisseur à l’astérion gauche

Tableau 15 : épaisseurs (mm) des parois de NK 2 comparé aux moyennes (m) de Twiesselmann (1941). (*)=mesure minimale.

Echantillon moderne de comparaison NK 2 m s Limite sup à 95 % n EBR 12,5 7,26 1,53 10,29 101 EBP 11,0 7,19 1,48 10,11 124 EBO 12,0 8,29 1,79 11,84 98 Tableau 16 : épaisseurs de NK 2 comparées aux moyennes (m), écart-types (s) et effectifs (n) de

l’échantillon moderne de comparaison.

Paléolithique moyen) montrent en général des épaisseurs plus importantes que les moyennes actuelles (Tableau 17). C’est également vrai pour les séries épipaléolithiques de Taforalt et Afalou (moyenne EBR = 9,1 mm, n = 12 ; Balzeau, 2005). Cependant, la diminution de l’épaisseur crânienne au cours de l’évolution humaine n’est pas statistiquement significative

(Balzeau, ibidem). Et bien qu’il puisse y avoir certaines composantes génétiques dans la

variation de cette structure, Lieberman (1996) a montré que des facteurs épigénétiques comme la mastication ou la locomotion semblent jouer un rôle important au cours du développement dans la variation de l’épaisseur crânienne.

La seconde hypothèse est une origine pathologique de cet épaississement crânien. Selon Angel (1966), l’hyperostose porotique s’accompagne de lésions caractéristiques qui apparaissent sur la paroi de l’orbite et la voûte crânienne. Ces lésions impliquent une porosité de la table externe et un épaississement du diploé. L’origine de l’hyperostose porotique, est une anémie acquise ou héréditaire (Stuart-Macadam, 1987; Dutour, 1989; Aufderheide & Rodriguez-Martin, 1997). Par ailleurs,

ce type d’altération a déjà été mis en évidence chez plusieurs individus

fossiles comme WLH 50 (Willandra

Lakes), Singa ou encore Eliye Springs

(Webb, 1990 ; Spoor et al., 1998 &

Bräuer et al., 2003). Cependant, la

forte épaisseur de la calvaria n’est pas un critère suffisant pour témoigner de ce type d’affection (Stuart-Macadam, 1987).

En ce qui concerne Nazlet Khater 2, seules quelques porosités sont

EBR n EBP n EOB n NK 2 12,5 11,0 12,0

Hsa 10,7 3 10,10 5

HsPm 8,17 3 9,50 3

Figure 38 : radiographie de la calotte de Nazlet Khater Tableau 17 : épaisseurs de NK 2 comparées aux moyennes des Homo

sapiens archaïques et des hommes modernes du Paléolithique moyen de notre

échantillon de comparaison.

pariétaux au niveau macroscopique. La radiographie de la calotte et les coupes scanners sagittale et coronale de cette dernière montrent une légère prédominance du diploé sur les deux tables, de part et d’autre de la suture sagittale (Figure 38 et Figure 39).

En vue sagittale, la table externe est épaisse au niveau du bregma où elle montre des proportions identiques à celle du diploé (Figure 40). Malgré l’érosion de la table interne à plusieurs endroits, l’épaisseur des parois crâniennes de NK 2 ainsi que la proportion entre table osseuse et diploé semble normale.

En outre, aucune lésion orbitaire n’est observable. Il n’y a pas de traces de cribla orbitalia

(bien que la valeur diagnostique de ce caractère ait été remise en question ; Wapler, 1998), ni d’épaississement de la cavité orbitaire ou encore de remodelage du bord de l’orbite (Stuart-Macadam, 1987). De plus, la radiographie de la calotte montre qu’il n’existe pas de structure en poils de brosse ni d’anomalie d’orientation des travées diploïques. La zone plus sombre visible au centre du pariétal droit (Figure 38) est la conséquence de l’altération post-mortem de la table interne à cet endroit. Enfin, les modifications présentes au niveau des sinus frontaux chez des individus anémiques (Caffey, 1978) ne sont pas identifiables à cause de la forte fragmentation de cette région chez NK 2 (Bruner & Manzi, 2002).

Comme la porosité de la surface externe des pariétaux peut être le résultat d’une vascularisation importante de cette région (Hublin, 1978) et, qu’en dehors de l’épaisseur forte

Figure 40 : coupe scanner sagittale (C-D) de la calotte.

Figure 39 : coupe scanner coronale (A-B) de la calotte.

crânienne de NK 2 nous semble plus liée à une variation anatomique qu’à un trouble hématologique. Ce résultat montre l’importance de documenter la variation de l’épaisseur crânienne chez les hommes modernes du Paléolithique (comme NK 2) pour discuter de la variabilité de ce caractère utilisé fréquemment en paléoanthropologie à des fins taxinomiques (Weidenreich, 1943 ; Le Gros Clark, 1964 ; Hublin, 1978 ; Wood, 1984).