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L’industrie lithique de Nazlet Khater 4

II.2 COMPARAISON DES GESTES FUNÉRAIRES

La comparaison des gestes funéraires concernant Nazlet Khater 1 et 2 se heurte à un problème majeur : l’absence de sépultures contemporaines dans la vallée du Nil et plus généralement au nord de l’Afrique et au Proche-Orient.

Au Paléolithique moyen, les seuls vestiges humains répertoriés dans la vallée du Nil sont

ceux de l’enfant de Taramsa (cf. supra ; Vermeersch et al., 1998). Sa position assise diffère

totalement de celles de NK 1 et 2. Au nord de l’Afrique, les restes les plus anciens retrouvés dans des sites atériens se limitent à quelques fragments crâniens ou mandibulaires qui ne permettent pas d’interprétation des pratiques funéraires (Aumassip, 2004). La situation est tout autre au Proche-Orient avec les sites de Skhul et Qafzeh (McCown & Keith, 1939 ; Vandermeersch, 1966 & 1969). Au total, c’est une dixaine de sépultures primaires en pleine terre qui ont été mises au jour. Nous ne reviendrons pas sur leur description.

Leurs positions chronologique (~ 100 Ka) et géographique restent cependant trop éloignées des individus de Nazlet Khater pour tenter de comparer les observations taphonomiques les concernant.

Il faut attendre la deuxième moitié du Paléolithique supérieur en Afrique et au Proche-Orient ainsi que le Gravettien en Europe pour trouver de nombreuses inhumations. Les deux squelettes les plus proches chronologiquement et géographiquement de NK 1 et 2 sont Wadi Kubbaniya (Egypte) et Ohalo II (Israël). Ils sont tous deux datés par association aux alentours de 20 Ka

(Wendorf & Schild, 1986 ; Hershkovitz et al., 1995). Les restes de Wadi Kubbaniya reposaient

en position ventrale, la tête tournée vers l’est et les bras le long du corps. La position du membre inférieur n’est pas connue, mais la partie proximale du fémur droit suggèrerait que la cuisse était en extension (Angel & Kelley, 1986). Il semble que cet individu ait été l’objet de violences étant donné la présence de lamelles en silex dans sa cavité abdominale et d’une

blessure récente sur l’humérus gauche (Angel & Kelley, ibidem). Cette position inhabituelle sur

le ventre pourrait être en relation avec sa mort brutale. Le squelette de Ohalo II était inhumé dans un puits recouvert d’une large pierre. Il était en position accroupie, les bras croisés sur la poitrine et les membres inférieurs fléchis du côté gauche avec les talons touchant le bassin

(Nadel & Hershkovitz, 1991 ; Hershkovitz et al., 1995). Aucun objet particulier n’était associé à ces deux dépôts.

L’inhumation dans un puits est assez rare dans la vallée du Nil. Elle est répertoriée dans un seul site, le cimetière néolithique de Jebel Ramlah (site E-01-2) localisé dans le sud-ouest du

désert égyptien (Kobusiewicz et al., 2004). La plupart des tombes contenaient des dépôts

primaires individuels, mais des dépôts secondaires multiples ou individuels étaient également présents. Les individus avaient les mains positionnées devant la face et ils étaient tous orientés vers l’ouest avec la tête au sud (Kobusiewicz et al., ibidem).

A la même période que les sépultures de Wadi Kubbaniya et Ohalo II, on retrouve au

nord-ouest de l’Afrique la série ibéromaurusienne de Taforalt (Ferembach et al., 1962).

Malheureusement peu d’indications demeurent concernant près de 200 individus retirés du site. Le seul squelette pour lequel on dispose d’informations était en position contractée sur le côté droit avec la tête tournée vers l’ouest (Roche, 1963 ; Aumassip, 2004).

Il faut ensuite attendre le Paléolithique final et l’Epipaléolithique (entre 15 et 8 Ka) pour trouver un nombre plus élevé de sépultures dans la vallée du Nil. La plupart des sites corrélés à cette période comme Jebel Sahaba, Wadi Halfa ou encore Tushka témoignent d’une certaine homogénéité des pratiques funéraires et de la position sépulcrale. Il s’agit majoritairement de sépultures primaires individuelles en pleine terre bien que certains dépôts multiples ou secondaires aient également été mis au jour (Wendorf, 1968a & b). Les squelettes sont en position contractée sur le côté gauche, la tête vers l’est, le regard au sud et les mains près de la

face (Hewes et al., 1964 ; Wendorf, 1968a ; Wendorf & Schild, 2004). Le cas de Jebel Sahaba

est un peu particulier puisque la plupart des individus seraient morts de façon violente (41,4 % , sexe et âge confondus ; Wendorf & Schild, 2004 ). De nombreux artéfacts qadiens ont été retrouvés en contacts directs avec les ossements de ces individus et des traces de découpes ainsi

que des fractures récentes ont également été identifiées (Wendorf & Schild, ibidem). Un seul

squelette (JS 29) avait une position différente de l’ensemble de la série. Elle était très proche de celle de Wadi Kubbaniya puisque cet individu reposait sur le ventre. Son membre inférieur droit était semi fléchi tandis que le gauche était désarticulé (Wendorf, 1968b).

Un peu plus au sud de ces sites nubiens épipaléolithiques, le site de El-Barga a livré une dizaine d’individus datant de 9,5 – 9 Ka (Honegger, 2004b). Il s’agit de sépultures primaires individuelles où les squelettes reposent en position fœtale sur le côté droit, sur le côté gauche ou sur le dos. Le crâne est orienté préférentiellement vers le nord-est (Honegger, 2004a). La

position contractée forcée observée pour les membres inférieurs fléchis laisse supposer

l’utilisation de sacs ou de lanières (Honegger, ibidem).

Ce rappel court, et forcément superficiel, des dépôts funéraires dans la vallée du Nil durant le Paléolithique final et l’Epipaléolithique montre une homogénéité forte des positions sépulcrales en Égypte et au Soudan. Ces dernières diffèrent complètement de ce qui est observé à Nazlet Khater.

La position sur le dos observée à Nazlet Khater n’est cependant pas unique au Paléolithique supérieur, mais il faut attendre la deuxième moitié de cette période en Europe ou en Russie pour voir apparaître un nombre important de sépultures en extension, comme à Grimaldi, Dolní

Vĕstonice ou encore Sunghir (e.g. Binant, 1991 ; Henry-Gambier, 2001).

CHAPITRE III

ETUDE DESCRIPTIVE DES RESTES HUMAINS DE

NAZLET KHATER

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