9.2.1 Taux z´ ero-coupon et conditions initiales
L’´equation diff´erentielle donnant les prix des z´ero-coupon admet une solution explicite, fonction de leur condition initiale, du taux spotrtet de leur vecteur de volatilit´e. Mais le taux spotrt est une fonction des prix des z´ero-coupon que nous pouvons ´eliminer. Les prix des z´ero-coupon `a la datet d´ependent alors seulement des conditions initiales, consitu´ees par la famille des prix z´ero-coupon aujourd’hui et de la structure des volatilit´es locales. En g´en´eral, une telle propri´et´e est plutˆot ´enonc´ee sur les taux que sur les prix, sous la forme :
la dynamique des taux n’est fonction que de la courbe des taux aujourd’hui et de la structure des volatilit´es locales des prix z´ero-coupon .
Les relations les plus simples sont obtenues pour les taux courts forwards.
Analyse des prix des z´ ero-coupon
Proposition 9.2.1 Le prix ent d’un z´ero-coupon d’´ech´eance T est donn´e par : B(t, T) =B(0, T) exp[
Z t 0
rsds+ Z t
0
Γ(s, T)dWs−1 2
Z t
0 |Γ(s, T)|2ds] (9.2.1) L’´elimination du taux court conduit `a :
B(t, T) = B(0, T) B(0, t) exp[
Z t 0
[Γ(s, T)−Γ(s, t)]dWs−1 2
Z t 0
[|Γ(s, T)|2− |Γ(s, t)|2]ds] (9.2.2) Preuve: La solution explicite 2 de l’´equation diff´erentielle stochastique lin´eaire (9.1.4) est donn´ee par :
B(t, T) =B(0, T) exp[
Z t 0
rsds+ Z t
0
Γ(s, T)dWs−1 2
Z t
0 |Γ(s, T)|2ds] (9.2.3)
2Il est facile de justifier cette ´ecriture de la mani`ere suivante :
– si la volatilit´e est nulle, il s’agit d’une ´equation diff´erentielle lin´eaire ordinaire, dont la solution est une exponentielle
– si le taux est nul, il s’agit d’une ´equation stochastique dont la solution doit ˆetre d’esp´erance constante. La solution est alors une exponentielle faisant intervenir deux termes : une int´egrale stochastique et la variation quadratique associ´ee `a cette int´egrale stochastique. Cette propri´et´e est justifi´ee en Appendice pour le th´eor`eme de Girsanov.
⇒ Il est possible d’´eliminer rt dans cette formule en utilisant la condition fronti`ere B(t, t) = 1, qui s’exprime par
1 =B(0, t) exp[
Z t 0
rsds+ Z t
0
Γ(s, t)dWs−1 2
Z t
0 |Γ(s, t)|2ds] (9.2.4) Faisons le quotient de l’´equation donnantB(t, T) par celle donnantB(t, t). Il vient :
B(t, T) = B(0, T) B(0, t) exp[
Z t 0
[Γ(s, T)−Γ(s, t)]dWs−1 2
Z t 0
(|Γ(s, T)|2− |Γ(s, t)|2)ds]
La premi`ere ´egalit´e (9.2.1) met en jeu le prix `a la date 0 du z´ero-coupon d’´ech´eanceT, le taux court, et le vecteur des volatilit´es locales de l’´ech´eanceT. La deuxi`eme relation (9.2.2) montre que l’´elimination de rt conduit `a prendre en compte plus d’information sur la courbe des taux aujourd’hui, par l’interm´ediaire notamment du prix forward en t du z´ero-coupon d’´ech´eanceT, B(0,T)B(0,t), ainsi que sur la structure des volatilit´es locales.
Les ´ equations int´ egrales des taux
Nous traduisons maintenant en termes de taux d’int´erˆet les contraintes que nous avons mis en ´evidence sur les prix des z´ero-coupon. Les principales notations ont ´et´e introduites au chapitre pr´ec´edent. Les
´equations des taux s’obtiennent ais´ement `a partir des formules de prix que nous venons d’´etablir. Toute-fois pour justifier math´ematiquement les formules donnant les ´equations des taux courts forwards, nous utiliserons que le vecteur des volatilit´es locales a ´et´e suppos´e d´erivable par rapport `a la maturit´e, `a d´eriv´ee born´ee3. Nous insistons sur le fait qu’il n’est pas fait dans cette section d’hypoth`ese de volatilit´e d´eterministe, mˆeme si les notations ne le rappellent pas toujours. La d´eriv´ee de {Γ(t, T) ; t ≤ T}par rapport `a l’´ech´eanceT, c’est `a dire la deuxi`eme variable a ´et´e not´ee
∂TΓ(t, T) =γ(t, T) (9.2.5)
Th´eor`eme 9.2.1 La repr´esentation des taux `a l’instant futurt est donn´ee par : R(t, θ) =R0(t, θ)−
Z t 0
Γ(s, t+θ)−Γ(s, t)
θ dWs+1
2 Z t
0
1
θ[|Γ(s, t+θ)|2− |Γ(s, t)|2]ds (9.2.6) R0(t, θ) =1θ[LnB(0, t)−LnB(0, t+θ)] est le taux forward vu de0, pour l’´ech´eance t, de maturit´eθ. Ce taux est lu sur la courbe des taux aujourd’hui.
De mˆeme, la r´epresentation des taux courts forwards dans le futur est donn´ee par
f(t, T) =f(0, T)− Z t
0
γ(s, T)dWs+ Z t
0
γ(s, T)Γ(s, T)∗ds (9.2.7) En particulier, la repr´esentation du taux court est :
rt=f(0, t)− Z t
0
γ(s, t)dWs+ Z t
0
γ(s, t)Γ(s, t)∗ds4 (9.2.8) Si l’on souhaite donner moins d’importance `a la courbe des taux aujourd’hui, et plus au taux courtr, on peut donner une autre forme `a la relation donnant les taux forwards
f(t, T) =rT + Z T
t
γ(s, T)dWs− Z T
t
γ(s, T)Γ(s, T)∗ds (9.2.9)
3L’hypoth`ese de bornitude du vecteur des volatilit´es locales et de leur d´eriv´ees peut ˆetre remplac´ee par l’hy-poth`ese moins forte suivante : il existe un processus de carr´e int´egrable adapt´e κt positif, tel que |γ(t, T) |≤
κt dt⊗d p.s.Des hypoth`eses d’int´egrabilit´e plus fortes seront ´etablies si n´ecessaire.
4Ce terme est aussi la d´eriv´ee par rapport `a la maturit´e du carr´e de la volatilit´e locale du z´ero-coupon,
|Γ(s, t)|2=vol(s, t)2, au coefficient 12 pr`es, et nous utiliserons indiff´eremment les deux notations.
Commentaire historique
Les ´equations (9.2.7) et (9.2.8) ont ´et´e obtenues pour la premi`ere fois par Heath-Jarrow-Mortonen 1987 [H.J.M.]. Ces derniers partent `a priori d’un mod`ele pour les taux forwards et formulent un peu diff´eremment la relation (9.2.7) sous la forme :
f(t, T) =f(0, T)− Z t
0
γ(s, T)dWs+ Z t
0
γ(s, T)(
Z T s
γ(s, u)du)∗ds (9.2.10) mais contrairement `a de nombreux auteurs, nous n’y faisons pas r´ef´erence comme aumod`elede HJM, car il s’agit en fait d’´equations cons´equences structurelles de l’absence d’arbitrage. Nous appellerons mod`ele de HJM le mod`ele que nous ´evoquerons bri´evement `a la fin de ce chapitre, o`u le choix d’une fonction de volatilit´e est propos´e sous la forme
γ(s, t) =σ(s, f(s, t)) (9.2.11)
Ces ´equations ont ´et´e le point de d´epart `a la fois d’une r´eflexion de nature diff´erente sur les taux d’int´erˆet, ainsi que de tr`es nombreuses publications sur le sujet.( Hull et White Jamshidian, El Karoui-Geman,EL Karoui-Myneni-Viswanathan ,Brace-Musiela.
Preuve:
⇒ La premi`ere relation d´erive imm´ediatement de la d´efinition du taux actuariel continuR(t, θ), et des formules explicites des prix de z´ero-coupon.
⇒ L’´equation des taux courts forwards s’obtient soit en passant `a la limite dans les relations pr´ec´edentes, soit directement en prenant la d´eriv´ee logarithmique des prix des z´ero-coupon :
f(t, T) = −∂TLnB(t, T) =f(0, T) −∂T( Z t
0
Γ(s, T)dWs−1 2
Z t
0 |Γ(s, T)|2ds)
= f(0, T)− Z t
0
∂TΓ(s, T)dWs+1 2
Z t 0
∂T|Γ(s, T)|2ds)
La d´erivation sous l’int´egrale ou int´egrale stochastique est justifi´ee par les hypoth`eses de bornitude faites sur la d´eriv´ee par rapport `a la maturit´e de la fonction de volatilit´e.
En particulier, si nous d´esignons par r(t,0) = f(t, t) le taux court forward d’´ech´eancet, il est clair quer(t,0) satisfait l’´equation (9.2.8).
⇒ Il est int´eressant de montrer que les deux processusr(t,0) et rt coincident, mˆeme si cette propri´et´e est en g´en´eral consid´er´ee comme acquise dans la litt´erature financi`ere. Avec le point de vue que nous avons adopt´e, la preuve n’est pas imm´ediate.
⇒ Pour montrer l’identit´e der(t,0) et dert, nous calculons les int´egralesI1=Rt
0r(s,0)dsetI2=Rt 0rsds.
La deuxi`eme s’obtient `a partir de l’´equation (9.2.4) I2=
Z t 0
rsds= Z t
0
f(0, s)ds− Z t
0
Γ(s, T)dWs+1 2
Z t
0 |Γ(s, t)|2ds La premi`ere s’obtient `a partir de l’´equation (9.2.7) appliqu´ee `ar(t,0) =f(t, t),
I1= Z t
0
r(s,0)ds= Z t
0
f(0, s)ds− Z t
0
ds Z s
0
γ(u, s)dWu+1 2
Z t 0
ds Z s
0
∂s|Γ(u, s)|2du
Grˆace `a la formule d’int´egration par parties (ou th´eor`eme de Fubini) d´eterministe ou stochastique, justifi´ee par les hypoth`eses d’int´egrabilit´e (born´ee ou de carr´e int´egrable) faites sur la volatilit´e des taux forwards, nous pouvons faire les transformations suivantes qui utilisent le fait que Γ(u, u) = 0,
Z t 0
ds Z s
0
γ(u, s)dWu= Z t
0
( Z t
u
γ(u, s)ds)dWu = Z t
0
[Γ(u, t)−Γ(u, u)]dWu= Z t
0
Γ(u, t)dWu
De mˆeme,
1 2
Z t 0
ds Z s
0
∂2|Γ(u, s)|2du= 1 2
Z t
0 |Γ(s, t)|2ds
En regroupant ces ´egalit´es, nous voyons que les quantit´esI1 et I2 que nous cherchons `a ´evaluer sont
´egales.
Les ´ equations diff´ erentielles des taux
Nous nous proposons maintenant de mesurer le comportement infinit´esimal des d´eformations de la courbe entre deux dates tr`es rapproch´ees, et d’en d´eduire la dynamique des taux de diff´erentes maturit´es, et du taux court en particulier.
Comme nous le montrons, la pente de la courbe des taux forwards est un ´el´ement important pour expliquer la dynamique infinit´esimale des taux.
Th´eor`eme 9.2.2 L’´equation diff´erentielle du taux actuariel de maturit´e θtient compte du taux forward en t+dtde mˆeme maturit´eθ et de la structure des volatilit´es locales sous la forme :
dR(t, θ) =∂TFt(t, θ)dt+ 1
2θ|Γ(t, t+θ)|2dt−1
θΓ(t, t+θ)dWt (9.2.12) o`u∂TFt(t, θ)est la d´eriv´ee du taux forward de maturit´eθ par rapport `a l’´ech´eanceT, prise enT =t. De plus
∂TFt(T, θ)T=t = lim∆t→0 1
∆t[Ft(t+ ∆t, θ)−Ft(t, θ)]
= ∂2R(t, θ) +1
θ[R(t, θ)−rt] = 1
θ[f(t, t+θ)−rt] (9.2.13) Les taux courts forwards r(t, u)´evoluent comme
dr(t, u) =∂2r(t, u)dt+1
2∂2|Γ(t, t+u)|2dt−γ(t, t+u)dWt (9.2.14) En particulier le taux court a une dynamique de la forme :
drt= 2∂2R(t,0)dt−γ(t, t)dWt=∂2r(t,0)dt−γ(t, t)dWt (9.2.15)
M.Musielaen 1993 [?] est le premier `a avoir montr´e l’importance de ces relations dans la mod´elisation des d´eformations de la courbe des taux, en notant en particulier que structurellement le syst`eme diff´erentiel qui dirige la d´eformation de la courbe des taux est de dimension infinie. Nous verrons dans le paragraphe sur les variables d’´etat quel type de contraintes p`ese sur la forme des volatilit´es locales pour que l’on puisse r´eduire la dimension de ce syst`eme.
L’interpr´etation ´economique de l’´equation (9.2.14) n’a pas ´et´e clairement explicit´ee `a ce jour (dans la litt´erature), `a savoir la relation entre l’esp´erance de l’accroissement du taux et la th´eorie des anticipations rationnelles. Ceci sera d´evelopp´e dans la section suivante.
Preuve: L’´equation diff´erentielle satisfaite par le logarithme des cours des z´ero-coupon Ln(B(t, T) est donn´ee simplement par :
dtLn(B(t, T) =rtdt−1
2|Γ(t, T)|2dt+ Γ(t, T)dWt.
⇒ Pour en d´eduire l’´equation diff´erentielle satisfaite par les taux, la premi`ere ´etape est de rendre l’´ech´eance glissante, puisque nous avons la relation :
θR(t, θ) =−LnB(t, t+θ)
Par la formule de diff´erentiation compos´ee5, la dynamique d’un taux de maturit´e fixe et donc d’´ech´eance variable est donn´ee par :
dt[θR(t, θ)] = dt(−LnB(t, t+θ)) =−∂2LnB(t, t+θ)dt−dtLnB(t, T)T=t+θ
= ∂2(θR(t, θ))dt−rtdt+12|Γ(t, t+θ)|2dt−Γ(t, t+θ)dWt
⇒ Il nous reste donc `a interpr´eter la quantit´e ∂θ(θR(t, θ))−rt =f(t, t+θ)−rt qui est aussi ´egale `a [R(t, θ) +θ∂θR(t, θ)−rt] comme la d´eriv´ee d’un taux forward par rapport `a la date d’´ech´eance du taux. OrRt(T, θ) =−1θ[LnB(t, T+θ)−LnB(t, T)] admet comme d´eriv´ee par rapport `a la dateT,
∂Trt(T, θ) =1
θ[f(t, T +θ)−f(t, T)]
ce qui prouve la propri´et´e recherch´ee. Il en r´esulte que dR(t, θ) = ∂T(Rt(, θ))T=tdt+ 1
2θ|Γ(t, t+θ)|2dt−1
θΓ(t, t+θ)dWt
Pour obtenir l’´equation du taux court, il suffit de faire tendreθ vers 0 dans ces relations.
⇒ Pour obtenir celle des taux courts forwards, il suffit de d´eriver l’´equation de (uR(t, u)). La dynamique du taux court d´epend de la pente de la courbe `a l’origine.
Par le mˆeme argument, il est possible d’´ecrire la dynamique de toutes les d´eriv´ees successives par rapport
`
a la maturit´e de ∂2(uR(t, u)) =:r(t, u), `a condition de supposer que le vecteur de volatilit´es locales est ind´efiniment d´erivable par rapport `a la maturit´e et que toutes les d´eriv´ees sont major´ees par des processus de carr´e int´egrable. Nous notons r(n)(t, u) la d´eriv´ee n-i`eme par rapport `a la maturit´eudu taux court forward d’´ech´eance glissante.
dr(n)(t, θ) =r(n+1)(t, θ)dt+1
2∂2(n+1)[vol(t, t+θ)2]dt−∂2(n+1)Γ(t, t+θ)dWt (9.2.16)