prˆet du produit physique.Y est, de ce fait, souvent exprim´e proportionnellement au prix, sous la forme Y(t, T) :=δ(t, T)S(t), d’o`u le terme derendement. Remarquons que, dans le cas de l’or, ce rendement est directement observable ; on l’appelle lelease rate, qui correspond en fait `a la diff´erence entre le rendement d’opportunit´e et le coˆut de stockage, et c’est de cette mani`ere que les prix `a terme de l’or sont cot´es `a Londres.
7.2.3 Report (contango) et d´ eport (backwardation)
Une courbe de prix de contrats `a terme est dite enreport (contangoen anglais) si les prix `a terme sont sup´erieurs au prix au comptant. Elle est dite end´eport (backwardation) dans le cas contraire, i.e. lorsque le rendement d’opportunit´e est sup´erieur au coˆuts de stockage (pour un produit stockable). Le deuxi`eme membre de l’´equation (7.2.1) correspond `a la courbe ”maximale” des prix `a terme ; on l’appelle lereport maximum oumaximum contango, ou encore full carry. Par contre, il n’y a pas de d´eport maximum ; le rendement d’opportunit´e peut ˆetre tr`es ´elev´e (la limite correspondant `a des prix `a terme `a z´ero). Notons qu’une telle d´efinition n’est pas directement applicable dans le cas de courbes exhibant une saisonnalit´e forte, comme le gaz naturel, o`u il est plus judicieux de comparer des prix correspondant au mˆeme mois de livraison.
Une courbe en d´eport correspond en g´en´eral `a une situation de p´enurie : en effet, la d´etention du produit physique a alors plus de valeur que sa d´etention dans le futur, d’o`u un rendement d’opportunit´e ´elev´e ; c’est typiquement le cas du p´etrole en p´eriodes de tensions g´eopolitiques. A l’inverse, une courbe en report correspond `a une situation de surplus. Deux th´eories s’affrontent pour expliquer le report et le d´eport : la th´eorie du d´eport normal et la th´eorie du stockage ; pour plus de d´etails, se reporter `a [7] ; pour un autre point de vue, voir [17].
Sur la majorit´e des march´es, la courbe de prix `a terme a tendance `a s’inverser p´eriodiquement, mais elle peut rester dans un des ´etats pendant plusieurs ann´ees. Un exemple c´el`ebre de faillite due `a l’inversion de la courbe sur le p´etrole est la d´ebˆacle de l’entreprise Metalgesellschaft en 1993. Cette entreprise avait alors construit un commerce lucratif en vendant des contrats de livraison `a long terme, et sa strat´egie de couverture reposait sur l’hypoth`ese que la courbe de prix resterait toujours en d´eport. Pour simplifier l’analyse, consid´erons un tel contrat, de maturit´e long termeTN et de prixF(·, TN) livrant un baril en TN. Une fois ce contrat vendu en 0, la strat´egie de couverture consiste `a prendre une position ´equivalente sur le premier contrat en vie de la courbe ; lorsque ce contrat expire, la position de couverture est revendue et report´ee sur le contrat suivant, et ainsi de suite jusqu’`a la livraison finale. Une telle strat´egie s’appelle stack-and-roll. Les cash-flows sont ainsi :
dateT0 : F(0, TN)−F(0, T1) (vente du contrat long terme) dateT1 : F(T1, T1)−F(T1, T2)
... ...
dateTn : F(Tn, Tn)−F(Tn, Tn+1)
... ...
dateTN−1 : F(TN−1, TN−1)−F(TN−1, TN)
et la r´eception du physique enTN, par le contrat futureF(·, TN), permet d’assurer la livraison du contrat long terme. Les cash flows g´en´er´es par cette strat´egie ´etaient donc positifs si la courbe restait en d´eport, n´egatifs sinon. L’entreprise comptait sur le premier cas de figure, car cela faisit plusieurs ann´ees que la courbe de p´etrole ´etait en d´eport. La courbe s’est cependant invers´ee en 1993, et la taille de positions prises ´etait telle que les appels de marge ne pouvaient plus ˆetre assur´es par Metalgesellschaft.
Fig. 7.1:Composantes principales
7.2.4 Analyse en composantes principales
Apr`es avoir interpr´et´e l’´etat de la courbe de prix `a terme `a une date donn´ee, nous cherchons `a expliquer ses variations journali`eres. L’analyse (et ses r´esutats) est similaire `a celle traditionnellement effectu´ee sur les courbes de taux d’int´erˆets. Afin d’extraire les facteurs explicatifs des mouvements de la courbe, nous effectuons une analyse en composantes principales. Notre exemple porte sur le p´etrole brut cot´e sur le NYMEX, sur les deux premi`eres ann´ees de maturit´es de la courbe et sur un historique de 6 ans (du 01/10/97 au 30/09/03).
Les ´el´ements des vecteurs propres sont ramen´es `a des volatilit´es journali`eres, de sorte que les rendements journaliers puissent s’´ecrire :
∆F(t, Ti) F(t, Ti) =
Xp j=1
σijCtj, i= 1, . . . , n (7.2.4) o`uC1, . . . , Cpsont les composantes explicatives (p= 2 ou 3 dans notre exemple ci-dessus), d’´ecart-type de 1. Pour chaque composante, les ´el´ementsσij annualis´es sont visualis´es sur la figure 7.1 et le pourcentage de variance expliqu´e est indiqu´e dans la l´egende.
On constate que les deux premi`eres composantes expliquent plus de 99% des variations. La premi`ere composante s’interpr`ete comme un facteur de niveau, contribuant `a faire varier les prix dans le mˆeme sens (mais `a des amplitudes diff´erentes, selon les volatilit´es). La deuxi`eme composante est un facteur d’inversion de courbe, i.e. faisant varier les deux extr´emit´es dans des directions oppos´ees, alors que la troisi`eme s’interpr`ete comme un facteur de courbure ou de d´eformation.
Les r´esultats de l’ACP permettent de mettre en place une strat´egie de couverture de risque de prix.
Consid´erons un instrument ou un portefeuille portant surn(n > p) contrats `a terme de la courbe. Nous notons V(t, F(t,·)) sa valeur, fonction du temps et des prix de la courbe. On souhaite couvrir le risque de prix lin´eaire de cet instrument, i.e. le risque en delta. Comme ce risque est expliqu´e par pfacteurs, on a besoin exactement depcontrats pour couvrir ce risque. La strat´egie consiste `a choisir des contrats liquides (nous notons T1< . . . < Tp leurs maturit´es) et `a d´eterminer leur quantit´esn1, . . . , np `a d´etenir ; typiquement avecp= 3 facteurs, l’id´ee consiste `a choisir un contrat court terme, un contrat moyen terme et un contrat long terme. La valeur du portefeuille ainsi couvert s’´ecrit :
H(t, F(t,·)) =V(t, F(t,·))− Xp k=1
nkF(t, Tk) (7.2.5)
Nous notons ∆i:=∂V /∂Fi(i= 1, . . . , n) la sensibilit´e du portefeuille au prix `a termeFi. Le portefeuille est couvert face aux mouvements de la courbe de prix si sa sensibilit´e `a chaque facteur explicatif est nulle :
∂H
∂Cj = 0, j= 1, . . . , p (7.2.6)
Fig. 7.2:Structure par terme de la volatilit´e implicite du gaz naturel en hiver et en ´et´e
Cette condition s’´ecrit successivement : Xp k=1
nk∂Fk
∂Cj = ∂V
∂Cj, j= 1, . . . , p (7.2.7)
Xp k=1
σkjnk = Xn i=1
∂Fi
∂Cj
∂V
∂Fi (7.2.8)
Xp k=1
σkjnk = Xn i=1
σij∆i (7.2.9)
Ecrit sous forme matricielle, avec Σpn := [σji] et sa sous-matrice Σpp := [σjk], le vecteur de quantit´es N := (n1, . . . , np)0 s’´ecrit :
N= Σ−pp1·Σpn·∆ (7.2.10)
7.2.5 Autres propri´ et´ es statistiques
Les prix des mati`eres premi`eres pr´esentent des propri´et´es statistiques particuli`eres, que l’on ne re-trouve pas sur les autres march´es financiers. La prise en compte de ces propri´et´es est fondamentale pour aborder le probl`eme de la mod´elisation. On rencontre les principaux ph´enom`enes suivants :
– Du fait de l’´equilibre `a long terme entre l’offre et la demande, le prix au comptant a tendance `a exhiber unretour `a la moyenne, cette moyenne pouvant cependant varier au cours du temps.
– La saisonalit´e des prix est un ph´enom`ene propre `a certains march´es. Par exemple, le prix de l’essence est plus fort en ´et´e du fait de l’utilisation plus fr´quente de l’automobile ; de mˆeme, le prix du gaz est plus fort en hiver du fait de la consommation plus importante de chauffage et d’´electricit´e.
– Certains produits ont tendance `a exhiber dessauts de prix. C’est le cas du gaz naturel et encore plus de l’´electricit´e. En effet, le moins une mati`ere premi`ere est stockable, le plus elle est propice `a exhiber de tels sauts de prix car sa livraison d´epend de la capacit´e de g´en´eration et de transmission : si, pour des raisons techniques ou de demande exceptionnelle, la capacit´e n’est plus suffisante pour assurer la demande, le prix explosent.
– La figure 7.1 ci-dessus montre la volatilit´e du prix `a terme croˆıt lorsque l’on s’approche de sa ma-turit´e. Ce fait stylis´e se rencontre sur toutes les mati`eres premi`eres et est commun´ement nomm´e l’effet Samuelson. Ceci se comprend intuitivement du fait que l’arriv´ee d’information affecte prin-cipalement les prix sur le court terme, alors que sur le long terme les prix sont suppos´es retourner au niveau d’une certaine moyenne. Certains produits comme le gaz naturel pr´esentent aussi une volatilit´e saisonni`ere : la volatilit´e du gaz spot est plus forte en hiver, du fait de sa consommation plus importante et de sa forte sensibilit´e `a la temp´erature ; ceci se reproduit sur la structure par terme des volatilit´es implicites, comme l’illustre la figure 7.2 ci-dessous, les pics de saisonnalit´e se retrouvant sur les contrats expirant en hiver.