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4.2.1.3 Présentation des fonctions de Praat

4.2.2 Enoncé, prosodie et représentations : Les différentes écoles

On considérera pour cette étude que la prosodie est la composante de la linguistique qui s‘intéresse à tout ce qui est sonore dans l‘énoncé, et qui dépasse l‘unité du phonème. C‘est a priori une partie de l‘information qui peut être reproduite, enregistrée, donc qui existe dans le temps. Elle est prévisible aussi, à un certain degré, et des amorces de grammaire intonatives se constituent. Ces grammaires intonatives, comme pour les grammaires syntaxiques, partent du postulat que des locuteurs d‘une même culture auront tendance à dire le même énoncé simple avec une intonation similaire. Elle est aussi tributaire de la situation d‘énonciation, informationnelle, de la syntaxe, du langage corporel du locuteur et des allocutaires, de leur constitution musculaire laryngienne et respiratoire (Piot 2002 :265). Ce qui fait qu‘elle fait sens en étant la trace de surface d‘émotions et d‘attitudes (Ibid) qui sont reçues comme information en tant que telles tout en rendant possible la réalisation de l‘information véhiculée par l‘énoncé, en l‘ancrant dans une situation énonciative.

Olivier Piot (Ibid) reprend les théories de Schrerer, qui démontre que les émotions codées au travers de la prosodie sont décodables par les allocutaires avec une remarquable fiabilité. Le développement qui suit nous sera précieux dans l‘analyse des contours prosodiques obtenus pour les métaphores vives. Notons que la prosodie est non seulement signifiante, mais qu‘elle l‘est aussi de façon structurée. Notre hypothèse est que dans les deux langues, la prosodie des énoncés métaphoriques est la trace de surface d‘une attitude (d‘une émotion) et d‘une modalité qui sont deux composantes de l‘acte de métaphorisation.

La prosodie s‘attache aux accents, au rythme et à la mélodie. Elle a trois fonctions, une fonction phrastique (elle donne corps à la phrase dans son sens français et anglais—au syntagme), une fonction émotive, et une fonction modale (c‘est grâce à celle-ci qu‘un énoncé assertif sur le plan de la syntaxe devient une question en français). Assertion et questionnement, cette dualité fait écho au fait que, par rapport à la catachrèse, la métaphore vive est après tout une forme de méta-question, de questionnement sur l‘énoncé lui-même qui présente un certain couplage syntaxique inédit, un questionnement sur sa lisibilité, sa compréhension par les allocutaires. Cela est illustré dans le corpus par certaines métaphores vives où l‘intonation montante de la tête de métaphore ressemble étrangement à une question. La prosodie : Une forme discontinue constituée de l‟adjonction de formes discrètes, ou une forme constituée de formes superposables ?

On peut considérer comme Hi-Yon Yoo (2003) qui reprend les termes de Rossi (1981) que la forme prosodique est : « une forme discontinue, constituée d‘unités discrètes, coextensives au phonème et commutables en un même point de la chaîne […] s‘organisant pour former des contours ou syntagmes intonatifs dont le domaine est la phrase et ses constituants ».

Cette théorie est reprise par Mertens (Mertens 1987) dans sa thèse où il identifie les intonèmes de base du français. Cette forme, si elle peut être considérée comme discontinue, comporte néanmoins des unités qui présentent, et ce à la lueur des derniers travaux de Ching X. Xu et Yi Xu (2005), une propriété primordiale dans le cadre de la présente étude : les unités sont superposables (Ibid :27)28

Les métaphores sont aussi focus, leur forme de surface doit donc intégrer les deux manifestations de surface correspondant à la métaphore vive (un type d‘emphase) et au focus dont les caractéristiques sont détaillées dans ce chapitre.

28 ‗These conventional theories view focus as realized in alternation with other f0-controlling functions.

Our data analyses demonstrate, in contrast, that focus is realized in parallel with other f0- controlling functions.‘(Piot 2002:27)

Qui plus est, les accents correspondant aux focus ont une répercussion sur les syllabes voisines à droite en anglais (Ibid). Xu réfute donc la représentation de la forme prosodique comme un fil électrique dont les poteaux seraient les accents entre lesquels le fil serait ballant, inactif. Il démontre que sans aucune impulsion prosodique il existe un niveau de tonalité neutre, auquel vient se superposer l‘effet de focus. Un de ses arguments est que cet effet a des répercussions sur les syllabes voisines.

Cette théorie est bien illustrée par la thèse d‘Olivier Piot, qui montre que tout accent prosodique est, en simplifiant au maximum, le résultat de deux composantes, la maturité, et le tonus. La maturité est déterminée par l‘évaluation que fait le locuteur d‘une probabilité : celle que le message soit vrai (ou appréhensible) pour l‘allocutaire d‘après le locuteur, pour l‘allocutaire selon ses propres croyances (ses connaissances du monde), pour le locuteur, pour le locuteur selon l‘allocutaire29

. Cette maturité a une incidence sur la fréquence fondamentale et le débit. Elle explique par exemple les montées en fréquence lors de paroles adressées aux enfants qui indiqueraient une évaluation par le locuteur d‘une faible maturité chez ceux-ci à appréhender le message selon leur connaissance du mondes, d‘où une cible haute.

Le tonus est directement lié à un surplus d‘activité musculaire, et non contrôlable par la volonté. A cette activité tonique, liée à la résolution d‘un problème et déjà constatée par Darwin, on peut faire correspondre une grandeur T dans le domaine des représentations du locuteur. L‘interaction de ces deux dimensions va faire varier intensité, fréquence et débit dans un schéma tridimensionnel.

Autre facteur important, l‘hypothèse que la forme prosodique n‘est pas une suite d‘intonèmes se succédant linéairement dans le temps, mais que plusieurs intonèmes peuvent se superposer, co-occurrer paraît primordiale :

These conventional theories view focus as realized in alternation with other f0-controlling functions. Our data analyses demonstrate, in contrast, that focus is realized in parallel with other f0-controlling functions (Xu 2005:27).

Cette théorie établit que la forme prosodique n‘est pas une suite d‘intonèmes qui seraient à la prosodie ce que le phonème est à la phonologie, c'est-à-dire une combinaison des trois paramètres prosodiques : intensité, fréquence fondamentale et débit correspondant à une motivation et une seule (attitude, positionnement au niveau de la structure informationnelle, accent lexical). La forme prosodique serait donc davantage un fondu-enchaîné, et quelquefois une superposition de différentes fonctions de contrôle des trois facteurs, fréquence, intensité et débit, qu‘une concaténation d‘intonèmes. C‘est pourquoi après avoir tenté de démontrer que les métaphores vives sont de l‘ordre du focus, l‘analyse s‘attachera à quantifier et à qualifier les déviations des paramètres prosodiques observées pour les métaphores vives par rapport au schéma prosodique des focus non métaphoriques.

Cette analyse apportera un éclairage sur les deux théories :

Les focus sont réalisés en alternance avec les autres fonctions influençant la f0

Les focus sont réalisés en parallèle avec d‘autres fonctions influençant la f0 (dont la métaphorisation)

29

On a donc a priori quatre domaines d‘évaluations de Ma entre un locuteur L et un allocutaire A: L(A), L(L), A(A), A(L). Cependant nous nous attacherons à décrire des processus intervenant chez L, or nous avons évoqué l'impossibilité pour L n'avoir directement accès aux représentations de A. Mais L peut par contre se faire une représentation des représentations de A, et nous aurons donc à prendre en compte le "monde" L(A()), d'où les quatre "domaines d'évaluations" L(A), L(L), L(A(A)), et L(A(L)) ( Ibid 255).

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