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Métaphore et comparaison : délimitation des figures à répertorier répertorier

Méthode d’analyse du corpus

3.6 Métaphore et comparaison : délimitation des figures à répertorier répertorier

Introduction

Les recherches envisagées à partir des énoncés sélectionnés devraient déterminer les limites de ce qui doit être relevé dans le corpus. Dans ce contexte contrastif, l‘intérêt porte avant tout sur l‘innovation lexicale et les mutations comparatives des deux langues. La métaphore est-elle davantage un moteur de mutation que la comparaison en installant uniquement des rapports d‘identification ? La comparaison rend d‘habitude évidente par un « motif » les caractéristiques du comparant qu‘elle attribue au comparé. Mais elle peut être atténuée dans son rapprochement du comparé et du comparant (ou de la cible et de la source) :

Ainsi, le motif de la comparaison peut ne pas être nommé, donnant ainsi lieu à ce que certains théoriciens appellent une identification atténuée. Deux effets stylistiques sont alors à identifier :

1° un renforcement de l'extension sémantique du comparant, 2° une limitation de la portée du rapprochement. (Benjelloun 2002)

Sans le motif (« les pensées devenaient comme des coraux » (Ibid :5))la comparaison est atténuée et l‘identification peut potentiellement porter sur l‘ensemble du comparant. Ces remarques paraissent suffisantes pour prendre en compte dans cette étude de l‘oral des comparaisons qui paraissent fonctionner en parallèle avec les métaphores ou dans un rapport cotopique ou cotextuel. En effet les concepts sources sont aussi utilisés par les comparaisons, et de nombreuses métaphores sont marquées cotextuellement par des comparaisons. C‘est cette proximité syntagmatique et paradigmatique entre les deux figures qui nous les font prendre en compte.

3.6.1 Limites syntagmatiques floues entre les deux phénomènes

Les métaphores évoluent constamment en symbiose avec les comparaisons, et cela pas seulement à l‘oral :

Il n'est pas rare que le motif soit métaphorique ; la comparaison intervient alors comme un élément d'explication, surtout quand la métaphore introduite par le motif se développe en tableau (Ibid)

La comparaison elle-même peut prolonger la métaphore, ou même fournir un pontage entre deux étapes d‘une métaphore organique :

« La ville tremblait de tous ses efforts pour parler. Les mots étaient enfoncés en elle, dans ses murs, dans ses puits profonds en forme de gorges. » (La Guerre, p. 171)

Ici s'ajoute un autre effet plus intéressant à noter : la récupération, après coup, du métaphorisant. Le début de la phrase apporte un élément conforme à l'évocation finale :

Mais il faut souligner que, dans ce cas bien précis, la comparaison ne termine pas vraiment la métaphore. Bien au contraire, elle lui sert de motif. La suite de la séquence offre un développement plus expressif de cette métaphore organique :

"Bea B. les entendait remonter le long des organes (…) les mots oscillaient au bord de toutes les bouches, poussées de lave que la terre avait contenues pendant des siècles" (Ibid)

Da façon identique aux métaphores romanesques analysées dans l‘exemple de Le Clezio, la comparaison est souvent une étape des EMs dans le corpus, sans que les images soient tissées de façon aussi complexes qu‘à l‘écrit :

 ouais ben c' est oui c' est comme de l' eau c' est c' est vrai que c' est très très fluide et t' as l' impression de ce que que c' est que ça swing (325, F9)

I think music is kind of an an associate like an association kind of thing you can

associate quite easily associate one musical idea with another and you can just connect those (128, E5)

On aurait donc les schémas ;

(11) MUSIC EAU FLUIDE SWING

(12) MUSIC ASSOCIATE ASSOCIATION TO ASSOCIATE CONNECT

Ces schémas de réseaux d‘association sont très simples et repose davantage sur des déclinaisons morphologiques. Néanmoins, dans le cadre de l‘analyse de ces allotopies (rupture de l‘isotopie) et de leur repérage, il semble absurde de ne pas tenir compte des comparaisons. Dans l‘exemple ci-dessus il serait difficile de trancher si le terme fluide est comparatif ou métaphorique. En effet, en l‘absence de phrases, il pourrait constituer une simple extension de la comparaison « c‘est comme de l‘eau ». Il est au contraire intéressant de comparer les effets différents des deux degrés de rupture d‘isotopie (comparaison et métaphore) aux niveaux de la morphologie, de la prosodie. La comparaison installe l‘impertinence au même titre que la métaphore, et cela de façon encore plus flagrante à l‘oral qu‘à l‘écrit.

3.6.2 Similarité des marqueurs de métaphores et de comparaison

Le choix entre comparaison et métaphore ne dépend pas seulement de l‘intensité d‘identification intentée par le locuteur entre cible et source mais aussi de la morphosyntaxe :

I think music is kind of an an associate like an association kind of thing you can associate quite easily associate one musical idea with another and you can just connect those (128, E5)

Les deux opérateurs de comparaison like et kind of introduisent des SNs, alors que le verbe « connect » est introduit par un modal, ce qui semble pratiquement équivalent :

you kind of associate = you can associate = you can like associate

A l‘oral, ces marqueurs ont autant un rôle rythmique, phatique, qu‘un véritable rôle d‘opérateur de comparaison. Il est d‘ailleurs difficile de faire la distinction entre le like opérateur de comparaison et le like marqueur discursif dans certains cas :

some drummers play like real rock hard you know what I mean real real earthy some drummers play real fluent you know and real like and real like you know more like water some drummers play like real windy you know what I mean where it 's like you know everything everything is flowing (127, E4)

Ne pas prendre en compte « water » dans une étude des métaphores à l‘oral paraît ici absurde dans le sens où like apparaît tous les cinq mots. L‘hypothèse est qu‘il n‘y a pas seulement deux like qui, de façon binaire, coderaient l‘un pour le marqueur discursif (en anglais américain mais aussi désormais en anglais britannique) l‘autre pour l‘opérateur de comparaison, mais tous les degrés possibles entre ces deux pôles. Il en va de même pour le français :

c'est un peu comme une machine à laver quoi je sais pas moi non mais euh comme un

balancement enfin je veux dire euh enfin de moteur qui met la machine en route (42 + 43,

F2)

Ne pas tenir compte de « machine à laver » dans une étude de dépistage des métaphores à l‘oral sous prétexte que l‘expression est introduite par « comme » et « un peu » semble incohérent si l‘on veut inclure « moteur qui met la machine en route » en tant qu‘EM. En effet, les deux sont le fruit de la même genèse, que ce soit au niveau de la réalisation d‘association sémantique ou au niveau de la mise en forme. D‘autant plus qu‘en écoutant attentivement la bande sonore, ce qui précède « moteur qui met la machine en route » semble être en réalité un « sorte de »avorté en de.

Il est aussi extrêmement difficile de faire une distinction entre les marqueurs qui seraient des opérateurs de comparaison et les autres :

et c' est une musique quand même assez hypnotique euh quelque part t' es en t' es en t'es pris

dedans (125, F4)

Les marqueurs quand même, assez, et quelque part, sont équivalents à comme dans le sens où ce sont des limitateurs d‘identification, et la comparaison elle-même est une métaphore limitée :

quelque part t' es en t' es en t'es pris dedans = t‘est comme pris dedans

On peut même voir une équivalence entre « like » et « quelque part » dans leur fonction de marqueur de l‘oral. La différence entre leur utilisation en tant que marqueur et leur utilisation en tant que lexème plein se fera au niveau de la prosodie :

on va se rejoindre quelque part dans une autre direction (313, F8)

Ici « quelque part » porte un accent de focus, alors qu‘il n‘est pas accentué lorsqu‘il est utilisé comme marqueur discursif.

3.6.3 Prosodie des métaphores et des comparaisons

Là encore, lorsque métaphore et comparaison concomitantes instaurent une violation sémantique équivalente, leurs contours prosodiques sont aussi équivalents, ce qui tend à prouver que l‘opération d‘encodage sous-jacente est du même ordre sinon identique :

and you can't force it it's you know mu sic is like a re la tion ship Time (s) 0 3.4 Time (s) 0 3.4 0 250

Figure 4-2 comparaison des contours prosodiques d‟une comparaison et d‟une métaphore adjacente

and you can't force it it 's you know music is like a relationship if it does n't work you ca n't force it you know (239, E10)

Ici les contours de « force » et de « reLAtionship », tous deux en position focale, présentent sensiblement la même proéminence. Il n‘y a pas de « downstep » entre « force » et « relationship » ce qui tendrait à aligner les deux emphases sur le même plan fonctionnel.

3.6.4 Conclusions sur la différence entre comparaison et métaphore

Il s‘avère heureusement que la majeure partie des énoncés retenus par les méthodes manuelles et automatiques sont des métaphores. En effet cette figure est une caractéristique de l‘oral dans les trois dialectes. Le flou s‘installe davantage en anglais américain où le marqueur like devient ambigu de part son omniprésence, étant devenu un tic de langue pour toute une génération. Sans s‘attarder sur ce phénomène, il apparaît que l‘outil prosodique mis en place permet de faire la distinction entre les comparaisons quant à leur vivacité de la même façon que pour les métaphores. Les métaphores organiques sont souvent mêlées à des comparaisons qui ne suppriment pas l‘effet de violation sémantique de la métaphore mais le renforcent. Cette distinction s‘estompe donc dans un contexte oral, pour céder la place à une distinction basée sur le degré de violation sémantique, et le caractère intenté de cette violation, à savoir la vivacité métaphorique.

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