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Les différentes écoles et notations – L’intonation du français

4.2.1.3 Présentation des fonctions de Praat

3/ Le degré de voisement : Il est corrélé à la proéminence et il a été démontré que des consonnes normalement non voisées peuvent le devenir lorsqu‘elles sont proéminentes

4.2.6 Les différentes écoles et notations – L’intonation du français

Le point de départ qu‘Olivier Piot (Piot 2002) choisit pour sa rétrospective des modèles prosodiques pour le français paraît intéressant car il pose d‘emblée l‘opposition entre accent lexical et accent « émotionnel » qui est un des principes fondateurs du modèle de Delattre.

L‘accent lexical, selon ce dernier (Delattre, 1938), est systématiquement appliqué à la dernière syllabe dont la voyelle a un timbre plein, alors que l‘accent émotionnel porte ou sur la première ou sur la deuxième syllabe (NIgaud, imBEcile).

Cette distinction entre lexical et émotionnel semble primordiale. Elle est la distinction entre ce qui est dicté par la concaténation de mots sans considération de la situation énonciative et communicative et ce qui est la manifestation de surface de prises de position par le locuteur : jugement quant à l‘allocutaire, émotions qui sont jointes à l‘énoncé, attitudes… C‘est la distinction entre ce qui est binaire dans l‘intonation et ce qui est analogique, qui fait que chaque énoncé oral est unique, qu‘il existe seulement dans le temps.

De surcroît c‘est aussi une passerelle entre la prosodie du français et celle de l‘anglais, puisque le mot anglais, hors énoncé, est déjà doté d‘un accent lexical alors que le mot français ne se voit attribuer un accent « lexical » (bien que le terme ne semble pas satisfaisant pour cette langue) qu‘à la condition d‘être inséré dans un énoncé oral. Si les deux langues sont très différentes pour ce qui est de l‘accent lexical, il en va tout autrement pour l‘accent émotionnel. Les similarités dans le domaine intonationnel sont même surprenantes. Un marqueur chargé d‘émotion comme « miam » est approximativement accentué comme son homologue anglais « yum(i) ». La morphologie change, le transport des émotions par la langue, et c‘est une thèse défendue actuellement (Piot, 2002), semble être un invariant linguistique. C‘est le point que le chapitre suivant tentera d‘illustrer par le résumé de certaines thèses récentes. Seulement le modèle qui est esquissé ici posera aussi comme principe que les accents émotionnels sont réalisés conjointement aux accents lexicaux, et le résultat qui est la somme des deux est donc différent dans les deux langues, bien que similaire.

Cette passerelle est centrale pour cette étude contrastive, puisque les métaphores sont à la fois accentuées lexicalement, et émotionnellement (ou attitudinalement). En effet, avant toute démonstration, on peut postuler que l‘accent porté par les métaphores vives à l‘oral, s‘il y en a un, n‘est pas simplement un accent lexical : il est signal de joie, questionnement, surprise, avertissement pour le locuteur, etc… Je tente donc de définir la stoechiométrie de cette combinaison dans ce qui suit.

Delattre établit aussi l‘interdépendance de l‘intensité de la fréquence fondamentale et de la durée. L‘intensité et la fréquence sont fonction de la durée. Il existe des équations qui établissent la durée minimale pour effectuer un saut de fréquence donné. Les paramètres de cette équation sont aussi fonction de l‘appareil phonatoire et peuvent donc varier avec le sexe, l‘âge. L‘auteur résume le paysage intonatif des énoncés français par dix contours de base ou intonèmes (Delattre (1966 :1) : question, continuation majeure, implication, continuation mineure, écho, parenthèse, finalité, interrogation, commandement. Ces catégories peuvent être contrastives (continuation mineures, continuation majeure) (Piot 2002 :392). L‘échantillonnage des contours-types ou intonèmes est détaillé de façon très schématique dans le tableau suivant et ne prennent en compte que la fréquence fondamentale :

5-11 Les dix contours de Delattre

Tous les contours des énoncés oraux produits dans la langue française sont censés, selon Delattre (1966), être vus comme une combinaison de ces dix contours.

Compléments apportés au schéma de Delattre

Les contours de Post (2000) sont organisés en IP internes, (rising), F (falling) ou R+F (rising falling) et IP finales qui peuvent prendre les formes: R to M (medium), R to H (high), F to L, F to L, F from H to L, F from H to M, R+F.

Cette distinction est importante pour les énoncés métaphoriques car il faudra dans l‘appréciation des contours, prendre en compte les intonèmes dus à la position de l‘IP (intonational phrase) et qui, c‘est l‘hypothèse de travail, sont réalisés en parallèle avec les

intonèmes dus à l‘expression en surface d‘une certaine attitude. En fait, comme il sera vu

dans l‘étude fine des différentes structures informationnelles, le fait même qu‘un terme soit tête de métaphore vive le rend peu éligible au rang de fin d‘IP conclusif (IPfinal). Preuve en est la continuation à droite des noyaux métaphoriques sous forme de reformulations de marqueurs de discours etc : « comment on pourrait dire qui est extériorisée qui est qui est jetée dehors quoi,( 139, F4) ».

qui est je- dehors quoi c'est

Time (s) 0 2 Time (s) 0 2 0 250

Figure 26 «comment on pourrait dire qui est extériorisée qui est qui est jetée dehors quoi,( 139, F4) »

La tête de métaphore est précédée d‘une pause, puis suivie de marqueurs de discours, ses contours ne sont donc même pas partiellement (pour ce qui concerne la prosodie dictée par la syntaxe) prévisibles par la syntaxe. Cet isolement syntaxique de la métaphore est illustré par les spectrogrammes des énoncés environnant les têtes de métaphore.

Le premier marqueur caractéristique des métaphores vives dans cet énoncé est la pause qui à elle seule rend la situation syntaxique de jeté dehors peu signifiante prosodiquement parlant. Ensuite, les hésitations [quoi, c’est] renforcent cette cassure de la prosodie syntaxique, et rendent par là même jeté dehors non conclusif. A première vue, l‘intonation de la tête de métaphore semble ressembler aux autres métaphores vives, revêt les caractéristiques définies dans le paragraphe suivant, et cela non pas parce que la proéminence métaphorique écrase, annihile la proéminence dictée par la syntaxe ; mais parce que la syntaxe semble chamboulée et que la proéminence de position de fin d‘IP semble tout simplement absente.

Vaissière et la théorie de la démarcation des unités prosodiques

Vaissière définit le rôle de la fréquence fondamentale F0 en français comme un démarcatif de trois différents niveaux :

La phrase, le groupe de sens et le mot. Si le groupe de sens est non-final il reçoit un contour montant, s‘il est final, un contour descendant. Les continuations mineures et majeures reçoivent donc des contours montants, sauf exception dans certaines fins de groupes, pour des contextes bien spécifiques de lecture ou de discours.

Cela semble corroborer les résultats phonologiques du corpus qui font apparaître des contours montants pour la majeure partie des noyaux métaphoriques en français. Ceux-ci sont en effet montants, ou montants-descendants pour les noyaux de métaphores en fin de phrase (Intonational Phrase), et sont réalisés à la fois à l‘aide d‘un contour montant dû à la métaphorisation, et en parallèle un contour descendant dû à la démarcation de la fin de groupe de sens final. C‘est ce parallélisme que nous allons tenter de démontrer dans le cadre des proéminences métaphoriques à la lueur des résultats du corpus :

sor ties Time (s) 0.27 1.27 Time (s) 0.270 1.27 300

‗t'as des entrées des sorties’

Ici, l‘adjonction en parallèle d‘une proéminence emphatique à celle du focus ne diffère pas dans sa réalisation prosodique d‘un schéma de questionnement, mais il ne s‘agit pas d‘un questionnement, et c‘est là tout l‘intérêt, car il n‘y a aucune confusion possible quant au sens de la prosodie de cette phrase rythmique. Cela est illustré par les deux prosographes ci-dessous qui sont une simulation par le même locuteur du même énoncé dit une première fois avec une prosodie correspondant à celle du locuteur original, et une deuxième avec une intonation normale de questionnement ( « t‘as des entrées ? des sorties ? ») :

1/ Prosodie imitant l‘original, et de questionnement :

sor ties Time (s) 2.09 3.09 Time (s) 2.090 3.09 300 sor ties Time (s) 4.88 5.88 Time (s) 4.88 5.88 0 300

Figure 28 Comparaison de simulations de prosodie correspondant au questionnement et à l‟innovation lexicale

La différence semble résider dans l‘allongement de la durée syllabique qui est une caractéristique reconnue des emphases. Pour les deux simulations, on retrouve la trace du contour descendant attendu en fin de groupe de sens final dans le dernier quart du contour. Pour les autres accents démarcatifs de groupes de sens non finaux du corpus, on retrouve les contours montants mais cette fois-ci, jusqu‘à la borne droite du segment syllabique :

Time (s)

2 3

0 250

phore du sil lon

Time (s)

2 3

Figure 5-14 Contour de noyau métaphorique en position de fin de groupe de sens non final

« sillon qui est le sens original de groove ça implique ça implique que c' est quelque chose dont tu peux pas sortir c' est le groove ça implique quelque chose de

J. Vaissière classe les motifs (patterns) prosodiques de P0 à P4 dans un ordre allant de « plat » vers montant puis descendant. Selon que la structure syntaxique est enchâssée avec un noyau à gauche ou à droite, on aura une suite de motifs [ Px, Py… Pi] avec x>y, ou x<y.

Proposition de J. Vaissière sur la spécificité du français par rapport à l’anglais

Dans le sillage du modèle établi par Pierrehumbert, de nombreux chercheurs se sont penchés sur l‘adaptabilité de ce modèle à d‘autres langues, notamment au français. J. Vaissière (2002) tente de définir les points communs entre le français et l‘anglais. Elle remarque que la partie To du système ToBI est une approche de transcription fonctionnelle (description des proéminences de Fo), alors que la partie BI se réfère à la perception de la cohésion entre mots successifs (break indices). Donc, l‘application de ToBI à une autre langue requiert la ré-évaluation des principes sous-jacents aux différents types de proéminence Fo.

En ce qui concerne le français, J. Vaissière (Ibid) souligne que c‘est une langue à accent fixe par opposition à l‘anglais et au russe, langues à accent libre. L‘accent en français n‘est donc pas discernable au niveau du mot mais de celui de l‘énoncé (utterance). Le problème demeure de trancher s‘il y a ou non un accent lexical en français. L‘idée d‘un accent lexical sur la dernière syllabe à voyelle voisée du mot est motivée par l‘existence d‘une syllabe accentuée en latin. Les choses se compliquent par le fait que si l‘accent est quantifiable par sa durée notamment, cette dernière correspond cognitivement à la démarcation des mots et non à l‘accent. Les accents sur la première, deuxième ou dernière syllabe ont différentes fonctions, et la présence d‘un type d‘accent n‘exclut pas celle d‘autres types d‘accents sur les autres syllabes. Le doute, l‘emphase, la focalisation et l‘accent de continuation peuvent ainsi coexister dans un mot.

Cette caractéristique du français est très importante, il faudra tenter de voir dans quelle mesure la proéminence due à la métaphorisation coexiste avec les autres proéminences, notamment celle due à la focalisation, si elle a lieu sur la même syllabe, comme en anglais, ou sur deux syllabes différentes.

Le français peut aussi être considéré comme une langue à intonation. Selon le style d‘énonciation, il présentera une majorité d‘attaques sur la première syllabe des mots lexicaux, ou bien sur la deuxième. Il y a en moyenne un accent H (selon le modèle de Pierrehumbert) part mot lexical, et un accent L par mot fonctionnel. Les mots grammaticaux, plus nombreux qu‘en anglais alternent avec les mots lexicaux pour donner une alternance LH. Le motif de base des phrases déclaratives est donc l‘opposé de celles des phrases déclaratives en anglais (H*L).

Accent de groupe plutôt qu’accent lexical.

L‘accent de groupe de sens détrône celui de mot. Le groupe de sens correspond à une unité sémantique beaucoup plus que syntaxique. Cela est primordial pour l‘étude prosodique des énoncés métaphoriques, car l‘accent n‘est pas forcément présent sur le mot qui est tête de métaphore mais sur le groupe de sens qui inclut ce mot. Il est intéressant, dans le contexte de cette étude, que J. Vaissière, à ce point de son exposé sur les intonations du français et de l‘anglais, note que ce qui gouverne l‘appartenance d‘un mot à groupe de sens est sa distance sémantique par rapport aux mots (lexicaux) de ce groupe. Or ce concept de distance sémantique est celui employé dans la recherche systématique de métaphores dans le corpus, notamment en recherchant, à proximité des termes sémantiquement proches de la thématique (la musique) des mots sémantiquement éloignés de cette même thématique. Si l‘accent dû à la métaphorisation se situe sur un autre mot que celui dû à la démarcation des groupes de

sens/rythmiques, on peut penser qu‘il se produira systématiquement sur la tête de métaphore ; s‘il se situe sur le même mot, il pourra se produire sur un autre mot (en fin de groupe rythmique), qui n‘est pas forcément la tête de métaphore.

ben c'est conçu en fait comme un il y a un commeun em pile ment dy na mique hein

Time (s) 0.9 4.7 Time (s) 0.9 4.7 0 250 Time (s) 0.9 4.7 0 250

Figure 29 Emphase métaphorique et groupe de sens

Ben c’est conçu en fait comme un empilement dynamique

Dans le groupe de sens/rythmique « comme un empilement dynamique », la seule proéminence a lieu sur les deux dernières syllabes à voyelle voisée de « dynamique ». Le mot est moins métaphorique que « empilement », mais l‘est tout de même. L‘accent porte donc, dans ce cas, sur un autre mot que la tête de métaphore.

Cela corrobore le fait que dans notre corpus, aucune préposition ne semble porter une proéminence particulière lorsque celle-ci est indéniablement métaphorique, alors que de nombreuses prépositions métaphoriques sont prosodiquement marquées dans le corpus français. Ce contraste entre les deux langues ne provient pas du fait que les prépositions peuvent être métaphoriques dans une langue et pas dans l‘autre, mais de cette différence fondamentale de l‘assise de l‘accentuation par rapport à l‘unité rythmique dans les deux langues.

Pour résumer cet apport de Vaissière (1980) le groupe prosodique correspond à un groupe de mots qui sont étroitement liés (nom+adjectif), et ceux-ci se combinent de façon à former un groupe qui comporte un seul motif acoustique homogène et cohérent. Le nombre de groupes prosodiques dans un énoncé donné dépend du locuteur et du style adopté (lecture, oral spontané).

Mertens (1987) apporte des précisions supplémentaires au système de notation de

Pierrehumbert appliqué au français. Il introduit (Ibid) l‘idée que le noyau de la syllabe correspond à la partie à haute énergie voisée, et souligne l‘importance des pauses. Il distingue des tons H+ (suraigu), H- (infra-bas), et des tons h, l, et l- pour les syllabes non accentuées ainsi que les changements de registre. Il distingue aussi dans l‘analyse des tons, deux étapes, l‘une ou chaque syllabe se voit attribuer son motif tonal, et une deuxième qui consiste à distinguer deux « mores » (des sous-unités syllabiques), notamment aux tons de frontière finale. Cette sous-unité peut être utile dans l‘étude fine des phénomènes intonatifs qui différencient un focus métaphorique d‘un simple focus.

4.2.7 Les différences entre l’intonation du français et de l’anglais

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