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4.1 Cadre théorique de l’analyse contrastive des structures récurrentes présentes dans les énoncés métaphoriques à l’oral récurrentes présentes dans les énoncés métaphoriques à l’oral

4.1.8 Communication orale et métaphore

Pour analyser les métaphores après les avoir identifiées comme il a été vu ci-dessus, il est tout d‘abord nécessaire de comprendre leur fonctionnement et de répondre à des questions fondamentales, certaines qui devraient être de mise quel que soit le corpus étudié, d‘autres qui sont dictées par la nature du corpus :

1/ Y a-t-il une quelconque corrélation entre la distribution des métaphores et le type de structure informationnelle ?

2/ Si certaines structures sont plus propices à la production de métaphores, de quelle nature est la corrélation ? S‘agit-il de métaphores plutôt vives, ou plutôt de métaphores catachrétiques.

3/ ces corrélations sont-elles similaires dans les deux langues ? S‘il y a des différences, à quoi peut-on les attribuer ?

Ces questions sont directement liées à la nature orale (spontanée) du corpus. Car étudier la distribution selon les différents types de structures informationnelles (plutôt que de regarder en premier lieu les différents types de syntagmes, ou de champs sémantiques), c‘est privilégier ce qui fait la spécificité même de l‘oral : la stratégie avec laquelle l‘information nouvelle va être amenée par le locuteur, stratégie qui ne peut se passer d‘une stratégie prosodique, les deux, comme cela va être illustré dans ce chapitre même, allant de pair.

24 « L'ambiguïté est une propriété intrinsèque, inaliénable, de tout message centré sur lui-même, bref c'est un corollaire obligé de la poésie [...] La suprématie de la fonction poétique sur la fonction référentielle n'oblitère pas la référence (la dénotation), mais la rend ambiguë. À un message à double sens correspondent un destinateur dédoublé, un destinataire dédoublé, et, de plus, une référence dédoublée – ce que soulignent nettement, chez de nombreux peuples, les préambules des contes de fée : ainsi par exemple, l'exorde habituel des contes

Etudier les stratégies informationnelles, c‘est considérer la façon dont l‘information nouvelle est amenée, et cela signifie à la fois l‘ordre des syntagmes et la position des accents de phrases car comme nous le verrons, les termes focus25 sont prosodiquement marqués.

La métaphore vive est un processus de clarification et de désambiguïsation, et est de l‘ordre du focus, informationnellement parlant. Les ambiguïtés de communication viennent du fait qu‘une forme de surface peut être traitée, décryptée de différentes façons par le destinataire, ou le destinateur. Toute métaphore est un effort (plus ou moins réussi) d‘éviter ces écueils d‘ambiguïté et de clarification. Selon les fonctions de la communication verbale établies supra, elle a une fonction locutoire, perlocutoire et illocutoire, et utilise toutes les dimensions de la communication verbale de façon plus ou moins importante

Conative, c‘est l‘essence même de la métaphore vive : affecter son interlocuteur (mais soi-même aussi) en changeant, en affinant sa conception du monde, puisque qu‘on réinvente par cet acte verbal un sens.

 elle est référentielle par définition, le référent étant co-textuel ou contextuel dans les métaphores in absentia.

 elle est expressive, puisque les métaphores vives sont prosodiquement. Les métaphores mortes sont de simples focus, et donc ont un accent tonique focal.

 elle peut être d‘ordre métalinguistique, puisqu‘à l‘oral, les métaphores sont souvent des reformulations, et s‘auto-clarifient.

 elle peut avoir une fonction poétique comme les termes non métaphoriques, même si ces traces sont rares dans le corpus :

yea man he plays like water that's the that's the way he plays like water man it just flows you know what mean it's strong like water and it‘s fluent like water you know what I mean man (129, E4)

Les termes fluent et flows font écho au niveau de la métrique, et leurs allitérations en fl ont un rapport phonomimétique avec la fluidité que le locuteur tente de définir, et font d‘abord indéniablement écho à water qui, en dialecte américain présente les [l] et le [w] de flow et

fluent ([‗w l r]). L‘insistance par la répétition et la recherche de synonymes peut d‘une

certaine manière aussi être considérée comme une mise en scène verbale de l‘idée de force exprimée dans strong like water.

Tout cela relativise la notion de métaphore. De même que certaines métaphores peuvent être vives dans une langue et mortes dans une autre, certaines peuvent être mortes pour un locuteur dans un certain contexte, et vives (ou ravivées) pour un autre locuteur dans un contexte différent. Afin de faire cette distinction, il convient d‘observer pour chaque occurrence métaphorique les fonctions phatiques, poétiques, qui sont implémentées par la prosodie qui joue un rôle important à ce niveau. En l‘absenced‘entretiens filmés, la prosodie et l‘intonation sont les seuls paramètres à prendre en considération dans notre analyse au-delà du simple enchaînement d‘unités lexicales considérées comme un énoncé écrit.

Exemples d‟intervention des différentes fonctions de la communication

11-c'est une plainte euh c'est une plainte euh une plainte qui est comment on

pourrait dire qui est extériorisée (138, F4,)

Hors contexte, Extérioriser des mots ou un chant est une catachrèse, puisque les mots, le chant n‘existent pas dans un intérieur hypothétique, ils ne préfigurent pas le processus du chant, mais se réalisent de façon concomitante à celui-ci. Si l‘on observe le contexte énonciatif à droite :

12-qui est jetée dehors quoi c' est c' est pas un murmure… (141,F4, 1624,152)

On s‘aperçoit qu‘il y a un effort du locuteur pour cerner la forme juste, on travaille sur l‘axe paradigmatique (jetée, extériorisée). Les fonctions phatiques (accent focal), et métalinguistiques (euh, comment pourrait-on dire) entrent ici en ligne de compte et différencient les deux termes. 

‗c’est une plainte euh une plainte’

‘qui est comment pourrait-on dire’

L‘accent prosodique semble confirmer que extériorisée est une catachrèse (pas d‘emphase) à la différence de jetée, où instinctivement, un effort plus profond de clarification se fait ressentir par un accent intonatif de type emphatique que l‘on tentera de définir. Ces métaphores sont toutes deux insérées dans une structure qui est potentiellement génératrice de métaphores ([c‘est + SN + ProRel. + rel]), car à partir d‘un substrat, on va apporter un élément nouveau dans la relative. Le commentaire métalinguistique en est une preuve indéniable : ‗comment pourrait-on dire‘

L‘interlocuteur doit traduire la forme de surface en une structure sémantique, en un contenu propositionnel en tenant compte de toute l‘information, verbale et autre, pour pouvoir ancrer l‘information dans sa conception. Dans l‘exemple ci-dessus, le concept qui va être défini comme quelque chose de nouveau, de l‘ordre du focus, est tout d‘abord introduit ‗c’est une

plainte‘ (présence de l‘article indéfini). Cette nouvelle information est ensuite,

graduellement, définie : ‗qui est extériorisée‘, ‗qui est jetée au dehors‘, ‗c’est pas un

murmure‘. Les accents prosodiques semblent confirmer que les trois relatives, bien qu‘ayant la même fonction syntaxique, sont sémantiquement différenciées.

Les trois relatives sont sémantiquement différenciées de part leur prosodie :

qui estex- té rio ri sée qui est qui est je téedehors quoi c'est

Time (s) 3.8 10.8 Time (s) 3.8 10.8 0 250 Time (s) 3.8 10.8 62.17 90.85

Figure 13 « Une plainte euh comment on pourrait dire qui est extériorisée qui est jetée dehors quoi c‟est » (141, F4)

On constate que ne figureaucun accent sur « extériorisée », alors qu‘on constate un accent prosodique très marqué sur « jetée » et « dehors », avec la présence d‘un pic de fréquence pour les syllabes je- et de- qui accusent de surcroît un retard de pic de fréquence26, en d‘autres termes le pic de fréquence se produit après le pic d‘intensité pour la syllabe donnée. On note aussi la présence d‘un accent tonique et intensif sur la première syllabe de « jetée », ce qui est un marqueur prosodique de l‘emphase en français, qui peut marquer l‘emphase sur la

première, deuxième, ou dernière syllabe.

Il faudrait considérer ici les distances sémantiques entre les termes « extériorisé », « jeté », et toutes leurs alternatives lexicales, telles que « exprimer », et cela dans le contexte de la musique. Ce sera l‘objet d‘un paragraphe où les résultats prosodiques seront contrastés avec les étiquetages LSA qui donnent une estimation de la distance sémantique avec la topique générale. Pour les termes qui sont en jeu ici, on obtient (toujours grâce au site de l‘université du Colorado) les résultats suivants pour la distance sémantique avec la topique musique, hors du contexte énonciatif de l‘interview :

Document musique jetée extériorisée exprimée manifester sortie montrée

musique 1 0.04 0.09 0.18 0.10 0.19 0.10

Tableau 22 Comparaison des coefficients LSA donnés par le site http://lsa.colorado.edu/ de l‘université de Colorado :

« Jetée » est le terme le plus distant sémantiquement de « musique », selon les calculs vectoriels du moteur LSA, qui se fondent sur une base de données assez importante (collection du Monde, roman, articles scientifiques…)

Ensuite vient « extériorisée » qui est aussi très éloigné, alors que « exprimée » et « sorties » sont beaucoup plus proches, donc potentiellement moins métaphoriques. L‘accent prosodique qui culmine sur « jetée » est donc en harmonie avec les résultats des calculs d‘analyse sémantique latente.

Les métaphores que le locuteur semble vouloir vives sont « plainte », « jetée » et « dehors », et cela sans connaissance de la distance sémantique, mais par une connaissance intégrée des associations qui, dans sa culture, sont plus ou moins attendues. Les coefficients LSA font office de simple confirmation ici, l‘hypothèse étant que la prosodie est un test de métaphoricité beaucoup plus fiable. Les chapitres suivants développent largement cette opposition.

Les pauses précédant la production de métaphores vives, les répétitions, tous ces indices sont à prendre en ligne de compte. A ce stade des remarques préliminaires, il devient indispensable de faire des choix terminologiques qui permettent de considérer tous ces paramètres, et de les considérer les uns par rapport aux autres car il apparaît déjà qu‘ordre syntagmatique, prosodie et métaphore soient intimement liés

4.1.9 Concept de thème/rhème. Halliday M.A.K

Le concept de thème en analyse littéraire est différent, non pas pour autant étranger, à celui du thème en grammaire. Le thème dans son acceptation non linguistique est: ‗le sujet, l‘idée ; la proposition qu‘on développe (dans un discours…)‘ (Le Petit Robert) Or en linguistique ce terme est à la fois plus technique et plus ambigu. Il s‘agit de l‘ensemble des termes, dans la

proposition, qui sont activés ou activables à des degrés différents, et par rapport auxquels on rajoute une information, que l‘on commente. Cette idée de thème multiple (divers degrés) et de rhème unique sera reprise dans le choix de la terminologie retenue pour la présente étude. Le passage du thème au rhème se situe entre la fin du thème topique et le début du rhème dans ce schéma.

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