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Second chapitre. Des maillages territoriaux français

2.2. Les territoires comme support d’application des politiques publiques de développement rural en France publiques de développement rural en France

2.2.2. Les outils législatifs nationaux de développement rural

2.2.2.4. Du territoire de projet au contrat de pays

La politique des contrats de pays amène dans les discours les premières évocations de la dimension territoriale du développement rural. Le pays, tel qu’il est défini dans le LOADT de 1995 est « un territoire qui présente une cohésion culturelle, économique ou sociale […]. Il se base par ailleurs sur un projet commun de développement défini par les collectivités territoriales […] en concertation avec les acteurs concernés »2. Cette reconnaissance des pays en tant que territoires présentant « une cohésion géographique, culturelle, économique ou sociale »3 est confirmée par la LOADDT de 1999, qui y associe les dimensions du développement durable.

Le pays est donc un territoire de projet, fondé sur une volonté locale et instaurant aussi une solidarité entre territoires ruraux et urbains. Le projet de pays vise à étendre les compétences et coopérations sur des territoires. Au travers de la politique de pays, une réalité territoriale semble donc exister. De prime abord, cette politique semble répondre aux exigences du développement territorial, mais le problème majeur se situe au niveau de la définition et de la légitimité de ce territoire. Sur quelle cohésion se base-t-on réellement sur le terrain ?

Par exemple, le territoire d’étude du pays de Langres s’est constitué progressivement, sur des bases géographiques, historiques et culturelles, à la suite de l’apparition des premières intercommunalités. La nécessité de la création d’un pays résulte de deux évolutions : d’une part, l’existence séculaire de Langres et du territoire qui se rapporte à cette ville, le sud du département de la Haute-Marne et d’autre part, la naissance, très récente, des structures intercommunales, puis d’une démarche de développement local menée dans le cadre du programme européen Leader, dont le terme était le 31 décembre 1999. Le pays de Langres recouvre à peu près le territoire de l’arrondissement, c’est-à-dire celui des trois Groupes d’Action Locale (GAL) du programme Leader II. Il se compose de dix cantons. Cet ensemble peut être considéré

1 DIACT, 2006, « Dossier de presse du comité interministériel d’aménagement et de compétitivité des

territoires ». Paris, Hôtel de Matignon, 6 mars 2006, p. 8. Site consulté le 28 janvier 2008

[http://www.diact.gouv.fr/IMG/File/CIACT060306.pdf].

2 LOADT n°95-115 du 4 février 1995, art. 22 et 23.

comme le noyau dur fondateur. La dynamique de pays devra poursuivre le rééquilibrage entre les différents éléments de ce territoire, autour du pôle de la ville de Langres.

Construit par vocation sur une base territoriale, le pays de Langres regroupe à présent le territoire de trois GAL LEADER 2 et s’aligne sur l’arrondissement de Langres. Ce dispositif a le mérite d’être cohérent avec le bassin de vie et avec les découpages administratifs préexistants ce qui lui donne à la fois force et légitimité. L’analyse conduite dans sa Charte est très large, considérant à la fois des problèmes de logement, de déplacement, de services de proximité, d’offre culturelle et de cadre de vie (de vrais problèmes de la vie quotidienne en zone rurale), avec la recherche du développement de l’activité économique, industrielle et artisanale et de l’emploi.

Il est faut préciser que, si l’activité agricole est considérée dans ce projet, elle ne fait pas l’objet d’une attention toute particulière. Les exploitants agricoles et les organisations professionnelles doivent définir et mettre en œuvre tous les moyens pour maintenir et diversifier les productions agricoles tout en respectant l’environnement. Le pays soutiendra les programmes d’actions collectives visant cet objectif et aidera les organisations compétentes à mobiliser les moyens nécessaires à leur réalisation. Par cette déclaration le pays souligne qu’il n’a pas vocation à entreprendre par lui même, mais à initier et à faciliter.

Le pays a pour objectif de ne pas se disperser sur une multiplicité de pistes, mais d’adopter une stratégie claire. Il affirme vouloir respecter le principe de subsidiarité : les communes gèrent, sur leur territoire, les équipements de base et les services de proximité et sont maîtres d’ouvrage des programmes qui les concernent dans ce cadre. Les structures intercommunales assurent la conception et la maîtrise d’ouvrage des actions menées sur leur territoire, selon les compétences dont elles se sont dotées, que ce soit ou non dans le cadre du pays. A leurs compétences s’ajoute l’action culturelle.

Enfin, le pays de Langres assure la programmation et la mise sur pied des actions qui concernent le pays dans les secteurs prioritaires qu’il s’est fixé et négocie leur financement. Le pays articule ses programmes avec ceux du département et de la région et intervient dans la préparation et la négociation des contrats de plan. Dans certains cas, le pays pourra être directement maître d’ouvrage. Il faut remarquer que la plupart de ces thèmes d’action - développement économique, insertion, services aux personnes, culture, identité communautaire et développement touristique - figuraient déjà dans le programme Leader II, qui a représenté un financement de soixante mille euros.

Pourtant, la mise en place des pays se poursuit et même s’ils ne sont à ce jour que des espaces de réflexion et de projet, ils deviennent progressivement des lieux de coordination voire de programmation. Cela se vérifie en Haute-Marne, où à côté des approches de la région et du département, qui sont déterminées par des arbitrages financiers, celles du RDR, orientées vers une nouvelle vision de l’agriculture et celle de la profession, très centrée sur les problèmes de revenu des agriculteurs, le pays de Langres recherche une approche globale et une méthode de mise en œuvre. On retrouve ici l’héritage de

la méthode LEADER. Pour autant la constitution des pays est vécue par certains élus comme trop rapide. Ainsi au Conseil général de la Haute-Marne, le président de la Commission agricole estime que « cela crée une incertitude, on viole la conscience de la ruralité », ce qui témoigne pour le moins d’une certaine réticence envers ce nouvel instrument territorial.

La reconnaissance des pays et des agglomérations et de la possibilité qui leur est offerte de contractualiser est une innovation majeure de la LOADDT du 25 juin 1999. Parallèlement, la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale a donné un nouvel essor à la solidarité territoriale en instaurant les communautés d’agglomération. La mise en place de ces territoires est un exercice redoutable par sa nouveauté, même si le terrain n’était pas vierge en la matière et si les procédures s’étaient déjà multipliées (plans d’aménagement rural, chartes intercommunales de développement et d’aménagement, conventions de développement).

Pour l’élaboration d’un pays, le risque le plus fréquent est celui de la délimitation d’un périmètre pertinent. Si définir un seuil a priori n’a pas de sens, on peut toutefois considérer que le périmètre des pays pourrait se rapprocher des bassins d’emploi ou des territoires vécus. Pour les agglomérations, la multiplicité des définitions de l’INSEE, de la LOADDT, loi du 12 juillet 1999 et projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, est une source de complexité. Une autre difficulté est la juxtaposition des contrats de pays, d’agglomérations, de villes, des contrats de plan Etat-Région. Ce phénomène d’enchevêtrement sur un même territoire comporte des risques de redondance ou de non recouvrement. Les territoires ne parviennent d’ailleurs pas toujours aisément à s’insérer dans le paysage existant. Quant aux différents acteurs concernés, ils devront évoluer. La territorialisation va bousculer les pesanteurs administratives, car les politiques de l’Etat restent trop souvent verticales et cloisonnées, alors qu’elles devraient être transversales. Les régions devront s’habituer à insérer leur politique territoriale dans le contrat de plan. La tentation reste grande pour certains départements de contrôler la montée en puissance du pays.

Les propos d’acteurs, rencontrés dans le territoire d’étude du Mené, sont édifiants. Les acteurs institutionnels impliqués dans la mise en place du pays ont voulu que cette structure s’intègre dans le cadre existant sans perturber les projets en place et sans freiner le développement d’autres structures. Ainsi, selon la directrice et le président de l’Association Centre Bretagne Développement : « le pays a comme structure juridique le Syndicat Mixte du pays du Centre Bretagne. Dans le pays il y a un conseil de développement car tous les partenaires impliqués dans la démarche étaient d’accord pour structurer les pays grâce à la création d’une structure de droit public, sans casser la montée en puissance des communautés de communes. Puis aussi pour maintenir à l’échelle du pays une instance permettant l’expression de l’ensemble des composantes du territoire (élus, socioprofessionnels, représentant d’illustrations...). […] Dans le pays Centre Bretagne, l’emploi est essentiellement de l’industrie agroalimentaire. Le secteur rural est autour d’une mono industrie agroalimentaire ce qui est une force, car nous avons peu de chômage. […] On parle de pourvoir des emplois diversifiés sur tout le territoire,

car toute l’économie du territoire est basée sur l’agriculture et il faut la diversifier. L’ensemble du territoire et en excédent. La difficulté est que nos réseaux routiers, ferroviaires sont restreints et que l’aménagement du centre breton est peu équipé. ».

Il est intéressant de noter l’emploi des mots « territoire » et « pays », utilisés consécutivement comme synonymes lors de la présentation du développement agricole et rural de la zone d’étude du Mené, par cette institution. Ces acteurs considèrent en effet le pays comme étant la délimitation de leur territoire. La définition des territoires varie donc d’un acteur à un autre en fonction de l’étendue de son domaine d’action. En conséquence, cette manière aléatoire de délimiter les territoires rend difficile la gestion de projets collectifs dans le cadre de l’application d’un programme à échelle nationale.

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