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Premier chapitre. Le territoire et le rural :

1.3. Les territoires ruraux : le lien entre les deux concepts

1.3.1. Le vocable du développement des territoires ruraux

1.3.1.2. Le développement rural

Dans « Les mots de la géographie », BRUNET (1998) définit le développement comme une

« amélioration des situations locales et régionales qui assure une certaine harmonie entre une croissance quantitative et une amélioration qualitative dans le domaine social et culturel en particulier »1. Dans cette partie dédiée au vocable du développement des territoires ruraux, l’expression « développement rurale » est la seule écrite au singulier. En effet, cette expression est couramment employée sous cette forme, malgré le fait qu’il y a différentes formes et façon d’œuvrer au développement des territoires. Le développement rural prend une place importante dans le débat politique. Aucune politique intégrée n’existe encore en la matière à l’échelon européen. L’espace rural demeure jusqu’à présent le terrain d’action de la Politique Agricole Communautaire d’une part et des politiques structurelles d’autre part. En 1992, l’article 158, du Traité de Maastricht, rappelle les objectifs de cohésion économique et sociale sur l’ensemble du territoire de l’UE en faisant explicitement référence aux zones rurales « afin de promouvoir un développement harmonieux de l’ensemble de la Communauté, celle-ci développe et poursuit son action tendant au renforcement de sa cohésion économique et sociale. En particulier, la Communauté vise à réduire l’écart entre les niveaux de développement des diverses régions et le retard des régions ou îles les moins favorisées, y compris les zones rurales ». Ces objectifs sont repris ensuite en 1997, dans l’article 130A, du Traité d’Amsterdam.

Dans le cadre de l’Agenda 2000, élaboré en 1997, la Commission Européenne a élevé au rang de priorité la mise en place d’une politique de développement rural durable. Elle part du constat qu’à l’heure actuelle

« la politique rurale dans l’Union apparaît encore comme une juxtaposition d’une politique agricole de marchés, de la politique structurelle et de la politique environnementale, dotées d’instruments assez complexes et dénuées de toute cohérence générale »2, malgré quelques initiatives comme le programme LEADER. Dès lors, l’Union Européenne préconise que « durant la décennie à venir, les zones rurales devront remplir des fonctions d’ordre écologique et récréatif de plus en plus importantes et les exigences liées à ces fonctions pourraient nécessiter de nouvelles adaptations de l’agriculture, principal exploitant de la terre. En même temps, l’importance croissante des activités d’ordre écologique et récréatif offrira de nouvelles possibilités de développement pour les exploitants agricoles et leurs familles. […] De l’avis de la Commission, cette évolution devrait être encouragée et soutenue par une réorganisation des

1 BRUNET R., FERRAS R, THERY H., 1993, Les mots de la géographie, dictionnaire critique. Montpellier-Paris,

Ed. Reclus - La Documentation Française, nouvelle édition, p 157.

2 ROGER C., 2000, « Agenda 2000 : un tournant pour les politiques européennes des structures agricoles et du

développement rural ? », dans Mieux comprendre l’actualité, notes de synthèse, INRA, avril 2000, p. 4

instruments financiers [c’est-à-dire le FEOGA et les Fonds structurels] actuellement disponibles en matière de politique rurale ».

Le code rural, quant à lui aborde le développement et l’aménagement de l’espace rural, comme suit : (Art. L. 111-1.) « L’aménagement et le développement économique de l’espace rural constituent une priorité essentielle de l’aménagement du territoire. (art. L. 111-2.) Pour parvenir à la réalisation des objectifs définis en ce domaine par le présent titre, la politique d’aménagement rural devra notamment :

favoriser le développement de toutes les potentialités du milieu rural ;

améliorer l’équilibre démographique entre les zones urbaines et rurales ;

maintenir et développer la production agricole tout en organisant sa coexistence avec les activités non agricoles ;

assurer la répartition équilibrée des diverses activités concourant au développement du milieu rural ;

prendre en compte les besoins en matière d’emploi ;

encourager l’exercice de la pluriactivité dans les régions où elle est essentielle au maintien de l’activité économique ;

permettre le maintien et l’adaptation de services collectifs dans les zones à faible densité de peuplement. »1.

Ces quelques définitions attestent de la volonté de moderniser les activités agricoles, de les rendre durables et compétitives, en vue d’œuvrer à la qualité, au dynamisme, à l’attractivité et à la multifonctionnalité des territoires ruraux.

Le Conseil Européen de Berlin réuni les 24 et 25 mars 1999, a décidé de compléter la dimension de la Politique Agricole Commune portant sur le soutien des marchés et des prix agricoles, ce qui correspond au premier pilier, par un second, consacré au développement rural. La programmation est centrée sur : l’amélioration de la compétitivité des activités agricoles et de leur multifonctionnalité ; la promotion de la protection de l’environnement en agriculture ainsi que des mesures forestières contribuant au développement durable ; la participation au développement des territoires ruraux. Ce second volet ou « pilier » de la PAC est une approche globale et coordonnée des territoires ruraux dans leurs composantes, sociale (tels que la démographie, les services), économique (les activités, les bassins d’emploi, les ressources) et la composante environnementale. Le développement rural a pour objet de mieux tirer parti des complémentarités entre ville et campagne et de valoriser les ressources spécifiques des territoires ruraux.

1 JORF n°289 du 12 décembre 1992, p. 16954, Loi n°92-1283, du 11 décembre 1992 relative à la partie Législative

du livre Ier du code rural, NOR: AGRX9100211L. Annexe, livre Ier, l’aménagement et l’équipement de l’espace rural, titre Ier, le développement et l’aménagement de l’espace rural, chapitre Ier, dispositions générales.

D’une part, le Règlement de Développement Rural (RDR) définit la politique communautaire de développement rural composée de mesures de restructuration du secteur agricole, et de financements portant sur l’environnement et la gestion de l’espace rural, l’économie rurale et le développement local. Ces différentes mesures peuvent être classées en deux grands groupes :

les mesures d’accompagnement de la réforme de la PAC de 1992 : préretraite, mesures

agroenvironnementales et boisement, ainsi que le régime concernant les zones défavorisées ;

les mesures de modernisation et de diversification des exploitations agricoles : investissement dans les exploitations agricoles, installation de jeunes agriculteurs, formation, soutien aux investissements dans les installations de transformation et de commercialisation, aide complémentaire à la sylviculture, promotion et reconversion de l’agriculture.

D’autre part, l’Union Européenne a édicté des directives sur la sécurité des denrées alimentaires, « Paquet hygiène »1, qui concerne toute la filière agricole et agroalimentaire, « de la fourche à la fourchette »2. Il existe également toute une série de normes internationales sur la traçabilité des denrées alimentaires (comme la norme ISO 22000). Le RDR est décliné par les Etats membres en Plans de Développement Rural, le plus souvent au niveau des régions, comme en Italie ou en Espagne, exceptionnellement au niveau national, tel que c’est le cas en France avec le Plan de Développement Rural National (PDRN). Une forte concordance existe entre ces définitions du développement rural, notamment la volonté affichée de développer des agricultures multifonctionnelle, durable, compétitive et intégrée aux territoires ruraux. Cette tendance marque un tournant majeur dans les politiques européennes, nationales, ainsi que dans leurs applications locales. Cependant, deux questions se posent. Tout d’abord, ces enjeux de développement territorial, du lien entre les activités agricoles et de la société, même s’ils ont une place centrale dans les discours agricoles, ne sont-ils pas éloignés des pratiques et des représentations des exploitants agricoles ? Ensuite, on peut s’interroger sur la place réelle du développement rural au sein de la politique agricole. Si la multifonctionnalité et le développement rural justifient 90% des discours des acteurs agricoles et ruraux, seulement 10% du budget leur est attribué. Quel est donc l’impact de ces politiques publiques sur les territoires ruraux ?

1 En Droit européen, le paquet hygiène est un ensemble de cinq règlements communautaires, fixant des exigences

relatives à l’hygiène des denrées alimentaires et des denrées animales : le règlement 178/2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, appelée « Food law » ; le règlement 852/2004 relative à l’hygiène des denrées alimentaires ; le règlement 853/2004 relatif aux denrées d’origine animale ; le règlement 882/2004 relatif aux contrôles officiels ; le règlement 183/2005 établissant des exigences en matière d’hygiène des aliments pour animaux.

2 Règlement CE 178/2002, Traçabilité complète « de la fourche à la fourchette »,

Encadré 1 : Du développement à la compétitivité des territoires

De récents changements dans la dénomination d’institutions étatiques sont significatifs de l’évolution des conceptions en France. En effet, en termes d’aménagement des territoires, nous sommes passés d’une phase de développement à celle de compétitivité.

Ainsi, à l’échelle nationale, la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale (DATAR) est-elle devenue la Délégation à l’Aménagement et à la Compétitivité des Territoires (DIACT). Les Comités Interministériels d’Aménagement et du Développement du Territoire (CIADT) ont été remplacés par les Comités Interministériels d’Aménagement et de Compétitivité des Territoires (CIACT). Le CIADT du 14 septembre 2004 décidait un programme de sélection de « pôles de compétitivité » au plan national. A l’échelle européenne, les anciens Objectifs structurels de convergence 2 et 3 ont été remplacés par un « Objectif Compétitivité Régionale et Emploi ».

Autant que d’aménager, il s’agit de renforcer les capacités des territoires, afin de faire face à une compétition qui a lieu à des échelles élargies, européennes et mondiales. A ce jeu, certaines localisations sont beaucoup plus avantagées que d’autres avec des arbitrages délicats à la clef. Ainsi, de ce constat, faut-il renforcer les territoires qui bénéficient déjà d’avantages comparatifs dans la compétition internationale ou plutôt aider ceux qui sont déjà handicapés ?

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