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Les données disponibles sur la santé au travail des personnels du milieu scolaire

Synthèse de la deuxième partie

du 13 juillet 2000 Partie législative ordonnant

IV. La santé des professionnels du milieu scolaire français

1. Les données disponibles sur la santé au travail des personnels du milieu scolaire

Historiquement, un certain nombre de courants issus de la psychologie, de la psychopathologie du travail (Billiard, 1998), de la psychodynamique (Dejours, 1993) ou de la psychanalyse ont apporté leur éclairage sur la question de la santé professionnelle en milieu scolaire. La sociologie du travail s’est également intéressée à ces problématiques de santé au travail.

Il semble difficile d’adopter une vision idéaliste d’une activité professionnelle faisant abstraction de certaines dimensions, parmi les plus intimes, d’un individu

au travail. Parler de santé à un jeune public dans le cadre de son activité professionnelle nécessite la prise en compte de l’éducateur lui-même et de sa capacité à mobiliser des ressources professionnelles, personnelles et interpersonnelles. Comprendre comment un professionnel peut s’impliquer dans un dispositif de prévention ne permet pas de faire l’économie de son développement subjectif au travail et de la tension inhérente à l’exercice de son métier.

L’approche par la pathologie ne répond pourtant pas d’emblée à la définition de la santé que nous avons pu donner par ailleurs. Cependant, nous ne nous bornerons pas à « ne voir dans la maladie que son sens », « c’est supprimer le contresens qui la constitue » (Ey, 1950). Nous retiendrons que la maladie peut engendrer une contrariété à un « pouvoir d’agir » (Clot, 2001), à une « puissante indétermination, une activité d’endurance » face aux différentes situations professionnelles. Ainsi, la souffrance au travail ne peut se réduire à la description de la douleur physique ou mentale mais peut se définir « par la diminution, voire la destruction, de la capacité d’agir, du pouvoir-faire, ressenties comme atteinte à l’intégrité de soi » (Ricoeur, 1990). Ce « pouvoir-d’agir que la maladie entame » (Dejours, 1995) nous interroge sur les évolutions récentes de la santé au travail chez les personnels de l’Education nationale. L’étude de la souffrance psychique engendrée par l’organisation du travail révèle la « défense inconsciemment mise en œuvre pour l’occulter » (Dejours, 1993). L’instabilité de l’équilibre souffrance / défense contre la souffrance devient normalité. Ces « stratégies collectives de défense » sont des « formes de coopération pour lutter contre la souffrance dans le travail, plus précisément contre la peur générée par les risques de l’activité » (Molinier, 2004). Demander à un professionnel du milieu scolaire d’inscrire son activité professionnelle dans une démarche de prévention qu’il identifie mal, c’est générer cette prise de risque.

La gradation du lexique utilisé pour décrire la santé des professionnels du milieu scolaire demeure un révélateur intéressant puisque l’on constate une montée en puissance dans les termes employés. Le point de départ (reconnu

institutionnellement), est marqué par l’expression « être en difficulté » puis « être en souffrance » jusqu’à montrer des signes « d’épuisement professionnel » ou de « burnout ». Ce terme anglo-saxon de « burnout » renforce l’idée de destruction progressive. Il trouve son origine dans l’aérospatiale en décrivant la situation d’une fusée dont l’épuisement de carburant a pour résultante la surchauffe et le risque de bris de la machine.

Maslach et Jackson (1981) ont défini trois critères (en 22 items) rassemblés dans un outil d’évaluation MBI (Maslach Burnout Inventory). Les trois éléments centraux du « burnout syndrome » sont : l’épuisement émotionnel (9 items), la dépersonnalisation (« blindage émotionnel avec absence d’émotionné ») (5 items) et la diminution de l’accomplissement émotionnel accompagné d’une baisse du sentiment d’efficacité, de compétence au travail (8 items). Ce syndrome est donc pris dans une approche multifactorielle et pluridimensionnelle. Les signes cliniques sont des symptômes somatiques, psychiques et comportementaux variés, mais qui n’ont rien de véritablement spécifiques. Le critère de la déshumanisation de la relation à l’autre confère toute sa particularité au burnout. Il le positionne comme l’un des aspects de la pathologie de la relation d’aide pour des professions qui impliquent un idéal et sont difficiles à exercer. Ces éléments interpellent sur la densité de l’objet « santé au travail » du professionnel qui peut aller, sur le plan personnel, très loin.

Nous abordons la question de la santé du professionnel du milieu scolaire à la fois comme celle d’un salarié dans une structure de travail devant faire face à des impératifs et des contraintes, mais aussi comme celle d’un salarié évoluant dans un milieu ayant la spécificité de se construire autour de pratiques éducatives. La fondation santé de la MGEN (Mutuelle Générale de l’Education Nationale) a encouragé des recherches récentes sur la difficulté au travail, la souffrance au travail et la médicamentation de ses mutualistes, composés à 60% d’enseignants. En 1999-2000, cette fondation MGEN a réalisé une enquête par questionnaire postal (10.000 personnes / 66,5% de réponses) auprès de ses adhérents âgés de 20 à 60 ans et vivant en France métropolitaine (Kovess-Masféty et al., 2006). Cette

enquête traite de la santé physique et mentale de ses membres, de leurs attitudes de prévention et de leur recours aux soins. La vie professionnelle a été aussi étudiée grâce aux informations recueillies sur les diplômes, la profession, la situation au moment de l’enquête, les motivations, les satisfactions et les inconvénients rencontrés dans l’exercice de la profession, sans mesure du burnout. L’objectif était de comparer la prévalence des troubles de santé mentale (détresse psychologique) entre les enseignants et les non-enseignants et d’examiner les facteurs de risque selon la profession exercée.

Les travaux de Kovess-Masféty, Seidel et Sévilla montrent qu’il existe une différence entre les enseignants et les non-enseignants pour ce qui concerne les inconvénients redoutés par la profession (document 8).

Document 8 : Principales difficultés professionnelles identifiées par les personnels non enseignants et enseignants (Kovess-Masféty, Seidel et Sévilla, 2006)

Légende : « Fatigue et tension » sont les principaux arguments avancés par les enseignants. La « non reconnaissance » rassemble l’ensemble des personnels avec un niveau de fréquence élevé.

En 2004, une enquête FSP – INRP a cherché à mesurer les facteurs de risque professionnel en milieu scolaire (dont l’épuisement professionnel) comme indicateurs d’un état de souffrance au travail. Elle s’est appuyée sur 530 questionnaires diffusés auprès d’enseignants travaillant dans 8 établissements scolaires (collèges et lycées) avec un taux de réponses moyen de 35% soit 164 enseignants. Ce travail a précédé une étude épidémiologique de cohorte

(commencée en 2005) au niveau national en ce qui concerne la santé physique et mentale et la consommation de soins de la population mutualiste85. Le burnout était mesuré. La méthodologie employée se limitait à un recueil de données quantitatives par questionnaires. Cette étude longitudinale étudiait la relation entre la santé et le parcours de vie professionnelle et post-professionnelle.

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