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Les politiques des grandes puissances

L ’ ALLIANCE TURCO AMERICAINE HORS CADRE OTANIEN

1.1.2. Diplomatie préventive et coopération américano-balkanique

Les États-Unis ont noué d‟étroites relations avec l‟Albanie et la Macédoine. L‟Albanie pourrait bien – tout comme la Turquie mais sur une tout autre échelle – bénéficier d‟une certaine rente stratégique. Sa position sur le flanc ouest de la péninsule balkanique offre une voie de pénétration aisée au cœur des Balkans et, d‟autre part, bloque l‟expansion de la Serbie vers l‟Adriatique. L‟Albanie domine également le canal d‟Otrante entre Brindisi et Vlorë qui contrôle l‟entrée de l‟Adriatique415

. Vlorë et la petite île de Sazan (Saseno) constituent par ailleurs d‟excellents ports naturels416

. Les pays de l‟OTAN ont ainsi utilisé les eaux territoriales albanaises pour appliquer l‟embargo contre la Serbie ainsi que les installations portuaires et les aérodromes

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Les relations entre les membres du SDA (Parti d‟action démocratique d‟Izetbegovi Ĥ) et l‟Iran étaient déjà bonnes avant le déclenchement des hostilités en Bosnie-Herzégovine. Les personnalités pro-iraniennes n‟étaient donc pas rares en Bosnie-Herzégovine.

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H. CengiĤ aurait notamment servi d‟intermédiaire dans les livraisons clandestines d‟armes iraniennes à la Bosnie. Ses liens avec l‟Iran étaient notoires. International Herald Tribune, 26/10/96.

415

D. Rosseti di Valdalbero et M. Thérasse, “Aspects géopolitiques de la «question albanaise»”, Il Politico (Pavie), LX(4), 1996, p. 701.

416

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l‟URSS avait fait de Sazan une base navale, multipliant ainsi les capacités d‟expansion soviétique vers l‟Adriatique. Voir D. Rosseti di Valdalbero et M. Thérasse, op. cit., p. 704-705.

196 albanais pour les opérations « Safe Haven » et « Deny Flight »417. Les Américains ont entrepris de construire, « au profit de l‟armée albanaise », une station de radar à Dobrinje418 et prévoient de construire un centre d‟entraînement à Biza pour les besoins du Partenariat pour la Paix419

. Enfin, l‟Albanie peut être utilisée pour évacuer les troupes stationnées en Bosnie-Herzégovine et en Macédoine.

Dès octobre 1993, Washington a signé un accord bilatéral avec l‟Albanie portant sur la modernisation technique de l‟armée et la formation de troupes albanaises par l‟armée américaine. Les livraisons de matériels militaires ont commencé en juillet 1996420. Des manœuvres bilatérales Albanie-États-Unis sont organisées tous les ans (novembre 1994, juillet 1995, décembre 1995, etc.) en marge des manœuvres multilatérales (Partenariat pour la Paix)421. Le changement de gouvernement en Albanie après les émeutes du début de l‟année 1997 n‟a pas affecté cette coopération. Les nouvelles autorités albanaises ont immédiatement demandé à l‟OTAN son assistance pour la réorganisation de l‟armée et un accord a été signé en ce sens à l‟automne 1997. Un programme de partenariat individuel, spécialement conçu pour l‟Albanie, a été signé en 1998 et une cellule OTAN, la première du genre, a été inaugurée à Tirana en juin 1998422.

Washington a par ailleurs déployé une diplomatie préventive dans deux zones à risques, la Macédoine et le Kosovo. Il s‟agissait d‟éviter une extension du conflit bosniaque à ces zones voisines et instables, la Macédoine et le Kosovo présentant toutes deux les caractéristiques de la traditionnelle théorie des dominos (embrasement total de la péninsule balkanique par implications successives des peuples voisins et/ou collatéraux).

Les États-Unis ont pris de nombreuses positions publiques et initiatives censées prévenir la matérialisation sur le terrain militaire d‟une hostilité croissante entre Albanais et Serbes au Kosovo. Ces initiatives furent cependant plutôt confuses et contradictoires quand elles ne furent pas contre-productives. Le Congrès américain et le département d‟État ont tout d‟abord exprimé leur soutien aux droits des Kosovars à la restauration de leur autonomie (ou à la mise en place d‟un statut spécial dans le cadre de la fédération yougoslave). Ainsi, alors la plupart des pays de l‟U.E.

417

Adem Çopani, “Les nouvelles dimensions du dispositif de sécurité albanais”, Revue de l‟OTAN, mars 1996, p. 25.

418

OMRI Daily Digest, 8/1/96. L‟armée américaine avait déjà installé un centre de renseignements sur l‟île croate de BraĦ. Misha Glenny, “Heading Off War in the Southern Balkans”, Foreign Affairs, 74(3), mai/juin 1995, pp. 101-102.

419

Albanian Times, Vol. 2, n°14, 1996.

420

MILS, 3/7/96 ; Albanian Times, Vol. 2, n°14, 1996.

421

Voir par exemple, les grandes manœuvres « Saving Eagle » en juillet 1995 où ont participé les forces amphibies de la sixième flotte américaine et 1700 hommes du 24ème corps expéditionnaire de la marine. Adem Çopani, op. cit., p. 28.

422

Sur ce bureau OTAN, voir “Une cellule OTAN/Partenariat pour la paix en Albanie”, Revue de l‟OTAN, Vol. 46, n°3, automne 1998, p. 8 ; George Katsirdakis, “L‟Albanie : une étude de cas de la mise en œuvre pratique du Partenariat pour la paix”, Revue de l‟OTAN, Vol. 46, n°2, été 1998, pp. 22-26.

197 ont reconnu la RFY en 1996, les États-Unis n‟ont pas suivi ce mouvement pour motif que les droits des Kosovars n‟étaient pas respectés. Washington s‟était déjà opposé en juillet 1995 à la levée des sanctions contre la Serbie tant que Belgrade maintenait son « contrôle excessif » sur le Kosovo423. George Bush et Bill Clinton avaient par ailleurs affirmé publiquement qu‟en cas de conflit armé au Kosovo, ils interviendraient pour protéger les Albanais (« Christmas Warnings »). En revanche, les États-Unis ont toujours clairement exprimé leur opposition à l‟indépendance du Kosovo (principe de non remise en cause des frontières). Ils n‟ont donc pas soutenu l‟idée d‟une élection au Kosovo pour établir un parlement distinct et ont incité les Kosovars à participer aux élections et à la vie politique de la RFY. Le renvoi des observateurs de la CSCE en juillet 1993 par Belgrade n‟avait d‟ailleurs provoqué que quelques mises en garde de pure forme. Enfin, la politique pacifique d‟Ibrahim Rugova était ouvertement soutenue.

Mais alors pourquoi le shadow cabinet de la République du Kosovo a-t-il été autorisé à ouvrir un bureau à Washington et que signifie la nomination d‟un « diplomate temporaire » à Priština en mai 1996 ? N‟était-ce pas là admettre la légitimité des demandes d‟indépendance des Kosovars ? D‟autre part, Ibrahim Rugova prône certes une politique pacifique mais n‟en demande pas moins l‟indépendance. Enfin, les « Christmas warnings », destinées à prévenir une intervention serbe, ne l‟ont aucunement empêchée mais n‟en ont pas moins incité les Kosovars à prendre les armes, l‟assurance leur étant donnée que les Américains viendraient à leur rescousse. Il en va de même pour le de même pour le règlement du conflit bosniaque. Au lendemain des accords de Dayton, l‟impression dominante au Kosovo était l‟attention de la communauté internationale ne pouvait être obtenue que par le déclenchement d‟un conflit.

L‟éclatement des hostilités armées au Kosovo en mars 1998 a mis l‟OTAN dans une situation très délicate. Contrairement au cas bosniaque, le Kosovo est partie intégrante de la RFY, donnée que personne ne remet en cause et qui érige la révolte armée des Kosovars en mouvement sécessionniste. Toutefois, comme pour le conflit en Bosnie-Herzégovine, les États-Unis ont fait cavalier seul. En juin 1998, après avoir dénoncé avec virulence « les terroristes albanais », ils prennent contact avec lesdits terroristes – l‟armée de libération du Kosovo (UÇK) – et se prononcent publiquement pour leur participation aux pourparlers. Là encore, cette diplomatie de la girouette, qui consiste à entériner un rapport de force sur le terrain, ne peut qu‟inciter les Kosovars à poursuivre leur lutte armée. Enfin, d‟ancien « homme de paix » (accords de Dayton), Slobodan MiloševiĤ est de nouveau devenu le dictateur à abattre. Les Américains s‟efforceraient – nous dit- on – de soutenir le Président monténégrin Milo DjukanoviĤ, perçu comme pro-occidental et plus

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