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7. DISCUSSION GÉNÉRALE

7.1 Développement de l’AAO en L2 au cours du PEE d’un semestre

7.1.2 Développement significatif observé pour le DP, la LME et le PTP

Les résultats observés pour le DP, la LME et le PTP démontrent que le degré d’AAO en anglais L2 des participants a stagné, voir diminué du début (T1) à la fin (T3) du PEE d’un semestre (v. tableau 17). En effet, la performance moyenne des trois participants à l’étude s’est développée négativement du T1 au T3 pour ces mesures qui sont reconnues comme étant des indicateurs puissants du degré d’AAO en L2 d’un locuteur donné (de Jong et al., 2009 ; Freed, 1995 ; Lennon, 1990). Ces résultats contredisent un bon nombre de chercheurs qui ont signalé l’impact important des PEE sur l’amélioration de l’AAO en L2 (p. ex. Freed et al., 2004; Lennon, 1990; Mora & Valls-Ferrer, 2012). Ils contredisent également les études qui font ressortir que la durée d’un PEE de courte durée (8 semaines ou moins) est suffisante pour témoigner d’une amélioration positive et significative de l’AAO en L2 chez les participants (Allen & Herron, 2003; Mora & Valls-Ferrer, 2012 ; Perez-Vidal & Juan-Garau, 2011). Mais surtout, ils contredisent les études qui ont fait ressortir que la durée d’un PEE d’une durée spécifique d’un semestre est importante pour témoigner d’une amélioration positive et significative de l’AAO en L2 chez les participants, un semestre étant ici défini à la manière des semestres universitaires travaillés, soit une durée de 4 mois ou plus (Hernandez, 2010; Magnan & Back, 2007).

D’abord, concernant les études sur les PEE d’une courte durée, il est intéressant de noter que nos résultats semblent contredire ceux de Allen et Herron (2003), Mora et Valls-Ferrer (2012) et Perez-Vidal et Juan-Garau (2011). Ces trois études sont basées sur des évaluations subjectives de l’AAO en L2 effectuées par des juges entrainées (soit de l’AAO tel quelle était perçue) concernant Allen et Heron, et sur des mesures objectives, temporelles et quantitatives concernant Mora et Valls-Ferrer et Perez- Vidal et Juan-Garau. En effet les résultats de ces trois études indiquent que les

participants ont amélioré leur AAO en L2 à travers des PEE de courtes durées. A la lumière de notre étude, nous ne pouvons cependant pas confirmer que la durée d’un PEE de courte durée de 8 semaines ou moins semble être suffisante pour observer un impact significatif sur le développement de l’AAO en L2.

Quel facteur pourrait bien expliquer la différence flagrante de résultats existant entre les analyses des données thématiques auxquelles nous avons procédé précédemment, et celle des mesures de l’AAO mises en place sur les segments oraux des apprenants provenant des mêmes entrevues ? Pour comprendre cela, il est important d’étudier la manière dont les études ayant une méthodologie similaire à la nôtre ont procédé.

En premier lieu, les études qui ont observé le développement de l’AAO en L2 au cours de PEE de courte durée en utilisant des mesures temporelles et quantifiables extraites des énoncées produits par les participants. Mora et Valls-Ferrer (2012) et Perez-Vidal et Juan-Garau (2011) présentent une méthodologie similaire à celle de la présente étude. De leur côté, Mora et Valls-Ferrer ont observé le développement de l’AAO en anglais L2 chez 30 apprenants d’origine espagnol participant à un PEE de trois mois en Angleterre en le comparant au développement de l’AAO en espagnol L2 chez 10 locuteurs natifs de l’anglais dans un PEE similaire dans une université espagnol. Les auteurs ont utilisé 7 mesures d’AAO quantifiables, dont le DP, la LME et a PTP, mesures s’apparentant à celles utilisées dans notre étude, ainsi que 4 autres mesures, le débit d’articulation, le pourcentage passé en pause, les fréquences des pauses, le pourcentage d’aisance interrompue, qui ont été extraites de l’enregistrement d’entrevues guidées effectuées au T1, T2 et T3 du PEE. Les résultats de Mora et Valls-Ferrer indiquent que les participants étudiés (n=30) ont tous démontré une tendance positive progressive entre les trois entrevues vers l’augmentation du DP (passant de 155.72 syllabes par minute au T1, à 157.28 au T2 et à 176.12 au T3), l’augmentation de la LME (passant de 6.17 syllabes au T1, à 5.93 au T2, à 7.50 au T3) et de l’augmentation du PTP (passant de 75.21% au T1, à 73.41% au T2, à 77.38% au T3).

Ces résultats suggèrent donc que les PEE semblent amener les participants à augmenter leur développement d’AAO moyen. Cependant, un détail intéressant en lien avec notre étude est présenté par les résultats des locuteurs natifs de l’étude. Les auteurs soulignent que les locuteurs natifs présentaient un DP moyen égal à 242.04, une LME de 12.49, et un PTP de 86.02. Si nous tentons de comparer ces résultats avec ceux des participants à notre étude (tableau 17) nous pouvons constater qu’au T1 le DP moyen de nos participants était de 213,59 et il est passé à 201.22. Bien qu’inférieurs aux résultats produits par les locuteurs natifs de l’étude de Mora et Valls-Ferrer, ces résultats sont bien plus importants que ceux du DP de leurs apprenants en L2, leur moyenne étant de 176.12 à la fin de leur PEE. Ce DP fort malgré le manque de développement entre le T1 et le T3 de notre étude, nous amène à prendre en compte un des facteurs les plus importants étant ressorti de notre analyse thématique : l’importance des expériences des apprenants avant l’étude.

Contrairement aux étudiants de l’étude de Mora et Valls-Ferrer, qui ont participé au PEE et ont été étudiés par les chercheurs de manière simultanée, les participants de notre étude ont, en revanche, vécu dans le contexte du PEE bien avant qu’ils prennent part à notre étude. Cela ne signifie donc pas que le semestre qu’ils ont passé à l’étranger et pendant lequel ils ont été étudié n’a pas été bénéfique pour leur développement de l’AAO, mais qu’un développement majeur a déjà eu lieu entre leur arrivé première dans le contexte du PEE et leur participation à l’étude, soit un semestre avant l’étude pour Gabriel et Raphael, un an et demi pour Hagiel. Il est également important de compter l’année passée en milieu anglophone par Hagiel et Gabriel et les voyages de courtes durées en pays anglophones entrepris par les trois participants avant de prendre part à l’étude. Ces éléments précisent le caractère différent des participants de notre étude comparé à ceux d’autres études dont les participants vivaient en PEE pour la première fois. Notre étude ne contredit donc pas les études dont les résultats défendent l’idée de l’impact positif de la participation d’apprenants de l’anglais en L2 au cours d’un PEE d’un semestre sur le développement de leur AAO, mais elle souligne que nos participants avaient déjà atteint un niveau avancé de développement en AAO avant même de prendre part à

notre étude, de par leurs expériences à long terme en milieu anglophone. Nos participants n’ont donc pas du tout le profil des participants prenant généralement part aux études sur le développement de la L2 en PEE.

En ce qui concerne l’autre étude ayant recours à un PEE de courte durée, celle de Perez-Vidal et Juan-Garau (2011), les chercheurs ont observé le développement de la compétence orale en anglais L2 chez 20 apprenants d’origine espagnol participant à un PEE de trois mois en pays anglophones en le comparant au développement de l’AAO en espagnol L2 chez 19 locuteurs natifs de l’anglais dans un PEE similaire en Espagne. Les auteurs ont étudiés des mesures d’aisance, de complexité et de précision. Concernant le domaine de l’aisance, les auteurs ont mesuré le nombre total de mots par minutes au travers les enregistrements d’un jeu de rôles oral dyadique au T1, T2 et T3 du PEE. Les résultats de Perez-Vidal et Juan-Garau (2011) sont que la moyenne de mots par minutes a grandement évoluée, passant de 124.89 mots par minutes au T1, à 130.48 au T2, et à 149.37 au T3. Ces résultats suggèrent donc que les PEE semblent amener les participants à augmenter le nombre de mots par minute qu’ils peuvent exprimer oralement, soit un développement positif d’AAO moyen. Ces résultats sont très similaires à ceux de l’étude précédente et sont également contredits par ceux de notre étude.

De façon plus importante, nos résultats semblent également contredire les études qui ont observé le développement de l’AAO en L2 au cours de PEE de durée d’un semestre en utilisant des mesures temporelles et quantifiables extraites des énoncés produits par les participants (Hernandez, 2010 ; Magnan & Back, 2007). De son côté, Hernandez (2010) a observé le développement de la compétence orale en espagnol L2 chez 20 apprenants d’origine américaine participant à un PEE d’un semestre à Madrid en Espagne. Utilisant une entrevue simulée de compétence orale ou Simulated Oral Proficiency Interview (SOPI), l’auteur a calculé la performance des 20 étudiants, les scores allant de novice faible = 1 à supérieur = 10, le SOPI ayant été administré au début (T1) et à la fin (T2) du PEE. Au T1, deux étudiants ont eu un score de faible intermédiaire = 4, 15 étudiants ont eu un score d’intermédiaire moyen = 5 et 3 ont eu

un score de intermédiaire élevé = 6. Au T2, six étudiants ont eu un score d’intermédiaire moyen, six étudiants ont eu un score d’intermédiaire élevé = 6 et huit étudiants ont reçu un score avancé faible = 7. Au travers des comparaisons entre les données de T1 et T2, Hernandez a montré que cinq des participants ont évolué de deux points, 11 ont évolué de un point et quatre n’ont pas évolué. Les résultats de Hernandez ont indiqué que la majorité des participants étudiés ont démontré une tendance positive progressive dans le développement de leur compétence orale. Ces résultats sont contredits par ceux de notre étude. Encore une fois, il est important ici de souligner l’expérience antérieure importante des participants de notre étude en immersion ou PEE, comparée aux participants de l’étude de Hernandez, qui vivaient leur première expérience de PEE, alors que nos participants avaient déjà vécu des expériences similaires avant de prendre part à notre étude. Ces différences peuvent expliquer les résultats différents entre les deux études, nos participants ayant vécu un développement important de leur AAO avant même leur participation à notre étude.

En ce qui concerne l’autre étude ayant recours à un PEE d’une durée d’un semestre, celle de Magnan et Back (2007), les chercheurs ont observé le développement de la compétence orale en français L2 chez 24 apprenants d’origine américaine, mais seulement 20 ont participé à un PEE d’un semestre ou deux en France, à Paris et Montpellier. Utilisant une entrevue simulée de compétence orale ou Simulated Oral Proficiency Interview (SOPI), l’auteur a calculé la performance des 24 étudiants, les scores suivant une échelle similaire à celle de l’étude d’Hernandez, allant de novice faible = 1 à supérieur = 10, le SOPI ayant été administré au début (T1) et à la fin (T2) du PEE. Une comparaison des SOPI pré (T1) et post (T2) PEE ont révélé que tous les étudiants ont, soit préservé le même niveau de compétence orale, soit développé leur niveau de compétence orale. Douze des 20 étudiants ont développé leur compétence orale ; parmi ces douze, six ont évolué d’un niveau et six de deux niveaux. Huit étudiants ont conservé le même niveau de compétence orale entre T1 et T2. Les résultats de l’étude de Magnan et Back (2007) ont indiqué que la majorité des participants étudiés ont démontré une tendance positive progressive dans le

développement de leur compétence orale. Ces résultats sont contredits par ceux de notre étude.

Une fois regroupés, les résultats des études sur le développement de l’AAO en L2 pendant des PEE de courte durée (Allen & Herron, 2003; Mora & Valls-Ferrer, 2012; Perez-Vidal & Juan-Garau, 2011) et celles sur le développement de la compétence orale (et donc de l’AAO) en L2 pendant des PEE d’un semestre ( Hernandez, 2010; Magnan & Back, 2007), démontrent que la durée de ces PEE est suffisante pour observer une amélioration significative de l’AAO chez les participants. Les résultats des données quantitatifs de notre étude, soit les mesures de l’AAO, semblent contredire les résultats des études précédentes, résultats suggérant que les PEE d’une courte durée semblent amener les participants au développement positif de leur AAO. Cependant, les résultats qualitatifs, soit les données thématiques de notre étude, nous ont permis de formuler une explication concernant cette disparité liée à nos résultats quantitatifs. Ceux-ci nous ont permis de constater que les résultats de notre étude ne contredisent pas les résultats des autres études mentionnées seulement de manière quantitative, notre analyse qualitative des données thématiques récoltées et notre comparaison de résultats avec les autres études soulignant que nos participants avaient déjà atteint un niveau avancé de développement en AAO avant même de prendre part à notre étude, de par leurs expériences à long terme en milieu anglophone. Nos participants n’ont donc pas du tout le profil des participants prenant généralement part aux études sur le développement de la L2 en PEE. Ces résultats montrent l’importance de pouvoir compléter des données quantitatives, seulement basées sur des faits, avec des données qualitatives, ouverte à l’opinion et au jugement subjectif du chercheur, les unes pouvant amener d’avantage d’informations sur les résultats des autres.

Le manque de participants à notre étude nous a obligés à étudier le développement de l’AAO des apprenants de façon très restreinte. Ce manque de participants a été dû au fait que chaque participant a participé au PEE, indépendamment de l’étude elle- même, à l’opposé de la plupart des études présentées qui ont suivi le développement

et ont recruté leurs participants avant même qu’ils décident de participer au PEE. Cela leur a permis un plus grand choix de participants et un contrôle sur le commencement de l’étude pour pouvoir débuter l’évaluation du développement des participants, dès leur premier contact avec le contexte de PEE au début du semestre, jusqu’à la fin du PEE, à la fin du semestre. Les nécessités d’adaptation du projet aux questions éthiques pouvant se poser au cours du PEE nous ont également retardé d’une durée d’un semestre dans notre mise en place du travail de terrain et du recrutement, comparé à la date préalablement planifiée.

Nous recommandons donc une préparation précise et une planification des délais consacrés aux prises de décisions éthiques pouvant survenir avant de pouvoir mettre au point une étude. Nous recommandons de plus, la mise en place d’une association ou un partenariat avec une université française offrant aux étudiants l’opportunité d’étudier en PEE d’un semestre au Canada, afin de s’assurer un nombre minimal de participants français et mettre au point des statistiques inférentielles pour pouvoir généraliser les résultats des études faites. De plus, le fait de pouvoir avoir un groupe témoin de locuteurs natifs de l’anglais, permettrait de faire des comparaisons utiles entre le développement des apprenants français en anglais L2, entrevue après entrevue, et le niveau de langue à l’oral d’étudiants anglophones pour souligner de façon claire le développement des apprenants français en L2 face au standard de langue natif comme dans l’étude de Mora et Valls-Ferrer (2012). Enfin et surtout, nous recommandons l’utilisation d’un échantillon de participants vivant leur première expérience en PEE de manière à analyser leur développement d’AAO plus facilement au cours du programme à l’étranger.