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7. DISCUSSION GÉNÉRALE

7.1 Développement de l’AAO en L2 au cours du PEE d’un semestre

7.1.1 Développement de l’AAO selon le vécu des apprenants au PEE

Les résultats de l’analyse thématique des entrevues semi-structurées menées avec les trois participants de notre étude semblent avoir fait ressortir des résultats similaires à ceux présentés par les études revues lors de notre revue des écrits (section 4). En effet, les thèmes ressortant de ces entrevues étaient communs à tous les apprenants, créant une continuité au fil des entrevues. D’abord, le facteur récurrent parmi toutes les entrevues a été l’importance des expériences antérieures des apprenants en lien avec la L2 dans le développement de leur AAO. Commençant par l’enseignement formel en L2 qu’ils ont tous les trois suivi en France, ils faisaient tous partie d’écoles privées leur apportant un contact privilégié avec la L2, Gabriel et Hagiel ayant tous les deux suivi une formation en anglais L2 en collège et lycée internationaux, et Raphael ayant été dans un lycée proposant des séjours de découverte linguistique en pays anglophones. Par la suite, les trois apprenants ont tous les trois vécu plusieurs expériences de voyages en pays anglophone avant de participer au PEE à l’étude. Gabriel et Hagiel ont tous les deux eu l’opportunité de développer leur AAO au cours de programmes d’échanges en pays anglophones, respectivement Australie et États- Unis, pour une période d’un an. Raphael, quant à lui, a pris part à plusieurs voyages en pays anglophones, allant en Irlande, en Ecosse et en Angleterre.

Il semblait également que les familles des trois participants leur ont permis de se familiariser avec le contexte d’études et la culture canadienne avant même qu’ils y participent. Le grand frère de Gabriel avait lui-même étudié aux États-Unis pendant une année, les frères de Hagiel partaient tous les ans au Canada pour un tournoi de

hockey, et le frère de Raphael avait étudié au Canada et s’y était installé de façon définitive depuis 2005. De plus, il est important de noter que les trois participants avaient déjà vécu pendant un lapse de temps assez long dans le contexte du PEE avant de prendre part à l’étude, un semestre pour Gabriel et Raphael, et un an et demi pour Hagiel. L’opportunité d’avoir pu expérimenter la langue anglaise au travers de ces voyages est d’ailleurs ressortie à maintes reprises au cours des entrevues comme une qualité qui leur a permis de développer d’avantage leur AAO. Ce facteur ressenti par les apprenants semble confirmer les résultats de plusieurs études, comme celle de Magnan et Back (2007) et Perez-Vidal et Juan-Garau, (2011) ; ayant trouvé qu’une corrélation existait entre le savoir des apprenants avant leur participation à un PEE d’un semestre et leur développement oral pendant le PEE.

Un deuxième facteur récurrent entre toutes les entrevues a été le besoin d’obtenir des opportunités d’interaction avec les membres de la communauté de L2 ciblée pendant le PEE. Les trois participants ont montré leur envie de parler et d’interagir de façon authentique en anglais L2 pendant la durée du PEE. Ils ont tout d’abord voulu créer ces opportunités eux même en abordant les membres de la communauté ciblée, les étudiants anglais, internationaux, mais également, dans le cas de Gabriel, dès le début, les membres du personnel de l’université. Un effet intéressant de ce besoin a été une tendance de la part des apprenants à noter le manque d’opportunités d’interactions existantes dans leur environnement, dans des classes trop nombreuses par exemple, et à le juger comme un point négatif du PEE, confirmant l’importance d’une interaction de qualité pour eux. Puis, au fil du temps, ils ont également appris à laisser les opportunités d’interaction se produire de manière organique en permettant aux autres élèves de venir leur parler et créer des opportunités non planifiées et authentiques. Ce facteur confirme les résultats de nombreuses études ayant exprimé une corrélation entre le nombre d’opportunités d’interactions dans la L2 ciblée et un développement de l’AAO en PEE (v. Hernandez, 2010 ; Magnan & Back, 2007 ; Martinsen et al., 2011 ; Mora & Valls-Ferrer, 2012 ; Savicki, 2011 ; Wang, 2010).

Ce facteur allait de pair avec un autre facteur, celui de l’investissement personnel des participants pendant le PEE. Chacun à sa manière, chaque participant a tenté de s’investir le plus possible afin d’obtenir le plus d’opportunités d’interaction possibles avec les membres de la communauté de la L2. Gabriel s’est inscrit dans plusieurs groupes extrascolaires, dont un basé sur le leadeurship, menés par des locuteurs natifs de l’anglais, afin d’obtenir de nouvelles opportunités de rencontrer de nouvelles personnes et de pouvoir communiquer dans un contexte authentique. Raphael a rencontré une autre étudiante de son programme basé sur la politique dont la langue maternelle était l’espagnol et s’est donc forcé à parler anglais chaque semaine pendant une journée entière avec elle, et chaque fois sur un nouveau sujet, décidant de sortir en sa compagnie et de faire de nouvelles activités sociales à chaque occasion. Hagiel a fait partie de plusieurs clubs extra-scolaires, dont un club de pom- pom girls, un club d’aide aux personnes atteintes d’handicaps mentaux et un club de tutorat.

Chaque participant a cherché à s’investir au maximum dans leur création d’opportunités de contact avec des locuteurs de la langue anglaise de façon sociale, mais également en lien avec sa majeure académique, business pour Gabriel, politique pour Raphael, et psychologie pour Hagiel. Cet investissement s’est également vu dans leur contact avec les éléments spécifiques de la culture anglophone, tels que leur volonté d’écouté de la musique majoritairement anglaise et de vouloir voir des films en anglais, même à faute de temps disponible, ainsi que les éléments spécifiques de la culture canadienne et québécoise. Les apprenants ont tous tenté de vivre la culture québécoise de façons personnelles et typiques. Par exemple, Gabriel s’est mis à jouer du hockey, Hagiel a commencé à faire du patin à glace et Raphael a été à une cabane à sucre et a fait de la moto à neige. Leur investissement a donc non seulement été langagier, mais également culturel, ayant un impact considérable sur leur identité et leurs opportunités de communication dans la langue ciblée. Ce facteur confirmait donc les résultats de plusieurs études ayant exprimé l’impact positive du degré d’investissement des apprenants dans leur développement d’opportunités de contact

avec la L2 en PEE (v. Allen & Dupuy, 2012 ; Cubillos & Ilvento, 2012 ; Du, 2012 ; Magnan & Back, 2007 ; Wilkinson, 1998).

Un quatrième facteur, qui a, lui aussi, montré un changement d’identité de la part des apprenants, a été celui des croyances des apprenants au sujet de la culture et de la communauté de la L2. Au cours du PEE chaque apprenant est venu à subir un changement d’état d’esprit au sujet de la culture et de la communauté de la L2 entre les idées préconçues qu’ils avaient avant le PEE, et leur vécu sur le terrain pendant le PEE. Par exemple, Gabriel pensait au début du PEE que le concept d’indépendance politique du Québec au travers de la promotion de sa langue française, comparé à la langue anglaise parlée majoritairement au Canada, était fondé. Mais après avoir vécu dans un milieu anglophone pendant un semestre, il a exprimé aimer une culture comportant deux langues, car une culture bilingue était bien plus riche culturellement et socialement parlant. Raphael, quant à lui, pensait que le Canada et la France étaient très similaires. Cependant, après le PEE, il s’est rendu compte que de partager une même langue ne signifiait pas partager une même culture. Hagiel, à son tour, pensait que la température au Canada est rude toute l’année. Pourtant, après le PEE, elle s’est rendu compte que la température était fluctuante et pouvait devenir très élevé au Canada. Ces changements de croyances ont permis aux apprenants une plus grande ouverture d’esprit. Ces réponses appuient les résultats des études de Du (2012) et Mora et Valls-Ferrer (2012) expliquant qu’une évolution des croyances des apprenants vis-à-vis de la communauté de la L2 avait une conséquence positive sur l’envie des apprenants de s’approprier cette culture et donc de développer leur AAO.

Un cinquième facteur récurrent a été les attentes/croyances du participant vis- à-vis de son propre niveau en L2 en PEE. Chaque participant, avant de participer au PEE se sentait comme faisant partie d’une communauté spécifique d’apprenants, ou communauté imaginée, décrite par des caractéristiques spécifiques propre aux apprenants, ce qui leur a permis de forger leur identité, de mettre au point leur buts dans leur apprentissage de la L2 et de choisir leurs orientations motivationnelles afin d’atteindre ce but. Ces attentes et croyances ont grandement influencé l’expérience

des participants au cours du PEE. Par exemple, Gabriel, au début du PEE, préférait parler en anglais de sujets sur lesquels il avait déjà des bases pour ne pas se tromper. Raphael, lui, préférait parler en anglais avec des étudiants non natifs pour être sûr de ne pas être jugé trop sévèrement par les locuteurs natifs de l’anglais s’il se trompait. Hagiel, cependant, surement dû au fait qu’elle avait déjà vécu un an et demi dans le contexte du PEE, se sentait à l’aise à parler anglais avec tout le monde et sur tous les sujets.

Pourtant, bien qu’ils aient tous eu une vision différente de leur niveau de compétence orale au début et avaient une idée claire de ce qui constituait leur communauté, ils ont tous subi un changement d’opinion concernant l’identité de leur communauté imaginée d’apprenants durant le PEE, se forgeant leurs propres identités au cours de cette procédure. Se rendant compte du niveau de travail et d’investissement dont ils faisaient preuve, ils ont remarqué des différences entre eux et les autres apprenants français participants au PEE à l’Université Bishop’s. Gabriel s’est rendu compte que les autres étudiants ne s’investissaient pas autant que lui et n’allaient parfois même pas en classe. Raphael a découvert une différence entre les accents et les expressions des autres apprenants, lui ayant appris un anglais plus soutenu, les autres ayant un anglais plus familier. Hagiel s’est rendue compte que certains de ses amis avaient une longueur d’avance sur elle car ils étaient déjà bilingues avant de participer au PEE, mais que ses voyages à l’étranger lui ont donné un avantage pour se rattraper.

Ils ont donc tous montré vouloir être meilleurs que leur communauté d’origine et désirer atteindre un niveau standard d’anglais. Tous ces changements de croyances concernant leur propre niveau de L2 et celui de leur communauté leurs a permis de se forger leur propre identité en tant qu’apprenant en L2. Ces indications semblent confirmer les résultats d’études faites antérieurement, défendant l’importance que les apprenants en L2 désirent d’eux-mêmes s’approprier la culture de la langue ciblée et devenir meilleurs pour permettre un développement important de l’AAO en L2 pendant un PEE, rappelant l’importance de l’identité et de sa relation avec la culture

afin de développer la langue (v. Allen & Dupuy, 2012; Allen & Herron, 2003; Gardner, 2010).

Un sixième facteur récurrent a été l’ensemble des motivations amenant la participation des apprenants au PEE. Les motivations amenant les apprenants à participer au PEE sont variées et changent d’un apprenant à l’autre. Gabriel, avait pour motivations principales d’être plus confortable à l’oral en anglais L2 et de pouvoir parler aussi aisément qu’un locuteur natif de l’anglais. Raphael avait pour motivations principales de pouvoir apprendre l’anglais de pouvoir le parler couramment pour pouvoir travailler dans une organisation internationale et pouvoir éventuellement vivre en pays anglophone pour permettre à ses futurs enfants de pouvoir apprendre l’anglais dès la naissance. Hagiel, quant à elle, avait comme motivations principales de pouvoir parler de sa discipline en anglais L2 et apprendre plus de vocabulaire concernant son domaine d’expertise. Les buts de chaque participant étaient donc différents.

Cependant, ces buts/motivations à participer au PEE, sans pour autant avoir changé de façon fondamentale, ont tout de même évolué au cours du PEE et se sont précisées. C’était le cas de Gabriel, dont le but a évolué puisqu’il désirait à la fin du PEE travailler sur son aisance de manière à pouvoir être plus performant lors de ses discours publics. C’était le cas également de Raphael, dont le but a évolué puisqu’il désirait à la fin du PEE étudier l’anglais afin de comprendre les nouveaux mots rencontrés lors de ses interactions avec la langue. Les buts de Hagiel, cependant, sont restés les mêmes. Toutes ces motivations ont été influencées par le vécu de chaque apprenant et sa personnalité unique, soit sa majeure académique, ses envies, ainsi que des facteurs affectifs, cognitifs et sociaux. Ces indications ont donc montré un aspect dynamique des motivations des apprenants lors du PEE, peu importe leurs orientations.

Ces réponses confirment les résultats de plusieurs études exprimant que les motivations lors des PEE sont influencées par de multiples facteurs culturels, sociaux et cognitifs propres aux personnalités des apprenants et évoluent à travers le temps (v. Hernandez, 2010 ; Hsieh, 2009 ; Martinsen et al., 2011 ; Yu, 2010). De plus, Hagiel, lorsque questionnée à propos des raisons pour lesquelles elle avait choisi de participer à un PEE prenant place au Québec, avait répondu que les facilités de paiement telles que le fait que le Québec offrait aux français de payer leurs études au tarif des élèves québécois, au lieu du tarifs d’étudiants étrangers, ont été une grande motivation secondaire. Hagiel a donc ici souligné une motivation qui n’avait jusqu'à lors pas été prise en compte, sauf dans l’étude de Martinsen et al. (2011) : la motivation budgétaire.

Certains facteurs moins évidents permettant aux participants de développer leur AAO, ont également été pris en compte au cours de nos entrevues avec les trois participants. L’un d’eux a été l’importance de l’enseignement formel pour les participants pendant le PEE. Tous les participants ont expliqué que, bien qu’ils profitent positivement des interactions avec la L2 qu’ils faisaient en dehors de la classe, ils avaient également grandement profité de l’influence de leurs professeurs et des classes qu’ils prenaient pour améliorer leur PEE. Les trois étudiants ont compté les heures de bureau de leurs professeurs comme un moment important durant lequel ils pouvaient parler un à un avec leurs professeurs sur le contenu des cours et recevoir toutes les réponses aux questions qu’ils se posaient en classe et auxquelles ils n’avaient pas pu avoir de réponse. Les travaux de groupes et discussions en classes, ainsi que les présentations obligatoires en anglais ont également été décrites comme étant fondamentales au développement de leur AAO. Ces informations confirment les résultats de l’étude de Perez-Vidal et Juan-Garau (2011) exprimant que les formats d’apprentissage formel et authentiques sont plus que compatibles pendant un PEE pour développer l’AAO des apprenants.

Tous ces facteurs, caractéristiques affectives, cognitives et linguistiques adaptables à chaque apprenant et décrites au travers du récit des expériences vécues par les

apprenants en PEE, montrent que les caractéristiques uniques à chaque apprenant ont joué un rôle dans leur développement personnel pendant un PEE, ce qui confirme les résultats des études menées par Allen et Herron (2003), Dufon et Churchill (2006), et Savicki (2011).

De plus, il est important de noter que tous les participants ont présenté leurs propres sujets de majeure académique, comme le sujet le plus motivant leur permettant de parler en L2 pendant le PEE, à savoir entreprenariat pour Gabriel, politique pour Raphael et psychologie pour Hagiel. Ces informations confirment donc les propos de Alabrune (2008) expliquant que les étudiants universitaires français venant étudier en universités anglophones au Québec font le plus souvent partis de programmes autres que ceux spécialisés en langue, mais étudient en université anglophone à la recherche d’un certain prestige, ou impact sur le monde. Ceci peut être souligné dans les propos de Hagiel, expliquant que les programmes de psychologie anglophones sont plus ouverts et complets que ceux offerts en France, ou les propos de Gabriel, expliquant que la politique la plus importante dans le monde est la politique des pays anglophones.

Tous les participants ont, de plus, exprimé avoir atteint une progression dans l’achèvement de leurs buts concernant leur perceptions personnelles de leur développement de l’AAO, même si ce n’est que partiellement dans certains cas, au cours d’un PEE d’un semestre. Gabriel a atteint un plus grand confort dans l’usage de L2 en publique. Raphael a également atteint une plus grande confiance en son niveau d’anglais en L2 à l’oral. Enfin, Hagiel a appris d’avantage de vocabulaire concernant sa propre discipline en anglais, lui permettant de parler plus aisément à l’oral en matière de psychologie. Toutes ces informations confirment donc les résultats de plusieurs études exprimant l’impact bénéfique de la participation d’apprenants à un PEE d’une durée d’un semestre envers leur perception de leur développement de l’AAO en L2 (Hernandez, 2010 ; Magnan et Back, 2007).

Cependant, malgré ces résultats encourageants, il semble qu’ils contredisent les résultats des mesures de l’AAO tirées des segments oraux étudiés.