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Première partie : Contexte de la recherche et problématique

Partie 2 : Volet théorique : Les modèles du développement professionnel continu (DPC) et de

2. Cadre conceptuel en France

2.2. Le Développement Professionnel Continu à travers les discours institutionnels

La déclinaison des politiques publiques se traduit dans les discours institutionnels. Dans le cadre de la recherche sur une définition et les finalités du concept de développement professionnel continu, l’analyse de la communication autour du Développement Professionnel Continu depuis la publication de la loi Hôpital Patient Santé Territoire (HPST) a paru déterminante.

En effet, le délai de plus de deux ans entre la publication de la loi et celle des décrets a été marqué par un changement du ministre de la santé et des tensions avec les représentants des professionnels de santé sur l’organisation et la gestion du dispositif.

La loi HPST crée le Développement Professionnel Continu (DPC), et renvoie à des décrets pour définir le cadre de la gouvernance, le financement et les modalités de fonctionnement. Ils ont été rédigés sous R. Bachelot qui devait les publier au moment de son départ en novembre 2010. Xavier Bertrand, à son arrivée au ministère de la santé, a gelé la parution des décrets acceptant d’en revoir la gouvernance en accordant davantage de place aux professionnels, les syndicats redoutant une étatisation complète du dispositif.

A l’origine, l’Organisme Gestionnaire du Développement Professionnel Continu (OGDPC) organisme gestionnaire de fonds du DPC devait être composé de trois instances : un conseil de gestion, un comité paritaire du DPC et un conseil de surveillance. Or seul l’État et

l’Assurance maladie étaient représentés au conseil de gestion qui serait amener à prendre les décisions administratives, délibérer sur le budget de l’OGDPC, gérer les sommes affectées au DPC, enregistrer et publier la liste des organismes de DPC. Les professionnels considèrent alors que le conseil de gestion a la main sur le dispositif, et dénoncent la « marginalisation » des professionnels, au profit d’un monopole de pilotage exclusif par l’état et les caisses105

. Enfin, restait à régler le problème épineux des conflits d’intérêt et des sources de financement. Frappé par l’affaire du Médiator, la question se posait de la garantie d’une indépendance du dispositif vis à vis de l’industrie pharmaceutique alors que les industries étaient partie prenante. X Bertrand a souhaité attendre la fin des assises du médicament avant de se prononcer sur les suites à donner sur les arbitrages clés (organisation et surtout financement). En janvier 2012, les premiers décrets paraissent : six décrets ayant trait au DPC sont publiés au JO du 1er janvier. Ils détaillent le fonctionnement et l'organisation de l'organisme gestionnaire du développement professionnel continu (OGDPC)106 , ainsi que les modalités du DPC pour cinq catégories de professionnels de santé (médecins, pharmaciens, paramédicaux, sages-femmes, chirurgiens-dentistes). 107108109110111

Dans le cadre de notre recherche, il est apparu important d’examiner si les finalités du dispositif avaient été modifiées ou réorientées depuis la parution de la loi HPST, et si un cadre théorique du concept de DPC émergeait.

2.2.1.

Un dispositif au service d’une meilleure coordination des soins

En 2009, la ministre de la santé alors en poste, R. Bachelot, s’adressait aux médecins de la Confédération des Syndicats Médicaux Français (CSMF) en ces termes : « Au-delà de l’indispensable qualité des soins, l’enjeu du DPC est le décloisonnement de la ville et de l’hôpital, la rencontre des professionnels d’un même territoire, qui est le meilleur moyen pour créer une dynamique de territoire propice aux projets structurants capables de faire évoluer

105

Gattuso C, Enième projets de décrets sur le DPC. Les professionnels à nouveau écartés du pilotage. Le quotidien du médecin, 14 sept 2011.

106Décret n° 2011-2113 du 30 décembre 2011 relatif à l'organisme gestionnaire du développement professionnel

continu

107Décret n° 2011-2114 du 30 décembre 2011 relatif au développement professionnel continu des professionnels

de santé 
paramédicaux

108

Décret n° 2011-2115 du 30 décembre 2011 relatif au développement professionnel continu des chirurgiens- dentistes

109Décret n° 2011-2116 du 30 décembre 2011 relatif au développement professionnel continu des médecins 110Décret n° 2011-2117 du 30 décembre 2011 relatif au développement professionnel continu des sages-femmes 111

vos conditions de travail »112.

Le DPC s’affirme comme étant une dynamique collective favorisant la rencontre entre professionnels d’exercices différents. L’historique de la formation a effectivement démontré la complexité des systèmes de formation, et que le manque de cohésion pouvait être un frein à des formations interdisciplinaires entre hôpital et libéraux, ou entre professionnels de santé de spécialité différentes. Cette situation constitue un obstacle à l’intégration de certaines modalités d’évaluation des pratiques professionnelles lorsqu’elles s’adressent au parcours de soins du patient.

L’évolution des profils d’exercice souhaitée doit tendre vers une réflexion de prise en charge non plus individuelle, mais axée sur le parcours de soins du patient. Au-delà de la dimension singulière de la relation de soins, le professionnel est un acteur du système de santé.

Cette volonté de décloisonnement des pratiques est confirmée dans un rapport de l’HAS en 2010113.

Ce document précise que :

« Les méthodes de DPC visent également à extraire le professionnel de santé d'un exercice individuel et isolé pour favoriser le travail en équipe, si possible pluri- professionnelle. Différentes méthodes peuvent être utilisées au cours d’un même programme. Ces méthodes ont pour objectif de faciliter l’élaboration de programmes annuels ou pluriannuels comprenant, sur la base des trois étapes précédemment décrites, des activités d’évaluation et de formation :

• centrées sur l’analyse des pratiques, sur l’appropriation et la mise en œuvre de recommandations

• et totalement intégrées à l’exercice clinique (et non surajoutées à celui-ci) : il doit devenir habituel, voire routinier de mettre en œuvre une analyse régulière de ses pratiques et adaptée à ses modalités d’exercice »

L’interdisciplinarité est un axe fort du dispositif. L’objectif est d’améliorer et sécuriser le parcours de soins du patient. L’implémentation des recommandations par un questionnement régulier sur les pratiques professionnelles constitue le deuxième axe stratégique du Développement Professionnel Continu.

112

HAS Missions et travaux de l’HAS en lien avec les ARS dans le cadre de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, p.22. octobre 2010

113 HAS .Missions et travaux de la Haute Autorité de Santé en lien avec les Agences Régionales de Santé dans le

Cette double orientation ne sera jamais démentie. Les textes régissant les orientations et le contenu de formation initiale en odontologie confirment cette volonté de favoriser les pratiques interprofessionnelles, et de préparer à l’analyse des pratiques comme une compétence à acquérir, pour entrer dans une démarche continue d’amélioration de la qualité et la sécurité des soins. Parmi les objectifs du 2ème cycle d’études en odontologie, l’étudiant doit acquérir une compétence du travail en équipe pluriprofessionnelle, et des techniques de communication indispensables à l’exercice professionnel. .

2.2.2. De la formation continue vers une culture de la sécurité des soins intégrée à la pratique

Au-delà de l’amélioration de la qualité des soins, le troisième axe du dispositif est de valoriser une culture de la sécurité des soins dans la pratique courante

En 2012114, JF THEBAUT, membre du Collège de l’HAS, réaffirme l’objectif de la qualité des soins et y ajoutait la dimension sécuritaire :

(…) aujourd’hui la mise en œuvre du dispositif du développement professionnel continu (DPC), orienté vers la gestion des risques pourrait être une nouvelle étape dans cette démarche qui doit être constante, continue et intriquée à la pratique quotidienne, que ce soit en ambulatoire ou dans les établissements hospitaliers. Le déploiement du DPC, est une formidable occasion de dynamiser la formation continue de tous les professionnels dans le sens de l’amélioration des pratiques et de la sécurité des patients. Il y a là une opportunité à orienter ce nouveau processus, dès le départ, dans cette direction. L’analyse des pratiques et l’acquisition ou le perfectionnement des connaissances et des compétences peuvent être l’occasion de privilégier les programmes de gestion de risque qu’ils soient iatrogènes, liés aux médicaments, aux actes ou aux dispositifs ou que ce soient des risques liés aux nouveaux modes d‘exercice de la médecine. »

2.2.3. La démarche qualité en santé, une culture à acquérir

En associant les trois mots clés, DPC, EPP, démarche qualité, dans une recherche, et en ne retenant que le site de l’HAS, plusieurs affirmations sont identifiées :

 « le DPC proposé aux professionnels de santé n’est pas un objet en soi mais une démarche qualité continue engendrée par le professionnel »115.

 Le DPC s’inscrit dans le modèle proposé par W. E. Deming116 .

 « le DPC repose finalement sur les fondamentaux de la démarche qualité. De nombreux outils, guides, documents de référence et démarches ayant pour objectif d'améliorer la qualité et la sécurité contribuent au DPC notamment pour l'analyse des pratiques professionnelles ».117

JF THEBAUT dans son éditorial de juillet 2013118, après avoir rappelé que la formation dans sa conception cognitive ne permet pas à elle seule de modifier les pratiques professionnelles, pas plus que les procédures de contrôle des compétences, précise que le Développement Professionnel Continu s’inscrit dans une démarche d’amélioration continue de la qualité. Cette culture à acquérir participe à une évolution professionnelle individuelle et interdisciplinaire, et ainsi, à la régulation des pratiques professionnelles.

Par le Développement Professionnel Continu, les autorités de tutelle souhaitent généraliser et impulser une nouvelle dynamique dans le cadre de la formation continue, « la démarche qualité en santé ».

La théorie de référence du développement professionnel continu est centrée sur les processus collectifs et organisationnels, et sur la responsabilité individuelle des professionnels de santé comme acteur de leur développement professionnel continu comme démarche au service de l’amélioration de la qualité des soins.

L’arrêté du 8 avril 2013, précisant le contenu du 3ème

cycle court des études en odontologie s’inscrit dans cette démarche. Consacré à l’approche globale du patient et à la préparation à l’exercice autonome de la profession, l’orientation pédagogique est de permettre à l’étudiant « D’évaluer ses pratiques professionnelles dans une démarche d’amélioration continue de la qualité des soins » (article 16).

Le tableau de synthèse n°3 reprend les grandes lignes des discours institutionnels. La cadre théorique émergeant est axé sur les dispositifs favorisant une démarche qualité intégrée à la pratique. Le principe d’un nouveau profil d’exercice n’est pas démenti. Le décloisonnement des pratiques, l’analyse des pratiques et l’appropriation et la mise en œuvre des

115 DPC& Pratiques- Numéro spécial 18 juin 2013. http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1600674/fr/dpc-et-

amelioration-de-la-qualite-et-de-la-securite-des-soins

116 DPC, les fondamentaux. http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1288637/fr/dpc-les-fondamentaux. mis en

ligne le 14 mars 2013

117

HAS. DPC des infirmiers. http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_749146/fr/dpc-des-infirmiers Mis en ligne le 13 mars 2013,

118 Lettre DPC & Pratiques numéro spécial – juillet 2013. Editorial de JF Thébaut consultable sur le site de

recommandations sont des objectifs forts.

L’analyse des pratiques est intégrée à l’exercice et non surajoutée pour devenir « habituel voire routinier ». Cette démarche d’analyse constitue les fondamentaux de la démarche qualité. Le développement professionnel est ici décrit comme une démarche continue d’amélioration de la qualité dont la formation et l’évaluation des pratiques professionnelles sont les outils. Le discours institutionnel va au-delà de l’obligation légale donnée par les

décrets d’application de la loi Hôpital Santé Territoire et des orientations des rapports de l’IGAS. L’implication des professionnels n’est plus simplement une obligation légale mais bien, pour les professionnels de santé, une nouvelle forme d’exercice à décliner pour initier de nouvelles pratiques qui répondent aux attentes et aux évolutions du système de santé.

Tableau 3 : Synthèse de l’analyse des discours institutionnels de 2010 à 2013

Discours institutionnels : un dispositif pour un nouveau

profil d’exercice Références

Le Développement Professionnel continu, un dispositif au service d’une volonté de favoriser les échanges interprofessionnels au profit d’une prise en charge coordonnée du patient

HAS Missions et travaux de l’HAS en lien avec les ARS dans le cadre de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, octobre 2010

Le Développement Professionnel Continu, un dispositif marquant une volonté réaffirmé de dynamiser la formation continue existante vers une culture de la sécurité des soins intégrée à la pratique

DPC&Pratiques. mai 2012. n°62 consultable sur le site de l’HAS

Le Développement Professionnel Continu : une culture à acquérir, une démarche qualité engendrée par le professionnel de santé

DPC& Pratiques- Numéro spécial 18 juin 2013. http://www.has-

sante.fr/portail/jcms/c_1600674/fr/dpc-et- amelioration-de-la-qualite-et-de-la-securite- des-soins

DPC, les fondamentaux. http://www.has- sante.fr/portail/jcms/c_1288637/fr/dpc-les- fondamentaux. mis en ligne le 14 mars 2013

HAS. DPC des infirmiers. http://www.has- sante.fr/portail/jcms/c_749146/fr/dpc-des- infirmiers Mis en ligne le 13 mars 2013,

Lettre DPC & Pratiques numéro spécial – juillet 2013. Editorial de JF Thébaut consultable sur le site de l’HAS

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