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À défaut de négocier la paix : négocier des ralliements (1356- (1356-1361) (1356-1361)

Bernat de Cabrera, ascension, grandeur et chute d’un conseiller

III. Un privado pris dans la tourmente d’une guerre désastreuse désastreuse

3.2. À défaut de négocier la paix : négocier des ralliements (1356- (1356-1361) (1356-1361)

3.2.1. Les ambitions diplomatiques de Pierre IV face à la domination militaire castillane

3.2.1.1. Choisir Henri plutôt que Ferdinand

Pierre IV semble avoir considéré très tôt l’enjeu diplomatique. Afin de ressusciter un mouvement nobiliaire chez son ennemi, il menait des négociations parallèles avec Henri de Trastamare et l’infant Ferdinand. Ainsi, le 20 août 1356, Bernardo de Aznares/Bernat Acçat reçut à Perpignan des instructions pour conduire une ambassade en France. Il devait obtenir d’une part, une aide pécuniaire du duc de Bourbon contre l’oppresseur de Blanche, et d’autre part, la venue d’Henri de Trastamare. Pierre IV disait être même prêt à lui envoyer 20 000 florins d’or, à lui donner une ville frontière sur la Castille, et à suspendre les négociations ouvertes avec Ferdinand. Le 30 août les négociations entre Ferdinand et Pedro Fernández d’Ixar furent de fait interrompues tandis que durant tout le mois de septembre les tractations

275 MASIÁ de ROS, A., Relación castellano-aragonesa desde Jaime II a Pedro el Ceremonioso, vol I. , Barcelone, 1994, p. 250 ; FERRER MALLOL, M.-T., Entre la paz y la Guerra la Corona catalano-aragonesa y

Castilla en la baja edad media, Barcelone, 2005, p.360. 276 Crònica, VI, 7.

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avec Henri de Trastamare par le biais de Pedro Carrillo se poursuivaient277. Il s’agissait alors pour Pierre IV de récupérer Alicante et Orihuela, sites qui pouvaient accueillir potentiellement des troupes castillanes. Le 18 octobre 1356, les biens de l’infant étaient confisqués comme ceux des Castillans qui résidaient dans les comtés de Roussillon et Cerdagne278. Pierre IV en est donc venu à considérer Henri comme un allié, sinon plus sûr, en tous les cas moins dangereux.

À la fin du mois d’octobre ou au début de celui de novembre 1356, Henri de Trastamare, satisfait des négociations menées par Pedro Carrillo, le comte de Luna et Juan Fernández de Heredia, s’approchait de la frontière avec ses compagnies279. Le traité de Pina (non loin de Saragosse) était signé le 8 novembre 1356. Henri de Trastamare se faisait vassal de Pierre IV, il recevait les biens des infants Jean et Ferdinand (sauf Albarracín et Tortosa dont la perte était compensée), ceux tenues par Éléonore de Castille, ainsi que 30 000 sous et les sommes pour armer 600 cavaliers et autant d’hommes à pieds280

. On lui reconnaissait les territoires du royaume de Murcie (qui restaient à conquérir). Tacitement, Trastamare donnait son accord pour une éventuelle annexion de ce royaume à l’Aragon. Pierre, de son côté, s’engageait à ne pas faire de paix sans se concerter avec lui. Henri de Trastamare tenait désormais un ensemble considérable de fiefs : Tárrega, Vilagrasa et Montblanch en Catalogne, Epila, Ricla et Tamarit de Llitera en Aragon, Castellón de la Plana et Vila-Real dans le royaume de Valence. Il devenait l’un des ricos hombres les plus puissants de l’ensemble catalano-aragonais. Lorsque Bernat Dolzinelles affirme que les grands nobles en ont été « estomaqués », la brutalité du terme reflète sans aucun doute l’émotion ressentie. Quelques jalousies ont dû alors naître. À partir du mois de décembre 1356, Henri prend le contrôle sur ses fiefs non sans rencontrer de résistance surtout à Tárrega, Montblanc, Vilagrasa281. La conséquence du traité de Pina est que Pierre IV rejette Ferdinand dans le camp de son ennemi, non sans créer des amertumes dans le sien propre. Le roi devait considérer que c’était le prix à payer pour obtenir l’aide militaire d’Henri. Après le ralliement de Ferdinand, Pierre IV s’engagea à soutenir Henri pour qu’il recouvre ses possessions castillanes en finançant une armée de 600 cavaliers282.

277 FERRER MALLOL, M.-T., Entre la paz y la Guerra …,op.cit., p. 361-362.

278 MASIÁ de ROS, A., Relación castellano-aragonesa…, op.cit., , vol I., p. 251.

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Crònica, VI, 8.

280 Les biens sont confisqués pour trahison d’abord pour les faits de l’Union, puis de la présente guerre. FERRER MALLOL, M.-T., Entre la paz y la Guerra…, op.cit., p. 366.

281

MASIÁ de ROS, A., Relación castellano-aragonesa… ,op.cit., , p. 259.

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3.2.1.2. Réclamer au nord un soutien

La démarche diplomatique entamée en direction de la France n’aboutit pas car le duc de Bourbon mourrait à la bataille de Poitiers tandis que roi de France y était fait prisonnier par les Anglais (19 septembre 1356).

Pierre IV cherchait aussi à nouer des alliances du côté de la Navarre et envoya Oto de Castro, archidiacre de Teruel, à l'infant Louis de Navarre, frère de Charles II qui était alors prisonnier du roi de France. Il lui demandait que les pactes signés par Jeanne de Navarre soient renouvelés par ses fils et que des volontaires puissent le joindre (il parle alors de 400 hommes) avec du blé. En échange, Pierre IV prétendait pouvoir aider à la libération de Charles. Il n'obtient alors qu’une prudente neutralité283

.

Enfin, il s’adressa au comte de Foix et au vicomte de Castelbon par l’entremise de Ramon de Perellós ; il reçut une vague promesse d’envoyer 500 hommes à cheval qui n’arrivèrent de fait qu’en 1357284

.

3.2.1.3. Créer des désordres en Castille

Pierre IV reconnaissait plus largement l’existence d’un parti antipétriste castillan animé notamment par Pedro Carrillo, Gonzalo Mexía, Alvar García d’Albornoz, Fernando Gómez et Gómez Carrillo. Espérant séduire Tello, un des frères d’Henri, il lui promit qu’il recevrait les commanderies catalano-aragonaises de l’ordre de Santiago285. Enfin, dans le but de créer des divisions parmi les Castillans et de handicaper ainsi Pierre I en ouvrant un second front, intérieur cette fois-ci, Pierre IV essayait de favoriser une rébellion en Andalousie. Alvar Pérez de Guzmán et Juan de la Cerdà disposaient de vastes possessions en territoire andalou. Dans un accord secret conclu en décembre, les rebelles s’obligeaient à livrer ces lieux à leur nouveau seigneur tandis que Pierre IV leur donnait de l’argent pour payer 800 cavaliers et 800 fantassins et leur concédait d’importants bénéfices économiques et territoriaux286

.

3.2.1.4. Faire face aux désordres intérieurs

À l’intérieur de ses royaumes, les sujets de Pierre IV semblent avoir montré de la résistance. Le roi paraît pouvoir compter sur ses oncles, Pierre et Raymond Bérenger mais il

283 MASIÁ de ROS, A., Relación castellano-aragonesa… ,op.cit., , p. 253 et 261, FERRER MALLOL, M.-T.,

Entre la paz y la Guerra …, op. cit., p. 363. 284

MASIÁ de ROS, A., Relación castellano-aragonesa …,op.cit., , p. 260. FERRER MALLOL, M.-T., Entre la

paz y la Guerra ..., op. cit. ,, p. 363.

285 FERRER MALLOL, M.-T., Entre la paz y la Guerra… ,op.cit. , p. 363.

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La rébellion n’obtint pas les résultats escomptés mais obligea toutefois Pierre I à reculer sur Molina en janvier 1357.

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rappelle à l’ordre régulièrement sa noblesse et reproche même au comte d'Osona de ne pas avoir communiqué en temps voulu que les troupes devaient se diriger sur Valence. Des reproches du même ordre sont adressés à Albert Çatria, Gilabert de Cruïlles, Francesc de Cervia, Francesc de Tous ainsi qu’au Maître de Montesa287. Des dissensions semblent exister entre les nobles et nuisent sans doute considérablement à l’efficacité militaire. La conclusion des négociations avec Henri va contribuer à aggraver leurs relations.

La stratégie militaire aragonaise vise à constituer un solide système défensif qui s’appuie sur les villes et châteaux de grande valeur stratégique, afin d’obliger l’ennemi à combattre pour chaque château. Ainsi, les lieux trop difficiles à défendre doivent être abandonnés ; quant aux vivres des espaces ruraux, ordre est donné de les regrouper dans des lieux hautement protégés pour échapper à l’ennemi. La stratégie castillane est quant à elle offensive et s’appuie sur sa capacité à mobiliser une quantité impressionnante de combattants et de machines ou bâtiments de guerre : Pierre I est capable d’amener jusqu’à 2200 cavaliers durant l’hiver 1356-1357 sur Molina tandis que 2000 cavaliers et autant d’hommes à pied attaquent le royaume de Valence. Les attaques sont simultanées ; les Castillans sont partout. Une triple offensive débute: Tello attaque depuis Soria vers Calatayud, Ferdinand de Biar vers Játiva, tandis que Pierre I ouvrait un large front aux environs de Requena. En face, les victoires aragonaises sont plus rares : Lope Fernández de Luna l’emporte sur Gutiérrez Fernández de Tolède autour de Molina et à l’automne le comte de Dénia et Pere de Xérica reprennent Alicante. Au printemps 1357, la résistance menée par Henri de Trastamare entre Borja et Tarazona pour efficace qu’elle soit ne permet pas d’avancer. L’infant Pierre déploie toutes ses qualités pour défendre le royaume de Valence et en est nommé capitaine général.

Le problème crucial pour Pierre IV allait être le financement de cette guerre. L’argent manque. En janvier 1357, Pierre IV pour payer les troupes du comte d’Osona, de Francesc de Cervia et les hommes d'armes qui étaient à Alicante, vend le château de la Vall de Uxo à Felipe Boyl pour mille livres288. C’est un exemple parmi d’autres d’une recherche parfois désespérée et qui contribue à la dispersion du patrimoine royal.

Ainsi, à défaut d’une armée nombreuse et ordonnée alimentée par des finances solides, Pierre IV déploie une diplomatie ambitieuse et qui donne pour l’instant peu de résultats. Face à l’agressivité castillane, on peut considérer que les sujets de la couronne catalano-aragonaise ont bien résisté au terme d’une année de campagne.

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MASIÁ de ROS, A., Relación castellano-aragonesa… ,op.cit., p. 254 et 264.