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Les archivistes maîtrisent sans aucun doute la constitution du procès Cabrera en tant qu’ensemble documentaire procès Cabrera en tant qu’ensemble documentaire

Présentation du document

I. Description globale

1.2. Trois volumes archivés à l’histoire trouble

1.2.3. Les archivistes maîtrisent sans aucun doute la constitution du procès Cabrera en tant qu’ensemble documentaire procès Cabrera en tant qu’ensemble documentaire

Les responsables de l’Archive royale sont des personnages mentionnées dans nos documents. Pere de Gostemps, responsable des Archives à compter de 1370, apparaît dès le début de la procédure aux côtés de la reine (mai 1364)12, il est présenté comme le notaire du procès13 à de multiples reprises ; il reçoit les cahiers scellés envoyés à Éléonore. Il est aussi le rédacteur des propos royaux qui accusent Bernat de Cabrera en juillet 136414. C’est donc un personnage qui connaît toutes les étapes des procès. Pere Çacosta qui lui succède brièvement en 1372, est omniprésent dans les actes. Battle general de Catalogne et procureur du fisc15, il met en accusation Bernat de Cabrera par contumace, réfute ses procureurs16 ; il fait verser les pièces au dossier17, rédige les chefs d’accusation. Même si le dépôt du procès s’est fait ultérieurement, dans les huit années qui ont suivi l’exécution de Bernat de Cabrera, aucun des deux hommes ne pouvait prétendre découvrir les pièces versées à l’Archive royale. Quand bien même le dépôt du « dossier » se serait fait sous le regard d’un autre responsable, l’événement, retentissant sans aucun doute dans l’entourage de la cour, et pour lequel avaient travaillé les notaires royaux, ne pouvait être méconnu d’un archiviste nommé par le protonotaire royal et placé alors sous sa responsabilité.

Que les dossiers des procès Cabrera aient été versés ou non à l’Archive royale dans les plus brefs délais ou gardés dans un lieu plus secret, les responsables de l’Archive les

12 XXXII, p. 1-2.

13 notario presenti processus, XXXII, pp.3, 11, 30, 32, 38, 92.

14 XXXIII, p. 337-338

15 XXXII, p. 10. Le battle general est l’officier royal ayant en charge l’administration du patrimoine royal en Catalogne. Le procureur fiscal intervient dans les questions du patrimoine royal (taxes, saisie des biens intestats ou confisqués) et dispose aussi d’une juridiction civile et criminelle ; sa gestion est placée sous le contrôle du

Maestre Racional. 16 XXXII, p.12, 29.

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connaissaient bien. Par ailleurs, s’il est possible que des dossiers aient été perdus (ce qui légitimerait la législation de 1384), les ensembles dont nous disposons sont sans doute construits de manière cohérente, car le personnel de l’Archive était à même de maîtriser les étapes des procès Cabrera et donc leurs pièces.

1.2.4. Un ensemble documentaire manipulé et sans doute réorganisé Les procès ont, au sein des Archives de la Couronne d’Aragon, une place ambiguë, nous l’avons déjà évoqué. Liés à l’origine à la section de la Cancillería, ils sont transférés à la section de la Real Audiencia à une date qui nous est inconnue, mais ce transfert est peut-être plus symbolique que réel. Encore au XXe siècle, dans les principaux guides de l’A.C.A., les procès sont à la fois cités comme appartenant à la première18 mais aussi à la seconde19 catégories parmi les Procesos antiguos aux côtés des procès conduits contre Jacques III de Majorque, l’Union de Valence, l’infant Raymond Bérenger, comte d’Ampurias, et celui mené contre les Arborea. Ils sont avant tout les procesos en volumene.

L’Audiencia Real a été organisée dans la seconde moitié du XIVe siècle au sein de la

Cancillería. Une section archivistique aurait pu même être créée à la fin de ce siècle20. Nous avons cherché, dans différents Memoriales conservés aux A.C.A., trace du procès Cabrera.

La première mention concernant l’affaire Cabrera n’est pas très explicite. Dès 1372, sans doute pour la restitution d’une partie des biens au petit-fils21, des documents sont sortis -des registres- mais il n’est pas question de procès. En effet, le Memorial 5122, confectionné à partir de 1363, rapporte au folio 16v, pour l’année 1372 :

Die martis XVI novembris dicti anni, fuerunt de mandato venerabilis Jacobi de Faro et Jacobi Conesa abstracta de archivo quatuor registra, videlicet tria Curie et unum Officiorum, quorumquidem registrorum alterum est de anno LXII, LXIII et LXIIII et reliquum de anno LXIIII et LXV, alterum vero de anno LXV, LXVI et LXVII, quartum de Officiorum, intitulatum est de annis LXV, LXVI, VII et VIII. Quequidem registra fuerunt ad scribaniam domini regis deportata pro cumplacendis quibusdam litteris, facientibus mentionem de ocupatione per dominum regem facta de terra comitatus Ausonie et vicecomitatum Caprarie et de Basso.

18 HURTEBISE, E.G., Guia…op.cit., p. 145, parmi les documents « Collectanea. Fondos judiciales reales ». UDINA MARTORELL, F., Guia … op.cit., p. 251.

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UDINA MARTORELL, F., Guia … op.cit ., p. 2.

20 UDINA MARTORELL, F., Guia … op.cit., p. 285 est toutefois le seul à parler d’une salle du Palacio Real Menor dédiée à ses archives.

21 XXXIV, p. 477, app. 16.

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Predicta registra fuerunt recuperata per me Petrum Bartholomei die XXVI mensis predicti et ideo predicta scripta fuit cancellata23.

Nous n’avons pas trouvé plus de référence pour l’année 1380-1381, alors que le 5 février 1381 Pierre IV restitue à Bernat de Cabrera, petit-fils du conseiller, la vicomté de Bas et notamment les châteaux de Mayol et de Castelló et reconnaît l’innocence de son grand-père ainsi que ses grandes qualités, ordonnant à Bartholomé de Vilafranca, lieutenant général du gouverneur de Catalogne et au viguier de Gérone de faire exécuter ces décisions24.

Ainsi, la lecture des différents Memoriales ne laisse apparaître aucun « Procès Cabrera » pour la fin du XIVe siècle. Soit il n’existe pas à l’Archive, soit il n’en sort pas.

C’est dans un inventaire sommaire du matériel existant à l’Archive royale, réalisé par Pere Miquel Carbonell, Diego García et Jacme García25 (1430-1490), que le procès est cité

pour la première fois, à côté de celui concernant le comté d’Urgell. L’inventaire de deux grands coffres dans lesquels sont les procès de la cour (fol. 149-153) au folio 149 r, fait référence à :

Primera caixa

Jacob de Urgell 2 Comtessa Urgell

Comiti Caprarie Processus factus Bernardum de Capraria per dominem Regem Petrum anno 1364

Si des documents existent bien en tant que procès, la description est pour le moins laconique et décevante. En revanche, sur les trois registres conservés, des mentions portées de mains modernes citent la primera caixa ; et deux fois est évoquée la calaix 4 (tiroir):

-au début du registre 24 : Primera caixa, Calaix 4, n°105 -au début du registre 25 : Primera caixa

-pour la dernière partie du registre 26, au folio 139 : 106 de la Ia caixa, de n°105 ad

106 extrasaccos, Calaix 4 .

On peut interpréter ces indications, surtout les deux premières, comme des cotes. Il est donc possible que nous trouvions parmi nos registres, de la documentation considérée comme

23 Il s’agit des registres suivants: A.C.A., C., Reg. 1075, 1076, 1078 et 971.

24 XXXIV, p. 480 et s., app. 17 et 18.

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appartenant au Procès Cabrera dans cet inventaire ; cela ne veut toutefois pas dire que nous connaissions tout ce que recelait cette caixa, ni que tout ce que contiennent ces registres ait été extrait de cette caixa.

En 1477, Pere Miquel Carbonell26 réalise un inventaire avec l’aide de Guillem Pons ; Prosper de Bofarull estimait que ce travail portait sur huit armarios de l’Archive27. Carbonell indiquait dans cet inventaire succinct que les documents étaient en très mauvais état en raison de l’ouvrage des vers et des rats, et qu’il avait ôté les documents de la première armoire pour en mettre d’autres. Des documents qui pourraient nous intéresser sont cités aux folios 6v et 7r : 4° armorio dans les liasses concernant les grandes seigneuries.

Un altre sac intitulat instrumenta super vicecomitatu de Capraria XX cartes canoncidas

L’Audiencia Real (Conseil royal pour les questions de justice) a été officiellement mise en place à la fin du XIVe siècle. L’Archive royale recevait ses conclusions. En 1706, les Corts ont réclamé les transcriptions des sentences antérieures à 164028 ce qui a conduit à classer et inventorier les procès. Jusque-là, les registres et les conclusions envoyés par l’Audiencia étaient déposés à l’Archive royale, mais certaines pièces pouvaient rester aux mains des secrétaires et scrivans, passant occasionnellement à l’Archive royale. Au XVIIIe siècle, l’effort a donc porté sur le regroupement de toutes les pièces.

Ainsi les procès conservés à l’Archive royale de Barcelone ont-ils connu une réorganisation. L’Analysa descriptiva des processos conservos en los Archivos (XIV-XVI), confectionnée sous l’autorité de Francisco Javier de Garma et réalisée par José de Luyando et Juan de Letamendi au milieu du XVIIe siècle, en est une conséquence et elle présente la qualité d’être des plus détaillées.

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Memoriales 52.

27 Catálogo de memoriales e inventarios (siglos XIV-XIX), Archivo de la Corona de Aragón, Salamanque, 1999, p.89.

28 UDINA MARTORELL, F., Guia historica y descriptiva del Archivo de la Corona de Aragon, Madrid, 1986, p. 287.

45 Au folio 31v :

Esta ligarsa anque titulada « Processos de 1360 ad 1369 » solo contiene dos que abafo/abajo se espresaran y todos los demas son papeles sueltos del Reynado del Senyor Rey Pere 4 d’Aragon, abrasando el ultimo el año de 1377 : supuesto esto y que los mas de estos papeles son copias o borradores (varreados algunos) de diferentes documentos y escripturas que hande estar registradas en los Registros de este monarcha : no se entrataran todos si precisamente los dos processos y los papeles que por su calidad y naturalera merecen este trabajo y au dividos por años se empresan en este apuntamiento los importantes que abrara dicha ligarsa en la forma que se vigue. Fol 32r : Año del 1364 [Marge :] criminal contra el dicho Cabrera

Comprehende este año la copia simple del codicello que otorgo el Señor Rey Dn Pere 4 de Aragon en la villa de Luera a 6 de febrero de 1364 con una declaracion que hizo contra Don Bernardo de Cabrera hijo de Dn Bernardo revocando la donacion que le havia hecho de la ciudad de Vich y otros pueblos, fecha en la villa de San Mathes a 13 de avril del proprio año.

Assimismo, la informacion de testigos que se recivio en dicho año en el lugar de Sessa par Jayme de Conesa, secretario de S.M. y de su real orden contra Don Bernardo de Cabrera sobre crimen de lesa magestad.

(---)

Le contenu des documents que nous avons ne correspond en rien à ce qui précède. Néanmoins, il est fait référence, comme nous le verrons, à des dépositions reçues par Jacme Conesa lors d’une informacio antérieure à l’ouverture du procès du 11 avril 1364.

46 (Fol 32v) 1367 [Marge :] Criminal contra don Bernardo de Cabrera

Comprehende est año doze quadernos atados con cordel y rotulado el [--] 1367, todos los quales son pertinencientes al Processo y causa creminal fulminuda contra el noble don Bernardo de Cabrera sobre crimen de lesa magestas.

(----)

Il est possible que nos documents soient ceux évoqués ici.

Procesos de 1370 ad 1373 (Fol35v-36r) : [Marge :] Criminal contra el conde de Trastamare

1374 art 16. Finalment otro tambien rotulado : 1374 que

contiene la declaracion que de orden del S.R. don Pere IV° recevio Jayme Conesa secretario de S.M. al conde Trastamare sobre los excessos y delitos de lesae majestis de don Bernardo de Cabrera.

(---)

Nous ignorons de quoi il s’agit. L’année donnée comme l’indication en marge laisse perplexe. Il peut s’agir d’une erreur de copiste. Il reste que le comte Henri de Trastamare a bien été interrogé par Jacme Conesa, mais en 1364 ; en 1374 il est roi. Cette déposition est évoquée dans le document que nous avons. Mais là encore, nos registres ne contiennent pas cette déclaration, mais seulement une allusion.

47 Fol. 36 r : Procesos de 1370 ad 1375 [Marge :] Combenio entre S.M. y Dn Bernardino de Cabrera 1372

art 4 : otro assimismo rotulado : 1372 que es la copia o traslado de la transaccion a juste y combenio que celebrio el S. Rey Pere IV° de Aragon con don Benardino de Cabrera nieto de Dn Bernardo de Cabrera en el combento de predicatores de Barcelona a 22 de diziembre de dicho año 1372 por la qual restituyo S.M. a dicho Dn Bernardino y sus succesores los lugares de Monsoriu, Hostalrrich, el vizcondado de Cabrera, el honor de Roda y todo lo demas que resulta de dicha ascriptura confiscado al referido Dn Bernardo de Cabrera, abuelo del gratificado.

Encore une fois, ce document ne fait pas partie des registres. Néanmoins, les précisions données ici correspondent à celles que rapporte Zurita29.

Les archivistes contemporains considèrent que l’époque de Garma est celle de la réorganisation de l’Archive selon des critères chronologiques, et que celle-ci a entraîné, malheureusement, la perte de la classification et de l’ordre originel : Molts registres de la

Cancelleria perderen les seves cobertes i intitulacions originals i les antigues agrupacions de documents foren desfetes30. Nous remarquons que, si nous n’avons pas tous les documents évoqués dans cet inventaire, nous en avons cependant d’autres.

La dernière manipulation d’envergure date du XIXe

siècle. Grâce à Jaume Riera i Sans conservateur des Archives de la Couronne d’Aragon, nous avons eu accès aux descriptions manuscrites de huit procès avant leur reliure en volumes par Bofarull et son équipe31. Malheureusement, notre espoir d’obtenir quelques indices s’est éteint rapidement : il n’y avait aucune mention du procès Cabrera. Soit les trois registres ont été reliés au XIXe siècle mais toute relation a été perdue, ce qui nous paraît peu probable ; soit ils l’étaient et la reliure alors réalisée n’a fait que restaurer un travail antérieur, qui présentait une cohérence interne forte que Bofarull et ses collègues ont respectée, ce que la présence d’une foliotation en chiffres

29 Zurita, X, 16.

30PLANES I ALBETS, R., PAGAROLAS I SABATÉ, L., PUIG I USTRELL, P. , L’Arxiu…op.cit., p. 24.

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romains pour les deux premiers laisse penser. Le dernier (volume 26) présente l’avertissement suivant :

De estos seis cuadernos se formara un solo volumen por el orden en que estan colocados con foliacion y con titulo esterior dira : proceso original formado de orden del Rey Don Pere 3° en 1364 por crimenes de lesa magestad a Bernat de Cabrera, consejo, y a su hijo Bernardo, conde de Ausona. Encuaderno en 1845.

Les archivistes du XIXe siècle auraient donc seulement « créé » le dernier volume. Les deux premiers volumes étaient d’ores et déjà constitués. Mais depuis quand ? Il n’y a désormais que les registres pour nous répondre et il nous faut approfondir l’étude des volumes pour obtenir une réponse qui sera sans doute partielle et hypothétique.

Les incertitudes demeurent donc quant à l’histoire de ces trois beaux registres ; il est sûr que les documents ont été manipulés de nombreuses fois et ont connu probablement des pertes partielles, en raison non seulement de réorganisations mais aussi à cause de l’usure des temps et de l’appétit des vers et des rats. Nos registres ne contiennent ni l’enquête débutée en février 1364, ni l’interrogatoire d’Henri de Trastamare, documents toutefois évoqués par les registres. La transaction de 22 décembre 1372 n’appartient pas au registre mais elle est rapportée dans d’autres documents32

. Par ailleurs, on peut supposer qu’il y a aussi des enrichissements et surtout des rapprochements faisant fi de la logique administrative d’origine. Les seules réponses que nous pourrons apporter seront données par l’étude de la constitution des registres et par la confrontation de ceux-ci aux Memoriales précédemment cités.