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CHAPITRE 2 : ACTIVITÉ D’ENSEIGNEMENT ET ENVIRONNEMENT

2.4. Croyances et attitudes

Questionnant de plus en plus la probabilité d’une relation entre croyances et activité d’une part, expérience et activité d’autre part, dans la conduite des pratiques coéducatives, nous interprétons les processus à travers ce double filtre, celui des croyances et des attitudes d’une part, celui de l’expérience d’autre part. Il s’agit de cerner la notion de croyances dans le cadre des pratiques coéducatives en danse contemporaine pour comprendre ce qui se joue dans l’acte d’enseignement en rapport à ces croyances.

Nous envisageons la relation entre les croyances des enseignant-e-s et leurs attitudes. Il s’agit de les mettre en évidence en questionnant leur implication dans les pratiques coéducatives des élèves, notamment sur les rôles qu’ils s’attribuent.

Le cadre conceptuel s’alimente au fur et à mesure de la recherche et la nécessité de recourir à plusieurs champs scientifiques se révèle incontournable dans la mesure ou il est difficile de cerner ce qui est en jeu dans l’acte d’enseignement d’une activité artistique aux modalités multiples d’intervention. L’ensemble des phénomènes étudiés conduit à une construction progressive qui prend en compte une dimension psychologique, sans toutefois

s’y limiter, et se focalise sur l’activité de quatre enseignant-e-s. Le cadre conceptuel empruntant des concepts issus des travaux de la psychologie du travail de la psychologie sociale, de la sociologie et de l’anthropologie, même s’il est au service de la didactique, nous a questionnée. Comment dépasser l’étendue des divers éclairages théoriques utilisés et les articuler autour d’un objet central qui s’est progressivement construit ? En défendant l’idée que cette agrégation d’éclairages théoriques va servir la recherche en didactique. Celle-ci essaie de rendre compte des processus à l’œuvre, guidant l’activité de l’enseignant-e dans sa prise en charge de la mixité scolaire dans le cadre de la danse contemporaine en EPS, et leurs effets sur la coéducation.

Investiguer des recherches autour des attitudes des enseignant-e-s, notamment sur les rôles donnés aux élèves ou interprétés comme tels, ne peut se passer du recours à la psychologie sociale. Pour Mucchielli (2001) « Une attitude est un état d’esprit ou une

prédisposition générale psychologique envers quelque chose ; cette prédisposition oriente dans un certain sens toutes les interactions avec l’objet en question […] Concrètement, cette prédisposition se traduit par des attitudes corporelles et par des séquences de conduites dont la parenté est justement d’être sous-tendues par la prédisposition en question ». (Mucchielli,

2001, p. 15).

En accord avec cet auteur, considérer ces conduites comme des « manœuvres

préparatoires » permet aux élèves de s’installer ou de se maintenir dans un rôle. Il est difficile

d’imaginer que ces rôles distribués plus ou moins consciemment aux élèves n’ont pas de conséquences sur leur manière de se comporter entre partenaires. Mucchielli définit ainsi la notion de rôle : « Un rôle est un ensemble de conduites repérables. Ces conduites, dans les

diverses situations où elles sont mises en œuvre, sont sous-tendues par un petit nombre d’attitudes. L’ensemble des conduites, comme celui des attitudes, forme un tout cohérent si on le rapporte à une finalité présumée (orientation générale du rôle) ou, ce qui revient au même, à un principe organisateur latent de ces conduites ou de ces attitudes (règle ou norme implicite du rôle) » (Mucchielli, 2001, p. 16).

Il est aisé de constater que ces notions sont imbriquées : les attitudes psychologiques et corporelles entraînent des rôles. Cet ensemble forme une cohérence entretenue par une finalité ou un principe qui organise l’ensemble. Cela renvoie à « la norme implicite du rôle ». D’ailleurs, circonscrire les notions d’attitude et de rôle peut-il s’envisager sans imaginer les valeurs qui les sous-tendent ? Il est vain d’ignorer les influences de la culture de son groupe social d’appartenance sur les valeurs transmises. De plus, comment parler des valeurs sans

aborder les croyances des enseignant-e-s qui mettent à jour, dans une certaine mesure, ces valeurs ?

Sperber mentionne qu’une étude des croyances doit mettre en évidence leur caractère

« rationnel » dans leur contexte. Cet auteur considère que « pour être rationnelles les croyances d’un même individu doivent, dans une certaine mesure être compatibles avec l’expérience, et cohérentes entre elles » (Sperber, 1996, p. 97). Les croyances et l’expérience

ont une histoire commune, elles relèvent, dans une certaine mesure, de mises en relation de faits empiriques constatés au cours des expériences. Sperber justifie par ailleurs l’étude des croyances parce qu’elles sont « des propositions non représentées et que nous sommes

disposés à accepter […] Celles-ci sont largement partagées bien qu’elles n’aient jamais été communiquées » (Sperber, 1996, p. 120).

Finalement, ces croyances sur la mixité en danse contemporaine se construisent-elles par l’expérience ou par communication d’un individu à d’autres, dans un genre contemporain donné ? En d’autres termes sont-elles issues de l’expérience individuelle dans un contexte déterminé ou le fait de l’inférence des croyances d’autrui sur la construction des croyances individuelles ? Si cette inférence existe, c’est certainement parce que les croyances transmises sont le fait de personnes faisant autorité : les parents pour l’enfant, les professeur-e-s pour l’élève, l’expert-e pour le novice. Mais ce phénomène peut-il vraiment être isolé ? L’idée développée est que la formation des croyances est une combinaison de l’expérience individuelle et de l’interprétation de ce qui est communiqué par autrui. Elles se sont organisées d’une manière plus ou moins consciente, plus ou moins inférées par d’autres. En tout cas, elles semblent être « partagées » par des groupes d’individus.

En outre, Sperber fait la différence entre croyances « intuitives » qui relèvent du sens commun, elles sont plutôt descriptives et relativement universelles, et les croyances

« réflexives » qui varient d’une culture à l’autre. Selon lui, les croyances intuitives relèvent à

la fois « d’expériences perceptuelles communes » en lien avec la communication d’autrui, alors que les croyances réflexives relèvent principalement de cette communication d’autrui. Les croyances « intuitives » sont en quelque sorte « le produit de processus perceptuels et

inférentiels spontanés et inconscients » (p. 123). Tandis que les croyances « réflexives » sont

« des interprétations des représentations », elles sont donc de second ordre et consistent en

« des attitudes vis à vis des représentations plutôt que vis à vis d’états de choses réels ou supposés » (p. 135).

Quoiqu’il en soit, ces croyances génèrent des attitudes de la part de celui qui communique et la façon dont elles sont communiquées dans un collectif génère des types de

traitement cognitif différents par les individus. Or, ces croyances et les attitudes que celles-ci vont engendrer, ont certainement une influence sur les pratiques coéducatives des élèves. C’est pourquoi il s’agit de faire émerger ces croyances et ces attitudes en interrogeant les enseignant-e-s, de plusieurs manières. Multiplier les angles d’approche nous conforte dans l’idée d’accéder le plus finement possible à l’activité réelle.

Il s’agit d’une approche dynamique dans le sens ou dans le domaine des actions, chaque composante est susceptible de se modifier en fonction des paramètres : circonstances extérieures, croyances et attitudes des acteurs, réponses des élèves, émotions. L’activité peut en effet être envisagée sous l’angle d’une triple relation entre l’enseignant-e et, les contenus d’enseignement, l’environnement dans lequel agissent les élèves, ses propres préoccupations. L’axe de recherche résolument orienté vers le réel de l’activité, ne nie pas l’apport des modèles interactionnistes soulignant le contexte constitutif de l’activité psychologique du sujet (Weil-Barais, 1993) et dans ce cas continuellement redéfini dans les échanges. Il importe alors de focaliser l’attention sur l’activité de quatre enseignant-e-s d’EPS, considérée comme faisant partie d’un système résultant d’interactions. Il nous appartient de dégager les processus qui peuvent affecter les actions en cours ou être influencés en retour par ces actions. Quel est alors le poids de l’expérience et/ou de l’expertise sur ces processus ?