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LA TYPOLOGIE DES FACETTES TOPOGRAPHIQUES

IV. 3.3.1 Les critères de sélection des types de facettes.

La complexité du relief d'El Hnach ainsi que les problèmes liés aux données disponibles entraînent des complications pour l'établissement des scénarios utiles à la mise en œuvre de la typologie. En effet, l'absence des valeurs d'altitude moyenne limite les traitements numériques, notamment en ce qui concerne l'ACP, et réduisent d'autant les interprétations qu'ils permettent de réaliser. De ce fait, l'analyse des résultats de l'ACP n'est pas réalisée pour El Hnach. Toutefois, les scénarios de classification s'appuient sur les coordonnées des individus projetées sur les deux seuls axes factoriels établis. De ce point de vue, seule l'étude des profils topographiques est envisageable pour définir les critères de sélection de la typologie.

Le premier profil topographique tente de faire ressortir les ensembles présents depuis l'amont du bassin versant (figure 4.2.4 ; point A) jusqu'à un aval relatif (point B). Il couvre six grandes unités topographiques qui renvoient à trois types de milieux bien particuliers. Aussi, le plus en amont possible, un talus relativement abrupt développé sur le front d'un affleurement gréseux surmonte un versant de pente moyenne établi sur un banc de marnes relativement conséquent. Ce versant se répartit en outre de part et d'autre du lit mineur de l'oued principal (oued El Hnach) peu encaissé à cet endroit ce qui entraîne nécessairement une opposition en termes d'écoulements de surface, les pentes se faisant face.

Figure 4.24 : Agencement topographique du bassin versant d'El Hnach suivant un axe est nord-est / ouest sud-ouest.

Dans la continuité de ce premier paysage, apparaît un relief de commandement caractérisé par une alternance rapide de marnes et de calcaires. Le faible pendage des couches conduit à la mise en place d'une surface structurale sur le revers, correspondant au versant exposé au nord, de ces dernières. Malgré la faiblesse des pentes, les sols qui se développent sur cet ensemble sont maigres et les rares espèces végétales capables de le coloniser prennent leurs racines dans les affleurements de marnes. Le versant exposé au sud, établi cette fois sur le front des couches, affiche des pentes nettement plus marquées. L'alternance rapide roches dures sur roches tendres façonnent le relief en formant une sorte de grand escalier. En aval de ce relief de commandement, dès lors que les marnes deviennent largement dominantes, un ensemble confus où se mêlent badlands et lambeaux de glacis fossilisés par des croûtes calcaires fait son apparition. Il est intéressant d'expliquer les raisons de cet ensemble. A l'origine, il devait exister à cet endroit un ensemble continu formé par un vaste glacis légèrement incliné et affichant des sols profonds, établi sur les roches marneuses. Notons d'ailleurs que les parties latérales - essentiellement au sud - de cet ensemble correspondent encore aujourd'hui à un glacis similaire au glacis originel. Sur celui-ci des sols profonds sont observables ainsi que les processus qui devraient conduire progressivement - du moins si les conditions climatiques le permettent - à la mise en place d'une croûte calcaire solide et continue. Les mécanismes de concentration des calcaires à l'œuvre à l'époque (quaternaire) ont peu à peu consolidé cet ensemble par la formation d'une croûte calcaire épaisse, résistante et continue. Le climat actuel, n'étant pas favorable au maintien d'une tel structure, conduit peu à peu à son démantèlement. Celui-ci doit d'ailleurs être assez rapide à partir du moment où la croûte calcaire protégeant l'ensemble se disloque de manière significative. L'action de l'eau dans la dissolution de la croûte calcaire est vraisemblablement à l'origine des formes actuelles. Il est en effet fortement probable que l'eau ait commencé par disséquer le glacis suivant les axes de concentration du ruissellement. Une fois la croûte superficielle dégagée dans ces axes, l'encaissement du ruissellement concentré dans les marnes sous-jacentes accélère le processus

de démembrement du glacis. La ravine ainsi formée s'élargit de plus en plus et remonte vers l'amont du glacis isolant progressivement des lambeaux de glacis et laissant à la place un ravinement intense apparenté à un badlands. A l'heure actuelle, les restes des glacis fossilisés n'existent qu'à l'état de fragments disparates, parfois détachés du relief de commandement, comme autant de témoins de son ancienne extension. L'analyse fine de ces glacis fossilisés est réalisée dans les chapitres suivants.

Dans le prolongement de ce second paysage apparaît une troisième entité remarquable. En discordance géologique avec le centre du bassin versant, cette butte développée sur une alternance grès/marnes correspond à un ancien crêt limitant la combe dans sa partie méridionale. La structure lithologique rappelle d'ailleurs celle du talus à l'amont du bassin versant même si des mouvements tectoniques ont provoqué des modifications significatives en terme de pendage. Cette butte apparaît comme un accident organisationnel et forme à elle seule un troisième paysage. Ses flancs escarpés, de forme convexes sont soumis à de nombreux mouvements de masse comme en témoignent les cicatrices d'arrachement hérités ou les formes solifluées de versant qu'elle affiche. Là encore, le détail de cet ensemble sera donné ultérieurement.

L'axe présenté couvre une grande partie des formes rencontrées à El Hnach. Toutefois l'analyse d'autres profils est indispensable pour l'appréhender dans son ensemble et en déduire les critères de sélection utiles à la typologie des facettes topographiques sur ce bassin versant. Les réseaux de failles, malheureusement mal représentés sur les cartes géologiques au 200000ème, contribuent en effet à développer des formes similaires à celles présentées précédemment mais opposées en terme d'orientation.

Le profil C-D (figure 4.25) montre ainsi une coupe transversale de l'ensemble décrit précédemment. De ce point de vue, il ne correspond pas à une succession amont / aval dans le sens de l'écoulement de l'eau, mais plutôt à une juxtaposition latérale de facettes topographiques, présentée dans le but d'aider le lecteur à mieux comprendre ce paysage. Sur cette dernière il est possible d'entrevoir, en premier lieu, un relief de commandement qui correspond, en fait, au prolongement du relief détaillé plus haut. Cet ensemble, de même nature que celui du profil A-B (figure 4.24), est séparé de ce dernier par le lit mineur de l'oued El Hnach. Sans cette coupure, il s'inscrirait dans sa continuité. Toutefois, le fait que l'oued entaille l'ensemble perpendiculairement aux formations géologiques entraîne des caractéristiques particulières au niveau des écoulements : ceux-ci ne se font pas comme le voudrait la logique, c'est-à-dire dans le sens de la plus grande pente (et par conséquent orientés du nord au sud) mais suivant le pendage des couches. De ce fait, l'eau s'écoule vers l'est, en surface des affleurements calcaires. La suite du profil reprend les ensembles détaillés précédemment, là encore perpendiculairement à la plus grande pente. Il s'agit donc d'une succession de marnes très fortement ravinées et de restes de glacis fossilisés par des croûtes calcaires. La largeur de l'ensemble montre l'importance de ce type de structure dans le paysage. En outre, ce profil s'achève par un glacis plus récent, partiellement encroûté, qui ressemble très probablement à ce qu'étaient à l'origine les vestiges de l'ensemble précédent. Avec E-F (figure 4.25), nous revenons dans le contexte plus classique d'un profil établi dans le sens de la pente. Il montre là encore une succession de type relief de commandement / glacis. Si le relief de commandement ne présente pas de spécificités particulières, le glacis qu'il surmonte est le plus important de tout le bassin versant. Celui-ci fait pratiquement 1 kilomètre de long pour environ 150 mètres de large. L'ensemble ainsi formé couvre toute la largeur du bassin versant suivant l'axe nord / sud. Ses pentes rectilignes ont tendance à s'infléchir vers l'aval. Bien qu'encore actif de nos jours, ce glacis commence à présenter des formes de dislocation : sa dernière section est séparée des éléments de relief latéraux par des

ravines profondément encaissées dans les marnes sous-jacentes. Enfin, la dernière portion de cette coupe topographique couvre la colline correspondant à l'ancien crêt détaillé dans l'analyse du premier profil.

Figure 4.25 : Agencement topographique du bassin versant d'El Hnach suivant un axe nord nord-ouest / sud sud-est (I).

Le profil G-H, présenté en figure 4.26, montre un emboîtement de deux reliefs de commandement affichant une alternance marne / calcaire. Ils sont séparés l'un de l'autre par un oued relativement important qui draine toute la partie nord-ouest et ouest du bassin versant jusqu'à son exutoire, la retenue collinaire. De même nature que ceux présentés précédemment ils ne seront pas plus détaillés ici. En revanche, au-delà du second relief de commandement, s'étend un secteur où il est possible à nouveau d'observer des glacis fossilisés par des croûtes calcaires alternant avec des marnes très érodées. Si les caractéristiques sont similaires à celles présentées précédemment, il faut signaler qu'un de ces glacis est encore intact de nos jours. Celui-ci, formé de croûtes anciennes et résistantes dans sa section amont, se prolonge par des formations récentes toujours actives. A ce titre, il permet d'appréhender toute la succession évolutive de ce type d'ensemble. Il fait d'ailleurs l'objet d'une toposéquence analysée très

finement dans la suite de la thèse. Enfin, ce profil s'achève là encore sur l'ancien crêt qui assure la limite sud du bassin versant.

Le dernier profil (I-J) présenté (figure 4.26) montre là encore une alternance relief de commandement / glacis actif sur marnes. Même s'ils n'affichent pas les mêmes dimensions, les unités qui y prennent place se rapprochent de celles du profil E-F. Les reliefs de commandement inscrits sur ce profil sont les mêmes que ceux du profil G-H, assurant une relative continuité spatiale dans cette partie du bassin versant.

Figure 4.26 : Agencement topographique du bassin versant d'El Hnach suivant un axe nord nord-ouest / sud sud-est (II).

Au final, le bassin versant d'El Hnach ne présente pas de formes particulièrement complexes et les successions spatiales, lorsqu'elles sont réalisées dans le sens des écoulements de l'eau, affichent une certaine régularité. La difficulté qui apparaît est que ces successions ne semblent pas suivre de règles générales d'organisation tout est un peu dans tous les sens et se dispose au bon vouloir des différentes lignes de failles, favorisant de multiples changements dans l'agencement des formes du relief… aucun arrangement régulier et répétitif, comme c'est le

cas de Kamech et d'Abdeladim, ne transparaît dans les ensembles décrits. Ajoutons à cela les problèmes de compatibilité des données (décrits dans les paragraphes VI.1.4) et il est aisé de comprendre la difficulté d'appliquer des traitements numériques en vue d'obtenir une typologie cohérente. En effet, pour qu'une classification puisse fonctionner et fournir au final des groupements de facettes topographiques du même type, il semble impératif que les structures spatiales présentent des organisations claires même si elles sont très complexes. Or ce n'est pas le cas ici. Toutefois, l'analyse réalisée dans ce paragraphe permet d'énoncer les règles de sélection des types de facettes topographiques :

• Deux classes représentatives des reliefs de commandement calcaires, la distinction résidant dans le front et le revers des reliefs, caractérisées par des pentes fortes mais sans règles au niveau de l'orientation.

• Une classe pour faire ressortir les reliefs de buttes qui marquent la limite sud du bassin versant. Si les pentes affichées pour cette classe sont similaires à celles des reliefs de commandement, il est impératif de les distinguer clairement dans la typologie car ils caractérisent deux paysages fondamentalement différents.

• Deux classes pour l'ensemble badlands et glacis fossilisés. Il est éventuellement possible de réunir ces deux ensembles dans la même classe, mais leur nature et les dynamiques hydriques et érosives auxquelles ils renvoient sont différentes. Ces deux ensembles marquent des segments de paysage bien distincts et doivent de ce fait être séparés dans la typologie des facettes topographiques.

• Une classe pour représenter les glacis plus récents et encore actifs de nos jours.

• Et enfin, deux classes pour caractériser les versants réguliers de l'amont du bassin- versant et les talus qui les surmontent.

Procédant suivant ces critères, il est possible de faire ressortir les trois paysages différents qui se juxtaposent sur El Hnach. Là encore, c'est à partir de ces critères que sont comparés les différents scénarios établis dans le but de trouver la meilleure classification pour la mise en œuvre de la typologie des facettes topographiques dans cet espace (figure 4.27).

Les diverses classifications réalisées, du fait du manque de paramètres et de la complexité organisationnelle de l'espace sur lequel elles sont appliquées ne semblent pas fournir de résultats satisfaisants vis-à-vis des critères de sélection énoncés précédemment. En effet, si l'on considère les scénarios avec un petit nombre de classes (CAH 4 et 5 ; K-means 4 et 5 ; Mixte 4 et 5) les grands ensembles apparaissent assez distinctement. Toutefois, de nombreux amalgames sont à signaler comme par exemple le rapprochement abusif entre facettes de glacis et de relief de commandement (mixte 4 et 5 ; K-means 4) ou encore les facettes badlands / crêts / relief de commandement (CAH 4 et 5 ; Mixte 5). En outre, ces classifications ne font pas vraiment ressortir dans des groupes différents les subtilités imposées par le relief de ce bassin versant. En ce qui concerne les classifications établies sur un nombre plus important de classes, les résultats ne sont pas beaucoup plus satisfaisants. Si les amalgames sont moins flagrants, ils restent toujours présents, de plus, des distinctions qui n'ont pas lieu d'être font aussi leur apparition. Les reliefs de commandement calcaires sont ainsi souvent disséqués en plusieurs classes, chacun de leurs ensembles définis étant rapprochés des formes du relief qui leur sont fondamentalement différentes… Enfin des différenciations trop importantes apparaissent aussi dans les espaces occupés par des badlands

si bien que les ensembles individualisés ne sont pas représentatifs de ce qui existe réellement sur le terrain.

Figure 4.27 : les différentes classifications testées pour le bassin versant d'El Hnach.

Les problèmes qui surviennent dans la classification automatique sont liés au fait que l'espace ne s'organise pas de manière logique. En effet, de nombreuses facettes qu'il est possible de rapprocher d'un point de vue qualitatif s'opposent sur le plan quantitatif : oppositions dans les orientations, divergences concernant les pentes moyennes… Il est d'ailleurs utile de signaler que dans ce cas l'altitude moyenne, même si elle pouvait améliorer les partitions, n'aurait certainement pas suffit à elle seule, à faire ressortir toutes les subtilités spatiales imposées par le relief. Le manque qu'elle impose par son absence n'est finalement pas réellement préjudiciable. Toutefois, si les méthodes automatiques ne proposent pas de résultats corrects ou adaptables, la mise en place de la typologie est nécessaire à la suite des traitements et est indispensable à l'établissement de la carte des segments de paysage dans cet espace. Il s'avère donc nécessaire pour El Hnach de procéder manuellement pour faire ressortir les différents critères énoncés plus hauts. De ce fait, le travail de reformulation manuel des classes utiles à la typologie des facettes topographiques vise à faire ressortir sept ensembles cohérents, regroupant des facettes similaires du point de vue de l'analyse effectuée sur les profils topographiques. Les sept classes établies sont exactement celles qui prennent part dans les critères formulés plus haut. Elles naissent de la confrontation des données qualitatives (annexe 3) disponibles (notamment la carte géologique, la carte des sols, et la carte de l'occupation des sols), de la comparaison avec la photographie aérienne et bien entendu de la connaissance empirique obtenue par les longues journées passées à sillonner cet espace…

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